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Décisions

ADLC, 24 janvier 2012, n° 12-D-05

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative au respect par la société SRR de l'injonction prononcée par la décision n° 09-MC-02 du 16 septembre 2009

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Laurent Binet, rapporteur, l'intervention de M. Sébastien Soriano, rapporteur général adjoint, par Mme Elisabeth Flüry-Hérard, vice-présidente, présidente de séance, Mme Pierrette Pinot, MM. Emmanuel Combe, Noël Diricq, Jean-Bertrand Drummen, Pierre Godé, membres.

ADLC n° 12-D-05

24 janvier 2012

L'Autorité de la concurrence (section IV),

Vu la décision n° 10-SO-06 du 20 juillet 2010, par laquelle l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office du respect, par la société SRR, de l'injonction prononcée à l'article 1er du dispositif de la décision n° 09-MC-02 du 16 septembre 2009 relative aux demandes de mesures conservatoires présentées par les sociétés Orange Réunion, Orange Mayotte et Outremer Télécom concernant des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à La Réunion (affaire enregistrée sous le numéro 10/0070 R) ; Vu la lettre enregistrée le 13 septembre 2010, sous le numéro 10/0082 R, par laquelle les sociétés Orange Réunion et Orange Mayotte ont saisi l'Autorité de la concurrence du non-respect, par la société SRR, de l'injonction prononcée à l'article 1er du dispositif de la décision n° 09-MC-02 du 16 septembre 2009, précitée ; Vu la lettre enregistrée le 22 septembre 2010, sous le numéro 10/0085 R, par laquelle la société Outremer Télécom a saisi l'Autorité de la concurrence du non-respect, par la société SRR, de l'injonction prononcée à l'article 1er du dispositif de la décision n° 09-MC-02 du 16 septembre 2009, précitée ; Vu les décisions des 16 et 24 septembre 2010 par lesquelles le rapporteur général adjoint a joint les affaires 10/0070 R, 10/0082 R et 10/0085 R ; Vu le livre IV du code de commerce modifié ; Vu l'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) n° 2010-1181 du 7 décembre 2010 ; Vu l'article 82 du traité CE, devenu 102 du TFUE ; Vu les décisions de secret des affaires n° 10-DSA-292 du 28 décembre 2010, n° 11-DSA-18 du 24 janvier 2011, n° 11-DSA-126, 132, 139 et 140 du 29 avril 2011, n° 11-DSA-255 du 10 août 2011, n° 11-DEC-26 et 27 du 4 août 2011, n° 11-DSA-216 à 218 du 11 juillet 2011, n° 11-DSA-316 et 317 du 20 octobre 2011 et n° 11-DEC-44 du 31 octobre 2011 ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu les observations présentées par les sociétés SRR, Orange Réunion, Orange Mayotte, Outremer Télécom et le commissaire du Gouvernement ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement, les sociétés SRR, Orange Réunion, Orange Mayotte et Outremer Télécom entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 14 novembre 2011 ; Le représentant de l'ARCEP entendu sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 du code de commerce ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LE RAPPEL DE LA PROCÉDURE

1. LA DÉCISION N° 09-MC-02 DU 16 SEPTEMBRE 2009

1. Les 4 et 19 juin 2009, les sociétés Orange Réunion, Orange Mayotte (ci-après ensemble " Orange "), d'une part, et Outremer Télécom, d'autre part, ont saisi l'Autorité de la concurrence (ci-après l'" Autorité ") de pratiques mises en œuvre par la société SRR sur le marché de la téléphonie mobile à La Réunion et à Mayotte.

2. Les saisissantes dénonçaient des pratiques de différenciation tarifaire abusives entre les appels "on net" (sur le même réseau) et les appels "off net" (vers un autre réseau) mises en œuvre par SRR sur les marchés réunionnais et mahorais. Outremer Télécom dénonçait également des pratiques de ciseau tarifaire. Les saisines étaient assorties de demandes de mesures conservatoires.

3. Dans sa décision n° 09-MC-02 du 16 septembre 2009 (ci-après la " décision n° 09-MC-02 "), l'Autorité a rappelé tout d'abord que, selon une pratique décisionnelle constante, le fait pour un opérateur en position dominante de pratiquer des différences de prix selon les réseaux est susceptible de constituer un abus au sens des articles L. 420-2 du code de commerce et 82 du traité CE, devenu 102 du TFUE, si cette pratique a pour objet ou peut avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché concerné. Néanmoins, une différenciation tarifaire peut trouver une justification objective, notamment par des différences de coûts entre les prestations : l'Autorité a jugé, par conséquent, nécessaire d'analyser les différences de coûts sous-jacents entre, d'une part, les appels "on net" et les appels "off net" et, d'autre part, entre les SMS "on net" et les SMS "off net" (paragraphe 44).

4. L'Autorité a indiqué que, schématiquement, un appel mobile est composé d'un départ d'appel puis d'une terminaison d'appel (ou ci-après la " TA "). Pour un appel "on net", le départ d'appel et la terminaison d'appel se font sur le même réseau et l'opérateur n'a donc à supporter que deux opérations internes. Pour un appel "off net", l'opérateur de l'appelant assure le départ de l'appel puis le livre à l'opérateur de l'appelé qui va assurer la terminaison d'appel. L'opérateur de l'appelé va facturer à l'opérateur de l'appelant cette prestation de terminaison d'appel. Ainsi, pour un appel "off net", l'opérateur va devoir assurer le départ de l'appel puis acheter une prestation de terminaison d'appel à un opérateur tiers (paragraphe 45).

5. L'Autorité a ensuite souligné que les coûts de départ d'un appel "on net" et ceux d'un appel "off net" peuvent être considérés comme identiques, les éventuelles différences étant minimes. Dès lors, la différence du coût de production entre un appel "on net" et un appel "off net" repose exclusivement sur la différence des coûts entre la terminaison d'un appel "on net" et la terminaison d'un appel "off net" (paragraphe 46).

6. Pour appréhender la pratique dénoncée par les saisissantes, l'Autorité a indiqué qu'il était nécessaire d'établir une comparaison entre, d'une part, les écarts de terminaison d'appel et SMS entre opérateurs et, d'autre part, les écarts de prix pratiqués par la société SRR entre les appels et SMS "on net" et "off net". A ce stade de l'instruction, seuls des résultats partiels pouvaient être présentés (paragraphe 48).

7. La comparaison entre les écarts mentionnés ci-dessus a conduit l'Autorité à considérer que la très grande majorité des offres proposées par SRR sur les marchés réunionnais et mahorais était susceptible d'avoir comporté, voire de continuer à comporter, des tarifs différenciant les appels vocaux et les SMS "on net" et "off net" dans des proportions qui n'apparaissaient pas justifiées par des différences de coûts sous-jacents (paragraphe 65).

8. L'Autorité a retenu que la pratique en cause était susceptible d'accroître artificiellement l'attractivité des appels "on net" sur le réseau SRR, renforçant ainsi l'effet club dont cette société bénéficiait déjà naturellement du fait de sa taille (paragraphe 67).

9. Considérant que les pratiques mises en œuvre par SRR portaient une atteinte grave et immédiate au marché, l'Autorité a enjoint à cette entreprise, à l'article 1er du dispositif de la décision n° 09-MC-02 précitée dans l'attente d'une décision au fond de : " faire en sorte que, pour toutes les offres comportant des tarifs différents pour les appels vocaux et SMS "on net", d'une part, et "off net", d'autre part, l'écart entre ces tarifs "on net" et "off net" ne dépasse pas l'écart entre les coûts que SRR supporte pour l'acheminement de ces deux types d'appels. Cette injonction s'applique pour l'ensemble des nouvelles offres commercialisées. Pour les contrats en cours d'exécution, cette injonction concerne l'ensemble des offres prépayées, des forfaits Intégral, Maxxi et Compte Bloqué. La société SRR en informera ses clients par mention selon la formule suivante : "Appliquer à ses clients des tarifs d'appel ou de SMS différents selon que l'appel ou le message sont destinés à un correspondant client du même opérateur que l'appelant ou à un correspondant client d'un autre opérateur favorise indûment l'opérateur qui dispose du plus grand nombre de clients. Afin de mettre un terme à cette distorsion de concurrence, l'Autorité de la concurrence demande à SRR de ne plus différencier ses tarifs entre les deux types d'appel ou de message au-delà des écarts de coûts qu'elle supporte pour ces deux types d'appel ou de message. SRR propose donc de nouveaux tarifs respectant cette exigence" sur leur prochaine facture et par affichage visible dans les espaces de vente SRR. La société SRR devra mettre en œuvre ces injonctions au plus tard le 1er décembre 2009 à La Réunion et le 1er février 2010 à Mayotte ".

10. L'article 2 du dispositif enjoignait également à SRR d'adresser à l'Autorité, sous pli recommandé avec demande d'avis de réception, un rapport d'exécution des mesures prononcées à l'article 1er, au plus tard le 1er mars 2010.

11. La décision n° 09-MC-02 est devenue définitive faute de recours exercé à son encontre.

2. LA PRÉSENTE PROCÉDURE

a) La saisine d'office de l'Autorité

12. Le 1er mars 2010, SRR a adressé son rapport d'exécution à la rapporteure générale de l'Autorité. Aux termes de celui-ci, l'entreprise conclut que : " Les éléments fournis par SRR dans le présent rapport attestent de la mise en œuvre scrupuleuse par SRR des mesures conservatoires décidées par l'Autorité dans sa décision du 16 septembre 2009 " (cotes 38-46).

13. Cependant, le rapport d'exécution faisait apparaître le maintien à La Réunion, comme à Mayotte, d'une différenciation tarifaire entre les appels "on net" et les appels "off net" sur plusieurs des nouvelles offres et des offres en cours d'exécution commercialisées par SRR, postérieurement aux délais impartis à l'entreprise pour mettre en œuvre l'injonction prononcée par l'Autorité, à savoir, le 1er décembre 2009 pour La Réunion et le 1er février 2010 pour Mayotte.

14. Par décision n° 10-SO-06 du 20 juillet 2010, l'Autorité s'est saisie d'office, à la demande de la rapporteure générale, du respect de l'injonction prononcée par la décision n° 09-MC-02. Cette saisine a été enregistrée sous le numéro 10/0070 R.

b) Les saisines d'Orange et d'Outremer Télécom

15. Les 13 et 22 septembre 2010, Orange et Outremer Télécom ont également saisi l'Autorité, au motif que SRR aurait méconnu l'injonction prononcée à son encontre dans la décision n° 09-MC-02.

16. Dans sa saisine, Orange fait valoir que les écarts tarifaires entre les terminaisons d'appel des opérateurs à La Réunion et à Mayotte ont été considérablement réduits depuis le début de l'année 2010 et ne seraient plus que de 1,5 c€/min entre SRR et Orange (au lieu de 2,5 c€/min auparavant, soit une baisse de 40 %) et de 5,5 c€/min entre SRR et Outremer Télécom (au lieu de 9 c€/min auparavant, soit une baisse de 39 %). Or, SRR aurait ignoré l'évolution de ces coûts sous-jacents. En effet, elle aurait maintenu l'écart de 3c€/min entre les appels "on net" et "off net" dans ses tarifs de détail après le 1er janvier 2010 à La Réunion. SRR aurait aussi appliqué ce même écart à Mayotte à compter du 1er février 2010. Selon Orange, SRR aurait dû modifier, dès le 1er janvier 2010, les tarifs des appels "on net" et "off net" de ses offres de détail à La Réunion, de sorte que l'écart entre ces tarifs "on net" et "off net" ne dépasse pas 1,5 c€/min s'agissant des appels vers Orange Réunion ou moins de 1,8 c€/min si l'on retient une logique de coûts moyens pondérés de terminaison d'appel "off net", couvrant les appels à destination d'Orange Réunion et d'Outremer Télécom (soit une baisse de 40 % par rapport à l'écart de 3c€ jusqu'alors toléré). SRR aurait également dû appliquer dans ses offres de détail à Mayotte, dès le 1er février 2010, des écarts tarifaires ainsi resserrés entre appels "on net" et "off net".

17. Dans sa saisine, Outremer Télécom fait valoir qu'en dépit de l'évolution tarifaire des charges de terminaison d'appel, elle a constaté que, pour une part importante de son parc prépayé, soit environ 50 % du parc existant, SRR proposait, depuis le 1er janvier 2010, des différenciations tarifaires entre les appels "on net" et "off net" non justifiées par les écarts de coûts liés à l'acheminement de ces deux types d'appel.

c) La jonction de l'instruction des saisines

18. Les saisines n° 10/0070 R, 10/0082 R et 10/0085 R ont été jointes par décisions du rapporteur général adjoint de l'Autorité des 16 et 24 septembre 2010.

d) Le rapport notifié à SRR

19. L'article L. 464-3 du code de commerce dispose que " si les mesures, injonctions ou engagements prévus aux articles L. 464-1 et L. 464-2 [du code de commerce] ne sont pas respectés, l'Autorité de la concurrence peut prononcer une sanction pécuniaire dans les limites fixées à l'article L. 464-2 ".

20. L'article R. 464-9 du même code prévoit que : " Pour l'application de l'article L. 464-3, l'Autorité de la concurrence se prononce après avoir été saisie dans les conditions prévues par l'article L. 462-5. Sa décision est précédée de l'établissement d'un rapport qui est adressé aux parties et au commissaire du Gouvernement, qui disposent d'un délai de deux mois pour présenter leurs observations écrites. En cas d'urgence, ce délai peut être ramené à un mois par le rapporteur général. Les parties et le commissaire du Gouvernement peuvent également présenter des observations orales lors de la séance ".

21. Conformément aux dispositions de l'article R. 464-9 cité ci-dessus, les services d'instruction de l'Autorité ont adressé un rapport aux parties ainsi qu'au commissaire du Gouvernement, le 9 août 2011. Ce rapport estime que : " SRR a méconnu l'injonction prononcée à l'article 1er du dispositif de la décision n° 09-MC-02 du 16 décembre 2009, en ne faisant pas en sorte que pour toutes les offres comportant des tarifs différents pour les appels vocaux "on net", d'une part, et "off net", d'autre part, l'écart entre ces tarifs "on net" et "off net" ne dépasse pas l'écart entre les coûts qu'elle supporte pour l'acheminement de ces types d'appels ".

B. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

22. Trois opérateurs mobiles sont actifs à La Réunion et à Mayotte : SRR, Orange et Outremer Télécom.

23. SRR, filiale de l'opérateur métropolitain SFR, a été le premier d'entre eux à proposer des services de téléphonie mobile, dès 1996 à La Réunion et dès 2002, à Mayotte. Orange Réunion a lancé la commercialisation de ses services à La Réunion à l'été 2000 et Orange Mayotte sur l'île mahoraise en avril 2007. Outremer Télécom est entrée sur ces marchés en décembre 2006 à Mayotte et en avril 2007 à La Réunion.

24. Outre les offres commerciales proposées sous leurs propres marques, les trois opérateurs exploitent des licences de marque, dont notamment NRJ Mobile (accord signé avec SRR en 2005), Universal Music Mobile et Antenne Réunion Mobile (accords signés avec Orange Réunion en 2007) et Trace Mobile (accord signé avec Outremer Télécom en avril 2009). Les opérateurs commercialisent des offres spécifiques pour chacune des deux îles.

25. SRR, en situation de monopole jusqu'en 2000, a vu sa part de marché diminuer sensiblement à l'arrivée d'Orange à La Réunion, qui a rapidement conquis entre 25 et 30 % du marché. Néanmoins, depuis 2002, la part de marché d'Orange n'a guère évolué. L'entrée d'Outremer Télécom sur le marché au début de l'année 2007 s'est traduite par une nouvelle érosion de la part de marché de SRR qui est tombée entre 65 et 70 % tandis que le nouvel entrant s'octroyait un peu moins de 10 % du parc de clients.

26. Dans l'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes n° 2010-1181 du 7 décembre 2010, transmis à l'Autorité dans le cadre de la présente affaire (ci-après l' " avis de l'ARCEP "), il est indiqué qu'en 2009, la répartition des parts de marché était la suivante :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

C. LE SECTEUR D'ACTIVITÉ CONCERNÉ

1. UN SECTEUR MATURE

27. En matière d'enjeux concurrentiels, le marché mobile de La Réunion semble mature en termes de parc clients, au regard de la faible croissance de la pénétration enregistrée entre 2007 et 2009 sur l'île. Dans son avis, l'ARCEP estime, à fin décembre 2009, le taux de pénétration total à 110 % à La Réunion, taux nettement supérieur à la métropole, en raison du double équipement plus fréquent, et à 90% à Mayotte.

28. Les deux îles rassemblent un peu plus d'un million de lignes actives de téléphonie mobile, dont près de 900 000 lignes à La Réunion et un peu plus de 150 000 à Mayotte. Si les services de téléphonie mobile ont été lancés à La Réunion et à Mayotte, respectivement trois ans et dix ans après la métropole, le secteur présente aujourd'hui dans cette zone un niveau de maturité comparable à celui de la métropole, puisque le taux de pénétration actif de la téléphonie mobile a atteint 100 % en mars 2009, taux supérieur à celui de la métropole qui est d'environ 88,9 %. Néanmoins, dans son avis, l'ARCEP souligne la moindre pénétration des services de téléphonie mobile à Mayotte, avec un taux de pénétration actif de 83 % à fin décembre 2009, nettement plus faible qu'à La Réunion ou sur d'autres territoires français.

29. La forte pénétration des services de téléphonie mobile, notamment à La Réunion, peut s'expliquer, tout d'abord, par une couverture très élevée de la population par les réseaux, ensuite, par une appétence singulière des consommateurs locaux pour les produits de haute technologie, et enfin par la pratique plus fréquente qu'en métropole du double équipement (usage de plusieurs cartes SIM en fonction de l'opérateur appelé).

2. L'IMPORTANCE DES OFFRES PRÉPAYÉES

30. Les marchés concernés se caractérisent par une part importante de clients optant pour les services prépayés, contrairement à la métropole. Ainsi le parc mobile de la zone Réunion-Mayotte était, au 30 septembre 2010, composé de 52 % de lignes prépayées contre moins de 32 % en métropole. La proportion des services prépayés est sensiblement plus élevée à Mayotte, où les trois quarts des consommateurs mahorais ont choisi ce type d'offres.

3. UNE STRUCTURATION DIFFÉRENTE DES OFFRES PAR RAPPORT À LA MÉTROPOLE

31. S'agissant des offres post-payées, les clients ne s'abonnent pas, comme en métropole, à un forfait une heure ou deux heures, leur donnant droit à un crédit de communications exprimé en temps, mais à un forfait de 20 euros ou 30 euros, leur donnant droit à un crédit de communications exprimé en valeur. Les appels passés par l'abonné s'imputent sur son forfait, exprimé en valeur, selon le tarif de chaque type de communication. Ainsi, au sein du forfait, les opérateurs ont la possibilité de moduler leurs tarifs selon la destination de l'appel (appel mobile "on net", appel mobile "off net", appel fixe local, international, etc.). En réalité, les forfaits en valeur constituent des minima de facturation mensuelle pour l'abonné : plus le minimum de facturation est élevé, plus les tarifs de communications sont attractifs.

32. Par ailleurs, la quasi-totalité des offres des trois opérateurs de la zone repose sur une tarification incluant une première minute indivisible suivie d'une facturation à la seconde ou par paliers de 15 ou 30 secondes. Alors que les opérateurs métropolitains ont abandonné depuis plusieurs années cette structure de tarification pour la plupart de leurs offres, celle-ci perdure à La Réunion et à Mayotte. Néanmoins, la tarification des appels à la seconde, dès la première seconde, a été étendue à l'outre-mer par la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM), entrée en vigueur le 1er novembre 2009. L'article L. 113-4 du code de la consommation dans sa nouvelle rédaction prévoit que les opérateurs sont tenus de proposer au moins une offre pour laquelle la tarification des communications à destination du territoire national sont facturées à la seconde, dès la première seconde.

33. Cette mesure avait été largement anticipée dans la zone Antilles-Guyane, où la grande majorité des offres proposées étaient déjà facturées à la seconde, dès la première seconde. Dans la zone Réunion-Mayotte, une refonte des tarifs a été nécessaire pour que les opérateurs soient désormais en conformité avec la loi.

D. LES PRATIQUES RELEVÉES

1. LE MAINTIEN DE DIFFÉRENCIATIONS TARIFAIRES "ON NET"/"OFF NET"

34. Au stade de la décision de mesures conservatoires, SRR avait déclaré " être disposée à ne plus commercialiser aucune offre incluant des différenciations tarifaires "on net"/"off net", tant sur la voix que sur les SMS " (paragraphe 25 de la décision n° 09-MC-02 précitée).

35. Cependant, il ressort du rapport d'exécution des mesures conservatoires que SRR a maintenu sur certaines de ses offres des gammes prépayées et forfaits bloqués un écart entre le prix des appels "on net" et "off net" allant de 2 à 3 c€ TTC/minute à La Réunion (soit 1,83 c€ à 2,76 c€ HT/minute) et jusqu'à 5 c€/minute à Mayotte, cette différenciation tarifaire étant applicable pour certaines offres à toute heure de la journée, et pour d'autres sur des plages horaires spécifiques (soir, week-end et jours fériés). En revanche, SRR a supprimé la différenciation tarifaire pour les SMS "on net" et "off net" (tarification " flat ").

36. Interrogé lors d'une audition sur les raisons l'ayant conduit à maintenir des écarts "on net"/"off net", l'opérateur a indiqué que " la décision [de mesures conservatoires] ne nous a pas interdit de maintenir un écart de prix entre appels on-net et off-net " (cote 1083) et a précisé que " la motivation de la SRR à maintenir des écarts est issue d'une régulation asymétrique du marché de gros. Le maintien d'écarts de tarifs entre appels on-net et off-net reflète directement la structure de coûts de nos appels " (cote 1083).

37. Par ailleurs, SRR ne pratique pas de différenciation tarifaire entre appels "off net" à destination du réseau d'Orange et appels "off net" à destination du réseau d'Outremer Télécom. Au cours de son audition, SRR a expliqué qu'il s'agissait d'un " choix marketing consistant à appliquer un tarif unique pour les appels "off net", afin d'offrir plus de lisibilité à [ses] clients " (cote 400). L'avis de l'ARCEP a relevé, à cet égard, que cette tarification unique, " sous réserve qu'elle ne dépasse pas l'écart des coûts que SRR supporte pour acheminer les appels "on net" d'une part, et "off net" d'autre part ", peut être considérée comme pertinente, bien qu'une tarification identique pour l'ensemble des appels, "on net" comme "off net", paraisse à l'ARCEP " encore plus pertinente " (cote 300). Le maintien d'une différentiation tarifaire entre appels "on net" et "off net" sur certaines offres prépayées et forfaits bloqués, de même que l'écart entre ces deux tarifs (de 2 à 3 c€ à La Réunion, de 3 à 5 c€ à Mayotte) relève donc de choix commerciaux opérés par SRR.

38. Sont détaillées, ci-dessous, les offres de SRR concernées par les différenciations tarifaires "on net"/"off net". Il convient de rappeler qu'à La Réunion les services de détail de téléphonie mobile incluent un taux de TVA de 8,5 %. La TVA n'étant pas appliquée à Mayotte, les prix faciaux de détail sont hors taxe.

a) Pour les nouvelles offres commercialisées par SRR

39. Les nouvelles offres commercialisées par SRR ont, pour la plupart, été lancées avant l'adoption de la décision n° 09-MC-02 précitée. Ces offres sont regroupées autour de trois gammes : les offres prépayées, les forfaits et les forfaits bloqués. Dans son rapport d'exécution, SRR distingue les offres commercialisées à La Réunion de celles commercialisées à Mayotte.

40. Les tableaux ci-dessous reprennent les nouvelles offres commercialisées par SRR pour lesquelles cette dernière a maintenu une différenciation tarifaire entre les appels "on net" et les appels "off net", ainsi que le montant de l'écart tarifaire en cause :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

b) Pour les offres en cours d'exécution

41. L'injonction prononcée par la décision n° 09-MC-02 précitée visait spécifiquement certaines offres de SRR en cours d'exécution : " Pour les contrats en cours d'exécution, cette injonction concerne l'ensemble des offres prépayées, des forfaits Intégral, Maxxi et Compte bloqué ".

42. Les tableaux ci-dessous reprennent les offres en cours d'exécution pour lesquelles SRR a maintenu une différenciation tarifaire entre les appels "on net" et les appels "off net", ainsi que le montant de l'écart tarifaire en cause. Cette différenciation n'existait que durant certaines plages horaires :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

2. LES ÉVOLUTIONS TARIFAIRES ULTÉRIEURES

43. En 2010, SRR a modifié à nouveau les plans tarifaires des forfaits bloqués et des offres prépayées qui comportaient toujours une différenciation tarifaire "on net"/"off net" à la date d'entrée en vigueur de l'injonction. Les forfaits bloqués sont ainsi devenus " flat " le 15 décembre 2010 et les offres prépayées le 17 mai 2010 (à Mayotte) et le 1er décembre 2010 (à La Réunion). SRR a déclaré ainsi : " Au 1er janvier 2011, 100 % de nos offres commercialisées sont (...) flat. En revanche, il reste une proportion de nos clients en parc (abonnés exclusivement) qui sont encore positionnés sur des offres comportant une différenciation tarifaire que ces clients avaient souscrit et qui n'étaient pas concernées par les mesures conservatoires. Ces clients migrent petit-à-petit sur des offres plus récentes, ne comportant pas de différentiel tarifaire. (...) Pour les comptes bloqués et les offres prépayées, le passage des offres en "flat" a concerné les clients en conquête ainsi que les clients en parc. La totalité des clients comptes bloqués et prépayés sont donc en flat à ce jour " (cote 398).

II. Discussion

A. SUR LE RESPECT DE L'INJONCTION

44. L'injonction figurant à l'article 1er du dispositif de la décision n° 09-MC-02 précitée imposait à SRR de faire en sorte que, pour toutes les offres qu'elle commercialise et qui comportent des tarifs différents pour les appels vocaux "on net", d'une part, et "off net", d'autre part, l'écart entre ces tarifs "on net" et "off net" ne dépasse pas l'écart entre les coûts que SRR supporte pour l'acheminement de ces deux types d'appels. Cette injonction était applicable au plus tard le 1er décembre 2009 à La Réunion et le 1er février 2010 à Mayotte.

45. Au cas présent, il s'agit donc de déterminer l'écart entre les coûts que SRR supporte pour l'acheminement des appels "on net" et des appels "off net", afin de savoir s'ils sont susceptibles de justifier les différenciations tarifaires pratiquées par SRR pour ces deux types d'appels, dans certaines de ses offres. A cette fin, il convient, tout d'abord, de rappeler la méthode de calcul des coûts à utiliser en l'espèce (2), puis de l'appliquer au cas présent (3). Au préalable, seront rappelés les différents types de coûts en cause dans la présente affaire (1).

1. LES DIFFÉRENTS TYPES DE COÛTS EN CAUSE DANS LA PRÉSENTE AFFAIRE

a) Les coûts de terminaison d'appel dans la zone Réunion-Mayotte

46. L'avis de l'ARCEP indique que la prestation de terminaison d'appel est généralement facturée par les opérateurs selon deux composantes : une charge d'usage, dont l'unité de mesure est la minute de communication, et une charge de capacité, dont l'unité de mesure est le nombre de Blocs Primaires Numériques (ci-après le " BPN ").

47. Les deux composantes de la prestation de terminaison d'appel font l'objet d'un encadrement tarifaire par la régulation sectorielle qui fixe deux plafonds tarifaires distincts. La prestation d'acheminement du trafic de terminaison d'appel est tarifée en c€/minute. La composante de capacité formée par la location de blocs primaires numériques est, quant à elle, tarifée de manière unitaire en €/BPN/an (1). Certains opérateurs ultramarins, comme Outremer Télécom, utilisent cependant une structure tarifaire ne comportant pas de composante relative au BPN.

48. Pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2010, la terminaison des appels vocaux de SRR, Orange Réunion et Outremer Télécom était régie par la décision d'encadrement tarifaire de l'ARCEP n° 2009-0655 du 27 juillet 2009. Les plafonds tarifaires sont identiques à La Réunion et à Mayotte.

49. Entre 2009 et 2010, l'évolution des montants de la terminaison d'appel des trois opérateurs en cause a été la suivante (les prix sont exprimés HT) :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

b) Les coûts de transit

50. L'avis de l'ARCEP indique également que, pour permettre à ses abonnés de joindre les abonnés des autres opérateurs ou d'être joints par eux, chaque opérateur doit interconnecter son réseau avec les réseaux des autres opérateurs. Lorsqu'ils n'ont pas signé d'accord d'interconnexion avec un opérateur mobile donné, les opérateurs mobiles ont recours à un opérateur tiers disposant d'un tel accord et des infrastructures correspondantes, qui assure l'acheminement des communications et fournit donc une prestation d'intermédiation. Le choix de l'interconnexion directe ou indirecte (en transit), relève de la stratégie de chaque opérateur sur le marché de gros et aucune obligation réglementaire ne leur est imposée sur ce point.

51. SRR est en interconnexion directe avec Outremer Télécom ainsi qu'avec Orange Réunion pour les SMS. En revanche, SRR n'est pas en interconnexion directe avec Orange Réunion pour les échanges de trafic voix et a recours, pour l'acheminement de ses appels, à destination d'Orange Réunion à La Réunion comme à Mayotte, à une prestation de transit fournie par France Télécom. L'opérateur supporte donc des surcoûts liés au transit via France Télécom de son trafic à destination du réseau d'Orange Réunion. Lors de son audition, SRR a ainsi indiqué : " FT nous facture des BPN (en fonction de nos capacités d'interconnexion avec leur réseau) et des liaisons de raccordement (obligatoires pour l'interconnexion avec leur réseau) " (cote 413). Lors d'une audition, SRR a encore précisé que : " s'agissant de l'année 2009, la prise en compte des coûts de transit surenchérit de 3 % le coût de l'appel vers Orange Réunion, soit un surenchérissement de 6,2 % de l'écart de coûts. Ce coût de transit est d'autant plus important que par rapport au passé, les écarts de TA sont désormais plus réduits " (cote 400).

2. SUR LA MÉTHODE DE CALCUL DES COÛTS À RETENIR

52. Comme il a été indiqué plus haut, il s'agit de déterminer les écarts entre les coûts que SRR supporte pour l'acheminement des appels "on net" et "off net" (ou " écarts de coûts sous-jacents "). Dans ce cadre, se pose la question des coûts pertinents à prendre en compte et du type de méthode à appliquer pour évaluer le coût d'un appel "off net".

a) Les arguments des parties

SRR

53. SRR souligne, à titre liminaire, que la décision n° 09-MC-02 précitée ne fait mention d'aucune méthode pour calculer les écarts de coûts sous-jacents. Elle ajoute qu'il n'existerait d'ailleurs actuellement aucune méthodologie officiellement reconnue permettant de calculer l'écart à respecter entre un appel "on net" et un appel "off net". Elle en déduit qu'en application de la jurisprudence de la cour d'appel de Paris et à la lecture de l'injonction, elle était libre de choisir sa propre méthode de calcul.

54. SRR explique ensuite " qu'avant d'effectuer ses calculs, [elle] s'est posée la question de savoir quels étaient les coûts dont la valeur diffère selon que l'appel est "on net" ou "off net" ". SRR indique ainsi qu'elle comptabilise le BPN facturé par Orange dans le calcul des coûts qu'elle supporte pour l'acheminement d'un appel "off net", mais ne comptabilise pas son propre BPN dans le calcul des coûts qu'elle supporte pour l'acheminement d'un appel "on net", même si elle le facture à ses concurrents lorsque ces derniers souhaitent faire aboutir un appel sur son réseau. SRR considère, en effet, que seule la charge d'usage de terminaison d'appel doit être comptabilisée au titre des coûts supportés pour l'acheminement d'un appel "on net". Elle le justifie de la manière suivante : " le BPN est exclusivement lié à l'interconnexion, or nous ne sollicitons pas ces éléments techniques lorsque nous acheminons un appel "on net" " (cote 797).

55. SRR fait valoir également qu'en l'absence d'interconnexion directe entre Orange et SRR, France Télécom facture à SRR des coûts d'interconnexion intermédiaires qui constituent une composante de ses coûts directement liés à l'acheminement d'un appel "off net" vers Orange. Il s'agirait donc, selon SRR, d'un coût venant s'ajouter à la TA payée à Orange, qui devrait être pris en compte pour le calcul des coûts d'un appel "off net". SRR souligne qu'en outre, elle n'a jamais fait le choix de ne pas être en interconnexion directe avec Orange et donc que les coûts d'interconnexion lui auraient été imposés.

56. Par ailleurs, SRR a transmis une étude économique qui propose de prendre en compte, pour le calcul de l'écart entre les coûts supportés pour l'acheminement d'un appel "on net" et "off net", les coûts commerciaux et les coûts fixes communs. Ce mode de calcul conduirait à la conclusion que l'écart de coûts entre les appels "on net" et "off net" est " très nettement supérieur à l'écart de prix calculé " à partir des seuls coûts de terminaison d'appel.

57. En ce qui concerne le type de méthode à appliquer pour évaluer le coût moyen d'un appel "off net", SRR indique qu'elle a fait le choix de la moyenne dite " pondérée ", qui consiste à pondérer les coûts des appels vers Orange, d'une part, et vers Outremer Télécom, d'autre part, afin d'obtenir un coût "off net" pondéré. Selon SRR, cette méthode refléterait parfaitement la réalité des coûts "off net" supportés par elle et serait la seule méthode envisagée de façon explicite par la décision n° 09-MC-02 précitée. SRR explique également qu'elle a choisi d'appliquer une méthode " a priori " consistant à déterminer, à partir des trafics "off net" constatés entre juillet et septembre 2009, les écarts entre le prix des appels "on net" et "off net" applicables en 2010. SRR explique ainsi avoir effectué ses calculs en utilisant la répartition des trafics suivante : 76 % vers Orange et 24 % vers Outremer Télécom pour La Réunion et 83,9 % vers Outremer et 16,1 % vers Orange pour Mayotte. SRR a aussi indiqué que, comme base de clients pour calculer le taux de pondération, c'est-à-dire la proportion d'appels "off net" passés vers Orange et vers Outremer Télécom, elle a retenu uniquement les trafics des gammes d'offres comportant des différenciations tarifaires, à savoir les offres prépayées et les forfaits bloqués, car les clients de ces offres ont davantage de correspondants clients d'Outremer Télécom. En outre, il aurait été peu utile d'intégrer les abonnements classiques dans les calculs, puisqu'à cette époque, ces derniers étaient devenus " flat ".

58. Enfin, en ce qui concerne les offres pour lesquelles la différenciation tarifaire n'existe que durant certaines plages horaires, SRR fait valoir qu'en retenant un écart de prix de 3 ct€ entre appels "on net" et "off net", elle a adopté un tarif particulièrement conservateur car, selon elle, l'écart de 3 ct€ devrait être appliqué à la totalité des périodes (tranche horaire illimitée et tranches non-illimitées) et non uniquement sur la tranche horaire illimitée. En effet, appliquer un écart de 3 ct€ en période illimitée et un tarif flat en dehors reviendrait à appliquer sur l'ensemble de la période un écart bien inférieur à 3 ct€, comme en attesterait le tableau figurant au point 103 de ses observations.

59. En effectuant ses calculs selon la méthode qu'elle préconise, SRR aboutit à la conclusion que l'écart à respecter pour les tarifs pratiqués à La Réunion était de 3,031 ct€ TTC. Quant à Mayotte, cet écart s'élevait à 5,09 ct€. SRR allègue ainsi que ses choix tarifaires respectaient parfaitement l'injonction puisque l'écart des tarifs pratiqués à La Réunion et à Mayotte ne dépassait pas 3 ct€ TTC et 5 ct€, respectivement.

Orange

60. Orange souligne que les coûts de BPN ainsi que les coûts de transit n'ont pas été pris en compte par l'Autorité dans sa décision n° 09-MC-02 précitée pour estimer que les pratiques tarifaires de SRR étaient susceptibles d'enfreindre le droit de la concurrence et prononcer l'injonction à l'encontre de SRR. Elle en conclut que ces coûts ne sauraient être considérés comme pertinents dans le cadre d'une procédure visant à contrôler le respect par SRR de l'injonction qui lui a été faite. Selon Orange, seules les charges de TA, auxquelles l'Autorité se serait exclusivement référée dans sa décision n° 09-MC-02 précitée, devraient être prises en compte dans le calcul de l'écart des coûts entre les appels "on net" et les appels "off net".

61. S'agissant du choix de la moyenne pondérée pour le calcul du coût des appels "off net", Orange indique qu'elle n'y est pas favorable. En effet, elle considère que les écarts de tarifs entre communications "on net" et "off net" de SRR doivent être calés sur les écarts de coûts sous-jacents. Si un opérateur choisit donc de différencier ses tarifs "off net" plutôt que de proposer des tarifs " flat " pour tous types d'appels, il devrait y avoir autant de tarifs "off net" que d'écarts de terminaison d'appels différents, sauf à fausser l'avantage concurrentiel des opérateurs qui proposent les plus faibles écarts de terminaison d'appels.

Outremer Télécom

62. Outremer Télécom soutient que SRR a tenté artificiellement de baisser les coûts qu'elle supporte pour un appel "on net" en en retranchant les coûts de BPN, alors qu'elle les comptabilise pour les appels "off net". Une telle approche irait à l'encontre du bon fonctionnement de la concurrence, puisque tant l'Autorité que l'ARCEP l'auraient mise en garde contre des pratiques visant à discriminer entre les tarifs des terminaisons d'appels que SRR se fournit à elle-même et celles qu'elle fournit aux autres opérateurs. Outremer Télécom fait également valoir que SRR tente d'augmenter le coût de ses appels "off net" à destination du réseau d'Orange Réunion en comptabilisant les surcoûts liés au transit. Or, il apparaîtrait clairement que l'absence d'interconnexion directe résulte d'un choix technique de SRR dont l'efficacité serait contestable.

63. Outremer Télécom fait valoir ensuite que la méthode de la moyenne des coûts pondérés serait la plus adaptée pour déterminer l'écart tarifaire à respecter entre les appels "on net" et les appels "off net", d'abord parce qu'elle est la plus conforme à l'intérêt des consommateurs en permettant qu'un seul tarif leur soit facturé pour les appels "off net", ensuite parce que c'est cette méthode, déjà mise en œuvre dans l'affaire " Orange Caraïbe " à la suite de la décision du Conseil de la concurrence n° 04-MC-02 du 9 décembre 2004 relative à une demande de mesures conservatoires présentées par la société Bouygues Télécom Caraïbe à l'encontre de pratiques mises en œuvre par les sociétés Orange Caraïbe et France Télécom, qui a été utilisée dans la décision de mesures conservatoires.

64. L'opérateur considère, en revanche, que l'ensemble du trafic résidentiel sortant de SRR devrait être utilisé comme base du calcul de pondération, afin d'éviter que SRR " optimise son différentiel on-net/off-net selon les offres concernées ", en appliquant un écart plus important pour les segments de marché les plus sensibles au prix, comme celui des jeunes abonnés.

b) La position exprimée par les services d'instruction

65. Au stade de leur position finale, exprimée à l'issue du débat contradictoire mené avec la société SRR, les services d'instruction de l'Autorité ont rappelé que, comme le préconise la jurisprudence et la pratique décisionnelle de l'ARCEP, SRR est tenue de se fournir en propre la terminaison d'appel dans les mêmes conditions, notamment tarifaires, que celles consenties à ses concurrents. Ainsi, SRR facturant à ses concurrents à la fois la charge d'usage de terminaison d'appel et le BPN pour faire aboutir un appel sur son réseau, elle devrait comptabiliser ces deux composantes dans les coûts qu'elle supporte pour l'acheminement des appels "on net". Par ailleurs, SRR ne pourrait répercuter sur les appels "off net" les coûts de transit, qui résultent de choix techniques inefficaces et qui ont pour effet d'accroître artificiellement la différenciation entre ses tarifs "on net" et "off net". Quant aux coûts communs et commerciaux, ceux-ci ne pourraient pas non plus être pris en compte dans le calcul de l'écart entre les coûts des appels "on net" et des appels "off net" puisque l'étude économique transmise par SRR ne démontrerait pas en quoi ces coûts constitueraient un motif valable de différenciation tarifaire entre ces deux types d'appels.

66. Afin de calculer le coût supporté par SRR pour un appel "off net", les services d'instruction ont proposé de retenir la méthode de la moyenne pondérée réalisée à partir des éléments de trafic fournis par SRR et reflétant la répartition des volumes de trafic "off net" des seules offres prépayées et compte bloqués, pour la période de juin à septembre 2009.

67. Les calculs réalisés par les services d'instruction ont fait apparaître les écarts de coûts suivants entre les appels "on net" et "off net" :

- à La Réunion : 4,39 c€ TTC en 2009 et 2,651 c€ TTC en 2010 ;

- à Mayotte : 4,787 c€ en 2010.

68. Selon cette méthode de calcul, quatre offres commercialisées à La Réunion en 2010 (deux offres prépayées et deux comptes bloqués), soit près de 170 000 clients sur les 515 000 clients de SRR sur l'île (33 % du parc de l'opérateur), ne respectent pas l'injonction dans la mesure où l'écart entre les tarifs "on net" et "off net" des offres en cause dépasse les écarts de coûts que SRR supportait, à cette époque, pour l'acheminement de ces deux types d'appels.

69. S'agissant des offres pour lesquelles il n'existe une différenciation tarifaire que durant certaines plages horaires, les services d'instruction ont constaté l'impossibilité, à ce stade de la procédure, de porter une appréciation sur les calculs préconisés par SRR, tenant compte du volume des communications consommées aux deux périodes de la journée (voir paragraphe 58). Par conséquent, ils ont estimé que le non-respect de l'injonction ne pouvait être caractérisé pour ces offres.

c) Appréciation de l'Autorité

70. L'Autorité souligne tout d'abord que SRR n'a pas contesté la décision n° 09-MC-02 précitée devant la cour d'appel de Paris, qui est donc devenue définitive. SRR ne peut dès lors, à l'occasion de la présente affaire qui porte exclusivement sur le respect de l'injonction prononcée, remettre en cause les termes de cette dernière, ainsi que les motifs justifiant son prononcé.

71. Ensuite, une injonction telle que celle prononcée en l'espèce doit nécessairement être lue au regard des motifs qui ont justifié son adoption, tels qu'ils figurent dans la décision précitée. En l'occurrence, l'injonction imposée à SRR a été prise à l'issue d'une procédure de mesures conservatoires ayant constaté des pratiques de différenciations tarifaires entre les appels "on net" et "off net", non justifiées par des différences de coûts sous-jacents entre les deux types d'appels, et donc susceptibles de constituer un abus de position dominante au sens des articles L. 420-2 du code de commerce et 82 du traité CE. Dans le cadre de son appréciation des écarts de coûts entre les appels "on net" et "off net", l'Autorité s'est fondée sur une méthode de calcul élaborée à partir d'éléments partiels recueillis au cours d'une instruction de courte durée, comme l'implique la procédure de mesures conservatoires, dont l'objectif est d'intervenir en situation d'urgence, dans l'attente d'une décision au fond. Comme en atteste le tableau réalisé au paragraphe 48 de la décision n° 09-MC-02, pour le calcul des coûts, l'Autorité n'a pris en compte que les coûts de terminaison d'appels compris comme les charges d'usage de terminaison d'appel vocal des opérateurs concernés, excluant de son analyse d'autres types de coûts, tels que le BPN, les coûts de transit ou encore les coûts communs et commerciaux, invoqués en l'espèce par les parties (paragraphe 64 de la décision n° 09-MC-02) (2).

72. Dans la mesure où l'injonction en cause impose à SRR de mettre fin aux différenciations tarifaires telles qu'elles ont été caractérisées par la décision n° 09-MC-02, c'est au regard de l'analyse effectuée, à ce stade, par l'Autorité qu'il convient d'apprécier le comportement de SRR visé par la présente procédure, sur la base de la méthode de calcul exposée ci-dessus, telle qu'utilisée par l'Autorité pour déterminer les écarts de coûts sous-jacents.

73. Retenir une autre méthode de calcul, comme le préconisent les parties, conduirait l'Autorité à préjuger de l'affaire au fond et ne serait pas conforme à l'objet de la procédure de vérification du respect d'injonction, qui doit nécessairement être conduite par référence à la décision ayant imposé cette injonction. Il s'ensuit qu'il n'appartient pas à l'Autorité de se prononcer, dans le cadre de la présente procédure, sur les paramètres de calcul qui pourraient être retenus à l'issue de la procédure au fond actuellement en cours d'instruction, mais seulement de vérifier le respect par SRR de l'injonction qui lui a été faite, telle qu'éclairée par les motifs qui ont justifié son prononcé.

74. La question des différents éléments devant être pris en compte pour calculer les écarts de coûts sous-jacents ne pourra donc être examinée que dans le cadre de la décision que l'Autorité a vocation à adopter à l'issue d'une instruction au fond du dossier.

75. Quant au choix de la méthode pour calculer les coûts des appels "off net", il y a lieu d'appliquer la méthode pondérée telle qu'elle ressort également de la décision n° 09-MC-02, précitée. En effet, au paragraphe 49, l'Autorité a indiqué que : " L'écart moyen pondéré (...) représentant la différence entre le niveau de terminaison d'appel de SRR et le niveau moyen de terminaison d'appel d'Orange et de Outremer Télécom, en retenant pour ce dernier une pondération par les volumes d'interconnexion de chacun des opérateurs tiers avec SRR. Cet écart moyen pondéré est utile pour apprécier les différences de terminaison d'appel sous-jacentes aux offres de détail de SRR (...). (...) qu'avant d'effectuer ses calculs, [elle] s'est posée la question de savoir quels étaient les coûts dont la valeur diffère selon que l'appel est on-net ou off-net ".

76. En revanche, en l'absence de précisions apportées par la décision n° 09-MC-02, précitée, sur la base de clients à retenir pour calculer les taux de pondération ainsi que sur la date de calcul des taux de pondération, il y a lieu de se référer à la méthode la plus favorable pour la partie mise en cause, à savoir, en l'espèce, celle proposée par SRR, consistant à retenir la méthode de calcul dite " a priori " à partir des trafics "off net" constatés entre juillet et septembre 2009, sur les seules offres de SRR comportant des différenciations tarifaires, à savoir les offres prépayées et les forfaits bloqués.

77. Enfin, en ce qui concerne les offres de SRR ne comportant des différenciations tarifaires que sur certaines plages horaires, exposées au paragraphe 48 ci-dessus, il y a lieu de relever qu'à ce stade de la procédure, il n'est pas possible, au vu des éléments du dossier, de porter une appréciation sur la méthode de calcul proposée par SRR pour les écarts de prix, tenant compte du volume de communications consommées aux deux périodes de la journée. Par conséquent, ces offres sont exclues de l'analyse.

3. APPLICATION DE LA MÉTHODE DE CALCUL RETENUE

78. Il s'agit de comparer les écarts entre les coûts que SRR supporte pour l'acheminement des appels "on net" et "off net", calculés selon la méthode exposée aux paragraphes 70 à 77 ci-dessus, avec les écarts des prix de détail pratiqués par SRR dans certaines de ses offres, pour ces mêmes types d'appels. Pour rappel, l'injonction était applicable au plus tard le 1er décembre 2009 à La Réunion et le 1er février à Mayotte. Par ailleurs, les offres de SRR concernées par les différenciations tarifaires sont toutes devenues flat à compter de décembre 2010.

a) Les écarts de coûts à respecter

A La Réunion

79. Sur la base des volumes de trafic sortant des offres prépayées et des forfaits bloqués transmis par SRR et en application de la méthode de calcul retenue, la différence de prix TTC maximale que SRR aurait dû respecter entre les appels "on net" et les appels "off net" était la suivante :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

80. Sur la base des volumes de trafic sortant des offres prépayées et des forfaits bloqués transmis par SRR et en application de la méthode de calcul retenue, la différence de prix TTC maximale que SRR aurait dû pratiquer entre les appels "on net" et les appels "off net" était la suivante :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

81. Le tableau réalisé ci-dessous indique les offres de SRR dont l'écart de tarifs des appels "on net" et "off net" dépasse celui des coûts sous-jacents entre les deux types d'appels, ainsi que le montant de l'écart résiduel et le nombre de clients concernés :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

82. Comme l'indique le tableau réalisé ci-dessus, il résulte de l'ensemble des éléments rappelés plus haut que SRR n'a pas respecté l'injonction figurant à l'article 1er du dispositif de la décision n° 09-MC-02 précitée, pour quatre offres commercialisées à La Réunion en 2010, avec un écart de 0,33 centime d'euros, représentant 168 282 clients, c'est-à-dire 32,7 % de son parc de clients à La Réunion.

B. SUR LES SANCTIONS

83. L'article L. 464-3 du code de commerce dispose que " si les mesures, injonctions ou engagements prévus aux articles L. 464-1 et L. 464-2 [du code de commerce] ne sont pas respectés, l'Autorité de la concurrence peut prononcer une sanction pécuniaire dans les limites fixées à l'article L. 464-2 ".

84. Si cette disposition fait seulement référence aux limites, c'est-à-dire au maximum légal prévu par l'article L. 464-2 du code de commerce en matière de sanctions pécuniaires, sans imposer le recours aux critères de détermination des sanctions prévus par le même article en cas de pratique anticoncurrentielle, l'exigence d'individualisation et le principe de proportionnalité conduiront en l'espèce l'Autorité à déterminer la sanction en fonction de la gravité du comportement reproché à SRR, d'une part, et de l'incidence que ce comportement a pu avoir sur la concurrence que l'injonction visait à préserver, d'autre part (voir, en ce sens, décision n° 11-D-12 du 20 septembre 2011 relative au respect des engagements figurant dans la décision autorisant l'acquisition de TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus, paragraphes 222 à 249).

1. SUR LE MAXIMUM LÉGAL DE LA SANCTION

85. Conformément au I de l'article L. 464-2 du code de commerce, le maximum légal de la sanction se monte, dans le cas d'une entreprise, " à 10% du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ". En l'occurrence, les comptes de SRR sont consolidés au sein du groupe Vivendi, auquel elle appartient. Le chiffre d'affaires le plus élevé de ce groupe a atteint 27 132 000 000 d'euros au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2009. Compte-tenu de cet élément, le maximum légal se monte à 2 713 200 000 euros.

2. SUR LA GRAVITÉ DU COMPORTEMENT EN CAUSE

86. SRR soutient que, à supposer l'infraction constituée, l'Autorité devrait prononcer une sanction très faible, en considération de l'impossibilité dans laquelle SRR se trouvait de mesurer à l'avance, en vue de l'éviter, l'existence d'une différenciation tarifaire supérieure à l'écart de coûts. En effet, les différences d'appréciation sur la méthode à employer résulteraient d'un flou juridique qui ne pourrait être imputable à SRR. SRR en conclut qu'il est impossible de comparer la présente situation à un non-respect d'injonction mis en œuvre de manière flagrante et délibérée. SRR fait également valoir qu'elle s'est individuellement comportée de façon positive, passant l'ensemble de ses offres en " flat " au 1er janvier 2011. Il en résulterait une très faible durée pour les pratiques. Enfin, les pratiques en cause n'auraient abouti qu'à des écarts très faibles par rapport au résultat attendu et n'auraient concerné qu'un petit nombre de clients.

87. Il convient cependant de constater que, contrairement à ce que soutient SRR, l'injonction prononcée à son encontre était claire, les motifs de la décision n° 09-MC-02 précitée, qui constituent le soutien indissociable de son dispositif, expliquant de manière détaillée et précise la méthode de calcul à suivre pour déterminer les écarts de coûts entre les appels "on net" et "off net". SRR n'est dès lors pas fondée à prétendre qu'il existerait un " flou juridique " de nature à justifier les pratiques mises en œuvre.

88. Par ailleurs, il résulte d'une jurisprudence constante de la cour d'appel de Paris que le non-respect d'injonction constitue une pratique d'une exceptionnelle gravité. Dans un arrêt du 21 février 2006, Société d'exploitation du mobilier à usage public (SEMUP), la cour d'appel de Paris a ainsi rappelé que : " (...) le non-respect d'une injonction constitue, en soi, une pratique d'une gravité exceptionnelle ". De même dans un arrêt du 11 janvier 2005, elle avait jugé : " Considérant que, s'agissant de la gravité des faits, le Conseil a exactement relevé, notamment, que le non-respect d'une injonction qui, en soi, constitue une pratique d'une gravité exceptionnelle, a permis à France Télécom de fermer à la concurrence le seul canal technique, constitué par l'option 3 qui restait ouvert, et de rester sur le marché en situation proche du monopole ".

89. Dans ces conditions, il convient de considérer que le manquement constaté comme une pratique d'une gravité exceptionnelle.

3. SUR L'INCIDENCE DU COMPORTEMENT CONSTATÉ SUR LA CONCURRENCE QUE L'INJONCTION VISAIT À PRÉSERVER

90. Indépendamment de la gravité intrinsèque de l'infraction, il convient d'apprécier l'incidence que le comportement de SRR a pu avoir sur la concurrence que l'injonction visait à préserver. Cet exercice ne se confond pas avec un examen des effets actuels ou même potentiels de l'infraction constatée, sur le marché ou plus généralement sur l'économie. Indépendamment de tels effets, qui peuvent éventuellement être pris en considération, c'est nécessairement par rapport à la situation concurrentielle que l'injonction prononcée dans le cadre de la procédure d'urgence en cause visait justement à préserver qu'il faut raisonner. Ce point de référence peut conduire à tenir compte, par exemple, de la détérioration de la structure concurrentielle du marché en elle-même, lorsque le comportement constaté a été considéré, à l'issue de l'examen effectué dans le cadre de cette procédure, comme susceptible d'exclure un concurrent du marché. Il peut aussi conduire à tenir compte, selon les données du cas d'espèce, d'autres facteurs propres au secteur ou aux produits ou services en cause, ou encore de la situation individuelle du contrevenant.

91. En l'occurrence, il convient de relever que les différenciations tarifaires en cause ont concerné plus de 30 % du parc de SRR à La Réunion et porté sur les offres prépayées et les forfaits bloqués, qui sont susceptibles de produire des effets de club d'autant plus sensibles qu'ils sont généralement achetés par des primo-accédants.

92. Cependant, comme le montre le tableau réalisé au paragraphe 81, les pratiques concernent un faible écart résiduel, égal à 0,33 c€/mn, entre l'écart de tarifs pratiqué par SRR et l'écart autorisé, élément qui n'est pas de nature à inciter massivement les consommateurs à restreindre le volume des appels destinés aux opérateurs concurrents ou, lors du premier achat ou d'un renouvellement, à tenir compte du réseau auquel appartiennent leurs principaux correspondants. De la sorte, le comportement de SRR n'apparaît pas tel qu'il aurait pu compromettre significativement le rétablissement d'une concurrence effective entre les trois opérateurs pour les offres concernées, visé par l'injonction. Cette appréciation est confortée par la relative brièveté de ce comportement qui n'a duré qu'un an (2010), puisqu'au 1er janvier 2011, toutes les offres de SRR sont devenues " flat ", c'est-à-dire ne comportant plus aucune différenciation tarifaire.

93. S'agissant de l'argument d'Outremer Télécom selon lequel elle serait confrontée à des résultats financiers fortement dégradés sur l'île de La Réunion et n'afficherait, plus de quatre ans après le lancement de ses offres, qu'une part de marché inférieure à 10 %, il faut relever que ces éléments ne paraissent pas suffisamment rattachables aux pratiques de SRR. En effet, comme il a été indiqué au paragraphe 92 ci-dessus, au regard du faible différentiel de prix entre les appels "on net" et "off net", il paraît peu probable que les difficultés rencontrées par Outremer Télécom pour développer ses parts de marché à La Réunion soient directement dues aux seules pratiques de non-respect d'injonction mises en œuvre par SRR.

94. Enfin, il n'est pas davantage possible de retenir l'argument de SRR, selon lequel l'Autorité devrait prendre en compte le fait qu'aucun accroissement significatif de sa part de marché n'aurait été enregistré pendant ou juste après les pratiques, comme en attesteraient la baisse de son parc prépayé à La Réunion entre décembre 2009 et décembre 2010, ainsi que la diminution de ses parts de marché à La Réunion, comme à Mayotte, sur la base des données de l'ARCEP. Le fait que l'auteur d'une infraction ait pu ne pas en retirer le bénéfice qu'il escomptait est en effet indifférent, ce résultat pouvant parfaitement être attribuable à des causes sans rapport avec l'infraction. En outre, rien ne dit qu'en l'absence des pratiques reprochées, les parts de marché de SRR n'auraient pas encore plus baissé qu'elles ne l'ont fait sur la période litigieuse.

95. Les caractéristiques du manquement relevé ci-dessus conduiront en l'espèce l'Autorité à limiter la sanction à un montant de deux millions d'euros, en dépit de sa gravité intrinsèque.

4. SUR LE MONTANT DE LA SANCTION

96. En fonction des éléments individuels et généraux tels qu'ils ont été exposés ci-dessus, il y a donc lieu de prononcer à l'égard de la Société Réunionnaise du Radiotéléphone (SRR) une sanction de 2 millions d'euros.

DÉCISION

Article 1er : Il est établi que la Société Réunionnaise du Radiotéléphone (SRR) a méconnu l'injonction prononcée à l'article 1er du dispositif de la décision n° 09-MC-02 du 16 septembre 2009.

Article 2 : Il est infligé à la Société Réunionnaise du Radiotéléphone (SRR) une sanction pécuniaire de 2 millions d'euros.

Notes

(1) Le tarif du BPN des opérateurs de la zone Réunion-Mayotte, ramené à la minute, est disponible à l'annexe 17 bis de l'offre de référence d'interconnexion de France Télécom.

(2) A l'exception d'Outremer Télécom qui présente une structure tarifaire de terminaison d'appel ne distinguant pas entre la charge d'usage et le BPN (voir paragraphes 47 à 49 ci-dessus).