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Décisions

Cass. com., 31 janvier 2012, n° 10-27.603

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Etam (SA)

Défendeur :

Cyka Limited (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

Me Copper-Royer, SCP Hémery, Thomas-Raquin

T. com. Paris, du 27 févr. 2008

27 février 2008

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 octobre 2010), que la société Etam (le franchiseur) a conclu avec la société Cyka Limited (la société Cyka) un contrat de franchise, à durée déterminée, portant sur la distribution des produits de la marque Tammy sur le territoire de Malte ; qu'en cours d'exécution du contrat, le franchiseur a informé ses franchisés de la cession des titres de la société Etam PLC, entité commercialisant la marque Tammy, à la société Arcadia ; qu'informée du souhait du groupe Arcadia de poursuivre la commercialisation de la marque Tammy par l'intermédiaire d'un autre distributeur et n'étant parvenue à aucune solution amiable, la société Cyka a fait assigner le franchiseur en réparation du préjudice causé par la cessation de son contrat ;

Sur le premier moyen : - Attendu que le franchiseur fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il avait brutalement rompu l'accord de franchise conclu avec la société Cyka et de l'avoir condamné au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) que le contrat de franchise repose sur la communication du savoir-faire du franchiseur, sous la bannière de sa marque, assortie d'une assistance technique continue pendant toute la durée des rapports contractuels ; que la cession de la marque et de l'ensemble des autres éléments constitutifs du contrat entraîne la cession dudit contrat à leur nouveau propriétaire sans que le consentement du franchisé audit transfert ne soit requis, conformément au caractère intuitu personae unilatéral d'un contrat de franchise stipulé en considération du seul franchisé ; qu'après avoir elle-même constaté qu'avait été opéré le transfert de la marque Tammy, "élément essentiel de la franchise considérée", par cession de la société Etam PLC, l'entité britannique du groupe Etam commercialisant la marque Tammy, au profit du groupe Arcadia, la cour d'appel a cependant conclu à une rupture dudit contrat imputable à l'ancien franchiseur, la société de droit français Etam ; qu'en statuant ainsi, sans avoir nul égard au fait que la cession de la marque Tammy et de l'ensemble des éléments constitutifs de la franchise avait entraîné la cession du contrat de franchise au groupe anglais Arcadia, conformément au caractère intuitu personae unilatéral du contrat de franchise stipulé expressément en considération de la seule société Cyka, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1134 du Code civil, ensemble celles des articles L. 330-3 et L. 442-6 du Code de commerce ; 2°) qu'ainsi qu'elle le faisait valoir dans ses conclusions récapitulatives d'appel, la société Etam avait non seulement informé la société Cyka de la cession dès qu'elle en avait eu elle-même connaissance mais avait également, outre des offres commerciales faites à la suite du refus du franchisé de continuer à travailler avec le groupe Arcadia, pris toutes les mesures nécessaires pour garantir la continuation et l'exécution par le cessionnaire selon les mêmes conditions ; qu'en imputant dès lors la responsabilité de la prétendue rupture du contrat de franchise à la société Etam laquelle aurait "permis" le transfert de la marque Tammy sans avoir égard au fait qu'étant devenue matériellement et juridiquement dans l'incapacité de poursuivre l'exécution du contrat de franchise avec la société Cyka à la suite de la cession par le groupe Etam de la marque Tammy et de l'ensemble des éléments constitutifs de la franchise au groupe Arcadia, la société Etam avait montré un comportement exempt de toute mauvaise foi à l'égard de son ancien franchisé, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1134 du Code civil, ensemble celles des articles L. 330-3 et L. 442-6 du Code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé qu'aucun des documents produits aux débats n'a pour objet ou effet d'opérer cession des contrats de franchise et retenu, par motifs adoptés, que toute cession de contrat suppose l'accord du cédé, lequel n'est pas établi en l'espèce, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu qu'il n'était pas établi que le franchisé ait donné son accord à la cession de son contrat, ce dont il résultait que le cessionnaire ne pouvait être substitué au franchiseur dans l'exécution de ses obligations, et relevé qu'en raison du transfert de la marque Tammy opéré par le franchiseur, le contrat de franchise ne pouvait plus être utilement poursuivi en l'absence de l'un de ses éléments essentiels, la cour d'appel a caractérisé la faute du franchiseur ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen : - Attendu que le franchiseur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à la société Cyka une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu'en cas de perte de chance, la réparation du dommage doit être mesurée à l'aune de la chance perdue sans pouvoir être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'après avoir elle-même retenu que la société Cyka était seulement "en droit de solliciter l'indemnisation de la perte de la chance d'obtention des bénéfices escomptés pendant la durée initialement prévue de l'engagement dont s'agit", la cour d'appel a pourtant tenu compte "du chiffre d'affaires annuel envisagé, de celui effectivement réalisé pendant la durée d'exécution du contrat, de la marge brute habituellement dégagée dans le secteur d'activité considéré et des six années supplémentaires pendant lesquelles les parties auraient dû rester liées" ; qu'en évaluant dès lors à 400 000 euro le montant du dommage prétendument subi par la société Cyka cependant qu'il ne ressortait pas de ses motifs qu'elle ait effectivement appliqué un abattement eu égard à l'aléa affectant la réalisation de la chance perdue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1147 du Code civil, ensemble celles de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Mais attendu que sous le couvert d'un manque de base légale le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond du montant du préjudice subi ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.