Cass. com., 14 février 2012, n° 11-11.750
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Cemex béton Sud-Est (SAS), Cemex France gestion (SAS)
Défendeur :
Ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, Autorité de la concurrence, Procureur général près la Cour d'appel de Paris, Unibéton (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Michel-Amsellem
Avocat général :
M. Mollard
Avocats :
SCP Bénabent, SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Baraduc, Duhamel, Me Ricad
LA COUR : - Joint les pourvois n° 11-11-750 formé par les sociétés Cemex bétons Sud-Est et Cemex béton France et n° 11-13.130 formé par la société Unibéton ; - Attendu que la société Unibéton, la société Cemex France gestion, qui vient aux droits de la société RMC France, qui venait elle-même aux droits de la société Béton de France, et la société Cemex béton Sud-Est qui vient aux droits de la société Brignolaise de béton et d'agglomérés se sont pourvues en cassation contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris qui, statuant comme cour de renvoi à la suite d'un arrêt de la Cour de cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 3 mars 2009, pourvoi n° 08-13.767 et a., Bull. IV n° 29), a annulé la décision n° 97-D-39 du 17 juin 1997 du Conseil de la concurrence et statuant à nouveau, dit que la société Unibéton, la société Béton de France et la société Brignolaise de béton et d'agglomérés ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 420-1 du Code de commerce, et prononcé, en conséquence, des sanctions pécuniaires à l'encontre de ces trois sociétés ;
Sur le pourvoi n° 11-11.750 en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 13 janvier 2011 : - Attendu qu'aucun grief n'étant formé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel le 13 janvier 2011, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cet arrêt ;
Sur les pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre l'arrêt du 27 janvier 2011 : - Sur le premier moyen du pourvoi n° 11-11.750, pris en sa quatrième branche : - Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; - Attendu que pour dire que les sociétés Cemex bétons Sud-Est et Cemex béton France avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et prononcer une sanction pécuniaire contre chacune d'elles, l'arrêt relève que s'agissant du contrôle effectif contre l'ordonnance autorisant les visite et saisie de documents du 28 janvier 1994, ce contrôle exercé par elle n'implique pas de sa part une quelconque appréciation sur le bien-fondé des griefs qui seraient plus tard articulés contre les entreprises visitées et pas davantage un préjugé sur les sanctions qui seraient prononcées contre les mêmes, qu'elle en déduit que ce contrôle est effectif ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'examen de l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles autorisant les visite et saisie par la même formation de jugement que celle appelée à statuer sur le bien-fondé des griefs retenus et de la sanction prononcée au titre de ces pratiques est de nature à faire naître un doute raisonnable sur l'impartialité de la juridiction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur la deuxième branche du premier moyen du pourvoi n° 11-11.750 et la deuxième branche du premier moyen du pourvoi n° 11-13.130, réunis : - Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; - Attendu que pour dire que les sociétés Cemex bétons Sud-Est et Cemex béton France avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et prononcer une sanction pécuniaire contre chacune d'elles, l'arrêt relève que le délai raisonnable dans lequel doit pouvoir être exercé le recours contre les visite et saisie de documents constitue une exigence qui protège directement et exclusivement les droits de l'entreprise qui a subi la visite domiciliaire, que dès lors, ce délai court sur la période qui débute le jour où est ouverte la voie de droit, en l'espèce le jour de la perquisition (7 février 1994), et le jour où le juge compétent est saisi pour statuer sur les mérites de la décision critiquée, c'est-à-dire, en l'espèce, la date de la requête visant le texte applicable soit quinze années ; qu'il retient que cependant et conformément à la finalité de l'exigence du respect d'un délai raisonnable, l'autorité d'enquête ne saurait voir ses prérogatives mises en péril par la survenance d'événements dont elle n'aurait pas maîtrisé le cours ; qu'il ajoute qu'à cet égard, le temps de la procédure proprement judiciaire jusqu'à l'ouverture d'un nouveau recours par l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, soit de 1995 à 2008, doit être déduit du total de quinze années ; qu'il en conclut que le délai imposé aux requérantes pour obtenir un exercice effectif du recours de fait et de droit, a été de trois ans de sorte qu'il n'est pas déraisonnable ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que le recours en contestation prévu par l'ordonnance du 13 novembre 2008 répondait, en l'espèce, aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention, dès lors que les sociétés en cause n'ont pu contester en fait et en droit l'ordonnance autorisant les visite et saisie de documents que quinze ans après l'exécution de celles-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : constate la decheance du pourvoi n° 11-11.750 en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 13 janvier 2011 ; Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2011, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.