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Décisions

TUE, 6e ch., 13 février 2012, n° T-80/06

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Budapesti Eromu Zrt

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jaeger

Juges :

MM. Wahl (Rapporteur), Soldevila Fragoso

Avocats :

Mes Powell, Arhold, Struckmann, Hegyi

TUE n° T-80/06

13 février 2012

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

Antécédents du litige

1 Au milieu des années 90, le principal objectif de la Hongrie dans le secteur de l'énergie était de moderniser les infrastructures de la production d'électricité pour garantir la sécurité de l'approvisionnement. Afin d'atteindre un tel objectif, nécessitant d'importants investissements en capital, l'État hongrois a instauré un système d'accords d'achat d'électricité (ci-après les " AAE ") à long terme dans le but d'inciter les producteurs d'électricité à investir en Hongrie. Dans le cadre de ces AAE, qui ont été conclus entre 1995 et 2001, l'entreprise publique Magyar Villamos Muvek Zrt (MVM), détenue par l'État hongrois, s'est engagée, en tant qu'" acheteur unique ", à acheter une quantité déterminée d'électricité à un prix fixe. Ces AAE à long terme ont ainsi permis d'assurer aux producteurs une rentabilisation de leurs investissements.

2 Le marché de l'électricité hongrois a été soumis à trois régimes consécutifs. Le premier, qui a été en vigueur de 1992 à 2002, prévoyait l'obligation pour MVM de veiller à la sécurité des approvisionnements à moindre coût. Le deuxième, entré en vigueur en 2003, a divisé le marché en deux secteurs, à savoir un secteur libéralisé représentant environ 30 % de la production et un secteur de service public approvisionné par MVM et représentant environ 70 % de la production. En vertu de ce régime, les producteurs d'énergie étaient légalement tenus d'offrir à MVM la capacité d'électricité requise, à des prix réglementés pour le secteur de service public. Après la mise en œuvre du troisième régime en 2004, les producteurs d'énergie ont toujours été tenus d'approvisionner MVM, mais la réglementation des prix a été supprimée, les prix de l'électricité étant dorénavant déterminés sur la base du calcul des prix prévu dans chaque AAE.

3 La requérante, Budapesti Eromu Zrt, qui est la filiale hongroise d'Électricité de France International SA, a été privatisée par l'État hongrois en 1996. Elle gère quatre centrales assurant le chauffage urbain de la région de Budapest. Trois d'entre elles, à savoir les centrales de Kelenföld, de Ujpest et de Kispest, sont des centrales de cogénération, qui produisent à la fois de la chaleur et de l'électricité. Chacune de ces trois centrales bénéficie d'un AAE à long terme conclu avec MVM, qui régit la vente de sa production d'électricité. L'AAE concernant la centrale de Kelenföld a été conclu en 1996 et a expiré le 31 décembre 2011, l'AAE concernant la centrale d'Upjest a été conclu en 1997 et viendra à expiration en 2021. L'AAE concernant la centrale de Kispest a été signé en 2001 et viendra à expiration en 2024.

4 Par lettre du 31 mars 2004, la Commission des Communautés européennes a reçu des autorités hongroises une notification concernant le décret gouvernemental n° 183-2002 (VIII.23.) fixant les modalités relatives à la définition et à la gestion des " coûts échoués " conformément à la procédure visée à l'annexe IV, chapitre 3, point 1, sous c), de l'acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 2003, L 236, p. 797, ci-après l'" acte d'adhésion ") (ci-après la " procédure du mécanisme provisoire ").

5 Le décret gouvernemental notifié régit le système de compensation des coûts supportés par MVM, en tant que grossiste en électricité.

6 La Commission a enregistré la notification en cause sous la référence HU 1-2004.

7 Les autorités hongroises et la Commission ont échangé un certain nombre de lettres officielles concernant la mesure notifiée. La Commission a également reçu des observations de tiers. Au cours de la procédure du mécanisme provisoire, la Commission a découvert que le marché de gros hongrois de l'électricité reposait sur des AAE à long terme conclus entre MVM et certains producteurs d'électricité.

8 Par lettre du 13 avril 2005, les autorités hongroises ont retiré la notification concernant le décret gouvernemental n° 183-2002 (VIII.23.).

9 Le 4 mai 2005, conformément au règlement (CE) nº 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88 CE] (JO L 83, p. 1), la Commission a enregistré, sous la référence NN 49-2005, un dossier d'aide d'État concernant les AAE.

10 Après avoir recueilli des informations complémentaires, la Commission a, par lettre du 9 novembre 2005, notifié à la Hongrie sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE, concernant l'aide d'État C 41-2005 (ex NN 49-2005) - " Coûts échoués " en Hongrie (ci-après la " décision d'ouverture ").

11 Dans la décision d'ouverture, la Commission s'est interrogée sur la compatibilité des AAE avec le régime communautaire des aides d'État étant donné que les AAE mettaient les producteurs concernés à l'abri de tout risque commercial et les plaçaient donc en meilleure position que les autres producteurs sur le marché.

12 La Commission a estimé que les AAE étaient toujours applicables après l'adhésion, au sens du chapitre 3, point 1, de l'annexe IV de l'acte d'adhésion et qu'elles constituaient non des aides existantes, mais des aides nouvelles à la date de l'adhésion, aux fins de l'application de l'article 88, paragraphe 3, CE.

13 Elle a estimé que le retour garanti sur investissement et les prix d'achat élevés garantis pas les AAE plaçaient les producteurs ayant conclu un AAE dans une situation économique avantageuse par rapport, d'une part, aux producteurs d'électricité non concernés par les AAE, notamment d'éventuels nouveaux entrants et, d'autre part, à d'autres secteurs d'activité comparables où de tels accords à long terme n'ont pas été proposés aux acteurs du marché.

14 La Commission a également noté que les marchés de l'électricité se sont ouverts à la concurrence et que l'électricité a fait l'objet d'échanges commerciaux entre États membres, à tout le moins depuis l'entrée en vigueur de la directive 96-92-CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité (JO 1997, L 27, p. 20). Par conséquent, les mesures favorisant certaines entreprises du secteur de l'énergie adoptées dans un État membre peuvent porter atteinte à la capacité qu'ont les entreprises d'autres États membres à exporter de l'électricité vers celui-ci ou favoriser les exportations d'électricité vers ces derniers.

15 De même, elle a estimé que cet avantage était accordé au moyen de ressources d'État dans la mesure où la décision de conclure des AAE résultait d'une politique publique mise en œuvre par MVM.

16 La Commission a donc provisoirement conclu que les AAE constituaient une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE.

17 La lettre informant la Hongrie de la décision d'ouverture, accompagnée d'un résumé de cette décision invitant toutes les parties intéressées à présenter leurs observations, a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne du 21 décembre 2005 (JO C 324, p. 12). À la suite de cette publication, la Commission a reçu les observations des autorités hongroises ainsi que celles de tiers, dont la requérante.

18 Le 4 juin 2008, la Commission a adopté la décision 2009-609-CE concernant les aides d'État C 41-05 accordées par la Hongrie dans le cadre d'accords d'achat d'électricité (JO 2009, L 225, p. 53, ci-après la " décision finale attaquée).

19 Dans la décision finale attaquée, qui a clôturé la procédure formelle d'examen, la Commission a constaté que les AAE fournissaient une aide d'État illégale au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE aux producteurs d'énergie électrique et que cette aide d'État était incompatible avec le marché commun.

20 L'aide d'État relative aux AAE serait constituée par l'obligation d'achat qui impose à MVM l'achat d'une certaine capacité et d'une certaine quantité minimale garantie d'énergie électrique à un prix couvrant les coûts fixes, variables et de capital pendant une partie importante de la durée de vie des unités de production et qui garantit un retour sur investissement aux producteurs.

21 Le dispositif de la décision finale attaquée se lit comme suit :

" Article premier

1. L'obligation d'achat établie par les [AAE] à long terme conclus entre [MVM] et [la requérante ainsi que six autres producteurs d'électricité] contient une aide d'État en faveur des producteurs d'énergie électrique selon l'article 87[, paragraphe 1, CE].

2. L'aide d'État évoquée [au paragraphe 1] est incompatible avec le marché commun.

3. La Hongrie supprime l'attribution de l'aide d'État mentionnée [au paragraphe 1] dans un délai de six mois à compter de la réception de la présente décision.

Article 2

1. La Hongrie doit faire rembourser par les bénéficiaires l'aide mentionnée à l'article [1er].

[...]

Article 3

1. Dans un délai de deux mois suivant la notification de cette décision, la République de Hongrie informe la Commission des mesures déjà réalisées et prévues en vue de se conformer à cette décision. Elle l'informe en particulier des progrès réalisés en vue de la réalisation de la simulation de marché nécessaire aux fins d'établir le montant à rembourser, des détails de la méthodologie employée. Elle fournit également une description détaillée des données vouées à être utilisées dans cette simulation.

[...]

Article 4

1. La Hongrie calcule le montant précis de l'aide à rembourser sur la base d'une simulation appropriée du marché de gros de l'énergie électrique tel que celui-ci aurait fonctionné si aucun des [AAE à] long terme mentionné à l'article [1er, paragraphe 1,] n'avait été en vigueur après le 1er mai 2004.

2. Dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, la Hongrie calcule selon la méthode mentionnée [au paragraphe 1] les montants à rembourser et soumet à la Commission les informations pertinentes concernant cette simulation, notamment les résultats de la simulation et une description détaillée des méthodes et données utilisées pour exécuter cette simulation.

Article 5

La Hongrie fait en sorte que l'aide mentionnée à l'article [1er] soit remboursée dans un délai de dix mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 6

Le destinataire de cette décision est la République de Hongrie. "

Procédure

22 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mars 2006, la requérante a introduit un recours en annulation à l'encontre de la décision d'ouverture, enregistré sous la référence T-80-06.

23 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mai 2009, la requérante a introduit un recours en annulation à l'encontre de la décision finale attaquée, enregistré sous la référence T-182-09.

24 Par décisions du Tribunal des 26 janvier et 14 avril 2011, les affaires T-80-06 et T-182-09 ont été attribuées à la sixième chambre et un nouveau juge rapporteur a été désigné.

25 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

26 Par décision du président de la sixième chambre prise lors de l'audience du 22 septembre 2011, les affaires T-80-06 et T-182-09 ont été jointes aux fins de l'audience et de l'arrêt, conformément à l'article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de ladite audience.

28 Un membre de la sixième chambre ayant été empêché de siéger, le président du Tribunal s'est désigné, en application de l'article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure, pour compléter la chambre.

29 Par ordonnance du 18 novembre 2011, le Tribunal (sixième chambre), dans sa nouvelle composition, a rouvert la procédure orale et les parties ont été informées qu'elles seraient entendues lors d'une nouvelle audience.

30 Par lettres, respectivement, des 21 et 28 novembre 2011, la Commission et la requérante ont informé le Tribunal qu'elles renonçaient à être entendues une nouvelle fois.

31 En conséquence, le président du Tribunal a décidé de clore la procédure orale.

Conclusions des parties

Dans l'affaire T-80-06

32 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision d'ouverture ou, à titre subsidiaire, annuler ladite décision en ce qu'elle concerne les AAE qu'elle a conclus ;

- condamner la Commission aux dépens ;

- ordonner toute autre mesure qu'il jugera utile.

33 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours ;

- condamner la requérante aux dépens.

Dans l'affaire T-182-09

34 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision finale attaquée en ce qu'elle concerne les AAE qu'elle a conclus ;

- condamner la Commission aux dépens ;

- ordonner toute autre mesure qu'il jugera utile.

35 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours comme non fondé ;

- condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité

36 Sans soulever formellement une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114 du règlement de procédure, la Commission fait valoir que le recours dans l'affaire T-80-06 est irrecevable au motif que la décision d'ouverture n'est pas, en l'espèce, un acte attaquable.

37 Il convient de relever qu'il ressort de la jurisprudence que, lorsque la Commission qualifie une mesure en cours d'exécution d'aide nouvelle, une telle décision emporte des effets juridiques autonomes, en particulier en ce qui concerne la suspension de la mesure considérée (arrêt de la Cour du 9 octobre 2001, Italie/Commission, dit " Tirrenia ", C-400-99, Rec. p. I-7303, point 59). Cette conclusion s'impose non seulement dans le cas où la mesure en cours d'exécution est considérée par les autorités de l'État membre concerné comme une aide existante, mais également dans le cas où ces autorités estiment que la mesure visée par la décision d'ouverture ne tombe pas dans le champs d'application de l'article 87, paragraphe 1, CE (arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T-346-99 à T-348-99, Rec. p. II-4259, point 33).

38 En effet, une décision d'ouverture à l'égard d'une mesure en cours d'exécution et qualifiée d'aide nouvelle par la Commission modifie nécessairement la portée juridique de la mesure considérée, ainsi que la situation juridique des entreprises qui en sont bénéficiaires, notamment en ce qui concerne la poursuite de la mise en œuvre de cette mesure. Jusqu'à l'adoption d'une telle décision, l'État membre, les entreprises bénéficiaires et les autres opérateurs économiques peuvent penser que la mesure est licitement mise en œuvre en tant que mesure générale ne tombant pas dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, CE ou en tant qu'aide existante. En revanche, après l'adoption d'une telle décision, il existe à tout le moins un doute important sur la légalité de cette mesure, qui, sans préjudice de la faculté de solliciter des mesures provisoires auprès du juge des référés, doit conduire l'État membre à en suspendre l'application, dès lors que l'ouverture de la procédure formelle d'examen exclut une décision immédiate concluant à la compatibilité avec le marché commun qui permettrait de poursuivre licitement l'exécution de ladite mesure. Une telle décision pourrait également être invoquée devant un juge national appelé à tirer toutes les conséquences découlant de la violation de l'article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE. Enfin, elle est susceptible de conduire les entreprises bénéficiaires de la mesure à refuser en tout état de cause de nouveaux versements, ou de nouveaux avantages, ou à provisionner les sommes nécessaires à d'éventuelles compensations financières ultérieures. Les milieux d'affaires tiendront également compte, dans leurs relations avec lesdits bénéficiaires, de la situation juridique et financière fragilisée de ces derniers (voir arrêt Diputación Foral de Álava e.a./Commission, point 37 supra, point 34, et la jurisprudence citée).

39 En l'espèce, il convient de constater que la décision attaquée constitue une décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen et vise les AAE conclus par la requérante. En outre, la mesure était en cours d'exécution lors de l'adoption de la décision attaquée. Enfin, il est clair que la Commission a considéré que la mesure en cause constituait une aide nouvelle et était mise en œuvre sans être notifiée à la Commission.

40 Il est vrai, comme l'a fait remarquer la Commission, que la Hongrie, lors de la phase préliminaire d'examen, ne s'est pas opposée à la qualification d'aide nouvelle de la mesure en cause. Toutefois, le fait que l'État membre en cause n'ait pas soulevé d'objections dans la phase préliminaire n'est pas pertinent pour la qualification d'" acte attaquable " à l'égard de la requérante.

41 Dès lors, conformément à la jurisprudence citée aux points 37 et 38 ci-dessus, la décision attaquée est un acte susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation au titre de l'article 230 CE.

42 De plus, la requérante est directement et individuellement concernée par la décision attaquée au sens de l'article 230, quatrième alinéa, CE dès lors que ladite décision se rapporte à une mesure dont elle est la bénéficiaire (voir arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25-62, Rec. p. 197, 223, et du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225-91, Rec. p. I-3203, point 18, et la jurisprudence citée).

43 Il convient donc de conclure que le recours dans l'affaire T-80-06 est recevable.

Sur le fond

44 Il convient d'examiner, de concert, les recours dans les affaires T-182-09 et T-80-06, dirigés, respectivement, contre la décision finale attaquée et la décision d'ouverture.

45 À l'appui de son recours dans l'affaire T-182-09, la requérante invoque cinq moyens, tirés, premièrement, de la violation du traité CE et des règles de droit relatives à son application, deuxièmement, du défaut de compétence ratione temporis, troisièmement, de la violation de formes substantielles, quatrièmement, de la violation de l'article 253 CE en ce que la décision finale attaquée est insuffisamment motivée et, cinquièmement, d'un détournement de pouvoir.

46 Dans le cadre de son recours dans l'affaire T-80-06, la requérante invoque trois moyens, tirés, respectivement, de l'absence de compétence de la Commission pour ouvrir une procédure formelle, d'erreurs manifestes de droit et d'appréciation et de la violation de l'article 253 CE.

47 Les arguments présentés dans le cadre de ces moyens sont semblables à ceux invoqués dans l'affaire T-182-09. Ils portent notamment sur la date pertinente pour évaluer l'existence d'une aide d'État dans les AAE, l'absence d'un avantage économique, le fait que la Commission ne serait compétente que pour des mesures d'aide d'État " encore applicables " après la date de l'adhésion d'un nouvel État membre à l'Union, le fait que l'aide prétendument contenue dans les AAE aurait dû être considérée comme une aide existante, la violation de l'article 88, paragraphe 1, CE, l'interprétation ou l'application erronée par la Commission de l'annexe IV de l'acte d'adhésion ainsi que du règlement nº 659-1999.

Sur le premier moyen dans l'affaire T-182-09 et le deuxième moyen dans l'affaire T-80-06, tirés d'une violation du traité CE et des règles de droit relatives à son application

48 Dans le cadre du premier moyen dans l'affaire T-182-09 et du deuxième moyen dans l'affaire T-80-06, la requérante reproche à la Commission d'avoir commis une série d'erreurs sur plusieurs questions importantes. À cet égard, elle fait valoir, en substance, que la Commission a erronément déterminé la période pertinente pour l'évaluation des AAE conclus avec MVM et conclu à l'existence d'un avantage économique ainsi qu'à celle d'une distorsion de concurrence. Dans l'affaire T-182-09 et à titre subsidiaire, la requérante fait valoir que, dans le cas où la Commission aurait eu raison de conclure que ses AAE contenaient une aide d'État, ladite aide était compatible avec le marché commun au titre de l'article 87, paragraphe 3, CE ou de l'article 86, paragraphe 2, CE. Enfin, elle soutient qu'une telle aide ne pourrait être considérée que comme une aide individuelle existante, de sorte que la Commission ne pouvait exercer son contrôle et n'avait pas le pouvoir d'ordonner le remboursement de l'aide en cause. En tout état de cause, la Commission a commis une erreur en déterminant la façon dont ladite aide devait être remboursée.

Sur la détermination de la période pertinente pour l'évaluation des AAE (T-182-09 et T-80-06)

49 La requérante conteste le raisonnement développé aux considérants 157 à 173 de la décision finale attaquée, sur lequel la Commission s'est fondée pour vérifier si les AAE remplissaient les critères constitutifs d'une aide d'État au 1er mai 2004, soit à la date de l'adhésion de la Hongrie. Selon la requérante, la date pertinente serait celle à laquelle ses AAE ont été conclus. Elle remet plus spécifiquement en cause l'utilisation faite par la Commission de l'annexe IV de l'acte d'adhésion et du règlement nº 659-1999.

50 Premièrement, il y a lieu de relever que les mesures étatiques mises à exécution avant l'adhésion, mais qui, d'une part, sont toujours applicables après celle-ci et qui, d'autre part, à la date de l'adhésion, respectent les quatre critères cumulatifs de l'article 87, paragraphe 1, CE, sont soumises aux règles spécifiques établies à l'annexe IV de l'acte d'adhésion soit en tant qu'aides existantes au sens de l'article 88, paragraphe 1, CE, lorsqu'elles relèvent de l'une des trois catégories mentionnées par ladite annexe, soit en tant qu'aides nouvelles à la date de l'adhésion aux fins de l'application de l'article 88, paragraphe 3, CE, lorsqu'elles ne relèvent pas de l'une de ces trois catégories.

51 Les trois catégories mentionnées ci-dessus visées par l'annexe IV de l'acte d'adhésion sont les suivantes :

- aides mises à exécution avant le 10 décembre 1994 ;

- aides énumérées à l'appendice de l'annexe IV de l'acte d'adhésion ;

- aides examinées par l'autorité chargée de la surveillance des aides publiques du nouvel État membre avant la date de l'adhésion et jugées compatibles avec l'acquis et à l'égard desquelles la Commission n'a pas soulevé d'objections en raison de doutes sérieux quant à la compatibilité des mesures avec le marché commun en vertu de la procédure du mécanisme provisoire.

52 En l'espèce, il est constant que les AAE de la requérante ont été conclus après le 10 décembre 1994, à savoir en 1996 en ce qui concerne la centrale de Kelenföld, en 1997 en ce qui concerne la centrale d'?jpest et en 2001 en ce qui concerne la centrale de Kispest. À ce titre, ils ne constituent donc pas une aide existante au sens de l'article 88, paragraphe 1, CE. Ensuite, il est à noter que les AAE ne figurent pas dans l'appendice de l'annexe IV de l'acte d'adhésion. Par conséquent, ils ne constituent pas non plus une aide existante à ce titre. Enfin, il est à remarquer que les AAE en cause n'ont pas été examinés, ni approuvés, dans le cadre de la procédure du mécanisme provisoire. Dès lors, à condition qu'ils soient encore applicables après la date de l'adhésion (voir points 121 à 123 ci-après), il y a lieu de constater qu'il ne peut s'agir que d'une aide nouvelle au sens de l'annexe IV de l'acte d'adhésion.

53 Partant, l'argument selon lequel les AAE avaient été conclus avant la date de l'adhésion et ne constituaient pas une aide à cette date n'a aucune incidence sur la qualification d'aide d'État au 1er mai 2004.

54 Le libellé de l'annexe IV de l'acte d'adhésion laisse clairement entendre qu'une mesure qui n'était pas considérée comme une aide d'État, lorsqu'elle a été mise en place, peut le devenir par la suite. Ladite annexe indique également que, dans ce cas, l'aide doit être qualifiée de nouvelle. C'est donc à la date de l'adhésion du nouvel État membre qu'une mesure encore applicable après ladite date doit être évaluée au vu des quatre conditions énoncées à l'article 87, paragraphe 1, CE. Toute autre conclusion aurait pour conséquence de vider de son sens l'objectif voulu par les auteurs du traité entre le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d'Allemagne, la République hellénique, le Royaume d'Espagne, la République française, l'Irlande, la République italienne, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République d'Autriche, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (États membres de l'Union européenne) et la République tchèque, la République d'Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République de Malte, la République de Pologne, la République de Slovénie, la République slovaque relatif à l'adhésion de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque à l'Union européenne (JO 2003, L 236, p. 17).

55 Or, le fait qu'une mesure qui n'était pas initialement une aide d'État puisse devenir par la suite une aide d'État existante ou une aide d'État nouvelle a été admis tant dans la jurisprudence que dans le règlement nº 659-1999. Aux termes de l'article 1er, sous b), v), première phrase, dudit règlement, constitue une aide existante " toute aide qui est réputée existante parce qu'il peut être établi qu'elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l'évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l'État membre ". Toutefois, selon la deuxième phrase de cette même disposition " [l]es mesures qui deviennent une aide suite à la libéralisation d'une activité par le droit communautaire ne sont pas considérées comme une aide existante après la date fixée pour la libéralisation ". Partant, il peut être envisagé, dans certaines circonstances, que le respect des quatre conditions prévues par l'article 87, paragraphe 1, CE puisse être apprécié à un autre moment que celui de l'entrée en vigueur d'une mesure donnée.

56 De même, la référence faite par la Commission à l'article 1er, sous b), v), du règlement nº 659-1999 au considérant 162 de la décision finale attaquée visait principalement à démontrer qu'une mesure qui n'était pas considérée comme une aide d'État au moment de sa mise à exécution pouvait le devenir à la suite de modifications importantes du cadre juridique et économique du marché concerné.

57 Deuxièmement, le seul cadre juridique pertinent en l'occurrence étant celui de l'annexe IV de l'acte d'adhésion, c'est à juste titre que la Commission n'a pas appliqué les dispositions de l'article 1er, sous b), v), du règlement nº 659-1999. Dès lors, les arguments invoqués par la requérante portant sur cet article doivent être rejetés comme dépourvus de pertinence.

58 Par ailleurs, ainsi qu'il ressort des considérants 377 à 381 de la décision finale attaquée, quand bien même la Commission aurait appliqué l'article 1er, sous b), v), seconde phrase, du règlement nº 659-1999, le résultat aurait été identique. En effet, après l'entrée en vigueur des AAE, la Hongrie, agissant d'abord de sa propre initiative, puis en transposant la législation de l'Union applicable au marché intérieur de l'électricité, a considérablement modifié le cadre juridique dans lequel les producteurs d'électricité exerçaient leur activité.

59 Dans ce cadre, il convient également de relever que l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la Hongrie, d'autre part (JO 1993, L 347, p. 2), a été signé à Bruxelles le 16 décembre 1991 et est entré en vigueur le 1er février 1994, c'est-à-dire avant la signature des AAE. Par ailleurs, la Hongrie a officiellement déposé sa demande d'adhésion le 31 mars 1994. Partant, au moment où les AAE ont été conclus, la Hongrie était déjà tenue, conformément à l'article 62 de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la Hongrie, d'autre part, d'harmoniser ses règles en matière de concurrence avec le traité CE. En tout état de cause, le traité d'adhésion cité au point 54 ci-dessus a été signé par la Hongrie le 16 avril 2003 et est entré en vigueur le 1er mai 2004. Par conséquent, à partir du 1er mai 2004, l'acquis communautaire, dont la directive 96-92, est devenu obligatoire en Hongrie, conformément à l'article 2 de l'acte d'adhésion et devait être appliqué à tous les accords conclus dans les nouveaux États membres, les seules exceptions à ces règles auraient dû trouver leur origine dans l'acte d'adhésion lui-même.

60 Il s'ensuit que l'argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû appliquer la première phrase de l'article 1er, sous b), v), du règlement nº 659-1999, ce qui aurait abouti à la qualification d'aide existante, ne saurait prospérer. Partant, l'argument selon lequel la Commission aurait dû appliquer la procédure des mesures utiles prévue par l'article 88, paragraphe 1, CE ne saurait non plus prospérer. Il résulte également de ce qui précède que l'affirmation de la requérante selon laquelle l'approche de la Commission irait à l'encontre de l'article 88, paragraphe 1, CE et de l'arrêt du Tribunal du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission (T-298-97, T-312-97, T-313-97, T-315-97, T-600-97 à T-607-97, T-1-98, T-3-98 à T-6-98 et T-23-98, Rec. p. II-2319), doit être rejetée. Or, les rédacteurs de l'acte d'adhésion entendaient retenir une telle approche, d'où la définition claire et précise en ce qui concerne la qualification d'une aide existante et celle d'une aide nouvelle dans ledit acte.

61 Enfin, si la requérante avance que seuls les régimes d'aide d'État et non les mesures individuelles peuvent devenir des aides d'État existantes en raison de l'évolution du marché commun, cet argument doit être rejeté. En effet, l'annexe IV de l'acte d'adhésion, qui constitue le seul cadre pertinent en l'espèce, porte expressément et de manière indifférenciée tant sur les régimes d'aides que sur les aides individuelles.

62 Dès lors, il découle de tout ce qui précède que la Commission n'a pas commis d'erreur de droit en prenant la date d'adhésion de la Hongrie à l'Union comme date pertinente pour déterminer l'existence d'une aide et, par conséquent, que l'argument portant sur cette question, tant dans l'affaire T-182-09 que dans l'affaire T-80-06, doit être rejeté.

Sur l'existence d'un avantage économique (affaires T-182-09 et T-80-06)

63 Dans le cadre de ce grief, la requérante réitère tout d'abord que, afin de déterminer si les AAE contiennent ou non un avantage économique, le moment de leur signature est déterminant. Ensuite, elle affirme que, quant bien même ses AAE seraient évalués à la date de l'adhésion de la Hongrie, ils ne contiendraient pas non plus d'avantage économique. À cet égard, elle met en doute le test de l'opérateur privé en économie de marché tel qu'utilisé par la Commission, qui, selon elle, serait trop simpliste, conceptuellement défectueux et empiriquement incomplet.

64 S'agissant du cadre temporel, il convient de se reporter aux points 50 à 54 ci-dessus.

65 S'agissant de l'argument portant sur l'application du critère de l'opérateur privé en économie de marché au cas d'espèce, il y a lieu de rappeler que l'appréciation, par la Commission, de la question de savoir si une mesure satisfait au critère de l'opérateur privé en économie de marché implique une appréciation économique complexe. La Commission, lorsqu'elle adopte un acte impliquant une telle appréciation, jouit dès lors d'un large pouvoir d'appréciation et le contrôle juridictionnel se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l'absence d'erreur de droit, de l'exactitude matérielle des faits retenus et de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ainsi que de l'absence de détournement de pouvoir. En particulier, il n'appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de l'auteur de la décision (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 25 avril 2002, DSG/Commission, C-323-00 P, Rec. p. I-3919, point 43, et arrêt du Tribunal du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T-196-04, Rec. p. II-3643, point 41).

66 Cependant, si le juge de l'Union reconnaît à la Commission une marge d'appréciation en matière économique ou technique, cela n'implique pas qu'il doit s'abstenir de contrôler l'interprétation, par la Commission, de données de cette nature. En effet, dans le respect des arguments avancés par les parties, le juge de l'Union doit notamment vérifier non seulement l'exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l'ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s'ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt de la Cour du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C-290-07 P, non encore publié au Recueil, point 65).

67 En l'espèce, il ressort de la décision finale attaquée que, afin d'évaluer l'existence d'un avantage économique, la Commission a pris pour référence un opérateur de marché soumis aux mêmes obligations et ayant les mêmes opportunités que MVM et qui est confronté aux mêmes conditions juridiques et économiques que celles prévalant en Hongrie au cours de la période examinée.

68 Pour effectuer cette analyse, la Commission a identifié les principales pratiques des acteurs commerciaux sur les marchés européens de l'électricité et a évalué si les AAE étaient en conformité avec ces pratiques ou bien s'ils offraient aux producteurs concernés des garanties qu'un acheteur agissant sur une base exclusivement commerciale n'accepterait pas (considérant 191 de la décision finale attaquée).

69 Cette approche doit être approuvée. En effet, afin d'évaluer le comportement d'un opérateur s'efforçant de se procurer un certain volume d'électricité dans les meilleures conditions commerciales possibles, il y a lieu d'examiner tous les arrangements contractuels qui sont susceptibles de régir un tel achat.

70 La Commission a donc " comparé l'obligation d'achat stipulée dans les AAE avec les principales caractéristiques des contrats à terme et spot, des contrats comprenant des 'droits de tirage', des contrats à long terme conclus avec les grands utilisateurs finals ainsi que des contrats conclus par les producteurs et les gestionnaires du réseau concernant la fourniture de services d'équilibrage " (considérant 206 de la décision finale attaquée).

71 Il y a lieu de relever que, eu égard au fait que l'électricité ne peut être stockée rentablement et afin d'assurer la stabilité du réseau, sa production doit continuellement être en équilibre avec la demande. Or, la quantité d'énergie électrique que les producteurs et les importateurs peuvent vendre et le prix qu'ils vont pouvoir en attendre sur le marché de gros dépendent de la quantité d'énergie électrique demandée, qui est en fluctuation constante. Cela implique que les capacités de production et d'importations nécessaires pour satisfaire la demande varient aussi. Cette caractéristique implique également des stratégies différentes tant pour le producteur que pour l'acheteur en ce qui concerne le commerce de l'énergie. Ainsi qu'il ressort du considérant 195 de la décision finale attaquée, la Commission a, dans son enquête sectorielle sur le secteur de l'électricité en Europe, examiné en détail les conditions dans lesquelles l'électricité était négociée sur les marchés de gros européens.

72 Selon le rapport final de cette enquête, tel que résumé aux considérants 196 à 204 de la décision finale attaquée, le commerce de gros de l'électricité a lieu sur les marchés " spot " ainsi que sur les marchés " à terme ". Les marchés " spot " sont généralement des contrats relatifs au jour suivant qui sont conclus le jour qui précède la livraison effective. Dans les marchés " à terme ", l'électricité est vendue avec des dates de livraison plus lointaines. La vente des produits " spot " et " à terme " peut intervenir sur les bourses d'échange d'énergie ou sous la forme de contrats négociés de gré à gré par le biais d'une chambre de compensation. Les arbitrages incessants font que les prix, pour des produits identiques, tendent à se rapprocher sur les bourses d'échange d'énergie et sur les marchés de gré à gré.

73 Sur les marchés " spot ", les échanges d'électricité se fondent sur des prix marginaux garantissant uniquement la couverture des coûts à court terme et non celle de tous les coûts fixes et de capital. Étant donné l'impossibilité de stocker l'électricité après la production, de façon rentable, aucune garantie n'existe en ce qui concerne le taux d'utilisation de la capacité de production.

74 Sur les marchés " à terme ", eu égard à la durée plus longue des contrats, l'incertitude, en ce qui concerne le taux d'utilisation des capacités de production, est moindre que sur les marchés " spot ". Toutefois, de tels contrats ne couvrent qu'une période limitée par rapport à la durée de vie des unités de production. Dès lors, le prix déterminé à l'avance, prix dérivé des attentes des acteurs du marché en ce qui concerne l'évolution future des prix sur les marchés " spot ", ne garantirait pas une couverture de tous les coûts fixes et de capital. Par exemple, si les coûts des combustibles augmentent au-delà des attentes, les coûts liés à la production d'électricité peuvent être supérieurs au prix prédéfini.

75 Le rapport final de l'enquête sectorielle de la Commission fait également mention des contrats " avec réservations de capacités de productions sous forme de 'droits de tirage' " (impliquant le paiement d'une redevance de capacité à l'exploitant), des contrats " conclus avec les grands utilisateurs commerciaux ou industriels finals " (souvent conclus après un appel d'offres à l'initiative des acheteurs, pour une durée d'environ un ou deux ans et à un prix fixé à l'avance qui n'est pas indexé sur des paramètres tels que les coûts des combustibles, ni orienté sur les coûts fixes ou ceux de capital) et des contrats " conclus pour les services d'équilibrage assurés par les gestionnaires du réseau " (par le biais d'un appel d'offres).

76 La comparaison des AAE et desdits contrats revêt une certaine pertinence aux fins de l'évaluation de l'éventuel avantage conféré dans le cadre des AAE. Ces derniers réservent à MVM la totalité ou une partie considérable de la capacité des unités de production exploitées dans le cadre de ces AAE. En outre, une partie minoritaire des capacités réservées dans le cadre des AAE est destinée à " la fourniture de services d'équilibrage au gestionnaire du réseau de transport " par MVM.

77 Il résulte de cette comparaison que la combinaison " réservation de capacités d'électricité à long terme, garantie d'achat minimum et mécanisme de fixation des prix couvrant les coûts fixes et de capital " telle qu'établie par les AAE ne correspond pas aux contrats habituels conclus sur les marchés de gros européens.

78 En effet, par rapport aux contrats " spot " et " à terme ", les AAE comportent moins de risques pour les producteurs en leur offrant une sécurité du point de vue, d'une part, de la rémunération des coûts fixes et de capital et, d'autre part, du taux d'utilisation des capacités de production. Quant aux " droits de tirage ", la différence essentielle existant entre cette forme d'accord et les AAE réside dans le fait que les " droits de tirage " ne sont généralement assortis d'aucune obligation d'achat minimal garantie. De même, la Commission a pu conclure, au considérant 215 de la décision finale attaquée, que les contrats d'achat " à long terme " conclus par les " grands utilisateurs " sont beaucoup plus avantageux pour l'acheteur que les AAE ne le sont pour MVM, dès lors, d'une part, que le prix fixé dans ces contrats, qui n'est normalement pas indexé sur des paramètres tels que les coûts de combustibles, n'est pas déterminé de manière à couvrir les coûts fixes et de capital et, d'autre part, que ces contrats sont conclus pour une durée nettement inférieure à celle des AAE. Enfin, en ce qui concerne les contrats portant sur des " services d'équilibrage ", la comparaison a permis de révéler que les producteurs bénéficiant d'un AAE ne supportent pas les risques liés aux appels d'offres et à l'incertitude relative à la quantité d'électricité qu'ils devront fournir.

79 Dès lors, à l'issue de son examen, la Commission est parvenue, à juste titre, à la conclusion que, en raison de leur structure, les AAE confèrent aux producteurs une garantie supérieure à celle des accords commerciaux habituels (considérant 217 de la décision finale attaquée).

80 Après avoir examiné les pratiques commerciales générales sur le marché européen de l'électricité, la Commission a ensuite analysé les contraintes rencontrées par MVM ainsi que ses objectifs commerciaux.

81 En effet, il s'est avéré que si MVM avait agi en opérateur de marché prudent, elle aurait mis en œuvre des stratégies d'approvisionnement (pouvant prendre la forme de contrats à court ou à plus long terme) lui assurant de disposer d'un volume d'électricité suffisant pour répondre aux besoins des segments réglementés tels qu'ils étaient censés évoluer au fil du temps. Or, les " avantages " que MVM tirait des AAE n'assuraient pas une stabilisation du prix de l'électricité telle que celle que tout opérateur sur le marché pouvait attendre d'un accord à long terme. En outre, ils s'accompagnaient du risque sérieux que MVM soit obligée d'acheter des quantités d'électricité supérieures aux besoins réels et subisse des pertes lors de la revente des quantités excédentaires.

82 Il s'ensuit que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans le cadre de son examen des AAE sous l'angle de l'investisseur privé en économie de marché.

83 Il s'ensuit également que l'argument de la requérante selon lequel le retour sur investissement dont bénéficient les producteurs devrait être considéré comme une contrepartie de la garantie en matière de vente d'électricité offerte par les AAE, et, par conséquent, comme un bénéfice profitant à MVM lors de l'application du critère de l'opérateur privé en économie de marché, doit être rejeté. Il y a lieu de relever, à cet égard, que l'objectif commercial de MVM, comme celui de tout grossiste en électricité confronté aux mêmes obligations et conditions de marché que MVM, était plutôt d'approvisionner le segment réglementé du marché de détail hongrois aux prix les plus bas. Or, à l'instar de la Commission, il est à noter que, dans le cadre d'une transaction normale entre un producteur et un acheteur d'électricité, les risques commerciaux liés à l'exploitation d'une centrale électrique sont habituellement supportés par le producteur d'électricité. À cet égard, il n'est pas démontré que MVM ait eu intérêt à supporter le risque associé aux équipements de production d'énergie électrique qui, à aucun moment, ne devaient lui être transférés. En outre, même s'il n'est nullement exclu que la mise en place des AAE ait pu être considérée par les autorités hongroises comme un levier permettant d'attirer des investissements sur le marché hongrois de l'électricité, cela n'exclut pas que les AAE conféraient un avantage auxdits investisseurs. Or, les raisons politiques sous-tendant une mesure sont indifférentes pour déterminer s'il s'agit d'une aide ou non, étant donné que l'interprétation de l'article 87, paragraphe 1, CE dépend de facteurs objectifs.

84 La requérante fait également valoir que ses AAE n'offraient pas totalement un retour garanti sur investissement eu égard au " système de révisions périodiques " prévu par les AAE ainsi qu'aux " risques liés à la réglementation ".

85 En ce qui concerne l'argument tiré de l'existence d'un système de révisions dans les AAE, il convient de constater que cet argument ne remet pas en cause le fait que la structure tout entière des AAE de la requérante, qui repose sur l'idée que le prix doit couvrir les coûts tant variables que fixes, y compris un retour sur investissement donné, a libéré la requérante des risques normalement supportés par les producteurs d'électricité sur un marché compétitif.

86 En ce qui concerne l'argument de la requérante selon lequel elle supportait le " risque que les autorités publiques dénoncent les conditions des AAE ", par exemple, en imposant un régime de contrôle des prix, qui aurait pu remplacer temporairement le mécanisme de fixation des prix des AAE, il est à noter que les marchés de l'électricité sont universellement réglementés. Il est, dès lors, toujours possible pour les autorités publiques de prendre des décisions affectant le fondement du plan d'entreprise. En effet, ainsi que la Commission l'a, à juste titre, indiqué au considérant 211 de sa décision finale attaquée, ce risque, ainsi que les risques liés à la réalisation, à l'écologie, à l'entretien et à la fiscalité ainsi qu'aux finances correspondent " aux risques habituels que tout acteur du marché de l'électricité doit supporter lui-même, même s'il vend sa production sur les marchés spot et à terme standardisés ".

87 De même, l'existence de prix réglementés qui, à certaines périodes, primaient sur les formules de prix incluses dans les AAE ne saurait être considérée comme une altération du principe sous-jacent de l'AAE, mais uniquement comme un mécanisme temporaire l'emportant sur certaines dispositions des AAE.

88 Enfin, en ce qui concerne la référence faite par la requérante à plusieurs études générales ainsi qu'à des contrats spécifiques, il y a lieu de noter, premièrement, que ceux-ci n'ont pas été fournis dans le cadre de la procédure administrative et, deuxièmement, que la requérante n'a pas expliqué le contexte dans lequel ces contrats ont été conclus, ni leurs modalités précises.

89 Il résulte de tout ce qui précède que l'argument portant sur l'absence d'un avantage économique, invoqué dans l'affaire T-182-09, ne saurait être accueilli. Il en va de même en ce qui concerne l'argument similaire invoqué dans l'affaire T-80-06.

Sur l'argument, dans l'affaire T-182-09, portant sur l'existence d'un service d'intérêt économique général, sous l'angle de l'article 87, paragraphe 1, CE ou de l'article 86, paragraphe 2, CE

90 L'argument de la requérante selon lequel les AAE ne relèvent pas de l'article 87, paragraphe 1, CE étant donné que les conditions énoncées dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C-280-00, Rec. p. I-7747, ci-après l'" arrêt Altmark "), seraient remplies doit être écarté. Il résulte de cet arrêt que, dans la mesure où des subventions publiques accordées à des entreprises explicitement chargées d'obligations de service public afin de compenser les coûts occasionnés par l'exécution de ces obligations répondent à un ensemble de quatre conditions, de telles subventions ne tombent pas sous le coup de l'article 87, paragraphe 1, CE. À cet égard, il suffit de rappeler que la première condition énoncée dans cet arrêt indique que l'entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l'exécution d'obligations de service public et que ces obligations doivent être clairement définies. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, aucun document n'attestant qu'un service d'intérêt économique général aurait été défini et confié à la requérante. Ainsi qu'il résulte du considérant 260 de la décision finale attaquée, l'obligation incombant à MVM selon les règles de droit hongrois en vigueur durant la période examinée consistait à garantir la sécurité de l'approvisionnement. Il ne s'agissait là que d'une obligation générale, en vertu de laquelle l'acheteur unique de l'époque devait garantir l'approvisionnement nécessaire pour couvrir la totalité des besoins énergétiques. Aucune obligation de fournir des services d'intérêt économique général n'était imposée à un producteur donné.

91 Pour les raisons invoquées au point précédent, il convient également de rejeter l'affirmation selon laquelle les AAE doivent être considérés comme étant la " délégation " aux producteurs individuels d'une partie de l'obligation de service d'intérêt économique général incombant à MVM.

92 Il s'ensuit que l'argument de la requérante tiré du fait que, si ses AAE n'étaient pas conformes aux exigences définies dans l'arrêt Altmark, point 90 supra, ils auraient au moins dû être considérés comme contenant une aide d'État à laquelle la dérogation prévue à l'article 86, paragraphe 2, CE, était applicable ne saurait non plus prospérer. À cet égard, il importe de relever que la première condition énoncée dans l'arrêt Altmark, point 90 supra, selon laquelle l'entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l'exécution d'obligations de service public, s'applique également dans le cas où la dérogation prévue à l'article 86, paragraphe 2, CE a été invoquée (arrêts du Tribunal du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T-289-03, Rec. p. II-81, point 160, et du 11 juin 2009, ASM Brescia/Commission, T-189-03, Rec. p. II-1831, points 126 et 127). Or, ainsi qu'il ressort des points précédents, cette exigence n'est pas remplie en l'espèce.

Sur la distorsion de concurrence (affaires T-182-09 et T-80-06)

93 Par ce grief, la requérante avance, premièrement, que l'annexe IV de l'acte d'adhésion n'énumère pas de façon exhaustive les mesures d'aide pouvant être considérées comme étant existantes, deuxièmement, que l'article 1er , sous b), v), seconde phrase, du règlement nº 659-1999 ne s'applique pas à ses AAE et, troisièmement, que la Commission n'a pas établi un lien entre l'avantage économique conféré par les AAE à compter de l'adhésion de la Hongrie à l'Union et l'incidence que ces AAE pouvaient avoir sur la concurrence.

94 Il y a lieu tout d'abord de relever que la requérante ne démontre pas dans quelle mesure ses allégations relatives à la non-exhaustivité de l'annexe IV de l'acte d'adhésion et à la non-application de l'article 1er, sous b), v), seconde phrase, du règlement nº 659-1999 se rapportent aux conditions d'application de l'article 87, paragraphe 1, CE tenant à ce que l'intervention publique, d'une part, doit être susceptible d'affecter les échanges entre les États membres et, d'autre part, fausse ou menace de fausser la concurrence.

95 Aux fins de la qualification d'une mesure nationale d'aide d'État, il y a lieu non d'établir une incidence réelle de l'aide sur les échanges entre États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d'examiner si l'aide est susceptible d'affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir arrêt de la Cour du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C-222-04, Rec. p. I-289, point 140, et la jurisprudence citée).

96 En outre, si la Commission a correctement exposé en quoi les aides litigieuses étaient susceptibles d'avoir de tels effets, il ne lui incombe pas de procéder à une analyse économique de la situation réelle du marché concerné, de la part de marché des entreprises bénéficiaires des aides, de la position des entreprises concurrentes et des courants d'échanges des produits ou des services en cause entre les États membres (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T-55-99, Rec. p. II-3207, point 102, et du 6 septembre 2006, Italie et Wam/Commission, T-304-04 et T-316-04, non publié au Recueil, point 64).

97 De plus, la circonstance qu'un secteur économique a fait l'objet d'une libéralisation au niveau communautaire, comme en l'espèce, est de nature à caractériser une incidence réelle ou potentielle des aides sur la concurrence ainsi que leur effet sur les échanges entre États membres (voir arrêt Cassa di Risparmio di Firenze e.a., point 95 supra, point 142, et la jurisprudence citée).

98 À cet égard, il convient de renvoyer aux considérants 319 à 330 de la décision finale attaquée. Il en ressort en effet une série d'éléments de nature à établir l'existence d'une distorsion de concurrence ainsi qu'une affectation potentielle des échanges intracommunautaires, tenant notamment aux difficultés rencontrées par les utilisateurs finaux éligibles à passer au marché libre (considérant 324) et aux obstacles à l'entrée des nouveaux producteurs sur le marché de gros (considérant 325). L'achat minimal garanti limite les importations effectives ou potentielles, puisqu'il empêche les importations qui pourraient s'avérer plus avantageuses pour remplacer une partie des volumes vendus sous le couvert des AAE sur le marché de gros. Dès lors, contrairement à ce que prétend la requérante, le lien entre l'avantage économique résultant des AAE et l'incidence sur la concurrence et les échanges interétatiques a suffisamment été établi tant dans la décision finale attaquée que dans la décision d'ouverture.

Sur la prétendue violation, dans l'affaire T-182-09, de l'article 87, paragraphe 3, CE

99 La requérante reproche à la Commission d'avoir violé l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE en ce qu'elle aurait appliqué un cadre juridique erroné, à savoir les lignes directrices applicables au moment de l'adhésion de la Hongrie à l'Union, à savoir l'encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement (JO 2001, C 37, p. 3, ci-après l'" encadrement de 2001 "), au lieu de celles applicables à l'époque de la conclusion des AAE, à savoir l'encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement (JO 1994, C 72, p. 3, ci-après l'" encadrement de 1994 "). En outre, la requérante estime que la Commission aurait dû appliquer au cas d'espèce les mêmes principes que ceux qu'elle a appliqués dans sa décision C (2002) 5 final, du 15 janvier 2002, concernant l'aide d'État N 826-01 - Irlande - Besoins en énergies alternatives (I à IV). Enfin, la requérante fait valoir que, en tout état de cause, ses AAE sont compatibles avec l'encadrement de 2001 dans la mesure où ils comblaient l'écart entre les coûts de production et le prix du marché.

100 L'argument tiré du cadre temporel doit être écarté. Il suffit, à cet égard, de renvoyer aux points 50 et 52 ci-dessus, dans lesquels il a été constaté que c'est à juste titre que la Commission a examiné la question de savoir si les mesures en cause remplissaient ou non toutes les conditions pour pouvoir être qualifiées d'aide à la date de l'adhésion de la Hongrie à l'Union.

101 Pour le reste, les arguments soulevés par la requérante ne sauraient prospérer.

102 Premièrement, dès lors qu'il résulte notamment du point 50 ci-dessus et des points 81 et 82 de l'encadrement de 2001 que les dispositions de ce dernier sont les seules applicables à la présente affaire, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de l'encadrement de 1994. Par ailleurs, la requérante ne saurait utilement se prévaloir, dans le cadre du présent litige, de l'affaire ayant donné lieu, sous l'empire de l'encadrement de 1994, à la décision C (2002) 5 final.

103 Deuxièmement, il ressort de l'encadrement de 2001 que seule une installation de cogénération dont l'effet positif conséquent pour l'environnement est prouvé peut être prise en charge par l'aide au fonctionnement. Or, rien n'indique que cette condition ait été remplie en l'espèce. Ensuite, ainsi qu'il ressort du considérant 412 de la décision finale attaquée, si les points 58 à 60 de l'encadrement de 2001 prévoient que, dans le cadre d'une " Option 1 ", les États membres peuvent octroyer des aides qui compensent la différence entre les coûts de production des énergies renouvelables et le prix du marché de l'énergie en cause, il ressort des pièces du dossier que les AAE n'ont pas été conclus sur la base du prix du marché de l'énergie électrique, mais exclusivement en fonction des coûts d'investissement et d'exploitation des producteurs concernés. En outre, il est à noter que ni les autorités hongroises ni la requérante n'ont avancé d'arguments qui auraient permis d'aboutir à une conclusion différente. Dès lors, il convient de rejeter l'ensemble des arguments soulevés par la requérante en ce qui concerne une prétendue violation de l'article 87, paragraphe 3, CE.

Sur la violation, dans l'affaire T-182-09, de l'article 88, paragraphe 3, CE et de l'article 14 du règlement nº 659-1999

104 Dans le cadre de cette branche, la requérante avance, en premier lieu, qu'une aide d'État individuelle existante ne peut être récupérée et, en second lieu, que les lignes directrices relatives au calcul du montant à récupérer telles que fournies par la Commission dans la décision finale attaquée sont erronées, de sorte que l'article 2, paragraphe 1, de ladite décision devrait être annulé.

105 Il convient de constater que la première allégation repose sur la prémisse erronée selon laquelle une distinction doit être faite entre une aide individuelle et un régime d'aide, de sorte que toute aide éventuellement contenue dans les AAE de la requérante doit être considérée comme une aide individuelle existante. Ainsi qu'il a déjà été relevé au point 61 ci-dessus, une telle distinction n'est pas pertinente en l'espèce. Dès lors, cet argument doit être rejeté.

106 S'agissant de la méthode retenue par la Commission afin de calculer le montant à récupérer, il convient, à titre liminaire, de rappeler que la Commission est compétente, lorsqu'elle constate l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun, pour décider que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier (arrêt de la Cour du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70-72, Rec. p. 813, point 13).

107 De même, l'obligation pour l'État de supprimer une aide considérée par la Commission comme incompatible avec le marché commun vise au rétablissement de la situation antérieure. La Cour a déclaré à cet égard que cet objectif est atteint lorsque les bénéficiaires ont restitué la somme versée au nom de l'aide illégale, perdant ainsi l'avantage dont ils avaient bénéficié sur le marché par rapport à leurs concurrents, et lorsque la situation antérieure au versement de l'aide est rétablie (voir arrêt de la Cour du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C-75-97, Rec. p. I-3671, points 64 et 65, et la jurisprudence citée).

108 En outre, il convient de rappeler qu'aucune disposition du droit de l'Union n'exige que la Commission, lorsqu'elle ordonne la restitution d'une aide déclarée incompatible avec le marché commun, fixe le montant exact de l'aide à restituer. Il suffit, à cet égard, que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (arrêts de la Cour du 12 octobre 2000, Espagne/Commission, C-480-98, Rec. p. I-8717, point 25 ; du 12 mai 2005, Commission/Grèce, C-415-03, Rec. p. I-3875, point 39 ; du 14 février 2008, Commission/Grèce, C-419-06, non publié au Recueil, point 44, et du 28 juillet 2011, Mediaset/Commission, C-403-10 P, non publié au Recueil, points 126 à 127).

109 En l'espèce, la Commission a, au considérant 443 de la décision finale attaquée, reconnu que le calcul exact du montant de l'aide d'État octroyée aux bénéficiaires était complexe étant donné qu'il dépendait essentiellement du prix et de la quantité d'électricité qui aurait pu être produite et vendue sur le marché de gros hongrois entre le 1er mai 2004 et la date d'expiration des AAE dans la situation où, pendant la période en question, aucun AAE n'aurait été en vigueur. Durant la procédure formelle d'examen, il n'a pas été possible, sur la base des données disponibles, de calculer le montant exact de l'aide à rembourser. C'est la raison pour laquelle la Commission a exigé de la Hongrie que celle-ci calcule les montants exacts à rembourser, dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision finale attaquée, sur la base d'une méthode préalablement définie, à savoir une simulation appropriée du marché de gros de l'énergie électrique tel que celui-ci aurait fonctionné si aucun des AAE de long terme n'avait été en vigueur au 1er mai 2004.

110 D'après cette méthode, le calcul du montant exact de l'aide à rembourser doit reposer sur la simulation des conditions qui auraient prévalu sur le marché de gros de l'électricité pour la période comprise entre le 1er mai 2004 et la date d'expiration des AAE, si aucun des AAE n'avait été en vigueur au cours de cette période. Dans ce cadre, les considérants 447 à 463 de la décision finale attaquée fournissent des orientations détaillées et les principes applicables pour calculer la somme à rembourser.

111 La requérante conteste, en substance, la méthodologie retenue par la Commission pour deux raisons. En premier lieu, en ce qui concerne l'obligation de choisir, aux fins de la simulation, un marché " spot ", la requérante fait valoir que, afin de réduire les risques, les acheteurs et les vendeurs sur le marché de gros de l'électricité recourent tant à des contrats " à terme " qu'à des contrats " à plus court terme ".

112 En second lieu, en ce qui concerne l'obligation de calculer les montants à récupérer sur les recettes, la requérante estime que, en l'absence des AAE, les producteurs d'électricité concernés auraient perçu des recettes et supporté des coûts différents, par exemple les coûts liés aux prix des combustibles, qui auraient dû être intégrés dans le mode de calcul. En outre, la méthode de simulation de la Commission ne tiendrait pas compte du fait que, sans les AAE, les producteurs d'électricité n'auraient pas investi dans les centrales électriques en Hongrie.

113 Il convient, tout d'abord, d'observer que, en l'espèce, le calcul des montants à rembourser doit nécessairement se fonder sur un certain nombre d'hypothèses. En l'occurrence, ces hypothèses portent sur les conditions dans lesquelles MVM aurait acheté de l'électricité si elle n'avait pas été liée par les contraintes que lui imposaient les AAE.

114 Il convient, ensuite, de constater, ainsi qu'il ressort des considérants 449 et 450 de la décision finale attaquée, que la question de la nature des contrats a été dûment examinée par la Commission. Il est indiqué auxdits considérants que la proportion de contrats " spot " et " à terme " en ce qui concerne les ventes de gros de l'électricité varie d'un marché à l'autre et dépend des stratégies définies par les acteurs du marché, qui sont difficiles à évaluer. Eu égard au fait, premièrement, qu'il existe des marchés de gros de l'électricité qui affichent une proportion très élevée d'électricité vendue sous la forme de produits " spot ", deuxièmement, que les prix sur le marché " à terme " sont, à la différence du marché " spot ", difficiles à simuler et, troisièmement, que les prix " spot " servent de référence à l'ensemble du marché de gros y compris en ce qui concerne les produits " à terme ", il est raisonnable que la Commission ait exigé, dans le cadre d'une simulation du marché de gros devant conduire à déterminer le " scénario alternatif ", c'est-à-dire " le cas imaginaire où, entre le 1er mai 2004 et la dissolution des AAE, aucun des AAE n'aurait été en vigueur, toutes choses égales par ailleurs ", d'utiliser le modèle d'un marché " spot ". Une simulation basée sur un marché " spot " est la plus fiable, tout autre scénario introduirait des hypothèses moins objectives. Dès lors, la Commission pouvait retenir un " scénario alternatif " dans lequel toute vente d'énergie électrique était considérée, en dehors de cas particuliers mentionnés aux considérants 453 à 456 de la décision finale attaquée, comme se réalisant dans le cadre d'opérations " spot ".

115 En ce qui concerne la critique selon laquelle le " scénario alternatif " omet d'intégrer le fait que, en l'absence des AAE, les producteurs d'électricité concernés auraient perçu des recettes et supporté des coûts différents, il convient de relever que l'approche préconisée par celle-ci subordonnerait le calcul des montants remboursables à plusieurs hypothèses spéculatives liées à son comportement, ou à celui des fournisseurs d'électricité, dont il ne saurait être tenu compte. L'approche préconisée par la requérante impliquerait une reconstitution différente du passé en fonction d'éléments hypothétiques tels que les choix, souvent multiples, qui auraient pu être faits par les opérateurs intéressés, d'autant que les choix effectivement opérés avec le bénéfice de l'aide peuvent s'avérer irréversibles. Or, il est à noter qu'une telle approche a été rejetée par la Cour dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 15 décembre 2005, Unicredito Italiano (C-148-04, Rec. p. I-11137, point 118). Il en va de même en ce qui concerne l'affirmation selon laquelle les producteurs, sans l'offre de conclure un AAE, n'auraient pas investi dans les centrales électriques en Hongrie. En outre, l'existence d'un avantage économique, qui doit, en l'espèce, conformément au principe de l'opérateur privé en économie de marché, être appréciée par référence au comportement de l'entreprise publique conférant l'avantage examiné, et non par référence au comportement du bénéficiaire de cet avantage, se présente comme la différence entre les montants que MVM aurait, dans des conditions normales de marché, payés pour l'achat de l'électricité dont elle avait besoin et les montants qu'elle a effectivement payés pour l'électricité achetée, qu'elle en ait eu besoin ou non. C'est d'ailleurs pour cette raison que la méthodologie de remboursement retenue dans la décision finale attaquée définit les montants à rembourser comme une différence de recettes et non comme une différence de bénéfices.

116 Enfin, en ce qui concerne la référence faite par la requérante à deux décisions antérieures de la Commission dans le cadre de son grief portant sur la méthode de calcul du montant à récupérer, il y a lieu de noter que celles-ci ne sont pas concluantes. La décision 2007-374-CE de la Commission, du 24 janvier 2007, relative à l'aide d'État C 52-2005 (ex NN 88-2005, ex CP 101-2004) octroyée par la République italienne sous forme de subvention à l'achat de décodeurs numériques (JO L 147, p. 1), portait sur un marché et un mécanisme de financement différents. Cette affaire concernait l'octroi d'une aide indirecte, à des diffuseurs de télévision numérique terrestre et à des opérateurs par câble qui offraient des services de télévision à péage, sous la forme d'une subvention forfaitaire accordée à des particuliers pour l'achat de décodeurs numériques. De ce fait, les opérateurs visés étaient en mesure de vendre leurs services à un nombre plus important de consommateurs. Les recettes supplémentaires pour les opérateurs découlant de ce mécanisme étaient donc financées en partie par la subvention publique et en partie par les propres ressources des consommateurs. En revanche, les AAE hongrois concernent un transfert direct de ressources publiques au profit des opérateurs concernés.

117 S'agissant de la décision 2009-287-CE de la Commission, du 25 septembre 2007, concernant l'aide d'État accordée par la Pologne dans le cadre d'accords d'achat d'électricité à long terme et l'aide d'État que la Pologne prévoit d'accorder dans le cadre de compensations versées en cas de résiliation volontaire d'un accord d'achat d'électricité à long terme (JO 2009, L 83, p. 1), il y a lieu de constater que les autorités polonaises avaient notifié un régime de compensation des " coûts échoués " avant que la Commission n'adopte sa décision finale sur les AAE. La Commission a donc pu se prononcer sur les AAE et sur le régime de compensation des " coûts échoués " dans une même décision. Ensuite, il est à noter que la déduction des flux financiers à laquelle fait référence la requérante dans ses écritures fait partie du calcul des " coûts échoués " et non de celui des aides reçues au titre des AAE. En d'autres termes, la déduction, par les autorités polonaises, des flux financiers des coûts d'investissement des producteurs est sans rapport avec le fait que ces producteurs ont bénéficié, par leurs AAE, d'aides illégales.

118 Partant, la branche tirée de la violation de l'article 88, paragraphe 3, CE et de l'article 14 du règlement n° 659-1999 doit être rejetée.

119 Il résulte de ce qui précède que le premier moyen dans l'affaire T-182-09 et le deuxième moyen dans l'affaire T-80-06, sous réserve de l'argument tiré de l'absence d'un examen individuel (voir point 126 ci-après), doivent être rejetés.

Sur le deuxième moyen dans l'affaire T-182-09 et le premier moyen dans l'affaire T-80-06

120 La requérante conteste le fait que l'aide accordée dans le cadre de ses AAE soit " applicable après " l'adhésion de la Hongrie à l'Union au sens de l'annexe IV, chapitre 3, point 1, de l'acte d'adhésion et de l'article 1er, sous b), du règlement nº 659-1999. Elle insiste, à cet égard, sur la position adoptée par la Commission dans les considérants 49, 51 et 52 de la décision, notifiée à la République tchèque le 14 juillet 2004, ouvrant la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE, concernant l'aide d'État C 27-04 (ex CZ 49-03) - Agrobanka Prha, a.s. / GE Capital Bank, a.s. Ainsi, selon la requérante, une mesure d'aide qui a été mise en place avant l'adhésion et qui conduit à des versements après celle-ci doit être considérée comme " non applicable " après l'adhésion dès lors, d'une part, que les montants à verser après l'adhésion ont déjà été précisément connus avant cette dernière et, d'autre part, que la décision de verser ces montants a été prise de façon inconditionnelle avant l'adhésion. En l'espèce, la requérante fait valoir que l'exposition financière de la Hongrie en ce qui concerne ses AAE était connue avant l'adhésion eu égard, premièrement, à la formule de calcul des redevances à payer par MVM et, deuxièmement, au fait que les AAE étaient limités dans le temps.

121 Il importe de constater que, certes, les dispositions contractuelles des AAE sont à l'origine des versements que MVM devait effectuer après l'adhésion. Toutefois, contrairement à ce que prétend la requérante, comme ceux-ci étaient fonction de l'évolution imprévisible de paramètres tels que le prix des combustibles, le mécanisme d'aide doit être considéré comme " applicable après " l'adhésion.

122 L'existence d'une formule de fixation de prix n'est pas concluante à cet égard. Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler que la Commission a, aux considérants 348 à 365 de la décision finale attaquée, explicité les raisons pour lesquelles, d'une part, les AAE ne définissaient pas le niveau maximal de l'engagement financier de l'État et, d'autre part, avant l'adhésion, le niveau précis de cet engagement financier ne pouvait être connu pour toute la durée des AAE. En effet, il s'est avéré que le prix auquel les producteurs vendaient leur énergie à MVM était le résultat de calculs basés sur des formules constituées de nombreux indicateurs fluctuants. Ainsi, la formule de calcul contenue dans les AAE incluait notamment un " tarif de mise à disposition " et un " tarif énergie ". Il en résulte que le prix de vente de l'électricité à MVM dépendait d'un " plan de production périodique " et fluctuait, par la suite, en fonction notamment de l'évolution de la demande en énergie, des comportements des parties contractantes ou encore du prix des combustibles.

123 Dès lors, la Commission a pu légalement conclure, au considérant 363 de la décision finale attaquée et à titre provisoire dans la décision d'ouverture, que l'existence de formules de fixation de prix ne délimitait pas de manière précise l'engagement financier de l'État.

124 Il s'ensuit que le deuxième moyen dans l'affaire T-182-09 ainsi que le premier moyen dans l'affaire T-80-06 doivent être rejetés.

Sur le troisième moyen dans l'affaire T-182-09, tiré de la violation de formes substantielles, et le deuxième moyen dans l'affaire T-80-06, en ce qu'il vise l'argument tiré de l'absence d'un examen individuel

125 Dans le cadre du troisième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a, à quatre égards, enfreint les formes substantielles en adoptant la décision finale attaquée. Premièrement, son droit d'être entendue aurait été violé, car la décision d'ouverture de la procédure formelle ne lui aurait pas permis de connaître l'approche qui allait être retenue par la Commission concernant la période pertinente pour l'appréciation de la mesure en cause, de sorte qu'elle n'a pas été en mesure de présenter d'observations utiles à cet égard. Deuxièmement, la requérante soutient que, dès lors, d'une part, qu'elle n'a pas eu la possibilité de commenter la position des autorités hongroises au cours de la procédure formelle et, d'autre part, que la Commission n'a pas tenu compte des informations relatives aux centrales en tant qu'unités de cogénération, la Commission n'a pas procédé à un examen diligent et impartial. Troisièmement, la décision finale attaquée serait entachée d'un vice dans la mesure où elle repose sur une évaluation générique de l'ensemble des AAE plutôt que sur une évaluation des différents AAE pris individuellement. Quatrièmement, la requérante fait valoir que, pour autant que les AAE aient pu être considérés comme des régimes d'aide existants, quod non, la Commission aurait dû appliquer la procédure des mesures utiles prévue à l'article 88, paragraphe 1, CE et à l'article 18 du règlement nº 659-1999.

126 Le troisième grief, mentionné au point précédant, a également été invoqué dans le cadre du deuxième moyen du recours dans l'affaire T-80-06.

127 S'agissant, en premier lieu, de la prétendue violation du droit à être entendu, particulièrement en ce qui concerne le cadre temporel, il y a lieu de constater qu'il ressort de la décision d'ouverture que les doutes de la Commission découlent de son analyse préliminaire des AAE tels qu'ils sont appliqués depuis 2004. En outre, tant les arguments présentés dans le cadre du recours contre la décision d'ouverture que les observations formulées lors de la procédure formelle d'examen démontrent que la requérante avait conscience de l'intention de la Commission de vérifier l'existence d'une aide d'État dans les conditions prévalant depuis l'adhésion. D'ailleurs, dans ces observations, la requérante remet en cause, d'une façon détaillée, la période pertinente de l'évaluation telle qu'envisagée par la Commission.

128 S'agissant, en deuxième lieu, de l'obligation de procéder à un examen diligent et impartial, il convient de constater qu'aucun élément du dossier n'indique que la Commission a manqué à son devoir. À le supposer même établi, le fait que les intérêts de la Hongrie et ceux du bénéficiaire de l'aide soient diamétralement opposés ne saurait utilement être invoqué. En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a pris en compte le fait que les centrales de la requérante sont des centrales de cogénération. Les considérants 410 à 413 de la décision finale attaquée, dans lesquels la Commission conclu que les conditions pour que lesdites centrales puissent bénéficier de l'exception prévue par l'encadrement de 2001 ne sont pas remplies, ne sont pas de nature à remettre en cause ce constat.

129 En troisième lieu, l'argument tiré de ce que la Commission n'aurait pas procédé à une évaluation individuelle des différents AAE ne saurait non plus prospérer. À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission a indiqué, aux considérants 153 et 154 de la décision finale attaquée, les raisons pour lesquelles il convenait, eu égard à leurs similitudes, d'adopter une décision unique pour l'ensemble des AAE et de procéder à une évaluation commune de tous ces accords. À cet égard, elle énumère, au considérant 153 de ladite décision, les éléments qui, du point de vue de l'examen des aides d'État, sont valables pour tous les AAE. Par ailleurs, il ressort du considérant 154 de cette même décision que la Commission a tenu compte des différences existant entre les AAE lors de l'adoption de la décision finale attaquée dans la mesure où elles étaient pertinentes pour l'examen de la compatibilité desdits AAE avec les règles en matière d'aides d'État.

130 La prise en compte d'éléments spécifiques concernant les opérateurs individuels est notamment explicitée dans la décision finale attaquée aux considérants 29 (accords de résiliation de certains AAE), 36 à 45 (circonstances dans lesquelles les AAE ont été conclus), 245 à 247, 249 et 250 (prix de vente de l'électricité par producteur), ainsi que dans les tableaux 3, 4, 10 et 11 (informations détaillées relatives aux AAE relevant du champ d'application de la décision finale attaquée). Il est également fait mention de tels éléments spécifiques aux considérants 73 (détermination des coûts que MVM était tenue de payer lorsqu'elle n'achetait pas à certains opérateurs la quantité minimale garantie), 216 (contrats portant sur des " services d'équilibrage "), 237 et 266 (importance accordée à l'utilisation de " ressources indigènes " par la centrale de Mátra), ainsi que 274 et 302 à 307 (procédure d'appel d'offres portant sur l'AAE relatif à la centrale Kispest) de la décision finale attaquée.

131 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que la Commission n'a conclu à l'existence d'une aide d'État incompatible avec le marché commun en faveur des producteurs d'électricité bénéficiaires, dont la requérante, qu'après avoir, en premier lieu, examiné l'obligation d'achat ancrée dans tous les AAE sur la base de l'article 87, paragraphe 1, CE et, en second lieu, pris en considération, en sus des critères généraux, les caractéristiques spécifiques de chaque AAE qui étaient importantes pour l'examen visant à déterminer l'existence d'une aide d'État.

132 En quatrième lieu, le grief pris de ce que la Commission aurait dû appliquer la procédure des mesures utiles visée à l'article 88, paragraphe 1, CE doit également être rejeté au motif que, ainsi qu'il a déjà été expliqué aux points 50 à 52 ci-dessus, l'aide contenue dans les AAE de la requérante ne saurait être considérée comme une aide existante au regard de l'acte d'adhésion.

133 En conclusion, dans l'affaire T-182-09, il convient de rejeter le troisième moyen dans son intégralité.

134 De même, ainsi qu'il a déjà été indiqué au point 126 ci-dessus, le grief portant sur l'absence d'un examen individuel des AAE est également invoqué dans le cadre du deuxième moyen dans l'affaire T-80-06. Or, il résulte de la décision d'ouverture que la Commission a procédé à une évaluation globale et individuelle, même de façon succincte, des caractéristiques des AAE. Il résulte de ce qui précède que ce grief ne saurait non plus prospérer dans le cadre du recours dans l'affaire T-80-06. Par conséquent, le deuxième moyen dans ladite affaire doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le quatrième moyen dans l'affaire T-182-09, tiré de la violation de l'article 253 CE en ce que la décision finale attaquée est insuffisamment motivée

135 La requérante estime, en substance, que la Commission n'a pas fourni une motivation adéquate concernant son appréciation de la compatibilité de l'aide reçue au regard des dispositions de l'encadrement de 2001 relatives à la cogénération.

136 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la portée de l'obligation de motivation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, de façon, d'une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d'autre part, à permettre au juge de l'Union d'exercer son contrôle de légalité. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait ou de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, la Commission n'est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d'exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision (voir arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T-349-03, Rec. p. II-2197, points 62 à 64, et la jurisprudence citée).

137 En l'espèce, il convient de constater que les considérants 410 à 412 de la décision finale attaquée apportent, ainsi qu'il a déjà été constaté au point 103 ci-dessus, de manière concise, mais complète, des justifications suffisantes pour étayer la conclusion selon laquelle les centrales de cogénération de la requérante ne satisfaisaient pas aux critères de compatibilité énoncés dans l'encadrement de 2001.

138 Il s'ensuit que le quatrième moyen, tiré d'une insuffisance de motivation, doit être rejeté.

Sur le cinquième moyen dans l'affaire T-182-09, tiré d'un détournement de pouvoir

139 Dans le cadre du dernier moyen, la requérante reproche à la Commission d'avoir utilisé ses pouvoirs découlant des règles relatives aux aides d'État non dans le but de supprimer l'avantage concurrentiel dont jouissaient les prétendus bénéficiaires de l'aide, mais dans le but d'ouvrir le marché hongrois de l'électricité et de libérer, par conséquent, les capacités qui étaient alors soumises à ces accords.

140 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir se réfère au fait, pour une autorité administrative, d'avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise à une telle fin (arrêts de la Cour du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C-331-88, Rec. p. I-4023, point 24, et du 10 mai 2005, Italie/Commission, C-400-99, Rec. p. I-3657, point 38). En cas de pluralité de buts poursuivis, même si un motif non justifié se joint aux motifs valables, la décision ne serait pas pour autant entachée de détournement de pouvoir, dès lors qu'elle ne sacrifie pas le but essentiel (arrêt de la Cour du 21 décembre 1954, Italie/Haute Autorité, 2-54, Rec. p. 73, 103, et arrêt du Tribunal du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T-87-05, Rec. p. II-3745, point 87).

141 Force est de constater que la requérante n'a présenté aucun élément susceptible de démontrer que la Commission aurait utilisé, en l'espèce, son pouvoir à d'autres fins que celles de déterminer si les AAE contenaient une mesure d'aide d'État, d'apprécier la compatibilité de cette aide avec le marché commun, d'imposer le remboursement de l'aide déjà versée et d'exiger de la Hongrie qu'elle s'abstienne, à l'avenir, d'accorder cette aide.

142 Dès lors, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être rejeté.

Sur le troisième moyen dans l'affaire T-80-06, tiré de la violation de l'article 253 CE

143 S'agissant du troisième moyen dans l'affaire T-80-06, pris d'un défaut de motivation, il y a lieu de relever que les insuffisances de motivation alléguées, en l'espèce, ne sauraient être considérées comme une violation de l'article 253 CE. En effet, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné à suffisance, à ce stade, certaines questions se rapportant au point de savoir si les mesures en cause étaient " encore applicables " après l'adhésion de la Hongrie à l'Union, si elles avaient un impact sur les échanges entre les État membres, si elles devaient être qualifiées d'aides et, le cas échéant, s'il s'agissait d'aides nouvelles ou existantes. À cet égard, il convient de rappeler que l'exigence de la motivation de l'article 253 CE est, dans le cadre d'une procédure d'ouverture, régi par l'article 6 du règlement nº 659-1999. Or, selon l'article 6 dudit règlement, la décision d'ouverture doit mettre les parties intéressées en mesure de participer de manière efficace à la procédure formelle d'examen lors de laquelle elles auront la possibilité de faire valoir leurs arguments. À cette fin, il suffit que les parties connaissent le raisonnement qui a amené la Commission à considérer provisoirement que la mesure en cause pouvait constituer une aide nouvelle incompatible avec le marché commun (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T-195-01 et T-207-01, Rec. p. 2309, points 136 à 138, et la jurisprudence citée). Or, force est de constater que la décision d'ouverture expose d'une façon claire les motifs pour lesquels un examen plus approfondi était opportun. Il s'ensuit que le moyen pris d'un défaut de motivation est non fondé.

144 Il s'ensuit qu'il y a lieu de rejeter le troisième moyen, tiré de la violation de l'article 253 CE.

145 En conséquence, il y a lieu de conclure au rejet des recours dans leur intégralité.

Sur les dépens

146 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1) Les recours sont rejetés.

2) Budapesti Eromu Zrt est condamnée aux dépens.