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Décisions

CA Orléans, ch. com., 26 janvier 2012, n° 11-01701

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Proditrans Express (SARL)

Défendeur :

Transports Mercier et Fils (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Raffejeaud

Conseillers :

MM. Garnier, Monge

Avoués :

Me Garnier, SCP Desplanques Devauchelle

Avocats :

Me Banbanaste, SCP Ousaci

T. com. Orléans, du 19 mai 2011

19 mai 2011

La société Proditrans Express avait recruté Mme Bataille en 2004 en qualité d'agent d'exploitation plus spécialement chargée de la gestion des affrètements internationaux auprès de sa clientèle.

Mme Bataille a quitté la société le 30 septembre 2010 et a été réembauchée par la société Transports Mercier et Fils (Mercier).

La société Proditrans Express qui subissait depuis octobre 2010 une baisse très importante de son chiffre d'affaires, a alors suspecté la société Mercier d'avoir débauché sa salariée, puis d'avoir détourné sa clientèle.

C'est dans ces circonstances qu'elle a saisi le président du Tribunal de commerce d'Orléans, statuant en référé, aux fins d'obtenir la cessation sous astreinte des actes de concurrence déloyale incriminés ainsi que le versement d'une provision à valoir sur la réparation de son préjudice.

Par ordonnance en date du 19 mai 2011, le président du Tribunal de commerce d'Orléans a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé les parties à se pourvoir au fond.

Pour statuer ainsi, le premier juge s'est borné à constater que Mme Bataille n'était pas liée à la société Proditrans Express par une clause de non-concurrence.

La société Proditrans Express a régulièrement interjeté appel de cette décision le 31 mai 2011.

Se référant aux deux procès-verbaux de constat qu'elle avait fait dresser les 17 et 28 décembre 2010 par Me Jouart, huissier de justice, et qui démontraient, selon elle, les actes de concurrence déloyale qu'elle imputait à la société Mercier, elle a demandé qu'il fût fait interdiction à cette dernière de démarcher et de commercer avec l'ensemble de ses clients, dont un certain nombre nommément désignés, et ce sous astreinte de 2000 euro par jour et par violation constatée à compter de la signification du présent arrêt.

Elle a encore sollicité le paiement par provision d'une somme de 45 000 euro à valoir sur son préjudice, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, capitalisation des intérêts et 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Mercier a contesté tout acte de concurrence déloyale de sa part.

Elle a conclu, en conséquence, à la confirmation de la décision entreprise et a sollicité, en outre, une somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur ce,

Sur le grief de débauchage de personnel :

Attendu que, si le débauchage de personnel peut exister en l'absence de clause de non-concurrence liant le salarié à son ancien employeur, il doit résulter d'actes positifs du nouvel employeur ayant conduit le salarié à quitter son précédent emploi ;

Qu'en l'espèce, Mme Bataille a quitté la société Proditrans Express sans être liée à celle-ci par une clause de non-concurrence, et il n'est pas démontré qu'elle l'aurait fait à l'instigation ou avec le concours de la société Mercier ;

Que le grief de débauchage de personnel n'est ainsi pas manifestement fondé ;

Sur le grief de détournement de clientèle :

Attendu qu'il ressort des procès-verbaux de constat dressés les 17 et 28 décembre 2010 par Me Jouart, huissier de justice à Orléans, que ce sont pas moins de neuf anciens clients de la société Proditrans Express, suivis par Mme Bataille, qui ont été repris par la société Mercier à compter du 1er octobre 2010 ;

Qu'en particulier, la société de droit espagnol Safin Alcan Especialidades qui avait passé le 20 septembre 2010 auprès de la société Proditrans Express un ordre d'enlèvement à effectuer pour le 4 octobre 2010 , a annulé sans motif son ordre le 1er octobre 2010, lendemain du départ de Mme Bataille de chez Proditrans, et a immédiatement confié l'enlèvement de ses marchandises à la société Mercier selon bon de commande du même jour ;

Que le détournement de clientèle est ici manifeste, Mme Bataille, destinataire des deux ordres d'enlèvement pour le compte de ses deux employeurs successifs, ayant agi comme si la clientèle de la société Proditrans Express était la sienne propre et pouvait donc être transférée de sa propre initiative à son nouvel employeur ;

Que Mme Bataille a au demeurant déclaré spontanément à l'huissier de justice qu'elle se considérait propriétaire du "portefeuille de clients" passés par son intermédiaire de la société Proditrans Express à la société Mercier le 1er octobre 2010, alors que, simple salariée, elle ne détenait aucune clientèle propre ;

Qu'il n'apparaît dès lors pas sérieusement contestable que les neuf clients visés dans la requête aux fins de désignation d'un huissier de justice ont été détournés par la société Mercier ;

Sur la réparation :

Attendu qu'en aucune façon, l'auteur de la concurrence déloyale ne peut être contraint de cesser toute relation commerciale avec les clients détournés, lesquels seront libres de choisir leur cocontractant ;

Que la réparation du dommage ne peut se résoudre que par l'allocation de dommages et intérêts ;

Que, pour les trois derniers mois de l'année 2010, la société Proditrans Express a subi une perte de 80 000 euro sur le chiffre d'affaires réalisé avec les clients détournés ;

Que sur la base d'une marge brute de 25 %, il sera alloué à la société Proditrans Express une somme de 20 000 euro à titre de provision, sans autres intérêts que ceux dus de plein droit à compter du présent arrêt ;

Attendu que la société Mercier qui succombe, paiera une somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et supportera les dépens ;

Par ces motifs, Infirme l'ordonnance entreprise ; Statuant à nouveau, Condamne la société des Transports Mercier et Fils à payer à la société Proditrans Express une somme de vingt mille (20 000) euro à titre de provision sur dommages et intérêts ; LA Condamne à lui payer une somme de trois mille (3 000) euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; La Condamne aux dépens de première instance et d'appel, et accorde à Me Garnier, avoué, le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes comme étant non fondées ou sans objet.