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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ. A, 26 janvier 2012, n° 11-00149

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Eurolubes (SARL)

Défendeur :

Schumacher

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Litique

Conseillers :

Mmes Conte, Diepenbroek

Avocats :

Mes Boudet, Heichelbech, Richard-Frick & Chevallier-Gaschy

TGI Colmar, du 8 nov. 2010

8 novembre 2010

Faits et procédure :

Le 1er septembre 2006 la SARL Eurolubes avait consenti à M. Schumacher un mandat d'agent commercial ayant pour objet la commercialisation de ses produits dans le département du Haut-Rhin.

Le 30 novembre 2008 la SARL Eurolubes signifiait à M. Schumacher sa volonté de résilier ce contrat avec un préavis de deux mois.

Le 2 mars 2009 M. Schumacher assignait la SARL Eurolubes en paiement, outre intérêts et frais, de sommes suivantes:

- 2 884 euro : solde de l'indemnité de préavis,

- 69 216,11 euro : indemnité de rupture,

- 20 834,05 euro : indemnité de réemploi.

Reconventionnellement la SARL Eurolubes sollicitait le paiement de la somme de 1 889,14 euro représentant un trop payé de commissions.

Par jugement du 8 novembre 2010, le Tribunal de grande instance de Colmar a accueilli les prétentions de M. Schumacher, et il a rejeté la demande reconventionnelle.

Le 4 janvier 2011 la SARL Eurolubes a interjeté appel de ce jugement.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 novembre 2011.

Prétentions et moyens des parties :

Pour un plus ample exposé la cour se réfère expressément aux dernières conclusions déposées par les parties :

- le 9 novembre 2011 par la SARL Eurolubes,

- le 8 novembre 2011 par M. Schumacher.

Par voie d'infirmation du jugement déféré la SARL Eurolubes conclut au débouté des demandes dirigées contre elle, et elle réitère sa demande reconventionnelle.

M. Schumacher réclame la confirmation du jugement.

Motifs :

Attendu que le premier juge a exactement rappelé que le contrat d'agent commercial dont s'agit s'avère régi par l'article L. 134-12 du Code de commerce ;

que si le principe de la rupture de la relation contractuelle ne fait pas l'objet de discussion, la SARL Eurolubes comme en première instance soutient que les manquements de M. Schumacher qui se trouvent à l'origine de celle-là, sont constitutifs d'une faute grave, ce qui prive le mandataire de toutes indemnités de rupture ;

que cependant, alors qu'il n'est excipé d'aucun moyen nouveau, il apparaît, qu'au terme de motifs pertinents exempts de contradiction et de dénaturation que la cour adopte - le tribunal était fondé à écarter la qualification de faute grave ;

qu'il sera seulement ajouté que s'analyse comme une faute grave celle qui rend immédiatement impossible la poursuite de la relation contractuelle ;

que ne peuvent donc participer de cette catégorie les comportements, même reprochables, que le mandant a connu avant la notification de la rupture, et ceci de plus fort lorsqu'il a reconnu le droit de l'agent commercial à un préavis ;

qu'en l'espèce il est patent que la SARL Eurolubes connaissait antérieurement à la rupture des situations qu'elle prétend imputer à faute à M. Schumacher, à savoir l'insuffisance de vérification de la solvabilité des clients, la pratique de prix trop élevés pour majorer proportionnellement le montant de ses commissions et des relations à son insu avec des sociétés concurrentes ayant donné lieu à des avantages ;

qu'en effet dans un courrier du 7 août 2006 la SARL Eurolubes mettait en garde M. Schumacher contre "une dégradation notable des conditions de paiement de certains de vos clients" et l'invitait à accroître son attention de ce chef, puis le 9 septembre 2008 elle lui exposait que confrontée "à une recrudescence des impayés, retards de paiement et des créances irrécouvrables" elle avait décidé de faire appel à une assurance de crédit dont le coût serait répercuté sur le client ;

que simultanément la SARL Eurolubes transmettait à M. Schumacher ses nouveaux tarifs, ce qui contredit du reste son affirmation selon laquelle l'intimé aurait unilatéralement déterminé les prix annoncés au client, les griefs émis de ce chef devenant subséquemment inopérants ;

qu'au surplus sur le tout M. Schumacher observe à bon droit que son contrat subordonnait expressément l'ouverture de ses droits à paiement de ses commissions à l'acceptation des commandes par la société mandante, ainsi qu'à leur complet paiement par les clients, ce qui prive de plus fort de fondements les reproches articulés par la SARL Eurolubes ;

qu'il en est de même de la concession par des sociétés concurrentes d'avantages à M. Schumacher, le seul moyen de preuve invoqué à ce titre étant un chèque cadeau de 500 euro émanant de Kuwait Pétroleum que la SARL Eurolubes a elle-même remis à l'intimé, contre sollicitation d'un reçu, par un courrier, là encore antérieur à la rupture, du 15 septembre 2008, cette missive étant exempte de tout reproche ou de toute demande d'explication ;

Attendu qu'en considération du tout - et même si très ponctuellement M. Schumacher serait intervenu en dehors de son secteur géographique contractuel - la faute grave alléguée ne s'avère pas suffisamment établie ;

Attendu que la demande d'expertise de la SARL Eurolubes, qui ne tend qu'à pallier sa carence dans l'administration de la preuve, sera rejetée ;

Attendu qu'en application du contrat et de la loi, le tribunal a procédé à un exact calcul du préavis ;

qu'il a aussi avec pertinence, faute de production d'éléments ayant valeur probante - rien de plus n'étant versé aux débats devant la cour - écarté la demande reconventionnelle de répétition de commissions prétendument payées par erreur ;

que de ces chefs la confirmation du jugement s'impose ;

Attendu qu'en revanche l'appelante critique avec raison le premier juge qui, s'agissant de l'indemnité de rupture, s'est borné pour en apprécier le montant, à se référer à l'usage, sans rechercher en considération des circonstances de la cause, l'étendue du préjudice effectivement subi ;

que sur ce point M. Schumacher n'argue pas d'autres moyens, que précisément de cet usage, de considérations générales et du montant de ses commissions ;

que consécutivement, en fonction de la durée du mandat, du délai bref dans lequel M. Schumacher a conclu un autre contrat, le nécessaire préjudice supporté par ce dernier sera entièrement réparé par une indemnité de 30 000 euro ;

que, comme le fait aussi valoir l'appelante, c'est à tort que M. Schumacher prétend en sus obtenir une indemnité dite de "réemploi" pour compenser l'imposition au régime des plus-values de l'indemnité de cessation de contrat, alors que l'assujettissement à l'impôt de cette dernière ne constitue pas un préjudice indemnisable (en ce sens C. cass. Bulletin 2009 - IV - n° 108) ;

Attendu que le jugement sera réformé en ce sens ;

Attendu que les dispositions afférentes aux dépens et frais irrépétibles seront aussi infirmées ;

que l'issue du litige où chaque partie succombe partiellement, justifie de partager entre elles par moitié la charge des dépens des deux instances, et de rejeter toutes les demandes de frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré seulement en ce qu'il a condamné la SARL Eurolubes à payer la somme de 2 884 euro (deux mille huit cent quatre-vingt-quatre euros) à M. Schumacher au titre du solde de l'indemnité de préavis et en ce qu'il a débouté celle-là de sa demande reconventionnelle et de celle pour frais irrépétibles ; Infirme toutes les autres dispositions du jugement attaqué ; Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant : Condamne la SARL Eurolubes à payer à M. Schumacher la somme de 30 000 euro (trente mille euros) en réparation de l'entier préjudice causé par la cessation du contrat d'agent commercial ; Déboute les parties de toutes leurs autres prétentions ; Condamne la SARL Eurolubes et M. Schumacher à supporter chacun la moitié des dépens de première instance et d'appel.