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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 10 janvier 2012, n° 10-01098

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Monégasque de Salaisons (SA)

Défendeur :

Etablissements Baert (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Valay-Briere, Neve de Mevergnies

Avoués :

SCP Cocheme Labadie Coquerelle, SCP Levasseur Castille Levasseur

Avocats :

Mes Obadia, Dubos

T. com. Lille, du 14 janv. 2010

14 janvier 2010

La SA de droit monégasque Société Monégasque de Salaisons -SMS- exerce une activité de fabrication et diffusion de produits de charcuterie, pâtes, antipasti et fromages. Elle a, par contrat d'agent commercial en date du 24 mars 2005, donné à la SA Etablissements Baert mandat de vendre ces produits en son nom et pour son compte pour les départements Nord, Pas de Calais, Somme et Aisne, à des grossistes dont certaines chaînes de magasins sont exclues, et à des clients traditionnels.

Le contrat a été normalement exécuté jusqu'en février 2008. Le 19 février 2008, Monsieur Richard Rozier, nouveau Directeur commercial de la SA Société Monégasque de Salaisons a annulé par téléphone un rendez-vous prévu le lendemain avec la SA Etablissements Baert chez un client (Auchan à Noyelles-Godault) ; en réalité, Monsieur Richard Rozier s'est rendu seul au rendez-vous le 20 février 2008 chez ce client où il a rencontré le responsable des produits frais et, d'après le témoignage de ce dernier, a émis des doutes sur la qualité du travail de la SA Etablissements Baert.

Par lettre du 3 mars 2008, la SA Etablissements Baert a exprimé son mécontentement à la SA Société Monégasque de Salaisons quant à ce rendez-vous du 20 février 2008, pour lequel elle a qualifié le comportement du mandant de "faute grave" contraire à l'obligation de loyauté. Le 4 mars 2008, la SA Société Monégasque de Salaisons a envoyé une lettre à la société Baert intitulée "fin de notre collaboration commerciale" dans laquelle elle écrivait notamment "nous nous interrogeons sur votre volonté de poursuivre la collaboration entre nos deux sociétés" et "suite à ces événements et aux résultats chiffrés (voir PJ), il est légitime de se poser cette question et de s'interroger sur votre motivation". En réponse au courrier précédent du 3 mars, la SA Etablissements Baert a néanmoins répondu le 11 mars qu'elle reconnaissait volontiers un malentendu concernant le rendez-vous du 20 février, mais a ajouté "nous contestons catégoriquement la faute grave dont vous faites état et tous les propos que vous nous attribués (sic) sans fondement".

La SA Etablissements Baert poursuit la résiliation du contrat d'agent aux torts exclusifs de la SA Société Monégasque de Salaisons.

Par jugement du 14 janvier 2010, le Tribunal de commerce de Lille a, notamment :

* prononcé la résiliation du contrat d'agent aux torts et griefs de la SA Société Monégasque de Salaisons à effet du 27 octobre 2008 date de l'assignation,

* condamné la SA Société Monégasque de Salaisons à régler à la SA Etablissements Baert les sommes de :

- 28 951,68 euro à titre d'indemnité compensatrice,

- 9 554,05 euro à titre d'indemnité de remploi,

- "mémoire" à titre de solde de commissions,

- 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le tribunal a encore rejeté toutes les demandes de la SA Etablissements Baert en dommages-intérêts et à titre de préavis et ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration au greffe en date du 16 février 2010, la SA Société Monégasque de Salaisons a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions déposées le 29 mars 2011, elle demande l'infirmation du jugement, et soulève au principal l'irrecevabilité des demandes formées par Monsieur Jacques Baert personnellement, et la nullité du jugement qui a, à cet égard, statué selon elle ultra petita. Subsidiairement, elle conclut au rejet de la demande de résiliation du contrat à ses torts, aucune faute n'étant démontrée à sa charge ; elle fait valoir, à cet égard, que la seule prise de contact direct avec un client ne constitue pas même une infraction aux clauses contractuelles en l'absence d'exclusivité, a fortiori aucune faute grave.

Reconventionnellement, elle demande qu'il soit constaté que le contrat a été résilié aux torts et griefs exclusifs de la SA Etablissements Baert, cette dernière ayant brutalement, unilatéralement et sans raison objective avérée, cessé leur collaboration sans lui laisser aucune marge de manœuvre ; au surplus, elle reproche à la SA Etablissements Baert un manque de loyauté à son égard, pour avoir représenté, pendant la durée du contrat, une entreprise concurrente la société Spécialités du Monde distribuant les produits Beretta (qui sont aussi des produits de charcuterie d'origine italienne) ; elle invoque enfin un manque de diligences professionnelles de l'agent en terme de chiffre d'affaires.

Elle conclut, dès lors, au rejet de toutes demandes indemnitaires de la SA Etablissements Baert et subsidiairement à la réduction du montant de l'indemnité compensatrice à l'équivalent d'une année de commissions soit 13 217,28 euro.

Elle demande reconventionnellement la condamnation de la SA Etablissements Baert à lui payer les sommes de :

* 32 066,80 euro à titre d'indemnité pour l'infraction au devoir de loyauté et la brusque rupture du contrat,

* 5 000 euro pour inexécution fautive du préavis,

* 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle demande, par conséquent, le remboursement des sommes perçues en exécution du jugement outre intérêts au taux légal à compter du jour de leur paiement.

La SA Etablissements Baert, dans ses dernières conclusions déposées le 26 janvier 2011, demande la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté ses demandes au titre d'une part du préavis, d'autre part de la réparation du préjudice pour manquement à l'obligation de loyauté. Elle demande par conséquent, sur ces derniers points, condamnation de la SA Société Monégasque de Salaisons à lui payer les sommes suivantes, et rejet de toutes demandes reconventionnelles :

* 4 803,29 euro TTC au titre de l'indemnité de préavis,

* 5 000 euro à titre de dommages-intérêts pour atteinte à sa réputation,

* 3 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir pour l'essentiel, à l'appui de sa position et de ses demandes, que la visite par Monsieur Rozier au magasin Auchan de Noyelles Godault à son insu constitue un manquement grave à l'obligation de loyauté dans l'exécution du contrat. Elle ajoute qu'à l'inverse, il n'est pas démontré qu'elle-même ait représenté l'entreprise concurrente commercialisant les produits Beretta, et qu'en toute hypothèse ce grief est sans effet sur son droit à indemnité compensatrice de la rupture, dès lors que la faute ainsi invoquée n'est pas la cause directe de la décision de mettre fin au contrat.

Motifs de la décision

Sur la recevabilité

Il est exact que, sur l'assignation saisissant la juridiction de première instance, figure un défaut de concordance en ce que la personne qui introduit l'instance est désignée, en tête de l'assignation, comme "SA Etablissements Baert", tandis que les demandes indemnitaires en fin d'acte sont formulées au profit de "Jacques Baert".

Sur ce point, la présente cour doit se placer, pour examiner et apprécier les demandes qui lui sont soumises en application des dispositions des articles 4 et 5 du Code de procédure civile, au jour où elle statue c'est-à-dire au stade des dernières conclusions régulièrement communiquées et déposées devant elle, au regard des dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile. Or, aux termes de ses dernières conclusions, la SA Etablissements Baert demande bien l'allocation des diverses indemnités à son profit et non pas à celui de Monsieur Jacques Baert personnellement puisqu'elle demande confirmation du jugement sur une partie des indemnités allouées, lesquelles l'ont été au profit de la SA Baert par le premier juge, et pour les autres, sollicite bien leur allocation "aux Etablissements Baert" qui est la dénomination commerciale de la SA.

Il en résulte que la cour n'est saisie d'aucune demande pécuniaire en faveur de Monsieur Jacques Baert, et que le moyen d'irrecevabilité ainsi soulevé ne peut, en conséquence, qu'être écarté.

Sur la nullité du jugement

La SA SMS fait valoir que le jugement est nul au motif que le tribunal a statué ultra petita en allouant des dommages-intérêts au profit de la SA Etablissements Baert alors que ceux-ci étaient demandés au profit du seul Jacques Baert. La société Baert réplique qu'il ne s'agit-là que d'une erreur de plume.

Sur ce point, le contrat d'agent a bien été signé entre la SA SMS d'une part, et la SA Etablissements Baert d'autre part en tant que personne morale. Dans les motifs du jugement, le tribunal a examiné les conditions légales d'octroi notamment de l'indemnité compensatrice au profit de "l'agent commercial". Aussi, il est manifeste que le tribunal a considéré que, les demandes indemnitaires de la SA Etablissements Baert étaient en réalité formées à son propre bénéfice - ce que, seule, elle était d'ailleurs recevable à faire - et non pas au bénéfice de Monsieur Jacques Baert comme écrit par erreur.

Il en résulte que le tribunal, s'estimant implicitement saisi d'une demande au profit de la SA Etablissements Baert, n'a pas statué ultra petita en accordant des indemnités à cette dernière. Le moyen ainsi soulevé sera en conséquence écarté.

Sur le fond

Sur la résiliation du contrat d'agent

Cette demande repose sur les dispositions de l'article 1184 du Code civil aux termes duquel "la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans tout contrat synallagmatique pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement."

La SA Etablissements Baert demande, à cet égard, confirmation du jugement qui a prononcé la résiliation du contrat d'agent aux torts exclusifs de la SA SMS. Cette dernière en demande l'infirmation au moyen qu'elle n'a commis aucune faute, et à l'inverse, demande cette résiliation aux torts exclusifs du mandataire en invoquant un manquement de ce dernier à son obligation de loyauté.

Il y a donc lieu d'examiner les fautes invoquées de part et d'autre par les parties.

* Sur la faute invoquée contre la SA SMS

La SA Etablissements Baert invoque à cet égard les circonstances de la rencontre le 20 février 2008 entre la SA SMS en la personne de Monsieur Rozier d'une part, et Monsieur Pietrozycki chef du rayon "frais" au magasin Auchan de Noyelles Godault d'autre part. Sur ce point, il doit être constaté que la SA SMS ne conteste pas la réalité de cette rencontre, puisqu'elle en soutient, au contraire, le caractère légitime et non-fautif.

S'agissant ensuite du contenu de cette rencontre, et plus précisément des propos échangés au cours de cette entrevue, force est de constater que, si la SA SMS émet des doutes sur la "confiance" (sic) que devrait accorder la cour à l'attestation établie par Monsieur Pietrozycki, ce qui sera développé au paragraphe suivant, pour autant elle ne conteste pas expressément la réalité des propos rapportés, n'allègue pas que cette attestation soit mensongère, et fournit même des explications pour justifier les dits propos (dans son paragraphe "B- Sur le contenu de l'entretien").

Par ailleurs, les doutes émis par la SA SMS quant à la fiabilité de l'attestation ne sont pas étayés autrement que par des considérations intéressant la possible représentation, par la SA Baert, d'une entreprise concurrente, ce qui est sans rapport direct avec la rencontre dont il est question ; il n'existe ainsi aucun motif de relativiser la valeur probante de cette attestation, qui est établie par une personne indépendante des parties, sur un document écrit de sa main et accompagné d'une copie de sa carte d'identité ; cette considération, associée à l'absence de dénégation formelle conduit à conclure que les faits rapportés par cette attestation sont, ainsi, bien établis.

Il en résulte que la SA SMS a bien rencontré ce chef de rayon, lequel était son client par l'intermédiaire de la SA Etablissements Baert. La SA SMS soutient, tout d'abord, que cette rencontre n'est pas, en soi, constitutive d'une infraction à ses obligations contractuelles dès lors que le contrat d'agent ne prévoyait pas d'exclusivité au profit de la SA Baert. Or sur ce point, la Cour de justice des Communautés européennes a été amenée à interpréter l'article 7,2, 1 de la directive CEE du Conseil numéro 86-853 du 18 décembre 1986 en concluant que lorsque l'agent est chargé d'un secteur géographique précis, ce qui est bien le cas en l'espèce, la représentation qui lui est confiée sur ce secteur est exclusive si le contrat ne prévoit pas l'inverse. Il en résulte que ce simple contact direct entre la SA SMS et l'un de ses clients sur le secteur géographique confié à la SA Baert, constitue bien, en soi, une infraction à ses obligations contractuelles. Mais au-delà du simple principe de cette rencontre, il ne peut qu'être considéré que la SA SMS a agi avec un manque de loyauté flagrant envers son agent à deux égards :

* d'une part, la SA Baert explique que l'entretien était, à l'origine, prévu en sa présence mais que, à l'ultime moment, la SA SMS lui a fait savoir que cet entretien était annulé, qu'en réalité elle a appris plus tard que l'entretien n'avait pas été annulé, mais que la SA SMS s'y était rendue hors sa présence ; la SA SMS n'a pas contesté formellement cette version des faits ; il en résulte suffisamment la commission de manœuvres délibérées de la SA SMS, par l'usage d'un mensonge sur l'annulation de la rencontre, pour évincer son mandataire et s'assurer de son absence effective ;

* d'autre part, l'auteur de l'attestation certifie qu'au cours de l'entretien, Monsieur Rozier Directeur Général de la SA SMS a "émis des doutes sur la qualité du travail de Monsieur Baert et (lui) a demandé (son) avis et surtout (s'il pensait) que Monsieur Baert "servait à quelque chose" (sic) ; sur ce point, il convient de constater que la SA SMS ne conteste pas ainsi qu'il a été dit la véracité des propos ainsi rapportés, qu'elle tente même de justifier en indiquant "il ne saurait être reproché à un directeur général délégué de s'informer sur les conditions de commercialisation des produits de son entreprise, en assimilant cette démarche à un contrôle".

Or, contrairement à ce que prétend la SA SMS sur ce dernier point, les propos ainsi tenus n'apparaissent pas relever d'un simple et anodin "contrôle", auquel il n'est d'ailleurs pas courant et habituel que le mandant ait recours, s'il n'a pas, par ailleurs, de motifs objectifs de suspecter la qualité du travail de son mandataire. À cet égard la seule réaction du client, chef de rayon à Auchan, est significative, puisqu'il indique "n'ayant rien à reprocher (à Monsieur Baert) sur la qualité de son travail, je me suis senti obligé de l'informer de la démarche de Monsieur Rozier" ce qui signifie suffisamment que soit le principe de la démarche, soit ses modalités, les propos et le ton employé, soit la conjugaison de tous ces facteurs ont évoqué pour le témoin une attitude du mandant à tout le moins inhabituelle, voire suspecte envers l'agent avec lequel il travaillait.

Il en résulte que, non seulement le principe de cet entretien mais surtout les propos tenus, évoquant une suspicion et de nature à susciter un dénigrement, enfin les manœuvres déployées pour éviter absolument la présence de l'agent, traduisent un comportement fautif gravement attentatoire à l'obligation de loyauté qui doit présider à l'exécution du contrat d'agent, de la part du mandant.

C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu ce manquement comme suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation du contrat d'agent commercial.

* Sur les fautes reprochées à la SA Etablissements Baert

- quant à la rupture brutale et unilatérale du contrat

Au regard du manquement grave mis en exergue dans le paragraphe précédent, la cessation de toute relation commerciale par la SA Etablissements Baert apparaît légitime, un contrat d'agent commercial ne pouvant s'exécuter que dans un climat de confiance réciproque alors que ce dernier allait, de toute évidence, faire défaut entre les parties après l'incident du 20 février 2008.

Il ne peut, dans ces conditions, être reproché à la SA Baert d'avoir brutalement et unilatéralement rompu le contrat.

- quant à la représentation d'une entreprise concurrente

La SA SMS reproche à son agent d'avoir représenté une société "Spécialités du Monde" distribuant des produits d'épicerie italienne "Beretta" qui seraient directement concurrents de ses propres produits. Or, pour en justifier, elle verse aux débats une sommation interpellative à la société Spécialités du Monde de laquelle il ressort que cette société a bénéficié d'une collaboration avec une Madame Marie Blas. Mais il n'est en rien établi ni même allégué que cette dernière ait été salariée de la SA Etablissements Baert. Tout au plus est-il établi qu'elle est employée comme attachée commerciale depuis janvier 2004 par une SA Lesire et Roger dont Monsieur Jacques Baert était l'un des administrateurs en mars 2011, ce qui d'une part est éloigné dans le temps de la période litigieuse du début de l'année 2008, d'autre part n'établit pas les liens entre Madame Blas et la SA Etablissements Baert. Il en est de même pour la mention de la Compagnie Générale de Froid sur une carte de visite de Mme Blas dans la mesure où l'on ignore la date d'établissement de cette carte de visite, de même que les liens possibles entre cette Compagnie Générale de Froid et la SA Etablissements Baert.

La SA SMS se fonde encore sur une attestation dactylographiée de Monsieur Jacques Katane de laquelle il résulte que :

* si M. Katane a entendu dire que "Monsieur Baert" distribuait les produits de marque Beretta début 2008, c'est du seul Directeur Commercial de la SA SMS qu'il tenait cette information ; la source de cette information étant identique à la partie qui s'en prévaut aujourd'hui, cette attestation est inopérante pour établir la réalité de ce fait,

* M. Katane atteste que "Monsieur Baert" lui a fait part de "sa volonté de mettre un terme à ses relations avec la Société Monégasque de Salaisons" ce qui n'est pas, en soi, répréhensible d'autant plus que ces propos auraient été tenus en mars 2008 soit après l'incident de février 2008 développé au paragraphe précédent ;

* enfin M. Katane rapporte simplement que Monsieur Baert n'a pas contesté "les informations qui m'avaient été données par Monsieur Segouin" sans préciser pour autant quelles informations ont été ainsi rapportées à Monsieur Baert ni comment elles lui ont été présentées ; en l'état et sans autres précisions, cette simple abstention ne peut suffire à établir la réalité d'une représentation des produits Beretta par la SA Etablissements Baert.

Il n'est donc, ainsi, en rien établi que la SA Etablissements Baert aurait, à un quelconque moment au cours de la période d'effet du contrat d'agent en l'espèce, représenté la société "Spécialités du Monde" ou une quelconque autre entreprise concurrente de la SA SMS.

- quant au manque de diligences professionnelles

La SA SMS se réfère au contenu de l'attestation de M. Katane, mais cette dernière mentionne uniquement, sur ce point, le rapport de propos du Directeur Commercial de la SA SMS, au demeurant assez vagues puisqu'il lui est ainsi rapporté que "Monsieur Baert semblait démobiliser (sic) concernant les produits distribués par la Société Monégasque de Salaisons, depuis qu'il distribuait les produits à marque Beretta" ; au surplus, la portée de ce témoignage est faible puisque la source de cette information est, là encore, identique à la partie qui s'en prévaut aujourd'hui.

La SA SMS apparaît encore mal fondée à reprocher à la SA Etablissements Baert un manque de diligences, tout en énonçant que le début de sa collaboration a généré "une progression importante du chiffre d'affaires sur le secteur concerné" puisqu'elle se contente, à cet égard, d'affirmer qu'elle aurait, en 2007 et 2008 "privilégié quelques clients importants et laissé de côté les autres" mais sans le démontrer, et en visant ensuite la seule baisse du chiffre d'affaires des produits vendus qui, à elle seule, n'est pas de nature à démontrer un manque de diligences, cette baisse pouvant résulter de multiples autres facteurs, alors que, par ailleurs, la représentation d'une entreprise concurrente n'est, comme développé au paragraphe précédent, pas démontrée.

Il en résulte qu'il n'est démontré aucune faute de la SA Etablissements Baert dans l'exécution de ses obligations contractuelles, et c'est donc à bon droit que le tribunal a prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la SA SMS. Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

Sur l'indemnisation de l'agent commercial

* indemnité de préavis

Le préavis est dû pour toute rupture d'un contrat d'agent à durée indéterminée en application des dispositions de l'article L. 134-11 alinéas 2 et suivants, sauf en cas de faute grave ou de force majeure. Ni la faute grave du mandataire, ni la force majeure ne sont établies en l'espèce comme il a été développé au paragraphe précédent. L'agent a donc droit à une indemnité correspondant à ce préavis puisque la rupture ne résulte pas de sa faute.

En application de l'alinéa 3, le préavis est de trois mois "pour la troisième année commencée et les années suivantes" ; il est donc de 3 mois en l'espèce, le contrat étant daté du 24 mars 2005.

La SA Etablissements Baert invoque un montant mensuel moyen de commissions de 1 206,32 euro, obtenu sur le total des commissions perçues par elle durant toute la durée du contrat, selon un calcul qu'elle détaille dans sa pièce numéro 8. Mais le calcul qu'elle opère est erroné, parce qu'elle divise le total ainsi obtenu par 29 mois alors que les rémunérations ont été versées sur 36 mois d'avril 2005 à mars 2008.

Le calcul auquel la SA SMS procède pour parvenir à une moyenne mensuelle de 1 093,94 euro n'est pas davantage juste, dès lors qu'il n'inclut qu'une somme de 2 740,99 euro pour l'année 2008 alors que la SA Etablissements Baert justifie, pour cette année 2008, de deux factures (ses pièces n° 9 et 10) pour un total de 8 042,99 euro HT. Il en résulte que le décompte doit, en définitive, s'établir ainsi qu'il suit, les montants des années 2005 à 2007 inclus étant constants dans les comptes des deux parties (pièces n° 8 de Baert, et n° 23 de SMS) :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

Dès lors que la SA Etablissements Baert invoque une indemnité mensuelle moyenne de 1 206,32 euro par mois ce qui est inférieur, le Juge ne pouvant accorder au-delà de ce qui est demandé, il convient de s'en tenir à ce dernier montant. S'agissant d'une indemnité, la SA SMS n'explique ni a fortiori ne justifie en quoi il y aurait lieu d'ajouter la TVA.

Il en résulte une indemnité, à ce titre, de 1 206,32 euro x 3 = 3 618,96 euro

* indemnité compensatrice

Le droit à cette indemnité pour l'agent résulte des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce. Aux termes de l'article L. 134-13 du même Code, la réparation ainsi prévue n'est pas due uniquement si la cessation du contrat résulte d'une faute grave de l'agent ce qui n'est pas le cas en l'espèce ainsi qu'il vient d'être développé, ou encore si "la cessation (...) résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant" ; tel est bien le cas en l'espèce, la cessation résultant de l'initiative de la SA Etablissements Baert à cause de la violation grave, par la SA SMS, de ses obligations contractuelles.

Il en résulte que le droit à indemnité de l'agent ne se heurte en l'espèce à aucun obstacle.

C'est encore en vain que la SA SMS invoque une réduction du droit à indemnité en l'absence de réel travail de prospection de l'agent selon ses allégations, alors que dans ses conclusions en bas de la page 14, elle expose que, dans les débuts de leur activité "les Etablissements Baert ont (...) généré une progression importante du chiffre d'affaires sur le secteur concerné". Par ailleurs, ainsi qu'il a été développé plus haut, l'absence de prospection effective ne peut être déduite de la seule baisse du chiffre d'affaires ainsi que le soutient la SA SMS.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le contrat entre les parties ayant duré 36 mois, c'est à bon droit que le premier juge a fixé l'indemnité compensatrice sur la base de deux années de rémunération soit 1 206,32 euro x 24 mois soit 28 951,68 euro. Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

* indemnité de remploi

Il ne saurait être alloué une indemnité pour compenser l'incidence fiscale de l'octroi de l'indemnité compensatrice, l'assujettissement à l'impôt de l'indemnité de cessation de contrat ne constituant pas un préjudice réparable comme n'étant pas directement causé par cette rupture.

Le jugement doit donc être infirmé sur ce point.

* dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté

La SA Etablissements Baert entend ainsi voir réparer l'atteinte à son image de marque à la suite de la démarche de son mandant envers le client Auchan le 20 février 2008, qui a porté atteinte à sa considération. Sur ce point, l'existence que ce préjudice apparaît bien réelle et distincte de celui réparé par l'indemnité compensatrice, la SA SMS ayant, devant ce client, émis des doutes sur la qualité du travail de la SA Etablissements Baert et même demandé à ce client si l'action du mandataire était bien utile ; néanmoins il convient de noter d'une part le caractère mesuré du trouble objectif causé, le client n'ayant, de toute évidence, pas perdu, de ce simple fait confiance en l'agent puisqu'il l'a informé de la manœuvre intempestive de son mandant, d'autre part le caractère isolé de cette intervention limitée à la personne d'un seul client.

L'ensemble de ces éléments permet d'apprécier la réparation du préjudice subi de ce chef à la somme de 2 000 euro.

Le remboursement des sommes versées en exécution des dispositions du jugement infirmées par la Cour s'impose et il n'y a donc pas lieu de statuer spécialement sur cette demande.

Sur les demandes accessoires

La SA SMS, qui succombe principalement en son appel, devra supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, il ne peut être fait application de l'article 700 du Code de procédure civile en sa faveur.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SA Etablissements Baert tout ou partie des frais exposés dans le cadre de la présente et non compris dans les dépens ; il y a donc lieu de lui allouer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en sus de celle allouée par le premier juge à ce titre, qu'il apparaît équitable de confirmer.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe après en avoir délibéré conformément à la loi, Déboute la SA Monegasque de Salaisons de ses demandes d'irrecevabilité de nullité du jugement Confirme le jugement déféré en ses dispositions relatives aux trois chefs de demande suivants : indemnité de remploi, indemnité compensatrice du préavis, dommages-intérêts complémentaires pour atteinte à l'image de marque. Statuant à nouveau de ces chefs, Condamne la SA Société Monégasque de Salaisons à payer à la SA Etablissements Baert les sommes de : - 3 618,96 euro à titre d'indemnité compensatrice du préavis, - 2 000 euro à titre de dommages-intérêts complémentaires pour atteinte à l'image de marque. Condamne la SA Société Monégasque de Salaisons à payer à la SA Etablissements Baert la somme supplémentaire de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Déboute les parties du surplus de leurs demandes. Condamne la SA Société Monégasque de Salaisons aux dépens, avec droit de recouvrement direct, au profit de la SCP D.-L. Levasseur - A. Castille - V. Levasseur, avoués associés, selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.