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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 24 janvier 2012, n° 11-00936

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mazzon (SARL)

Défendeur :

Hypromat France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Hoffbeck

Conseillers :

MM. Allard, Cuenot

Avocats :

Selarl Arthus Conseil, Me Delecourt, Litou-Wolff, Levy

TGI Strasbourg, ch. com., du 10 janv. 20…

10 janvier 2011

La SA Hypromat France (ci-après dénommée société Hypromat), qui exploite un réseau de franchise sur l'ensemble du territoire français, sous l'enseigne Eléphant Bleu, a concédé en avril 2001 à la SARL Mazzon le droit d'exploiter un centre de lavage de véhicules à Rumilly.

Leurs relations contractuelles ont pris fin le 10 avril 2007.

Par lettre recommandée du 26 juin 2007, la société Hypromat a rappelé à la SARL Mazzon ses obligations inhérentes à la cessation du contrat de franchise, en particulier l'interdiction "de ne plus utiliser les couleurs bleues et blanches et à faire repeindre le centre dans d'autres couleurs que le bleu et blanc dans les 6 mois à compter de la cessation du contrat, soit au plus tard le 26 décembre 2007". Il lui était encore rappelé qu'elle était dorénavant tenue de ne plus se servir de la combinaison de ces couleurs, spécifiques du réseau Eléphant Bleu.

Le 10 septembre 2007, la SARL Mazzon a cédé son fonds de commerce à une société Lavajaix SARL.

Estimant que la SARL Mazzon n'avait pas respecté ses obligations post-contractuelles, la SA Hypromat l'a fait assigner, par acte du 19 juillet 2010, aux fins de la voir condamner à modifier ou faire modifier par son cessionnaire l'aspect extérieur de la station de lavage, sous peine d'astreinte, et en paiement d'une provision de 50 000 euro à valoir sur l'indemnité contractuelle.

Par jugement réputé contradictoire du 10 janvier 2011, retenant essentiellement que malgré mises en demeure des 26 juin 2007 et 17 février 2010, et au vu d'un constat d'huissier établi le 7 avril 2010, la défenderesse n'avait pas procédé à la remise en peinture du centre de lavage, la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg, accueillant la demande :

- a condamné la SARL Mazzon à modifier ou le cas échéant à faire modifier par son cessionnaire, l'aspect extérieur de la station de lavage implantée à Rumilly en remplaçant les couleurs bleue et blanche par toute autre couleur, sous peine d'une astreinte provisoire de 200 euro par jour de retard, à compter de l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de ce jugement ;

- a condamné la SARL Mazzon à payer à la SA Hypromat la somme de 50 000 euro à titre de provision sur l'indemnisation de son préjudice, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- a réservé les droits de la SA Hypromat à solliciter l'indemnisation de l'intégralité de son préjudice dès qu'elle sera en mesure de le chiffrer définitivement après cessation des infractions au contrat de franchise ;

- a condamné la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Selon une déclaration enregistrée au greffe le 18 février 2011, la SARL Mazzon a interjeté appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions déposées le 13 septembre 2011, elle demande à la cour de :

À titre principal,

Vu les dispositions de l'article 1134 du Code civil,

Vu la résiliation du contrat de franchise intervenue le 23 mai 2007,

- déclarer l'appel formé par la SARL Mazzon Stéphanie recevable et bien fondé ;

- réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, dire et juger irrecevables les demandes de la SA Hypromat ;

- débouter la SA Hypromat de l'ensemble de ses prétentions ;

À titre subsidiaire,

Vu les dispositions de l'article 9 du Code de procédure civile,

Vu l'absence de preuve,

- réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, débouter la SA Hypromat de l'ensemble de ses prétentions ;

À titre reconventionnel,

Vu les dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile,

- condamner la SA Hypromat au paiement de la somme de 5000 euro à titre de dommages-intérêts ;

- la condamner au versement de la somme de 4000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions déposées le 29 septembre 2011, la SA Hypromat demande à la cour de dire l'appel adverse non fondé, de débouter la SARL Mazzon de sa demande reconventionnelle, de confirmer le jugement entrepris et de condamner l'appelante au paiement d'une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, avec prise en charge des frais et dépens, y compris les frais du constat d'huissier effectué sur ordonnance présidentielle.

Sur ce, LA COUR

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits et moyens ;

Attendu en premier lieu que la SARL Mazzon soulève l'irrecevabilité des demandes formées par la SA Hypromat, en faisant valoir qu'ayant cédé son fonds de commerce en date du 10 septembre 2007, elle ne pouvait pas être responsable des éventuelles irrégularités qui pourraient être commises par la société Lavajaix dans l'exploitation de son centre de lavage ; que pour que les obligations comprises dans le contrat de franchise puissent être opposées à la SARL Mazzon, il est évident que cette dernière doit exploiter directement ou indirectement son centre de lavage ; que tel n'est plus le cas depuis le 10 septembre 2007 ; que par ailleurs, la cession du fonds de commerce est intervenue cinq mois après la résiliation du contrat de franchise, alors que contractuellement la SARL Mazzon disposait d'un délai de six mois à compter de la cessation du contrat pour repeindre son centre dans d'autres couleurs que le bleu et le blanc ; qu'elle n'avait donc aucune obligation d'avoir à procéder à des changements de couleur avant de céder le fonds ; que les demandes de la SA Hypromat se heurtent manifestement à des contestations sérieuses ;

Attendu cependant que l'article 14 du contrat de franchise avait mis à la charge du franchisé, après rupture, une obligation post-contractuelle de ne plus utiliser les couleurs bleue et blanche et à faire repeindre son centre dans d'autres couleurs que le bleu et le blanc dans les six mois à compter de la cessation du contrat ; que l'article 15 précisait que faisait partie notamment du savoir-faire, propriété exclusive de la SA Hypromat, la combinaison des couleurs du centre de lavage ; que l'article 19 prévoyait qu'en cas de contravention à l'une des clauses de la convention, le franchisé s'obligeait à payer au franchiseur une "astreinte" égale à 1 524 euro par jour et par contravention, après dénonciation d'un manquement par lettre recommandée dénonçant une infraction ;

Attendu ainsi qu'étaient mises à la charge de l'ancien franchisé des obligations post-contractuelles, dont l'inexécution était sanctionnée par une clause pénale ;

Attendu qu'il importe peu que, dans les mois qui ont suivi la résiliation du contrat de franchise, la SARL Mazzon ait été amenée à vendre son fonds à une autre société, la SARL Lavajaix, puisqu'elle seule s'était engagée contractuellement à l'égard de la SA Hypromat ; qu'il lui appartenait de faire en sorte que ses obligations soient reportées sur le cessionnaire, dans l'hypothèse où elle-même ne s'était pas encore mise en conformité ; qu'en tout état de cause, elle seule doit aujourd'hui répondre de l'inexécution éventuelle de ses obligations résultant de la cessation du contrat de franchise ;

Attendu dès lors que le premier moyen tiré de l'irrecevabilité des prétentions de la SA Hypromat ne peut qu'être rejeté ;

Attendu que la SARL Mazzon fait encore valoir qu'il n'est aucunement démontré que les couleurs utilisées par la société Lavajaix porteraient à confusion avec celles de la SA Hypromat ; que le constat d'huissier du 7 avril 2010, versé au dossier par la société intimée, indique que la couleur dominante se trouve être le bleu ; que le blanc n'apparaît que pour certaines écritures et la façade ; que la concluante n'a donc pas utilisé la combinaison des couleurs bleue et blanche telles qu'elles constituent un signe distinctif de la SA Hypromat ; qu'en outre, les premiers juges ont alloué une indemnité de 50 000 euro alors que la société demanderesse, qui a attendu le mois de juillet 2010 pour engager la procédure, ne prouve pas avoir subi un quelconque préjudice ;

Attendu cependant que, admettant ainsi que la couleur dominante restait le bleu et que le blanc apparaissait toujours pour certaines écritures et la façade, la société appelante ne peut sérieusement soutenir qu'elle aurait respecté ses obligations post-contractuelles qui lui imposaient de modifier les signes distinctifs du réseau Eléphant Bleu, en particulier la combinaison des couleurs bleue et blanches ; que, même si elle n'est plus propriétaire du fonds de commerce, elle doit faire en sorte que le cessionnaire modifie les couleurs spécifiques de son ancien franchiseur ; que c'est donc à bon droit que le tribunal l'a condamnée à modifier ou à faire modifier par son cessionnaire l'aspect extérieur de la station de lavage implantée à Rumilly en remplaçant les couleurs bleue et blanche par toute autre couleur, sous peine d'astreinte ;

Attendu par contre qu'au regard du long délai qui s'est écoulé entre la cessation du contrat de franchise (avril 2007) et la date d'engagement de la procédure (juillet 2010), et compte tenu de ce que le caractère distinctif de la combinaison des couleurs bleue et blanche pour identifier une station de lavage, qui n'était manifestement plus exploitée par un franchisé Eléphant Bleu, s'amoindrit naturellement avec les années qui passent, la cour dispose d'éléments suffisants pour réduire le montant de l'indemnité provisionnelle, due en application d'une clause pénale manifestement excessive, à la somme de 4 000 euro ;

Attendu que la provision allouée sera par conséquent réduite à hauteur de ce montant et le jugement entrepris réformé sur ce point ;

Attendu enfin que l'équité ne justifie pas qu'il soit fait application de l'article 700 du Code de procédure civile dans l'instance d'appel ;

Attendu que les dépens de première instance et d'appel devront être supportés par moitié ;

Par ces motifs : LA COUR, Reçoit l'appel, régulier en la forme ; Au fond : Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a mis une indemnité provisionnelle de 50 000 euro à la charge de la SARL Mazzon et statué sur les dépens ; Infirmant partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau dans cette limite, Condamne la SARL Mazzon à payer à la SA Hypromat France une somme de 400 euro (quatre cent euro) à titre de provision sur l'indemnisation de son préjudice, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2011 ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile dans l'instance d'appel ; Condamne chaque partie à supporter ses propres dépens de première instance et d'appel.