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Décisions

Cass. com., 14 février 2012, n° 09-11.691

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Chelmarne voyages (Sté)

Défendeur :

Nouvelles frontières distribution (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Boutet, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament

Paris, 5e ch. B, du 4 déc. 2008

4 décembre 2008

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Nouvelles frontières distribution (la société NFD) a conclu avec la société Carpe voyages, aux droits de laquelle se trouve la société Chelmarne voyages (l'agent), un contrat d'agent de voyages exclusif ayant pour objet la représentation et la commercialisation des produits à l'enseigne Nouvelles frontières dans une ville de Seine et Marne ; qu'après avoir mis en demeure la société NFD de respecter ses obligations contractuelles au titre de l'exclusivité consentie et considérant que cette dernière n'y avait pas satisfait, l'agent a dénoncé son contrat et déposé son enseigne, puis a fait assigner la société NFD en résolution du contrat et en dommages-intérêts ; que la société NFD a, reconventionnellement, demandé réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale et abusive du contrat et de la violation de la clause de non-concurrence qui y était stipulée ;

Sur le premier moyen : - Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que l'agent fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il ne justifiait pas des conditions lui permettant de se prévaloir de l'exception d'inexécution, qu'il avait résilié unilatéralement, et à ses torts, le contrat et qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la résolution judiciaire, alors selon le moyen : que 1°) l'obligation de non-concurrence est inhérente à la concession d'une exclusivité territoriale ; qu'il en résulte que la création d'un site Internet marchand, même non spécialement destiné à démarcher la clientèle située sur le secteur concédé en exclusivité, constitue néanmoins une violation de l'obligation de non-concurrence en ce qu'elle permet à la clientèle de contracter directement avec le concédant mandant ; qu'en estimant qu'aucune violation de l'exclusivité concédée à la société Phebus voyages n'était établie dans la mesure où le site Internet de la société Nouvelles frontières n'était qu'un site passif, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que, dans un réseau de distribution, le concédant mandant doit s'abstenir de toute pratique ayant pour objet ou pour effet de détourner la clientèle de ses agents ; qu'en ne recherchant pas si, en créant un site marchand, même de ventes passives, la société Nouvelles frontières n'avait pas manqué à son obligation de ne pas troubler l'exploitation de la société Phebus voyages à qui elle avait confié le soin de sa représentation sur un territoire, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134, alinéa 3, et 1135 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé qu'aux termes de la clause d'exclusivité territoriale consentie à l'agent, la société NFD s'interdisait de créer tout autre point de vente ou succursale dans la ville désignée au contrat et que le site Internet incriminé n'était pas orienté spécifiquement pour atteindre la clientèle de cette ville, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir qu'il n'était pas assimilable à l'implantation d'un point de vente dans le secteur protégé, a retenu à bon droit que ce site ne portait pas atteinte à l'exclusivité territoriale de l'agent ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant encore retenu que le site exploité par la société NFD constituait un outil de communication et d'information sur les produits des catalogues Nouvelles frontières et constaté qu'à la date des faits il bénéficiait aux agences dont la liste et les coordonnées complètes étaient mentionnées, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir qu'un tel site ne troublait pas l'exploitation de l'agent, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche : - Attendu que l'agent fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la société NFD une certaine somme au titre de la réparation globale de ses préjudices, alors selon le moyen, qu'en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation qui interviendra du chef du premier ou du deuxième moyen de cassation entraînera le censure du chef de dispositif attaqué par le troisième moyen de cassation en l'état d'un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ;

Mais attendu que les deux premiers moyens n'ayant pas été accueillis, le grief est sans objet ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 1134 du Code civil ;- Attendu que pour retenir la validité de la clause de non-concurrence et condamner l'agent à payer à la société NFD une certaine somme au titre de la réparation globale des préjudices causés pour partie par son non-respect, l'arrêt retient que cette clause, dont il a relevé les limitations dans le temps, dans l'espace et quant au secteur d'activité concerné, ne présente aucun caractère disproportionné dès lors qu'elle permet à l'agent d'exercer les mêmes activités dans toute autre ville attenante ou située aux alentours ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la clause était proportionnée aux intérêts légitimes de la société NFD au regard de l'objet du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Chelmarne voyages venant aux droits de la société Carpe voyages à payer à la société Nouvelles frontières distribution une somme de 20 000 euro au titre de la réparation globale de ses préjudices, l'arrêt rendu le 4 décembre 2008 (RG n° 05-23982), entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.