Cass. com., 14 février 2012, n° 10-30.872
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Rigat (Consorts), Coif'Up (SARL), Mariotti (ès qual.), JSR (SARL), MPF (Sté)
Défendeur :
Diloy's (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
M. Mollard
Avocats :
SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Didier, Pinet
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 juin 2010), qu'en 2001, la société JSR, gérée par Mme Rigat, a conclu avec la société Diloy's un contrat de franchise pour l'exploitation de son salon de coiffure ; qu'en septembre 2002, la société Diloy's a décidé de développer une autre marque, la marque Coiff'up et en a fait part à ses franchisés ; que M. Rigat, époux de Mme Rigat, a déposé la marque Coif'Up à l'INPI en décembre 2002 pour la classe de produit 44 salon de coiffure, salon de beauté, la marque Coiff'Up étant quant à elle déposée par la société Diloy's en février 2003 ; que la société Diloy's, reprochant à M. Rigat d'avoir développé un réseau concurrent sous la marque Coif'Up utilisant des méthodes commerciales identiques aux siennes, l'a fait assigner, aux côtés de la société JSR, de Mme Rigat, de la société Coif'Up et de la société MFP, membres de ce nouveau réseau, en vue, notamment, de revendiquer la marque déposée en fraude de ses intérêts et d'obtenir paiement de dommages-intérêts au titre d'une concurrence déloyale et parasitaire ; que la société Coif'Up a ultérieurement fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, M. Mariotti étant désigné mandataire judiciaire ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que M. Rigat, la société Coif'Up, M. Mariotti, ès qualités, et les sociétés JSR et MFP font grief à l'arrêt d'avoir dit que M. Rigat avait déposé la marque Coif'Up en fraude des droits de la société Diloy's, d'avoir attribué cette marque à la société Diloy's, condamné M. Rigat à verser des dommages-intérêts à cette dernière et de leur avoir enjoint de cesser l'utilisation de la marque Coif'Up, sous astreinte, alors, selon le moyen, que le dépôt frauduleux d'une marque suppose la preuve de l'existence d'intérêts sciemment méconnus par le déposant ; que la simple existence d'un travail sur une marque, sans qu'une utilisation publique ne soit constatée, ni même l'existence d'un projet certain de dépôt, ne constitue pas un intérêt protégeable, tout tiers pouvant légitimement avoir un projet identique ; qu'en estimant néanmoins que M. Rigat avait frauduleusement déposé la marque "Coif'Up" en raison du travail sur la marque "Coiff'Up" effectué par la société Diloy's, la cour d'appel a violé l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que l'action en revendication prévue par l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle ne suppose pas la justification d'une utilisation publique antérieure du signe litigieux par la partie plaignante, mais la preuve de l'existence d'intérêts sciemment méconnus par le déposant ; qu'ayant relevé que la marque Coiff'Up était en cours de création par la société Diloy's lors du dépôt de la marque Coif'Up et que M. Rigat, qui avait connaissance de cette situation, avait procédé à un dépôt de marque rapide et non préparé, faisant ainsi ressortir sa mauvaise foi, la cour d'appel en a exactement déduit la fraude du déposant ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen : - Attendu que M. Rigat, la société Coif'Up, M. Mariotti, ès qualités, et les sociétés JSR et MFP font grief à l'arrêt de les avoir condamnés in solidum à verser des dommages-intérêts à la société Diloy's pour concurrence déloyale et parasitaire et de leur avoir enjoint de cesser d'utiliser le logo, l'enseigne et tout signe distinctif de la société Diloy's et de retirer des pages jaunes toute référence à la société Diloy's, alors, selon le moyen : 1°) que la concurrence déloyale est une action de nature délictuelle ; qu'en fondant la condamnation sur les manquements contractuels reprochés à la société JSR, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que la concurrence parasitaire n'est pas constituée si le procédé copié est banal ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était expressément invitée, si les méthodes de la société Diloy's prétendument copiées n'étaient pas banales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) que l'emploi d'anciens salariés d'un concurrent n'est pas interdit, dès lors qu'aucun débauchage n'a eu lieu ; qu'en déduisant l'existence d'une concurrence déloyale du seul fait que certains gérants de magasins du réseau de licenciés Coif'Up étaient des anciens salariés de Diloy's, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 4°) qu'on est responsable que de sa propre faute ou de celle d'autrui dans les cas prévus par la loi ; qu'en se bornant à énoncer que le réseau Coif'Up avait détourné les investissements et le savoir-faire de la société Diloy's, sans relever le rôle précis des personnes condamnées, ni constater l'existence de la moindre faute commise par la société Coif'Up ou M. Rigat, pourtant condamnés, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt, qui ne fonde pas la condamnation prononcée au titre de la concurrence déloyale et parasitaire sur les manquements contractuels de la société JSR, relève, d'une part, que cette dernière a continué à utiliser le logo Diloy's dans son magasin et à se faire référencer sous cette marque dans l'annuaire téléphonique après la résiliation du contrat de franchise, et, d'autre part, qu'elle a contribué à la création, avec M. et Mme Rigat, d'un réseau Coif'Up, s'inspirant des concepts et des méthodes du réseau Diloy's, utilisant les mêmes tableaux de tarifs promotionnels mensuels selon un affichage en vitrine identique à celui opéré dans les magasins du réseau Diloy's, faisant ainsi ressortir l'implication des créateurs et des membres du réseau Coif'Up dans les agissements reprochés ; que l'arrêt retient ensuite la confusion ainsi créée dans l'esprit de la clientèle au travers du réseau Coif'Up et le détournement, au profit des membres de ce réseau, des investissements et du savoir-faire de la société Diloy's ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, qui excluaient la banalité des concepts utilisés, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche et ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu que le premier moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.