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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 23 février 2012, n° 2010-20555

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Crédit Lyonnais (SA), Confédération Nationale du Crédit Mutuel, Société Générale (SA), BNP Paribas (SA), BPCE (SA), Crédit Agricole (SA), Crédit du Nord (SA), HSBC France (SA), Banque Postale (SA), Crédit Industriel et Commercial (SA)

Défendeur :

Association pour la Défense des Utilisateurs des Moyens de Paiement Européens, UFC Que Choisir, Fédération des Entreprises du Commerce et de la Distribution, Autorité de la concurrence, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remenieras

Conseillers :

Mmes Beaudonnet, Meslin

Avoués :

Mes Hardouin, Teytaud, Olivier, Huyghe, Bodin-Casalis, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Duboscq-Pellerin, SCP Bolling-Durand-Lallement, SCP Roblin Chaix de la Varenne

Avocats :

Mes Plankensteiner, Mattout, Tayar, Guibert, de Juvigny, Choffel, Reille, Parleani, Sorinas, Calvet, Lehman, des Ylouses, Franck, Donnedieu de Vabres-Tranie

CA Paris n° 2010-20555

23 février 2012

Par une décision n° 03-SO-01 du 29 avril 2003, le Conseil de la concurrence (le Conseil) s'est saisi d'office de la situation de la concurrence concernant les tarifs et les conditions liées appliqués par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis aux fins d'encaissement.

Par lettre du 26 novembre 2004, le rapporteur général du Conseil a saisi pour enquête la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui a remis son rapport le 7 octobre 2005. Le rapporteur, désigné le 1er février 2006 par le rapporteur général pour instruire l'affaire, a adressé à sept cents entreprises un questionnaire portant sur leurs conditions bancaires en matière de remise de chèques tant en volumes qu'en montants, sur une période couvrant les années 2000 à 2006, en vue d'établir une statistique générale (ci-après le "sondage de prix"). Les données issues de ce sondage ont fait l'objet de la décision n° 08-DSA-39 du 10 mars 2008, par laquelle le président du Conseil de la concurrence a classé en annexe confidentielle les réponses des entreprises sondées.

Une notification des griefs a été adressée aux banques et établissements financiers mis en cause le 14 mars 2008. La saisine et la notification des griefs ont été communiquées à la Commission bancaire, qui a transmis son avis le 22 mai 2008.

Un deuxième rapporteur a été désigné pour instruire en commun l'affaire, par décision du rapporteur général du 11 juin 2008. A la suite de la réception des observations des parties, un rapport leur a été adressé le 14 août 2008.

En septembre 2008, les parties ont formulé des demandes d'accès aux données du sondage de prix sur le fondement de l'article R. 463-15 du Code de commerce. Certaines d'entre elles ont sollicité un accès total à ces données, alors que d'autres ont sollicité uniquement la communication des données les concernant.

L'accès de chaque établissement financier aux données le concernant a été accordé par décision n° 08-DEC-12 du 2 octobre 2008. Par décisions n° 08-DSA-192 à 08-DSA-200 du 3 décembre 2008, le président du Conseil a fait droit aux demandes de protection du secret des affaires présentées par les parties s'agissant des données ainsi communiquées. Par ailleurs, l'accès des parties aux données du sondage de prix concernant les banques et établissements financiers concurrents a été aménagé selon des modalités spécifiques visant à préserver la protection du secret des affaires et le respect des droits de la défense. Pour tenir compte du fait que chaque partie, bien qu'ayant accès à l'intégralité des données de ses propres clients, n'avait pas connaissance des données intéressant les autres parties et se trouvait ainsi dans l'incapacité de contrôler l'agrégation des données rassemblées par le rapporteur, le rapporteur général a, par décisions du 16 décembre 2008 et du 17 février 2009, désigné un expert sur le fondement des dispositions des articles L. 463-8 et R. 463-16 du Code de commerce, chargé, après avoir accédé à l'ensemble des réponses reçues, d'établir un tableau recensant les données du sondage jugées exploitables, en intégrant au besoin les corrections qui pourraient être apportées par chaque partie à la suite de la vérification de ses données propres. L'expert a rendu un pré-rapport le 20 février 2009 et un rapport définitif le 11 août 2009. Le tableau a été versé au dossier sous une forme préservant l'anonymat des entreprises interrogées.

La Banque Fédérale des Banques Populaires a de nouveau sollicité le déclassement intégral des données du sondage de prix par courrier en date du 12 janvier 2009. De même, la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne a sollicité un déclassement complet, à l'exception des noms des entreprises concernées. Par courriers des 20, 21 et 22 janvier 2009, BNP Paribas, le Crédit Lyonnais, le Crédit industriel et commercial (CIC), la Confédération nationale du Crédit mutuel, le Crédit du nord, HSBC, la Banque de France, la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et la Société Générale ont fait connaître leur opposition à un déclassement intégral des données. Afin d'apporter une réponse à ces demandes inconciliables, le président du Conseil de la concurrence a, par décision n° 09-DEC-0 1 du 17 février 2009, autorisé les conseils représentant les parties à consulter dans les locaux du Conseil l'intégralité des données mentionnées ci-dessus, sous leur forme confidentielle, selon des modalités excluant d'en prendre copie, et sous réserve d'un engagement comportant interdiction de révéler, y compris à leurs clients, les noms des clients des banques dont ils pourraient prendre connaissance. Ces consultations se sont tenues à deux reprises, du 2 au 24 avril 2009 et du 13 au 20 juillet 2009.

Un rapport prenant en compte les résultats de l'expertise a été adressé aux parties le 19 août 2009, afin de compléter le rapport du 14 août 2008 s'agissant de l'évaluation de l'incidence sur l'économie des pratiques reprochées. L'accès aux données relatives aux volumes et aux montants de chèques émis et remis par chacune des banques a été accordé par décision n° 09-DEC-22 en date du 20 octobre 2009, selon des modalités similaires à celles qui avaient été arrêtées par la décision n° 09-DEC-01 s'agissant des résultats du sondage de prix.

La Commission bancaire a émis deux avis complémentaires en date du 4 novembre 2008 et du 23 octobre 2009.

Une séance devant l'Autorité de la concurrence s'est tenue le 24 novembre 2009, au cours de laquelle le conseil des Banques Populaires, s'exprimant au nom de l'ensemble des parties, a réclamé un accès sans restriction aux données couvertes par les décisions n° 08-DEC-12, 09-DEC-01 et 09-DEC-22.

Par décision n° 09-S-04 du 11 décembre 2009, l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) a renvoyé le dossier à l'instruction afin de permettre aux parties, d'une part, d'accéder à l'intégralité des données en cause et, d'autre part, de produire d'ultimes observations écrites. Cette décision expose que:

"Il résulte des termes mêmes des dispositions [des articles L. 463-2 et L. 463-4 du Code de commerce] que le droit des entreprises et associations d'entreprises à l'accès au dossier doit être mis en balance avec la protection de leurs secrets d'affaires, et que cette mise en balance nécessite une appréciation au cas par cas. L'article L. 463-4 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, opère cette conciliation en prévoyant qu'à la demande d'une partie, la protection de secrets d'affaires d'une autre partie peut être levée si la communication ou la consultation des documents visés lui est nécessaire pour l'exercice de ses droits de la défense. En vertu de l'alinéa 2 de l'article R. 463-15 du Code de commerce, le président du Conseil de la concurrence procède, en cas d'opposition de la partie qui a demandé le classement des documents concernés, à un arbitrage entre ces intérêts opposés, compte tenu de la situation concrète des parties, de la nature des informations concernées et de la nécessité pour la partie requérante d'y avoir accès pour se défendre, elle-même liée à la nature du grief notifié et au contexte du marché examiné. C'est ainsi qu'en présence de données particulièrement sensibles, dont on peut comprendre qu'une entreprise ne veuille pas qu'elles soient connues de ses concurrents, l'accès des parties doit être limité aux seules données strictement nécessaires à l'exercice de leurs droits de la défense, ce qui implique que les parties à la procédure consentent à limiter leur demande d'accès à ces seules données. Le questionnaire mentionné au paragraphe 5 [le sondage de prix] a été envoyé à la fin de l'année 2007 à sept cents entreprises choisies en raison de leur importance sur le marché. Leurs réponses permettaient de connaître leurs conditions bancaires pour le traitement de leurs remises de chèques, tant en volumes qu'en montants, sur une large période de temps (couvrant les années 2001 à 2006). Leur divulgation à l'ensemble des banques, concurrentes entre elles sur ce marché du traitement des chèques, ne pouvait être envisagée sans précaution. Les décisions n° 08-DEC-12, 09-DEC-01 et 09-DEC-22, en ordonnant, d'une part, que chaque partie aurait accès aux données la concernant et que l'accès intégral aux données intéressant les autres parties se ferait par l'intermédiaire des seuls avocats et économistes des parties, au sein des locaux du Conseil de la concurrence, selon des modalités garantissant l'impossibilité de prendre copie des données occultées, et en prévoyant, d'autre part, qu'un tiers certificateur accèderait à la totalité des pièces avant de dresser un tableau anonymisé recensant les données du sondage et consultable par les parties, ont tenté de concilier l'accès le plus large possible aux pièces du dossier avec la protection légitime des secrets d'affaires. L'assentiment de la grande majorité des parties, exprimé dans leurs écritures, était un élément important de l'équilibre ainsi dégagé. Lors de la séance du 24 novembre 2009 au cours de laquelle les banques mises en cause, comme cela avait été convenu avec le président de séance, se sont partagé les interventions orales, le conseil des Banques Populaires Participations (anciennement Banque Fédérale des Banques Populaires) a soutenu que les décisions n° 08-DEC-12, 09-DEC-01 et 09-DEC-22 n'étaient pas conformes à la lettre des dispositions des articles L. 463-4 et R. 463-13 à R. 463-15 du Code de commerce. Il a souligné en particulier que ces dispositions n'autorisaient pas un aménagement du droit d'accès au dossier, qui ne distingue pas entre la consultation et la communication et ne permet pas de traiter différemment les parties de leurs conseils. Il en a déduit que cette méconnaissance des textes et, par voie de conséquence, du caractère contradictoire de la procédure entachait cette dernière d'irrégularité.

A la question du président de séance l'interrogeant sur le point de savoir si ce moyen était présenté au nom des seules Banques Populaires Participations, dont la position au cours de l'instruction a été retracée plus haut, ou au nom de l'ensemble des banques en cause, dont la quasi-totalité s'était opposée au déclassement et donc à l'accès des concurrents aux données les concernant, le conseil des Banques Populaires Participations a déclaré qu'il intervenait "au nom de l'ensemble des banques en cause". Il n'a pas été démenti par les représentants des autres banques ou établissements financiers présents à la séance. Il faut en déduire que l'ensemble des parties considèrent désormais que, contrairement aux positions antérieurement exprimées, seul un déclassement total des pièces couvertes par les décisions n° 08-DEC-12, 09-DEC-01 et 09-DEC-22 serait de nature à assurer le respect du principe du contradictoire et l'exercice effectif de leurs droits de la défense. Cette position nouvelle impose de reconsidérer l'équilibre recherché dans les trois décisions précitées.

En conséquence, l'Autorité, conformément aux dispositions de l'article R. 463-7 du Code de commerce, renvoie le dossier à l'instruction afin qu'il soit permis aux parties, d'une part, d'accéder, dans les conditions qu'il appartiendra à la rapporteure générale de déterminer, à l'intégralité des données couvertes par les décisions n° 08-DEC-12, 09-DEC-O1 et 09-DEC-22 et, d'autre part, de produire d'ultimes observations écrites dans le délai qui sera également fixé par la rapporteure générale".

Il a été décidé que:

"Article unique: Le dossier enregistré sous le numéro 03/0037 F est renvoyé à l'instruction afin de permettre aux parties d'une part d'accéder, dans les conditions à déterminer par la rapporteure générale, à l'intégralité des données couvertes par les décisions n° 08-DEC-12, 09-DEC-01 et 09-DEC-22 et d'autre part à produire, dans un délai qui sera également fixé par la rapporteure générale, d'ultimes observations écrites".

Par courrier du 5 janvier 2010, la rapporteure générale a transmis aux parties les données relatives au sondage de prix et aux volumes et montants des chèques émis, couvertes par les décisions n° 08-DEC-12, 09-DEC-01 et 09-DEC-22. Les parties ont déposé leurs observations, dans le délai de deux mois suivant cette transmission.

Une nouvelle séance devant l'Autorité de la concurrence s'est tenue le 13 avril 2010.

S'agissant du secteur concerné, il peut être rappelé que le chèque est un moyen de paiement très utilisé en France: en 2007, plus de 3,6 milliards de chèques ont été échangés, ce qui représente, en volume, 23,6 % des paiements scripturaux réalisés en France. A ce titre, la France constitue une exception européenne et représentait à elle seule 78 % du total des chèques échangés en 2006 dans la zone euro.

L'usage du chèque ne cesse de reculer en France, principalement au profit de la carte bancaire: alors qu'il représentait 70 % des paiements en 1984, ce chiffre n'était plus que de 50 % en 1996, 37 % en 2000 et 26 % en 2006. Sa disparition à moyen terme n'est toutefois pas acquise, puisque les utilisateurs continuent de le préférer à la carte pour les paiements de montant élevé: selon les données de la Banque de France, le montant moyen du chèque était de 555 euro en 2005, plus de dix fois supérieur au montant moyen des achats par carte bancaire qui était de 50 euro.

Concernant l'émission et la remise de chèques en France, il convient de relever que les moyens de paiements scripturaux tels que le chèque permettent le transfert de fonds tenus dans des comptes par des établissements de crédit ou des institutions assimilées à la suite de la remise d'un ordre de paiement.

En France, la mise à disposition et la gestion des moyens de paiement relèvent du monopole bancaire et sont en principe réservées aux établissements de crédit, en vertu des dispositions des articles L. 311-1 et L. 511-5 du Code monétaire et financier. Le statut d'établissement de crédit est subordonné à l'obtention d'un agrément accordé par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) fusionné au sein de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) le 9 mars 2010 et impose le respect d'une réglementation contraignante, sous le contrôle de la Commission bancaire. Il existait 775 établissements de crédit agréés en France au 31 décembre 2007. Ces établissements de crédit ne sont cependant pas tous actifs sur le marché des moyens de paiement, qui est principalement occupé par les grandes enseignes bancaires dotées de réseaux d'agences.

L'émission du chèque est réglementée afin notamment de protéger les consommateurs face aux établissements de crédit. L'article L. 131-71 du Code monétaire et financier impose ainsi aux banques de mettre "les formules de chèques (...) gratuitement à la disposition du titulaire du compte". Dans le cadre du droit au compte, les établissements de crédit ont l'obligation de fournir à leurs clients deux chèques de banque par mois (article D. 312-5 du Code monétaire et financier). Enfin, les frais bancaires sont encadrés en cas d'incidents de paiement.

A l'opposé, la remise de chèques n'est pas, en dehors de la contrainte du monopole bancaire, soumise à des contraintes réglementaires spécifiques. Les banques opèrent une distinction au sein de la catégorie des remettants, selon que ceux-ci remettent des chèques régulièrement et en grand nombre ou sur une base épisodique et en faibles quantités. En effet, si les consommateurs ne sont pas facturés directement, les "grands remettants" le sont, soit sur la base d'un prix global (cas des petits et moyens commerçants) soit à l'acte (cas des très grands remettants comme les entreprises de la grande distribution qui manipulent, au niveau national, des volumes de chèques allant de quelques millions à près de 100 millions de chèques par an).

Par ailleurs, concernant les modalités de rémunération des services relatifs à l'utilisation et à la remise de chèques, de manière générale, les banques recherchent la rentabilité globale des services qu'elles proposent au niveau de chaque client et non pas service par service. Dans le cadre de cette relation globale, tous les flux de paiement (cartes bancaires, chèques, espèces etc.), les crédits, les placements ou encore la gestion du compte peuvent être pris en compte par la banque afin de déterminer le prix des services bancaires qui seront effectivement facturés à un client donné. Un service peut dès lors être proposé à un prix impliquant une perte si un autre poste permet de couvrir cette perte.

Au surplus, les modes de rémunération des services liés à l'utilisation des moyens de paiement tels que le chèque sont variés et peuvent être combinés entre eux:

- la tarification directe du service de la remise de chèques, par exemple par le moyen de commissions à la transaction facturées aux clients ou de forfaits;

- le float, qui correspond au produit du placement par la banque et pour son propre compte des sommes disponibles au crédit des comptes courants lesquels ne sont normalement pas rémunérés, le système des dates de valeur venant le cas échéant accroître cette rémunération;

- les commissions de mouvement, appliquées à une clientèle professionnelle, qui correspondent à un prélèvement sur chaque opération au débit réalisée par l'entreprise ou les commissions de recette, plus rares, qui consistent en un prélèvement sur chaque opération au crédit.

La rapidité d'un système de paiement influe sur le niveau de la rémunération des banques par le float: un système lent, caractérisé par un délai important entre l'émission de l'ordre de paiement et le débit du compte du client, avantage la banque du payeur, qui bénéficie plus longtemps des sommes disponibles au crédit du compte de son client afin de les placer à son profit. A l'inverse, un système de paiement rapide avantage la banque du bénéficiaire du paiement.

Concernant le système de compensation des chèques interbancaires, il convient de rappeler que la banque de l'émetteur d'un chèque (le "tireur") n'étant pas nécessairement la même que la banque du bénéficiaire (le "remettant"), un système de règlement interbancaire permet la compensation quotidienne des créances respectives des banques nées de ces paiements.

Cette procédure est régie par l'article L. 330-1 du Code monétaire et financier, qui dispose que: "Un système de règlements interbancaires (...) s'entend d'une procédure nationale ou internationale organisant les relations entre deux parties au moins, permettant l'exécution à titre habituel, par compensation ou non, de paiements (...) / Le système doit soit avoir été institué par une autorité publique, soit être régi par une convention-cadre respectant les principes généraux d'une convention-cadre de place ou par une convention-type". Dans le cas des chèques, le règlement n° 2001-04 du 29 octobre 2001 du Comité de la réglementation bancaire et financière (CRBF) relatif à la compensation des chèques énonce que "tout établissement assujetti tiré de chèques est tenu de participer directement ou par l'intermédiaire d'un mandataire, aux opérations de compensation de chèques dans le cadre d'un système de règlement interbancaire au sens de l'article L. 330-1 du Code monétaire et financier".

Il existe en France trois systèmes interbancaires de paiement: deux systèmes réservés aux montants élevés, TBF et PNS, et un système spécifique aux paiements de détail, le Système Interbancaire de Télécompensation (SIT). En 2007, le SIT a échangé et compensé 12 439 milliards d'opérations interbancaires, dont 24 % de paiements par chèques, pour un montant de 5 206,95 milliards d'euro.

Interrogé par les services d'instruction, l'administrateur du G-SIT, le groupement d'intérêt économique constitué par les banques pour exploiter le SIT, a estimé à 18 % du nombre total de chèques en France la part des chèques ne transitant pas par le SIT (soit 720 millions de chèques sur les 4, 1 milliards de chèques émis en 2004), savoir essentiellement les chèques intra bancaires (voir aussi site Internet de la Banque de France).

Concernant la sous-traitance de la remise de chèques, il est constant que la sous-traitance des procédures de présentation au paiement des chèques, en principe exclue par le principe du monopole bancaire, est cependant autorisée par une convention professionnelle signée le 9 juillet 2003 en application des dispositions de l'article 7 du règlement 2001-04 du CRBF. La convention prévoit que les sous-traitants doivent être agréés par les banques et agissent sous la responsabilité pleine et entière de ces établissements.

Dans son avis n° 03-A-15 en date du 25 juillet 2003 relatif à l'acquisition de la société Atos Investissement par la société Experian Holding France, le Conseil de la concurrence estimait que la sous-traitance représentait en 2002 un volume de 3,3 milliards de chèques sur les 4,5 milliards de chèques émis. Sur ce marché, d'une valeur évaluée à 221 millions d'euro, les cinq premières entreprises détenaient 85 % des parts de marché, les deux premières ayant décidé de fusionner (ce qui a donné lieu à l'avis du Conseil). Le marché de la sous-traitance en matière de chèques est soumis à deux influences contraires que sont le recul de l'utilisation du chèque et l'externalisation croissante par les banques des activités de traitement des chèques.

Jusqu'en 2002, le système d'échange des chèques interbancaires était caractérisé par le fait que la compensation quotidienne des créances respectives des banques nées des paiements par chèques était effectuée de manière manuelle, dans l'une des 104 chambres de compensation mises à disposition par la Banque de France dans ses succursales. Les banques dépendant du ressort de chaque chambre de compensation y convoyaient physiquement les vignettes de chèque qu'elles avaient reçues de leurs clients remettants afin de procéder à leur échange.

Jugé archaïque par l'ensemble des banques interrogées au cours de l'instruction, le système de compensation manuel entraînait pour elles d'importants coûts administratifs. C'est ce qui explique le projet de dématérialiser l'échange des créances nées des paiements par chèque, qui pouvait être réalisé au moyen de la création d'une "image" du chèque, soit par le commerçant bénéficiaire du paiement, soit par la banque remettante au moment de sa remise. La dématérialisation avait déjà été mise en œuvre s'agissant du virement automatisé, de la lettre de change relevé, des paiements par carte et des télépaiements. A la fin des années 1990, le chèque demeurait le seul instrument de paiement français à ne pas être intégré au SIT du fait de son absence de dématérialisation au niveau national.

Un premier essai de dématérialisation du chèque a été réalisé avec la création de neuf Centres Régionaux d'Echange d'Images Chèques (CREIC) mais la dimension régionale du projet, ainsi que le nombre réduit de chèques traités (moins de 10 % des chèques émis en France selon la Banque de France) ne pouvaient répondre à la demande d'une dématérialisation des milliards de chèques échangés chaque année au plan national. Cette réforme d'ampleur a été envisagée à deux reprises, en 1988 et en 1991, mais s'est heurtée à plusieurs obstacles, d'ordre technique, social (la suppression des emplois liés à la compensation manuelle des chèques) et financier CI accélération des échanges modifiant les équilibres de trésorerie entre les banques).

En 1999, des conditions favorables ont permis le passage au système de l'échange image chèques (EIC)

En effet, en 1999, une troisième occasion de réaliser la dématérialisation du chèque s'est présentée dans un contexte plus favorable. L'arrivée de l'euro au 1er janvier 2002 a été perçue à la fois comme une opportunité et comme l'une des dernières chances de moderniser le système français. La coexistence temporaire entre les deux monnaies nécessitait la création d'un circuit de compensation spécifique pour les chèques en euro aux côtés du circuit de compensation des chèques en francs. Il pouvait alors être envisagé soit de maintenir un système de compensation physique, ce qui aurait entraîné des coûts administratifs supplémentaires, soit de créer un circuit de compensation dématérialisé, laissant l'échange papier disparaître en même temps que disparaissaient les chèques en francs.

Par ailleurs, la Banque de France souhaitait réduire ses coûts en supprimant la mise à disposition de son réseau de succursales pour le fonctionnement des 104 chambres de compensation. En outre, selon cette institution, les obstacles sociaux étaient devenus surmontables à cette date.

Enfin, le système de compensation des créances non matérielles SIT avait été conçu dès l'origine pour pouvoir accueillir à terme les flux de chèques. L'administrateur du G-SIT a indiqué lors de son audition du 9 mars 2007: "pour le G-SIT, la mise en place de l'EIC a été totalement absorbée sans surcoût, les coûts fixes n'étant pas fonction de la volumétrie et le réseau SIT ayant été conçu dès l'origine pour supporter une dématérialisation de 100 % des moyens de paiement interbancaires". L'intégration des flux de chèques dans les circuits de paiement dématérialisés avait en outre pour effet de consolider l'avance du SIT par rapport à ses concurrents européens, ce qui pouvait conférer aux banques françaises un avantage dans le cadre de la mise en place de l'espace unique de paiements européen.

S'agissant des gains administratifs liés au passage à un système de compensation dématérialisé, le rapport du groupe de travail "évolution des échanges de chèques", composé des neuf établissements bancaires traitant les plus gros volumes de chèques, en date du 6 mai 1999, énonce: "comparée à la solution d'échange physique dans les compensations, cette solution EIC représenterait globalement une économie pour la profession en matière de coût administratif de traitement".

Les négociations qui ont conduit à l'adoption du système de compensation de l'Echange Image Chèque (EIC) ont été menées au sein de deux commissions réunissant les principaux établissements bancaires.

Les modalités techniques de la réforme, consensuelles, ont été définies au sein du comité français d'organisation et de normalisation bancaire (CFONB). Il a été décidé d'éliminer la circulation physique de 98 % des chèques, l'échange physique étant maintenu pour les chèques de montant élevé (supérieurs à 5 000 euro), les chèques hors norme et des chèques sélectionnés de manière aléatoire à des fins de contrôle (voir la synthèse du rapport du 6 mai 1999 précité, et le rapport au CFNOB du 22 octobre 1999 sur l'actualisation des normes relatives à l'échange d'Images Chèques). En conséquence, la quasi-totalité des chèques est désormais bloquée au niveau de la banque remettante qui en assure le traitement administratif.

Les enjeux liés à la définition des conditions interbancaires du nouveau système ont fait l'objet de négociations au sein de la Commission Inter-Réseaux (ci-après "CIR"), qui regroupait le Crédit Mutuel, le Crédit Agricole, la Banque de France, BNP-Paribas, la Société Générale, les Banques Populaires, La Poste, les Caisses d'Epargne, le Crédit Lyonnais, le Crédit Commercial de France, le CIC et le Crédit du Nord. Ont par ailleurs suivi l'avancée des négociations le G-SIT, l'Office de coordination bancaire et financière (OCBF) et l'Association française des banques (AFB). Ces négociations ont porté sur quatre points:

- l'heure d'échange des chèques (HAJE, ou heure d'arrêté de la journée d'échange);

- l'écart entre la date d'échange des chèques et la date de règlement interbancaire;

- le sens, le montant et les modalités de calcul d'une commission interbancaire;

- et les conditions applicables aux opérations connexes.

Un groupe de travail restreint a été mis en place, chargé d'établir un rapport pour "présenter des solutions en matière de conditions entre banques susceptibles de recueillir un accord au sein de la profession".

Le groupe de travail a remis le 22 juin 1999 un rapport sur les trois premières questions identifiées ci-dessus. Il a émis diverses propositions à l'attention de la CIR concernant les deux principaux enjeux de l'EIC identifiés par les banques: la modification des équilibres de trésorerie entre banques du fait de l'accélération de la compensation des chèques et la question de la cohérence des moyens de paiement.

Un accord sur les conditions interbancaires du passage à l'EIC a été constaté lors de la réunion de la CIR en date du 3 février 2000 fixant les modalités interbancaires conformes au compromis qui avait été obtenu au sein du groupe de travail soit, notamment:

- la création d'une commission d'échange image-chèque (CEIC), commission interbancaire versée par la banque du remettant à la banque du tireur d'un montant maximum de 4,3 centimes d'euro ;

- la création de huit commissions interbancaires versées à l'occasion d'opérations connexes (commissions pour services connexes - CSC).

C'est dans un tel contexte qu'est intervenu le règlement du Comité de la règlementation bancaire et financière (CRBF) n° 2001-04 du 29 octobre 2001 relatif à la compensation des chèques, homologué par arrêté du 17 décembre 2001 (JO 20 décembre 2001) qui encadre les modalités de l'échange dématérialisé dans le cadre du nouveau système de PEIC.

Il prévoit la signature d'une convention professionnelle pour définir, notamment, les modalités de réalisation des opérations de compensation des chèques sous forme dématérialisée (article 2). Cette convention a été conclue le 9 juillet 2003 entre l'Association Française des Etablissements de Crédit et des Entreprises d'Investissement (AFECEI), la Banque de France, la Caisse des Dépôts et Consignations, le ministre en charge des Finances publiques, l'Institut d'Emission des Départements d'Outre-Mer et La Poste.

Aux termes de l'article 4.5 de cette convention: "L'établissement remettant qui a constitué l'image-chèque est tenu d'assurer l'archivage des vignettes définies comme non circulantes. Cette fonction est exercée pour le compte de l'établissement tiré sans possibilité de substitution".

Aux termes de son article 4.6: "(...) l'établissement tiré est en droit de réclamer et d'obtenir auprès de l'établissement remettant l'original ou la copie du chèque, soit pour son propre compte, aux fins de contrôle, soit pour répondre à la demande d'un client ou d'un tiers autorisé. (...) Que l'on se trouve ou non dans un contexte interbancaire, la transmission de la vignette ou de sa copie peut donner lieu à défraiement par l'établissement tiré de la charge administrative exposée à cette occasion par l'établissement remettant, à l'exclusion de tout autre paiement. Le montant maximum de ce défraiement est fixé dans les conditions suivantes:

- dans le cadre de ses missions, telles que décrites à l'article L. 511-29 du Code monétaire et financier, l'AFECEI organise, au moins tous les 3 ans, une concertation relative à ce sujet, (...) ; pour la première fois celte concertation sera engagée dans le trimestre suivant l'adoption de la présente convention;

- l'évaluation du défraiement est effectuée sur la base des coûts estimés par un échantillon d'établissements contractants considéré comme représentatif par les signataires. La circulation a priori d'une partie des vignettes présentées au paiement sous forme d'images-chèques s'effectue dans des conditions de délai et de défraiement répondant aux mêmes exigences que celles qui sont décrites ci-dessus pour la communication a posteriori".

Alors que la durée d'application de ces conditions interbancaires avait été fixée pour une durée de trois ans, il est cependant établi que les parties à l'accord ne se sont pas réunies pour réévaluer, comme elles l'avaient prévu, le principe et le niveau des commissions interbancaires avant 2007. La révision des conditions interbancaires de l'EIC n'a été effectuée qu'au cours de l'année 2007, alors que l'instruction de la présente affaire devant les services du Conseil de la concurrence était en cours.

Le 20 juillet 2007, le gouverneur de la Banque de France a adressé une lettre au président de la Fédération Bancaire Française au sujet des commissions temporaires tarifant les échanges d'images-chèques, signalant qu'il "considère que ces commissions ne sont plus justifiées et qu'il doit donc être mis fin dans les plus brefs délais à leur facturation".

La CEIC a été supprimée avec effet rétroactif au 1er juillet 2007 par une décision du 4 octobre 2007, signée par la Banque de France, la Banque Fédérale des Banques Populaires, BNP-Paribas, la Caisse Nationale des Caisses d'Épargne, la Confédération Nationale du Crédit Mutuel, le Crédit Agricole SA, HSBC France, La Banque Postale et la Société Générale, aux termes de laquelle: "En réponse à la lettre de la Banque de France en date du 20 juillet 2007 reçue par le GSIT et communiquée aux membres participants, les représentants dûment habilités des établissements ci-dessous qui participaient à la Commission Inter Réseaux du 3 février 2000 et qui opèrent dans l'échange d'images-chèques, conviennent que la CEIC est supprimée à compter du 1er juillet 2007".

Par ailleurs, les établissements qui participaient à la CIR ont créé le même jour un groupe de travail pour assurer, selon les modalités prévues par la convention professionnelle EIC du 9 juillet 2003, l'examen des CSC instituées à l'occasion du passage à l'EIC, à l'exception des commissions pour annulation d'opérations compensées à tort (AOCT). A cet effet, un relevé de coûts a été réalisé auprès des principaux établissements bancaires, dont le traitement a été confié au cabinet de conseil Latham Adumpe Watkins afin de respecter la confidentialité des données transmises.

Lors de la réunion du comité plénier du groupe de travail du 27 novembre 2007, les participants ont décidé la révision des CSC selon les modalités suivantes:

- le montant de la commission sur image-chèque circulante est ramené de 0,15 à 0,12 euro ;

- le montant de la commission sur rejet d'image-chèque est maintenu à 3 euro ;

- les commissions sur demande de télécopie recto de 2,7 euro et recto/verso de 3 euro sont réunies en une seule commission de 1 euro et le montant de la commission sur demande de télécopie avec original est ramené de 7 à 4,12 euro.

Les participants ont également convenu d'une révision périodique des CSC selon les modalités suivantes (point 131 de la Décision):

- "Le niveau des commissions fera l'objet d'une révision périodique, tous les trois ans, comme stipulé dans la Convention Professionnelle EIC, et pour la prochaine fois à l'automne 2010.

- Concernant les exercices d'évaluation ultérieurs, la base des coûts estimés fera l'objet d'un réexamen, début 2010, sur la base d'un cahier des charges ad hoc, pour tenir compte des évolutions qui seront intervenues tant chez les établissements que dans les infrastructures (STET) et les pratiques de place concernant l'image chèque."

C'est sur la base de ces constatations que, par courrier du 14 mars 2008, le rapporteur général a notifié à la Confédération Nationale du Crédit Mutuel (le Crédit Mutuel), à Crédit Agricole SA, à la Banque de France, à BNP-Paribas, à la Société Générale, à la Banque Fédérale des Banques Populaires, à La Banque Postale, à la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne, à LCL (Le Crédit Lyonnais), à HSBC, au Crédit Industriel et Commercial-CIC et au Crédit du Nord les griefs suivants:

"Un premier grief pour s'être entendus dans le cadre de la Commission Inter-Réseaux pour créer une commission d'échange image-chèque et en fixer en commun le montant à 0,043 euro par chèque non-circulant" ; "Un second grief pour s'être entendus dans le cadre de la Commission Inter-Réseaux pour créer des commissions interbancaires représentatives de services rendus et en fixer en commun le montant, dans les conditions suivantes: - une commission de 0,15 euro pour chèque circulant; - une commission de 3 euro pour rejet d'image chèque; - une commission de 0,61 euro pour annulation d'image chèque; - une commission de 0,61 euro pour annulation de rejet d'image chèque; - une commission de 2,7 euro pour demande de télécopie (recto) ; - une commission de 3 euro pour demande de télécopie (recto/verso) ; - une commission de 7 euro pour demande de télécopie (recto + original) "; - une commission pour archivage venue en déduction de la commission pour chèque non-circulant (montant inconnu en l'état mais qui devrait être de 0,003 euro)".

Par Décision n° 10-D-28 du 20 septembre 2010 (la Décision), l'Autorité a décidé:

"Article 1er: Il est établi que la Banque de France, BPCE, venant aux droits et obligations de BP Participations et de CE Participations, La Banque Postale, BNP-Paribas, la Confédération Nationale du Crédit Mutuel, le Crédit Agricole, le Crédit du Nord, le Crédit Industriel et Commercial (CIC), LCL, HSBC, et la Société Générale ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du traité CE, devenu l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, au titre du grief d'entente du fait de l'instauration de la commission interbancaire pour l'échange d'images-chèques (CEIC) et de la perception de cette commission du 1er janvier 2002 au 1er juillet 2007.

Article 2: Il est établi que les personnes morales visées à l'article 1er ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 CE au titre du grief d'entente du fait de l'instauration des commissions interbancaires pour services connexes sur annulation d'opérations compensées à tort (AOCT) et de la perception de ces commissions à compter du 1er janvier 2002.

Article 3: Il n'est pas établi que les autres pratiques visées par le second grief notifié, relative aux commissions pour services connexes, soient contraires aux dispositions mentionnées ci-dessus.

Article 4: Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes: à la Banque de France, une sanction de 346 500 euro pour le premier grief et de 3 500 euro pour le second grief; à BPCE, venant aux droits et obligations de BP Participations, une sanction de 37 710 000 euro pour le premier grief et de 380 000 euro pour le second grief; à BPCE, venant aux droits et obligations de CE Participations, une sanction de 52 280 000 euro pour le premier grief et de 530 000 euro pour le second grief; à La Banque Postale, une sanction de 32 540 000 euro pour le premier grief et de 330 000 euro pour le second grief; à BNP-Paribas, une sanction de 62 650 000 euro pour le premier grief et de 630 000 euro pour le second grief; au Crédit Agricole, une sanction de 82 110 000 euro pour le premier grief et de 830 000 euro pour le second grief; au Crédit Mutuel, une sanction de 2 970 000 euro pour le premier grief et de 30 000 euro pour le second grief; au Crédit du Nord, une sanction de 6 910 000 euro pour le premier grief et de 70 000 euro pour le second grief; au Crédit Industriel et Commercial, une sanction de 20 940 000 euro pour le premier grief et de 210 000 euro pour le second grief; à LCL, une sanction de 20 720 000 euro pour le premier grief et de 210 000 euro pour le second grief, dont le Crédit Agricole sera tenu conjointement et solidairement responsable à hauteur de 15 000 000 euro pour le premier grief et 152 000 euro pour le second grief; à HSBC, une sanction de 8 960 000 euro pour le premier grief et de 90 000 euro pour le second grief; à la Société Générale, une sanction de 52 940 000 euro pour le premier grief et de 530 000 euro pour le second grief;

Article 5: Il est enjoint aux personnes morales visées à l'article 1er de procéder à la révision du montant des commissions AOCT dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, afin de faire cesser l'infraction visée à l'article 2. Il est demandé à ces sociétés d'en fixer le montant sur la base du coût de traitement des opérations AOCT auquel parvient la banque la plus efficace, tel que vérifié par une étude de coûts réalisée auprès d'un échantillon représentatif de banques et vérifiée par un expert indépendant.

Article 6: Les personnes morales visées à l'article 1er feront publier le texte figurant au point 795 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans les éditions des journaux Le Monde et Les Echos. Ces publications interviendront dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille . "Décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-D-28 du 20 septembre 2010 relative aux tarifs et aux conditions liées appliquées par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis aux fins d'encaissement". Elles pourront être suivies de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet de recours devant la Cour d'appel de Paris si de tels recours sont exercés. Les personnes morales concernées adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de ces publications, dès leur parution et au plus tard le 20 novembre 2010.

Article 7: En vertu des dispositions de l'article L. 463-8, troisième alinéa, du Code de commerce, les frais de l'expertise décidée par le rapporteur général par décisions du 16 décembre 2008 et du 17 février 2009 seront mis solidairement, et au prorata des sanctions infligées, à la charge des personnes morales visées à l'article 1er".

La cour:

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 22 octobre 2010 au greffe de la cour par la société LCL - Le Crédit Lyonnais ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 22 octobre 2010 au greffe de la cour par la société Crédit Agricole ;

Vu le mémoire contenant exposé des moyens déposé le 24 novembre 2010 par la société Crédit Agricole et par la société LCL - Le Crédit Lyonnais à l'appui de leur recours soutenu par leur mémoire récapitulatif et en réplique, déposé le 12 septembre 2011 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 22 octobre 2010 au greffe de la cour par la société Banque Postale ;

Vu le mémoire déposé le 22 novembre 2010 par la société Banque Postale à l'appui de son recours soutenu par son mémoire en réplique et récapitulatif, déposé le 12 septembre 2011;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 25 octobre 2010 au greffe de la cour par la société BNP Paribas ;

Vu le mémoire déposé le 24 novembre 2010 par la société BNP Paribas à l'appui de son recours soutenu par son mémoire récapitulatif, déposé le 12 septembre 2011;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 25 octobre 2010 au greffe de la cour par la société Crédit du Nord ;

Vu le mémoire déposé le 22 novembre 2010 par la société Crédit du Nord à l'appui de son recours soutenu par son mémoire comportant des observations récapitulatives, déposé le 12 septembre 2011 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 25 octobre 2010 au greffe de la cour par la société Le Crédit Industriel et Commercial ;

Vu le mémoire déposé le 24 novembre 2010 par la société Le Crédit Industriel et Commercial à l'appui de son recours soutenu par ses conclusions récapitulatives, déposées le 12 septembre 2011 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 25 octobre 2010 au greffe de la cour par La Confédération Nationale du Crédit Mutuel;

Vu le mémoire déposé le 24 novembre 2010 par La Confédération Nationale du Crédit Mutuel à l'appui de son recours soutenu par ses conclusions récapitulatives, déposées le 12 septembre 2011 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 25 octobre 2010 au greffe de la cour par la société BPCE ;

Vu le mémoire déposé le 24 novembre 2010 par la société BPCE à l'appui de son recours soutenu par son mémoire récapitulatif, déposé le 12 septembre 2011 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 25 octobre 2010 au greffe de la cour par la société HSBC France ;

Vu le mémoire déposé le 24 novembre 2010 par la société HSBC France à l'appui de son recours soutenu par son mémoire récapitulatif et en réplique, déposé le 12 septembre 2011;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 26 octobre 2010 au greffe de la cour par la société Société Générale ;

Vu le mémoire déposé le 25 novembre 2010 par la société Société Générale à l'appui de son recours soutenu par son mémoire récapitulatif et en réplique, déposé le 9 septembre 2011 ;

Vu les conclusions d'intervention volontaire de l'Association Union Fédérale des Consommateurs (UFC-Que Choisir), signifiées et déposées le 13 janvier 2011 ;

Vu le mémoire en intervention volontaire aux fins de jonction d'instance déposé le 25 janvier 2011 par l'Association pour la Défense des Moyens de Paiement Européens (ADUMPE);

Vu les conclusions d'intervention volontaire principale de la Fédération des Entreprises de Commerce et de la Distribution, déposées le 4 avril 2011 ;

Vu le mémoire de l'Association UFC-Que Choisir, déposé le 31 mai 2011 ;

Vu le mémoire de l'Association pour la Défense des Moyens de Paiement Européens (ADUMPE), déposé le 31 mai 2011 ;

Vu le mémoire de la Fédération des Entreprises de Commerce et de la Distribution, déposé le 31 mai 2011 ;

Vu le mémoire sur les interventions volontaires de la Banque Postale, déposé le 28 juin 2011 ;

Vu le mémoire en réplique sur la recevabilité des interventions volontaires, déposé le 28 juin 2011 par la société BPCE ;

Vu le mémoire en réplique sur la recevabilité des interventions volontaires, déposé le 28 juin 2011 par la société Crédit Agricole et par la société LCL-Le Crédit Lyonnais;

Vu les conclusions sur la recevabilité des interventions volontaires, déposé le 28 juin 2011 par la Société Générale;

Vu le mémoire en réplique sur la recevabilité des interventions volontaires, déposé le 28 juin 2011 par La Confédération Nationale du Crédit Mutuel;

Vu le mémoire en réplique sur la recevabilité des interventions volontaires, déposé le 28 juin 2011 par la société Le Crédit Industriel et Commercial;

Vu le mémoire en réplique sur la recevabilité des interventions volontaires, déposé le 28 juin 2011 par la société BNP Paribas ;

Vu le mémoire sur l'irrecevabilité des interventions volontaires, déposé le 28 juin 2011 par la société Le Crédit du Nord;

Vu le mémoire en réplique sur la recevabilité de l'intervention volontaire de l'association UFC-Que Choisir, déposé le 29 août 2011 ;

Vu le mémoire en réplique sur la recevabilité de l'intervention volontaire, déposé le 31 août 2011 par la Fédération des Entreprises de Commerce et de la Distribution ;

Vu le mémoire sur la recevabilité de l'intervention volontaire de l'Association pour la Défense des Moyens de Paiement Européens (ADUMPE), déposé le 12 septembre 2011 ;

Vu le mémoire en réplique sur l'irrecevabilité des interventions volontaires, déposé le 12 septembre 2011 par la société Le Crédit du Nord;

Vu les observations de l'Autorité de la concurrence en date du 13 mai 2011 ;

Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie en date du 13 mai 2011;

Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience;

Après avoir entendu à l'audience publique du 6 et du 7 octobre 2011, les conseils des requérantes, qui ont été mis en mesure de répliquer, ainsi que les conseils des intervenantes volontaires, la représentante du ministre chargé de l'Economie, les représentants de l'Autorité et le Ministère public;

Sur ce:

Sur la procédure

Sur la durée de la procédure:

Considérant que le délai raisonnable prescrit par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit s'apprécier au regard de l'ampleur et de la complexité de la procédure et que la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation de se prononcer dans un délai raisonnable n'est pas l'annulation de la procédure mais la réparation du préjudice résultant éventuellement du délai subi, sous réserve, toutefois, que la conduite de la procédure n'ait pas irrémédiablement privé les entreprises en cause des moyens de se défendre, de telles circonstances devant être appréciées concrètement ;

Que, s'agissant spécialement de la procédure conduite devant l'Autorité de la concurrence, il incombe aux entreprises concernées d'établir que, à la date de la communication des griefs, leurs possibilités de réfuter ceux-ci étaient limitées à cause de la durée excessive de la procédure antérieure d'enquête ;

Considérant qu'en l'espèce, le Crédit Mutuel fait valoir que la durée de la procédure est excessive en ce que la notification des griefs lui a été transmise près de dix ans après la mise en œuvre des pratiques reprochées, rendant difficile la collecte des éléments à décharge, ce qui doit conduire la cour, conformément à la jurisprudence communautaire et selon sa propre jurisprudence à prononcer l'annulation de l'instruction et de la Décision ;

Que le Crédit Agricole et LCL poursuivent également l'annulation de la procédure en invoquant une atteinte irrémédiable, effective et concrète portée aux droits de la défense du fait de la durée excessive de la procédure, spécialement de l'enquête, phase non contradictoire intervenue en violation des articles 6 de la Convention EDH et 14 du Pacte de New York relatif aux droits civils et politiques; que, selon ces requérants, le dépassement d'un délai raisonnable entre la date des comportements reprochés et le jour où ils ont su qu'ils auraient à en répondre est spécialement démontré par la circonstance que les faits reprochés aux parties concernent des accords interbancaires conclus en toute transparence par les banques françaises sous l'égide des pouvoirs publics et qu'il ne s'agit pas de cartel secret, de pratiques occultes ou d'ententes complexes dans lesquels la recherche des preuves peut s'avérer difficile; qu'au surplus, alors qu'il incombe à l'Autorité de démontrer l'illicéité des pratiques, rien n'imposait aux banques de prendre des mesures particulières, s'écartant de leurs pratiques habituelles, pour la conservation de documents internes ayant trait à l'EIC et à ses commissions dont elles ignoraient jusqu'en 2008 qu'elles auraient un jour à les produire; que, par surcroît, l'obligation légale de conservation, posée par les articles L. 110-4 et L. 123-22 du Code de commerce, qui s'applique certes à certains documents commerciaux, aux documents comptables et pièces justificatives notamment, ne vise cependant pas les documents de travail internes, les calculs préparatoires et compte-rendus que Le Crédit Agricole et LCL ont élaboré à l'époque des discussions de la CIR et qui auraient constitué des documents à décharge, que les mises en cause auraient pu retrouver, si elles avaient été averties en temps utile de l'existence de la procédure;

Que la BPCE souligne aussi que la durée excessive de la procédure, particulièrement celle de l'enquête, a irrémédiablement porté atteinte aux droits de la défense, en interdisant aux entreprises poursuivies de rassembler les éléments de preuve utiles à leur défense; qu'elle rappelle, à cet égard, que la durée de la procédure présente un caractère exceptionnel, à tout le moins au regard des engagements pris par le Conseil de la concurrence et la DGCCRF dans la Charte de coopération et d'objectifs conclue le 28 janvier 2005, qui prévoit un délai de deux mois à compter de la désignation du rapporteur pour procéder à la demande d'enquête à la DGCCRF, alors que, dans la présente procédure, ce délai a été d'un an et qui prévoit aussi que le délai de réalisation de l'enquête doit être inférieur à 8 mois, alors que ce délai a, en l'espèce, été d'un an; que, concernant le délai de l'instruction, alors que la Charte prévoit qu'il sera au maximum de 12 mois pour les affaires ordinaires et au maximum de 18 mois pour les affaires lourdes, ces délais pouvant être exceptionnellement prolongés pour une durée maximale de 6 mois en cas de nécessité ou de difficultés particulières, alors qu'en l'espèce, une période de 5 ans s'est écoulée avant l'adoption formelle de la décision; qu'à la date à laquelle l'existence du sondage sera révélée aux parties, la possibilité pour les banques d'organiser leur défense était déjà irrémédiablement compromise, compte tenu du délai de 8 ans qui s'était déjà écoulé depuis la date de l'accord objet des poursuites et du délai de 7 ans depuis le moment à partir duquel elle avait comme les autres sociétés mises en cause été en mesure de rechercher des éléments de preuve à décharge; que c'est à tort que l'Autorité leur oppose qu'elles ne peuvent pas invoquer utilement des difficultés dans l'exercice des droits de la défense en lien avec la durée de la procédure dès lors que l'application du principe de prudence devait les conduire à conserver toute preuve de nature à établir la validité de leur pratique jusqu'au terme de la durée de la prescription prévue par l'article L. 462-7 du Code de commerce et ce d'autant qu'elles avaient eu connaissance de l'enquête à un moment où les pratiques n'avaient pas encore cessé; qu'en effet, les banques n'ont eu connaissance de l'objet de l'enquête qu'à partir de juillet 2005 et, pour ce qui la concerne, à partir de septembre 2006, soit à une date postérieure à l'écoulement du délai de trois ans, ou même de cinq ans, après les années 1999, 2000 et 2001 et alors surtout que la nature des pratiques poursuivies dans la présente affaire ne pouvait correspondre qu'à une infraction à caractère continu dont le délai de prescription ne pouvait commencer à courir qu'à compter de leur cessation ;

Que le Crédit du Nord invoque de même la durée excessive de la procédure en rappelant également que, conformément aux principes contenus dans l'article 6 de la CESDH et dans l'article 14 du Pacte de New York relatif aux droits civils et politiques, la jurisprudence interne et européenne rappelle régulièrement aux autorités de la concurrence que les procédures qu'elles conduisent doivent avoir une durée raisonnable, exigence fondamentale destinée à assurer le respect effectif des droits de la défense ;

Que le CIC se prévaut aussi de la durée excessive de la procédure, principalement liée à la mise en œuvre de mesures d'instruction inutiles qui, selon ce requérant, est directement à l'origine des difficultés rencontrées dans l'exercice des droits de la défense au regard des arguments des rapporteurs sur l'existence, en 1999, d'un prétendu objet concurrentiel; que le CIC fait plus particulièrement observer que les parties n'ont eu connaissance de l'existence d'une enquête concernant l'EIC qu'à l'occasion des premières auditions menées en juillet 2005, alors que l'adoption de celui-ci remontait à l'année 1999 et surtout que les questions posées dans le cadre de ces auditions, très générales, n'ont pas permis aux parties mises en cause de comprendre réellement ce qui pouvait leur être effectivement reproché; qu'en particulier, il ressort des documents transmis à l'époque au CM/CIC que l'enquête portait sur le système de l'EIC lui-même plutôt que sur la CEIC: le premier courrier reçu de la DGCCRF par le Crédit Mutuel au 1er juillet 2005 énonce en effet que la demande de renseignements lui est faite "dans le cadre d'une enquête dans le secteur bancaire (l'échange image chèque)" et, qu'en réalité, ce n'est tout au plus qu'à la réception de la notification de griefs, en mars 2008 - près de 9 ans après l'adoption de l'EIC - que les parties ont pu identifier les pratiques dont elles auraient à répondre, puisque ce n'est qu'à ce stade que les parties ont été informées du fait que l'instruction considérait la CEIC (et non l'EIC) comme une restriction de concurrence à raison de son objet même et qu'elles ont pu comprendre qu'elles devraient justifier le caractère nécessaire de la CEIC pour mettre en œuvre l'EIC ;

Que Société Générale invoque aussi une durée excessive de la procédure, exclusivement imputable au comportement des services d'instruction, ayant occasionné une atteinte irrémédiable aux droits de la défense, en faisant plus particulièrement valoir que les critères énoncés par la CJCE pour apprécier le caractère raisonnable d'une procédure n'étant ni exhaustifs ni cumulatifs, la complexité de l'affaire ne peut, à elle seule, servir de justificatif à la durée de la procédure lorsque, comme en l'espèce, cette dernière résulte, pour l'essentiel du comportement des services d'instruction; qu'il est ainsi avéré:

- en premier lieu, que l'instruction a été caractérisée par des périodes d'inaction importantes;

- en deuxième lieu, que la durée de la procédure été rallongée par les services d'instruction puisque, pour l'essentiel, les actes d'instruction ont été accomplis dans le cadre d'une instruction dite "complémentaire" ;

- en troisième lieu, que ni la nature des pratiques ni la complexité du dossier, ne sont en tant que tels, de nature à expliquer la durée de procédure et, en particulier, celle de la phase d'instruction du dossier ;

Que la requérante ajoute, enfin, que si les dispositions des articles L. 123-22 et L. 110-4 du Code de commerce imposent respectivement une obligation de conservation légale pendant 10 ans des documents comptables et un devoir général de prudence dictant aux entreprises de conserver, pendant la même durée, toute preuve de nature à établir la licéité de leurs pratiques, elles seraient cependant à rapporter au délai de prescription en matière de pratiques anticoncurrentielles fixé par les dispositions de l'article L. 462-7 du Code de commerce ;

Que BNP Paribas invoque, eu regard aux énonciations de la Charte de coopération et d'objectifs signée par le Conseil de la concurrence, une durée excessive de la procédure, notamment qui, concrètement et de manière personnelle, effective et irrémédiable a entravé l'exercice des droits de la défense ; qu'elle fait ainsi valoir qu'elle a été privée de la possibilité de se défendre au moyen de pièces: - qui ne constituent pas des documents légaux dont la conservation est obligatoire: notes, calculs, chiffrages, comptes rendus de réunions ou témoignages; - concernant des réunions interbancaires remontant à juillet 1999, soit huit ans avant la notification des griefs; que, concernant spécialement les relevés de prix, la requérante ajoute que les entreprises clientes sondées ont rencontré des difficultés pour retrouver les données sur les prix et les volumes de chèques pour chaque année ;

Qu'enfin, HSBC se prévaut d'une durée exceptionnellement longue de la procédure, dans des conditions telles que le délai excessif qui s'est écoulé entre la date des faits qui lui sont reprochés et le moment où elle a su qu'elle aurait à en répondre a irrémédiablement compromis ses droits de la défense; qu'elle expose qu'au cours de la phase d'enquête préalable, qui a duré 5 années, ses représentants n'ont été jamais été auditionnés ni par la DGCCRF lors de l'enquête administrative, ni par les rapporteurs et que ce n'est que lorsque les griefs lui ont été notifiés en mars 2008, soit 8 ans après la signature de l'accord portant sur les commissions litigieuses, qu'elle a su qu'elle devrait répondre des comportements qui lui sont reprochés dans la décision déférée ; qu'elle fait particulièrement valoir qu'au regard de sa situation, caractérisée par le fait qu'elle est, avec le Crédit du Nord, la seule banque n'ayant jamais été auditionnée, les observations de l'Autorité, qui, dans la Décision, affirme que "la majorité des banques mises en cause ont eu connaissance qu'elles auraient à répondre des pratiques en cause au plus tard en juillet 2005", alors que la CEIC était encore en vigueur et que les commissions pour services connexes (CSC) n'avaient pas encore été révisées, sont inopérantes tout comme les objections de l'Autorité en ce qu'elle considère que l'impossibilité de recueillir les témoignages des représentants des banques ayant siégé au sein de la Commission Inter-Réseaux serait un moyen inopérant et que les éléments à décharge seraient principalement des documents contractuels ou commerciaux dont la conservation s'imposait aux banques; qu'il est ainsi avéré qu'elle n'a su qu'elle aurait à répondre des pratiques qui lui sont reprochées que le jour où elle a reçu la notification des griefs, soit plus de 8 ans après la signature de l'accord de février 2000, alors que, jusqu'à cette date, elle n'avait pas de motifs de douter de la licéité de pratiques mises en œuvre sous l'égide de la Banque de France et dans la plus grande transparence vis-à-vis des pouvoirs publics; que la requérante ajoute qu'en l'espèce, les principales pièces qui lui sont opposées ainsi qu'aux banques mises en cause étant constituées par des comptes rendus de réunions de la CIR au cours desquelles ont eu lieu les négociations entre les représentants des banques sur les conditions du passage à l'EIC, il était nécessaire de lui permettre, afin de comprendre puis d'expliquer le contexte particulier de l'affaire, de s'appuyer sur le témoignage du seul et unique représentant de HSBC (à l'époque CCF) ayant assisté aux réunions de la CIR; qu'elle souligne que ce seul témoin n'a jamais été auditionné par les services d'instruction au cours de la phase d'enquête préalable et que, n'étant plus son salarié en mars 2008, il ne pouvait être appelé à témoigner dans des conditions réalistes; que HSBC ajoute, qu'au cas d'espèce, le contexte factuel a été déterminant pour convaincre les banques majoritairement remettantes, dont HSBC d'accepter la CEIC, et qu'à cet égard, il était fondamental, pour qu'elle puisse exercer ses droits de la défense dans de bonnes conditions, qu'elle puisse faire appel à la mémoire de celui qui avait participé aux réunions de la CIR ; qu'elle précise, enfin, que plusieurs années après les faits, elle n'a pu retrouver les notes ou calculs internes - qui ne font pas partie des éléments qui doivent être légalement conservés par une entreprise - qui lui auraient permis de contester ceux qui ont été utilisés par les rapporteurs pendant l'instruction ;

Mais considérant que c'est par des appréciations pertinentes - points 142 à 154 de la décision - que la cour fait siennes, que la Décision a écarté le moyen tiré de la violation en l'espèce du principe de délai raisonnable prescrit par l'article 6 § 1 de la CEDH, après avoir examiné si la durée de la procédure était excessive compte tenu des circonstances de l'espèce, et, si, à supposer que tel était le cas, la durée de la procédure avait pu priver les banques de la possibilité de se défendre utilement contre les griefs qui leur étaient reprochés ;

Considérant que, concernant l'appréciation de la durée de la procédure, pour conclure que la présente procédure, enquête comprise, n'est pas excessive eu égard à la nature, à l'ampleur et à la complexité de l'affaire, la Décision relève à juste titre, notamment:

- que l'affaire concerne l'ensemble des commissions interbancaires perçues à raison des paiements effectués par chèques sur le territoire national et que les griefs ont été notifiés à douze établissements de crédit, sur la base d'un dossier comportant plus de 40 000 pièces ; que la DGCCRF, saisie en 2004 pour enquête par le rapporteur général du Conseil, a mené de multiples investigations auprès des établissements bancaires et auprès de sociétés clientes remettantes de chèques; qu'à la suite de la remise du rapport d'enquête en 2005, les services d'instruction du Conseil ont mené plus de quarante auditions et ont procédé à un sondage d'une grande ampleur auprès de sept cents entreprises pour relever les conditions bancaires applicables à leurs opérations de remise de chèques pour la période couvrant les années 2000 à 2006 (prix direct, forfait, sous-traitance, dates de valeur, commission de mouvement, etc.) ; que par ailleurs, l'appréciation des pratiques a nécessité des études économiques poussées, notamment pour l'évaluation du caractère exemptable des pratiques en cause ;

- que les parties ont pu bénéficier des délais prévus par l'article L. 463-2 du Code de commerce pour faire valoir leurs observations et que, par ailleurs, les actes d'instruction qui ont eu pour effet d'allonger la phase contradictoire de la procédure (désignation d'un expert, envoi d'un rapport complémentaire) ont été diligentés afin de respecter au mieux les droits des parties tant pour l'établissement des faits que pour la mise en œuvre du principe de contradiction; qu'il en va de même de la décision n° 09-S-04 du 11 décembre 2009, qui a permis aux parties d'accéder à l'intégralité des données du sondage de prix et de produire d'ultimes observations écrites ;

Considérant que la Décision relève également avec pertinence, qu'en tout état de cause, la possibilité pour les entreprises mises en cause de se défendre contre les faits qui leur étaient reprochés n'a pas été affectée par la durée de la procédure; qu'en effet, la prudence commandait aux banques de conserver toute preuve de nature à établir la licéité de leurs pratiques jusqu'à la fin de la prescription fixée par l'article L. 462-7 du Code de commerce, dont le délai a été porté de trois ans à cinq ans par l'ordonnance du 4 novembre 2004, et ce d'autant plus qu'elles ont eu connaissance de l'enquête dont elles faisaient l'objet alors que les pratiques en cause n'avaient pas encore cessé; que la Décision énonce notamment à cet égard:

- en premier lieu, que la majorité des banques mises en cause ont eu connaissance du fait qu'elles auraient à répondre des pratiques en cause au plus tard en juillet 2005 lors de leur audition formelle par les enquêteurs et qu'à cette date, la CEIC et les CSC étaient encore appliquées à l'ensemble des transactions interbancaires par chèque, au niveau qui avait été fixé au sein de la CIR en 2000, que la notification des griefs, en date du 14 mars 2008, est intervenue quelques mois à peine après la suppression de la CEIC, décidée le 4 octobre 2007 avec effet rétroactif au 1er juillet 2007, et la révision du montant des CSC, intervenue au cours de l'automne 2007 ;

- en deuxième lieu, que les entreprises incriminées sont responsables de la déperdition éventuelle des preuves qu'elles entendaient faire valoir tant que la prescription n'était pas acquise, les motifs d'ordre interne à l'entreprise incriminée étant, à cet égard, indifférents ; que HSBC ne peut donc utilement invoquer la circonstance que les représentants qui ont siégé en leur nom au sein de la CIR n'étaient plus présents dans l'entreprise à la date à laquelle les griefs ont été communiqués, rendant ainsi plus difficile la possibilité de recueillir leur témoignage ;

- en dernier lieu, que la prescription de l'action commerciale était à l'époque des faits en cause de dix ans, en vertu des dispositions de l'article L. 110-4 du Code de commerce. Les banques visées par les griefs devaient donc, en vertu du devoir général de prudence, conserver leurs documents commerciaux de manière à pouvoir présenter leur défense dans le cadre d'une éventuelle action devant le tribunal de commerce, et que, de même, elles étaient soumises à l'obligation générale de conservation des documents comptables et pièces justificatives pendant dix ans imposée par l'article L. 123-22 du Code de commerce, étant précisé que les requérantes ne contestent pas l'existence d'un accord au sein de la CIR aux fins de créer des commissions interbancaires et d'en fixer le montant mais, essentiellement, le caractère anticoncurrentiel de cet accord ;

Considérant que la cour observe, au surplus, que les requérantes ne sont pas en droit de se prévaloir de la Charte de coopération et d'objectifs signée le 28 janvier 2005 par le Conseil de la concurrence et la DGCCRF, Charte dont, dans ses observations devant la cour, l'Autorité relève la caducité; qu'au demeurant, les engagements réciproques qui avaient été pris par les signataires afin de formaliser les principes de leur coopération en vue d'atteindre une plus grande efficacité dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, notamment à réduire les délais moyens de traitement des affaires au stade de l'enquête administrative et de l'instruction en définissant des délais optimum de traitement des affaires, ne pourraient être constitutifs de droits que les entreprises poursuivies pourraient opposer à l'Autorité à l'issue des procédures dont elles font l'objet;

Que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur le respect du principe du contradictoire:

1 Sur la précision des griefs notifiés:

Considérant que la Banque Postale demande à la cour d'annuler la procédure en se prévalant d'un manque de précision de la notification des griefs qui, formulée de manière ambigüe, entretenait une confusion entre l'effet et l'objet des pratiques dans des conditions portant nécessairement et irrémédiablement atteinte aux droits de la défense, en ne permettant pas aux banques de déterminer si des effets anticoncurrentiels étaient attribués à la CEIC et, dans l'affirmative, de quel chef: celui de la qualification proprement dite, de l'examen de l'exemption ou de la gravité des infractions ou encore celui de caractérisation d'effets, potentiels ou réels; que la requérante critique aussi la tardiveté de la notification des griefs alors que la durée de la procédure ne répond pas aux exigences du délai raisonnable fixées par les articles 6-1 et 6-3 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, sans justification possible en raison de la complexité de l'affaire; que cette tardiveté de la notification des griefs lui a porté préjudice, dès lors que la Décision lui imputant pour la période de 1999 à 2006 le comportement d'une autre entité, La Poste, il lui était particulièrement difficile, après plusieurs années, de retrouver des témoignages internes et des pièces de cette entreprise plusieurs années plus tard, d'autant que la réorganisation de ses services rendait cette recherche aléatoire ;

Que la Banque Postale invoque aussi:

- un accès tardif au sondage de prix qui, élément fondamental de l'accusation, n'a pas été communiqué au stade de la notification des griefs en violation du principe garantissant l'accès des parties à l'ensemble des éléments retenus à charge dès ce stade et n'a ensuite fait que l'objet de communications parcellaires, au fur et à mesure des décisions rendues par le Président de l'Autorité ;

- la tardiveté de l'accusation portée contre elle, dès lors que ce n'est qu'au cours de la deuxième séance devant l'Autorité, le 13 avril 2010, qu'elle a découvert des éléments chiffrés, dont elle ignore le mode de calcul, et qui sont censés apporter la preuve qu'elle aurait invoqué une perte qui n'existe pas, alors que cela n'avait jamais été avancé, ni dans la notification de griefs, ni dans les deux rapports, ni lors de la première audience; que le fait, pour les rapporteurs, de présenter à l'audience, sur un support écrit, des calculs nouveaux et une affirmation aux termes de laquelle La Banque Postale n'éprouvait pas de perte du fait du passage à l'échange Images Chèques constitue la mise en évidence, au dernier moment, d'un élément à charge d'une grande importance et qui a d'ailleurs été reconnu comme tel dans la Décision;

- l'imputation de griefs concernant La Poste, alors que celle-ci n'a pas participé aux réunions de la commission inter-réseaux, qui se sont tenues entre juin 1999 et février 2000, en précisant que "La Banque Postale" est la nouvelle dénomination de la société Efiposte, qui, jusqu'au 12 décembre 2005, avait pour activité la réception, la transmission et l'exécution d'ordres sur instruments financiers; qu'elle explique avoir changé d'objet social afin d'étendre son activité aux opérations de banque; qu'à aucun moment, pourtant, ni la notification de griefs, ni d'ailleurs les rapports, n'indiquent que La Banque Postale se voit imputer le comportement de La Poste, pas plus qu'elle ne se voit imputer l'application de la commission de décembre 2005 au 1er juillet 2007; qu'elle est ainsi sanctionnée pour avoir repris les activités bancaires de La Poste et appliqué l'accord litigieux à compter de décembre 2005 ; que, de fait, la sanction qui la frappe comprenant la perception de la commission du 1er janvier 2002 au 1er juillet 2007, elle n'est pas sanctionnée pour avoir créé la commission litigieuse dans le cadre de la commission inter réseaux, comme la notification de griefs l'expose clairement, mais, d'une part, parce qu'elle se voit imputer un comportement reproché à La Poste, dont elle a repris l'activité des services financiers dont elle était une filiale, et, d'autre part, pour avoir appliqué la commission litigieuse de décembre 2005 au 1er juillet 2007 ;

- une extension des griefs notifiés par la Décision, dès lors que deux articles de la notification de griefs ajoutent à l'instauration de la commission interbancaire la perception de celle-ci pour une durée du 1er janvier 2002 au 1er juillet 2007 pour le premier article, et sans limitation de durée pour le second; qu'il s'agit de l'ajout d'un nouveau grief dans la Décision, la perception de la CEIC du 1er janvier 2002 au 1er juillet 2007 et la perception de la commission relative à l'AOCT, n'étant clairement pas visées dans les griefs notifiés, lesquels ne portent que sur la création des commissions litigieuses dans le cadre de la commission inter réseaux ;

Mais considérant que c'est à bon droit que la Décision a écarté (points 157 à 161 de la Décision) le moyen tiré par la Banque Postale de l'imprécision des griefs, dès lors:

- que la notification des griefs visait expressément dans ses motifs tant pour la CEIC que les CSC, l'objet et l'effet anticoncurrentiel des pratiques d'entente reprochées ;

- que si les services d'instruction ont ensuite fait porter leur argumentation sur l'objet anticoncurrentiel des pratiques, au stade du rapport du 14 août 2008, cette circonstance n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense de la Banque Postale; qu'il résulte en effet du caractère contradictoire de la procédure que l'analyse faite dans le rapport peut évoluer par rapport à celle développée dans la notification des griefs; que la requérante a pu, dans le détail, contester la matérialité des faits relevés par les services d'instruction, la qualification qui leur a été attribuée puis l'imputation qui en a été faite;

Considérant, au surplus, que sous couvert d'un moyen tendant à voir constater la nullité de la procédure du fait de l'irrégularité de la notification des griefs, les autres critiques formulées par la Banque Postale révèlent que cette requérante désapprouve, en réalité, la position de l'Autorité sur la qualification des pratiques ainsi que sur leur imputabilité, ce qui relève du fond du débat ;

Que le moyen sera rejeté ;

2 Sur l'accès au dossier

Considérant qu'aux termes de l'article L. 463-2 du Code de commerce: "[...] le rapporteur général [...] notifie les griefs aux intéressés ainsi qu'au commissaire du Gouvernement, qui peuvent consulter le dossier sous réserve des dispositions de l'article L. 463-4 et présenter leurs observations dans un délai de deux mois" ;

En ce qui concerne la communication du sondage de prix et des 104 "conditions bancaires" issues de ce sondage:

Considérant que le Crédit Mutuel expose qu'avant la notification des griefs, les résultats du sondage de prix ont été classés en annexe confidentielle par la décision n° 08-DSA-39 du président de l'Autorité du 10 mars 2008, alors qu'aucune demande en ce sens n'avait été adressée aux entreprises et que, par ailleurs, les parties n'ont pas été consultées sur la question de savoir si l'accès à ces données serait nécessaire à l'établissement de leur défense; qu'au surplus, l'article R. 463-13 du Code de commerce prévoit que le classement en annexe confidentielle d'un document ne peut intervenir que sur demande des entreprises et que l'article R. 463-15 du même Code prévoit que le rapporteur doit rendre accessibles les pièces nécessaires à l'exercice des droits des parties, ce qui est le cas du sondage de prix, comme cela a d'ailleurs été reconnu par le président de l'Autorité dans sa décision n° 9-DEC-01 du 17 février 2009; que ce sondage de prix a été effectué sur un échantillon de 104 conditions bancaires dont le détail a été fourni aux parties le 15 juillet 2009, soit moins de 4 mois avant la première audience devant l'Autorité, ce qui, selon le requérant, constitue une violation des droits de la défense ayant entraîné un double préjudice dès lors que, si chaque partie connaissait effectivement les conditions qu'elle proposait à l'ensemble de ses propres clients, aucune d'entre elles n'avait cependant la possibilité de savoir, ni si parmi les 104 conditions figuraient des conditions la concernant, ni, dans l'affirmative, à quel client ces conditions se rapportaient; que cette violation est à l'origine d'un préjudice résultant:

- d'une part, de ce qu'en l'absence de communication des 104 conditions en question, la communication des griefs n'a pas permis "d'informer les parties des pratiques reprochées, de leur qualification juridique au regard du droit applicable national ou communautaire et des personnes auxquelles sont imputées ces pratiques" (décision n° 05-D-64 du Conseil de la concurrence du 25 novembre 2005), empêchant les parties de contester en toute connaissance de cause la notification des griefs ; que, par surcroît, n'ayant eu accès aux 104 conditions en question que le 15 juillet 2009, les parties n'ont été mises en mesure de répondre à l'analyse des rapporteurs sur le sondage de prix que dans le cadre de leurs observations en réponse au rapport complémentaire du 19 août 2009, de sorte que, le principe du double tour de contradictoire n'a pas été respecté ;

- d'autre part, de ce qu'en l'absence de communication de l'ensemble des pièces fondant les accusations contenues dans la notification des griefs, le Crédit Mutuel n'a pas été mis en mesure d'évaluer en connaissance de cause l'opportunité de ne pas contester les griefs ;

Que, selon le Crédit Agricole et LCL, l'accès tardif organisé par l'Autorité, dans des conditions irrégulières, aux pièces sur lesquelles est fondée la notification des griefs ne couvre pas l'irrégularité "originelle" de cet acte; que la décision de l'Autorité du 11 décembre 2009 implique, par elle-même, reconnaissance par l'Autorité qu'il y a eu, pendant toute la période où les mis en cause n'avaient pas accès aux pièces concernées, atteinte au principe du contradictoire et aux droits de la défense qui ne sont respectés, en substance, que si dès la notification des griefs les parties ont accès à l'ensemble des pièces du dossier, la seule limite étant celle posée par l'article L. 453-4 du Code de commerce concernant les pièces qui mettraient en jeu le secret des affaires, et sous réserve de l'exercice des droits de la défense d'une partie mise en cause, l'accès des parties au dossier dans le respect du principe du contradictoire et de l'égalité des armes devant s'apprécier in concreto ; qu'en l'espèce, le défaut de communication du sondage de prix au stade de la notification de griefs a porté une atteinte d'autant plus importante à l'organisation de la défense du Crédit Agricole et de LCL qu'il s'agit de la pièce essentielle sur laquelle est fondée la qualification des pratiques dans la notification des griefs, étant observé que les rapporteurs qui avaient alors tout loisir de mettre en œuvre la procédure prévue aux articles L. 463-4 et R. 463-15, auraient pu rendre accessibles aux parties une version non-confidentielle du sondage de prix; qu'au surplus, si la décision attaquée met en avant le fait que les parties ont eu accès aux données classées en annexes confidentielles par les décisions n° 08-DSA-39 et 09-DEC-01, dans le cadre du renvoi à l'instruction du dossier décidé par la décision n° 09-S-04, ce procédé ne peut cependant remédier à l'irrégularité résultant du défaut de communication du sondage de prix qui n'est intervenue, ni au stade de la notification des griefs, ni avant la clôture de l'instruction; que la décision 09-S-04 est donc manifestement entachée de nullité puisque, prise à l'initiative du collège, hors du cadre procédural prévu aux articles L. 463-4, R. 463-13 et R. 463-15 du Code de commerce dans leur rédaction antérieure au décret du 13 novembre 2008 applicable à la présente affaire, elle a eu pour objet de permettre aux parties de prendre connaissance des conditions tarifaires appliquées par leurs concurrents aux principaux clients remettants et a créé une transparence artificielle inédite sur ce marché très concurrentiel, cette atteinte au libre jeu de la concurrence étant d'autant plus grave qu'elle a été décidée en pleine connaissance de cause et après la clôture de l'instruction par l'Autorité qui avait en effet rejeté dans sa décision n° 09-DEC-01 les demandes de déclassement de ces mêmes données présentées par deux parties au motif d'éviter de troubler gravement et durablement la concurrence; que c'est dans ces conditions que le Crédit Agricole et LCL ont refusé de prendre connaissance des données envoyées par les services d'instruction le 5 janvier 2010 à leurs conseils en application de la décision n° 09-S0-04, afin de ne pas s'exposer à violer, en application d'une décision hautement contestable, les principes les plus élémentaires du droit de la concurrence ;

Que, pour sa part, la BPCE soutient que les difficultés d'accès au sondage de prix entachent d'irrégularités la notification de griefs et violent le principe du double tour du contradictoire; qu'en effet, conformément à l'article R. 463-13 du Code de commerce, dans sa rédaction en vigueur en 2008, la demande de classement en annexe confidentielle du sondage de prix ne peut émaner que des entreprises dont les données figurent au dossier de l'Autorité, que ce soit à leur propre initiative ou sur invitation du Rapporteur général; qu'en admettant que le sondage de prix faisait partie des éléments fondant les griefs notifiés, l'Autorité reconnaît implicitement qu'il s'agissait d'un élément nécessaire à la procédure au sens de l'article R. 463-15 du Code de commerce ; que cependant, en application du premier alinéa de cet article, il appartient au rapporteur, lorsqu'une pièce classée en annexe confidentielle est nécessaire à la procédure, d'interroger les entreprises dont elle émane pour savoir si elles s'opposent à son déclassement et dans l'affirmative, de saisir le Président du Conseil pour qu'il statue sur le déclassement de la pièce en question ;

Que l'article L. 463-2 du Code de commerce exige qu'au moment de la notification des griefs, il soit donné aux parties un accès à l'entier dossier de l'Autorité sous réserve des dispositions de l'article L. 463-4 relatif au secret des affaires; que toutefois, les dispositions règlementaires prises pour l'application de l'article L. 463-4 du Code de commerce (article R. 463-13 et R. 463-15) n'ont été respectées ni par les rapporteurs ni par le président de l'Autorité; que l'accès à l'entier dossier de l'Autorité doit être permis dès la notification des griefs afin que le principe du contradictoire soit respecté dès le "premier tour" de contradictoire et que le fait qu'un accès, d'abord partiel, puis finalement total, ait été donné au sondage de prix postérieurement à la réponse de la notification des griefs ne permet pas de régulariser rétroactivement la situation déséquilibrée dans laquelle les parties ont été placées lors du "premier tour" du contradictoire; qu'une atteinte a en effet été portée aux droits de la défense des parties, dont la requérante, dès le stade de la notification des griefs dès lors qu'elles n'ont pas été mises en mesure de répondre à l'analyse des rapporteurs fondée sur le sondage de prix et qu'en l'absence de communication de celui-ci, la première occasion qui a été donnée aux parties de répondre à l'analyse menée par les rapporteurs sur la base des éléments du dossier, est survenue lors de la réponse au rapport complémentaire du mois d'août 2009; qu'à ce stade de la procédure, il n'est plus prévu que les rapporteurs puissent commenter par écrit les réponses des parties, ce qui les a conduit à modifier les paramètres économiques de leur analyse uniquement au cours de la séance tenue le 24 novembre 2009 ; que si, à l'issue de cette séance, un accès, cette fois-ci complet, au sondage de prix, a enfin été donné aux parties avec la possibilité, qui leur a été offerte et qu'elles ont mise en œuvre, de verser des dernières observations écrites, force est cependant de constater qu'aucune disposition ne prévoyant, à ce stade de la procédure, la possibilité pour les rapporteurs de commenter ou de répondre aux écritures des parties, les rapporteurs ont été conduits à modifier, lors de la dernière séance du 13 avril 2010, les paramètres économiques qu'ils utilisaient, sans aucune possibilité pour les parties d'y répondre sur le champ; que c'est à tort que l'Autorité leur a opposé le fait que les parties ont pu accéder aux données du sondage de prix avant la préparation de leur réponse au rapport du 19 août 2009, d'abord de façon partielle en application de la décision n° 08-DEC-12 puis, selon l'Autorité, de façon intégrale en application de la décision n° 09-DEC-01 ; qu'en effet, l'accès au sondage de prix, qui a été organisé par la décision n° 09-DEC-01 et qui s'est tenu en avril et juillet 2009, a consisté à laisser les seuls conseils des parties accéder à une "data-room" en les contraignant à signer un engagement de confidentialité par lequel ils s'interdisaient d'indiquer à leurs clients les informations nominatives du sondage de prix, de sorte que cet accès, qui n'a pas été donné aux parties comme l'imposait pourtant l'article L. 463-2 du Code de commerce, était irrégulier; que le seul accès intégral au sondage de prix qui n'est intervenu qu'in extremis, le 5 janvier 2010, par application de la décision n° 09-S-04, soit postérieurement à l'envoi par les parties de leur réponse au rapport du 19 août 2009 et qu'un délai de 2 mois a ensuite été laissé aux banques pour produire des observations à la suite de ce premier accès intégral donné au sondage de prix, dont il a précisément été démontré qu'il ne pouvait pas permettre de purger les irrégularités affectant déjà la procédure, dès lors qu'il est intervenu 21 mois après la notification de griefs et 5 mois après le rapport complémentaire; que l'accès intégral aux données du sondage de prix a pourtant permis de mettre en lumière des éléments de défense dont il n'était pas possible de faire état auparavant; que force est donc de constater que la réalisation de ce sondage n'a pas permis d'éliminer le biais qu'avaient identifié les rapporteurs eux-mêmes et que les requérantes se trouvent ainsi confrontées à un sondage qui porte essentiellement sur une catégorie très particulière de remettants et dont les enseignements ne peuvent donc pas être étendus, comme l'ont pourtant fait les rapporteurs puis la Décision, à l'ensemble du marché du service de remise de chèques ;

Que, de son côté, le CIC précise que, quelques jours avant la communication de la notification de griefs, les résultats du sondage de prix ont été classés en annexe confidentielle par la décision 08-DSA-39 du Président de l'Autorité du 10 mars 2008 et ce, sans qu'aucune demande en ce sens n'ait été formulée par les entreprises sondées ; que, par ailleurs, les parties n'ont pas été consultées sur la question de savoir si l'accès à ces données serait nécessaire à l'établissement de leur défense, de telle sorte que le classement en annexe confidentielle du sondage de prix a été fait en violation, d'une part, de l'article R. 463-13 du Code de commerce, qui prévoit qu'un tel classement ne peut intervenir que sur demande des entreprises et, d'autre part, de l'article R. 463-15 de ce Code, qui prévoit que le rapporteur doit rendre accessibles les pièces nécessaires à l'exercice des droits des parties, ce qui était précisément le cas du sondage de prix, comme l'a expressément reconnu le Président de l'Autorité dans sa décision 09-DEC-01 du 17 février 2007; que le CIC ajoute, concernant le prétendu accès des parties aux 104 conditions avant la communication du 15 juillet 2009, que ces conditions constituaient un échantillon des conditions bancaires issues du sondage des prix utilisé pour démontrer l'existence d'une prétendue hausse des prix sur le marché de la remise de chèque du fait de l'instauration de la CEIC ; que, cependant, si chaque partie connaissait les conditions qu'elle proposait à ses propres clients, aucune d'entre elles n'avait la possibilité de savoir si parmi les 104 figuraient des conditions la concernant, ni, dans l'affirmative, à quel client ces conditions se rapportaient; qu'en tout état de cause, quand bien même chaque banque aurait pu déterminer lesquelles de ses propres conditions figuraient parmi les 104 conditions en cause - ce qui était de toute façon rigoureusement impossible - ceci n'aurait été d'aucune utilité; qu'en effet, la démonstration des services de l'instruction était précisément fondée sur la moyenne de 104 conditions pratiquées par différentes banques, de sorte que seul un accès à l'ensemble de ces conditions aurait permis de contester les affirmations de la notification des griefs; que le requérant affirme que l'Autorité n'est pas en droit de lui opposer une prétendue absence de préjudice des parties du fait de la communication, même tardive, des 104 conditions le 15 juillet 2009, dès lors, qu'en l'absence de communication des 104 conditions, la notification des griefs n'a pas permis, contrairement aux prescriptions de l'Autorité elle-même, "d'informer les parties des pratiques reprochées, de leur qualification juridique au regard du droit applicable - national ou communautaire - et des personnes auxquelles sont imputées ces pratiques" ; que, par surcroît, n'ayant eu accès aux 104 conditions que le 15 juillet 2009, les parties n'ont été mises en mesure de répondre à l'analyse des rapporteurs sur le sondage de prix que dans le cadre de leurs observations en réponse au rapport complémentaire du 10 août 2009 ; qu'ainsi, en l'absence de communication de l'ensemble des pièces fondant les accusations contenues dans la notification des griefs et le rapport, le CIC affirme qu'il n'a pas été mis en mesure d'évaluer en connaissance de cause l'opportunité de ne pas contester les griefs; qu'en effet, pour que la décision de contester ou non les griefs puisse être prise en toute connaissance de cause, les documents sur lesquels repose la notification des griefs doivent être communiqués aux entreprises bien avant la notification du rapport, après laquelle la non-contestation des griefs n'est plus possible; que, toutefois, en l'espèce, cette condition n'est pas remplie dès lors que les 104 conditions, auxquelles les banques ont demandé à avoir accès dès réception des griefs, ne leur ont été communiquées que plus de 16 mois après la notification de griefs et même après l'envoi du premier rapport ;

Que le Crédit du Nord souligne aussi que la communication de griefs ne contenait pas en annexe la liste des 104 conditions, qui étaient pourtant au centre de l'analyse des rapporteurs, ce qui a empêché toutes les banques de connaître les faits précis que les rapporteurs reprochaient à chacune d'elles, ce dont l'Autorité de la concurrence ne disconvient d'ailleurs pas; que les banques restent en droit d'exciper une atteinte à leurs droits de ce chef au motif que les conditions étaient celles qu'elles avaient elles-mêmes négociés avec leurs clients; qu'une telle affirmation est en effet inexacte, d'abord parce qu'il a été établi, par la suite, que les rapporteurs ont commis des erreurs et, ensuite, parce que les banques ignoraient les réponses données par les clients; que le Crédit du Nord se plaint ainsi de ne pas avoir pu, d'entrée de jeu et contradictoirement, posséder une vision d'ensemble du litige, et explique avoir été privé de la possibilité d'explorer toutes les voies procédurales qui s'offraient à lui après la notification des griefs ;

Que, comme les autres requérantes, Société Générale affirme que n'ayant eu accès aux données du sondage de prix la concernant qu'à partir de décembre 2008, elle n'a pas pu être informée du fait qu'elle aurait à rechercher un ensemble de documents de nature à lui permettre de reconstituer sa politique tarifaire à l'égard des clients visés par le sondage de prix, près de 8 ans après l'adoption de l'accord de la CIR et 5 ans après l'auto-saisine du Conseil; qu'elle soutient que, parmi les documents utiles à sa défense, il convient de distinguer:

- d'une part, les documents relatifs à l'adoption des commissions interbancaires en cause, de nature à expliquer les raisons pour lesquelles ces commissions ont été adoptées et la position respective des parties à leur égard, documents totalement ignorés par l'Autorité, alors pourtant qu'ils sont essentiels à la démonstration de la nécessité objective des commissions interbancaires en cause, question qui occupe une place centrale dans sa motivation ;

- d'autre part, les documents - contrats commerciaux, factures, courriers échangés avec les clients, en tout état de cause toute une série de documents non visés par les obligations précitées de conservation - relatifs aux relations entre Société Générale et ses clients remettants lors du passage à l'EIC et postérieurement à sa mise en place, permettant de retracer l'évolution des tarifs pratiqués pour les remises de chèques, avant et après la mise en place de l'EIC ;

Qu'il en résulte que, faute d'avoir été informée suffisamment tôt des pratiques alléguées à son encontre, Société Générale n'a pas été en mesure de retrouver, voire de constituer, des preuves de nature à réfuter l'existence des comportements allégués à son encontre;

Que la requérante précise aussi qu'alors que l'article L. 463-2 du Code de commerce organise un double tour du contradictoire - le premier s'ouvrant avec la notification des griefs et le second s'organisant en deux étapes, avec, dans un premier temps, la réponse du rapporteur aux observations présentées par les parties puis, dans un second temps, la présentation par ces dernières de nouvelles observations sur le rapport établi par le rapporteur - il s'avère qu'en l'espèce, plusieurs pièces - le sondage de prix et les présentations "power-point" diffusées par les rapporteurs au cours des deux séances devant l'Autorité ainsi que les données sur lesquelles l'Autorité s'appuie pour contester la nécessité objective de la CEIC - ont été versées tardivement au dossier auquel les parties ont eu accès, portant ainsi irrémédiablement atteinte aux droits de la défense; que Société Générale prétend que le versement tardif de ces pièces et données soulève deux types d'irrégularités procédurales:

- dans le cas du sondage de prix, les services d'instruction ont tout à la fois cherché, d'une part, à remédier à une irrégularité procédurale originelle, à savoir l'absence de communication de cette pièce au stade de la notification de griefs et, d'autre part, à enrichir les données du sondage communiquées par les entreprises lorsqu'ils le jugeaient utile ;

- s'agissant des présentations "power-point" diffusées par les rapporteurs lors des séances des 24 novembre 2009 et 13 avril 2010 et de l'analyse faite par l'Autorité de l'évaluation des pertes de trésorerie induites par le passage à l'ETC, l'irrégularité tient au fait que, tant les rapporteurs que l'Autorité, se sont appuyés sur de nouvelles hypothèses, non soumises préalablement au contradictoire et auxquelles les parties n'ont pu répondre; que le principe du contradictoire exigeait donc qu'un accès à ce sondage soit donné aux parties dès le premier tour du contradictoire, afin qu'elles soient en mesure de se défendre utilement, puisque c'est en effet dès le stade de la notification des griefs que les parties doivent avoir accès à l'ensemble des pièces sur lesquelles les rapporteurs s'appuient; qu'à cet égard, l'octroi purement théorique d'un délai de 2 mois, tel que visé par l'article L. 463-2 du Code de commerce, ne peut effacer les irrégularités affectant la procédure qui ont porté atteinte de manière irrémédiable aux droits de la défense des parties, l'accès tardif au sondage de prix ayant eu pour conséquence la privation des parties d'un double tour du contradictoire et la perte d'une chance d'analyser la voie procédurale de la non-contestation des griefs, visée à l'article L. 464-2-III du Code de commerce ;

Que, pour ce qui la concerne, BNP Paribas soutient que l'accès tardif aux 104 conditions bancaires censées justifier la hausse de prix alléguée dans la notification des griefs, reporté à une date à laquelle plus aucune issue amiable n était possible, est irrégulier et constitue une violation des droits de la défense, alors que les banques avaient appelé en vain l'attention de l'Autorité sur le fait que la notification des griefs et le rapport d'août 2008 reposaient sur l'hypothèse d'une hausse tarifaire sur la base de 104 conditions bancaires qui, pour près de deux tiers d'entre elles, ne correspondaient pas à la description faite par les rapporteurs, faute d'être chiffrées à l'opération; que l'accès aux 104 conditions bancaires n'a été possible qu'après la remise des rapports, soit à un stade où aucune procédure négociée n'est plus possible, étant précisé que le sondage des prix aurait aussi dû être accessible lors des discussions amiables ; que, par ailleurs, en application des articles L. 463-4 et R. 463-13 du Code de commerce, la question du secret des affaires aurait dû être purgée antérieurement à la notification des griefs ;

Que à l'instar des autres requérantes, HSBC demande à la cour de constater que les droits de la défense des requérantes ont été irrémédiablement compromis et, par voie de conséquence, d'annuler la procédure en prétendant que les conditions d'accès au dossier ont porté irrémédiablement atteinte à ses droits de la défense comme à ceux de l'ensemble des parties; qu'elle souligne aussi que le défaut de communication des résultats du sondage de prix dès la notification des griefs constituait un grave manquement aux exigences de la procédure contradictoire qui avait été la source de préjudices divers, en particulier l'allongement de plus d'un an de la durée de l'instruction, de "complications procédurales exceptionnelles", source de difficultés dans l'exercice des droits de la défense; qu'elle affirme aussi que c'est à tort que l'Autorité a écarté ce moyen au motif que les parties auraient finalement disposé de la faculté de consulter l'ensemble des pièces ayant servi à établir les griefs initialement notifiés et que cette communication extrêmement tardive des données du sondage de prix aurait permis de purger le vice de procédure initial; qu'elle précise qu'alors qu'au stade de la notification des griefs, les rapporteurs avaient opposé aux parties une hausse des prix évaluée à 0,0166 euro par chèque sur le marché de la remise de chèques sur la base de 104 conditions bancaires recueillies dans le cadre du sondage de prix, les banques n'ont pas pu vérifier l'exactitude de cette hausse de prix moyenne parce que les données du sondage de prix avaient été classées dans une annexe confidentielle et qu'en raison de la confidentialisation intégrale des données du sondage de prix, HSBC n'était même pas en mesure de savoir si certaines de ces conditions bancaires concernaient ses propres clients; qu'elle ajoute qu'en dépit des demandes insistantes et répétées des mises en cause - lettres de l'Annexe 3 - les services d'instruction ne leur ont communiqué les 104 conditions bancaires que 15 mois après l'envoi de la notification des griefs et près d'une année après l'envoi du rapport d'août 2008 - lettre de l'annexe 4) et que seule une partie de ces 104 conditions bancaires a finalement été utilisée dans le rapport d'expertise; que c'est en vain que l'Autorité, qui ne conteste pas le caractère tardif de la communication du sondage de prix, dès lors qu'elle admet qu'"il est indéniable que la notification des griefs a analysé les résultats du sondage de prix (...) alors même que les parties n'y ont (...) pas eu immédiatement accès", prétend que cette circonstance n'a pas, au cas d'espèce, porté atteinte aux droits de la défense, dès lors que le débat contradictoire doit être étendu à l'ensemble des éléments figurant dans la notification des griefs; qu'en l'espèce, l'impossibilité où ont été placées les requérantes de répondre complètement et utilement à la notification des griefs, a irrémédiablement compromis les droits de la défense, et que la communication extrêmement tardive du sondage de prix et des 104 conditions bancaires ne permet pas de purger le vice de procédure initial, car le principe du double tour de contradictoire n'a pas été respecté et que, du fait de l'absence de communication en temps utile de ces éléments, HSBC n'a pu évaluer pleinement l'opportunité de ne pas contester les griefs et de présenter d'éventuels engagements après avoir reçu la notification des griefs en mars 2008 ; que cette communication était d'autant plus fondamentale que, dans le rapport d'août 2009, les rapporteurs ont reconnu eux-mêmes que le seul objectif du sondage de prix était "d'explorer l'hypothèse d'une non-contestation des griefs à partir de mai 2007" ;

Considérant que le Crédit du Nord soutient que la décision 09-S-04 du 11 décembre 2009 du président de l'Autorité qui, sans recueillir l'accord des banques mises en cause, a classé en annexe confidentielle les données du sondage de prix effectué par les services d'instruction, est intervenue en violation des dispositions de l'article R. 463-15 du Code de commerce subordonnant la levée de la confidentialité à une procédure écrite et contraignante et, dès lors, est entachée de nullité ;

Mais considérant qu'il n'est pas contestable que la notification des griefs a, au soutien du développement consacré au caractère éventuellement exemptable de la CEIC, analysé les résultats du sondage de prix effectué par les services d'instruction alors même que les données de cette enquête étaient classées en annexe confidentielle et que, pour ce motif, les établissements mis en cause n'y ont, en effet, pas eu immédiatement accès; que cette circonstance, qui résulte des contraintes liées au respect par l'Autorité du droit des parties à la confidentialité n'a cependant pas pu avoir pour effet de vicier la procédure suivie, dès lors qu'elle n'a pas, concrètement, porté atteinte aux droits de la défense, les données en cause ayant fait l'objet de déclassements à des stades ultérieurs de la procédure, et ayant ainsi été proposées à la consultation et soumises à la contradiction des entreprises poursuivies ;

Considérant, en effet, que comme l'a relevé la Décision (points 172 à 181):

- tout d'abord, les données du sondage sont les prix facturés par les banques à leurs entreprises clientes pendant la période des années 2000 à 2006 et la liste des "104 conditions" représente, quant à elle, un échantillon de réponses au sondage de prix, jugé exploitable par le rapporteur au début de l'instruction, pour observer l'évolution tarifaire sur le marché de la remise de chèques, cette liste ayant par la suite évolué afin de tenir compte des informations transmises par les parties dans le cadre du débat contradictoire et des résultats de l'expertise; que les banques avaient donc nécessairement connaissance des données les concernant figurant dans le sondage, s'agissant de prix et conditions tarifaires qu'elles avaient elles-mêmes négociés et cela d'autant plus que, dès la notification des griefs, le rapporteur leur avait transmis la liste des entreprises interrogées ainsi qu'un exemplaire du questionnaire adressé à ces dernières; qu'elles ont ainsi pu identifier leurs clients dans cette liste et, partant, déterminer quelles étaient les données en cause et qu'en outre, par une décision n° 08-DEC-12 du 2 octobre 2008, le président du Conseil de la concurrence a décidé d'adresser à chaque établissement bancaire copie des réponses au questionnaire le concernant, permettant ainsi aux parties de vérifier l'exactitude des données y figurant et de présenter leurs observations à ce sujet; qu'au surplus, s'agissant des données des établissements concurrents, dont l'accès était réclamé par plusieurs parties sous une forme permettant d'éviter l'identification des clients et des banques concernées, le rapporteur général a désigné, par décision en date du 16 décembre 2008, un expert, bénéficiant d'un accès à la totalité des pièces, et chargé de dresser des tableaux anonymes recensant les données du sondage, consultables par les parties, dans le but de concilier l'accès aux pièces du dossier avec la protection des secrets d'affaires et que, par ailleurs, la liste des "104 conditions" a été communiquée aux parties le 15 juillet 2009 ;

- l'accès intégral aux données concernant les banques concurrentes a ensuite été accordé selon des modalités aménagées par une décision du président du Conseil de la concurrence n° 09-DEC-01 du 17 février 2009 et qu'il est constant que cette consultation aménagée a été effectuée à deux reprises, en avril et en juillet 2009 ; qu'en outre, afin de permettre aux parties de prendre connaissance des pièces nécessaires à l'exercice de leurs droits de la défense, le délai de deux mois dont elles disposaient pour déposer leurs observations au rapport du 14 août 2008 a été successivement repoussé à deux mois à compter de la réception des documents déclassés en application de la décision n° 08-DEC-12 précitée, puis à deux mois à compter de la date de versement au dossier du rapport de l'expert; que les conseils des parties concernées, avocats et économistes, ont ainsi eu accès aux données du sondage de prix avant l'établissement du rapport complémentaire du 19 août 2009, ce qui leur a permis de présenter les moyens utiles à leur défense dans leurs observations en réponse à ce rapport ;

- enfin, par une décision n° 09-S-04 du 11 décembre 2009, l'Autorité de la concurrence a renvoyé le dossier à l'instruction afin de permettre aux parties, d'une part, d'accéder à l'intégralité des données couvertes par les décisions n° 08-DSA-39 et 09-DEC-01 et, d'autre part, de produire d'ultimes observations écrites, étant observé que, concernant la régularité de la décision du 11 décembre 2009 au regard des dispositions de l'article R. 463-15 du Code de commerce, il suffit de se référer à cette décision qui énonce: "À la question du président de séance l'interrogeant sur le point de savoir si ce moyen était présenté au nom des seules Banques Populaires Participations, dont la position au cours de l'instruction a été retracée plus haut, ou au nom de l'ensemble des banques en cause, dont la quasi-totalité s'était opposée au déclassement et donc à l'accès des concurrents aux données les concernant, le conseil des Banques Populaires Participations a déclaré qu'il intervenait "au nom de l'ensemble des banques en cause". Il n'a pas été démenti par les représentants des autres banques ou établissements financiers présents à la séance." ;

Qu'il résulte de ce qui précède que les banques ont pu accéder aux données du sondage de prix, la première fois par l'intermédiaire de leurs conseils, et la seconde sans aucune restriction, et qu'elles ont ainsi bénéficié à deux reprises du délai de deux mois prévu par l'article L. 463-2 du Code de commerce pour faire valoir leurs observations ;

Considérant, par ailleurs, concernant spécialement la mise en œuvre de la procédure de non-contestation de griefs, que c'est à juste titre que l'Autorité relève que les mises en cause n'établissent pas en quoi la communication tardive des données du sondage de prix les auraient privées de la possibilité de demander le bénéfice de cette procédure, alors qu'elles avaient connaissance des données de ce sondage les concernant personnellement et alors qu'elles disposaient de tous les éléments d'appréciation utiles relatifs à la nature des pratiques qui leur étaient reprochées, leur qualification juridique et les conditions d'imputation dès le stade de la notification des griefs; que, dans le cadre de cette procédure, le rapporteur général propose un pourcentage de réduction de la sanction encourue, sans préjudice du débat, ouvert aux parties, portant sur l'importance du dommage à l'économie et que les services d'instruction n'étaient pas tenus d'effectuer au stade de la notification de griefs une évaluation quantifiée du dommage à l'économie à seule fin de permettre aux parties d'apprécier le montant de la sanction encourue, et, partant, l'opportunité de demander le bénéfice de la procédure de non-contestation des griefs; qu'en tout état de cause, il résulte des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce que l'engagement de la procédure de non-contestation des griefs relève du pouvoir d'appréciation du rapporteur général, sous réserve du contrôle de l'erreur manifeste par l'Autorité, de sorte que les parties ne disposaient d'aucun droit à la mise en œuvre de cette procédure ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

En ce qui concerne l'accès aux autres pièces du dossier:

Considérant que BPCE affirme que, dans le cadre des opérations d'expertise diligentées par les rapporteurs, une consultation du dossier a été organisée en application de la décision n° 09-DEC-22 dont l'objectif était de permettre aux conseils des parties de prendre connaissance des éléments soumis à l'expert et de vérifier ainsi les conclusions contenues dans le pré-rapport adressé le 23 février 2009 ; que cette consultation a permis de constater que le dossier ne se limitait pas aux réponses apportées dans le cadre du sondage de prix mais comportait de nombreuses pièces qui n'avaient jusque-là jamais été portées à la connaissance des parties; que dès lors, la procédure est, de ce chef, entachée d'irrégularité ;

Mais considérant que les pièces visées par BPCE sont des réponses complémentaires apportées par certaines entreprises dans le cadre du sondage de prix auquel les services d'instruction ont procédé et qu'elles ont été analysées par l'expert désigné pour vérifier les résultats du sondage de prix, dans son pré-rapport du 20 février 2009 et dans son rapport définitif du 11 août 2009 ; que ces pièces ont été proposées à la consultation des conseils des parties en avril 2009 dans le cadre de l'accès au dossier aménagé dans les conditions qui viennent d'être exposées visant à préserver la protection du secret des affaires et le respect des droits de la défense; qu'elles ont ensuite été rendues accessibles sans restriction aux parties par une décision n° 09-S-04 du 11 décembre 2009, que l'Autorité de la concurrence a renvoyé le dossier à l'instruction afin de permettre aux parties, d'une part, d'accéder à l'intégralité des données couvertes par les décisions n° 08-DSA-39 et 09-DEC-01 et, d'autre part, de produire d'ultimes observations écrites ;

Considérant que les banques ont pu ainsi faire valoir leurs observations sur les éléments considérés, d'une part, dans leurs observations écrites en réponse au rapport complémentaire des rapporteurs du 19 août 2009 prenant en compte les résultats de l'expertise et dans les observations complémentaires qu'elles ont eu la possibilité de présenter dans le délai supplémentaire de deux mois accordé par la rapporteure générale en exécution de la décision de renvoi à l'instruction et, d'autre part, oralement lors des séances du 24 novembre 2009 et 13 avril 2010 ; que, pour les motifs qui viennent d'être énoncés à propos de l'accès aux données issues du sondage de prix, ni la notification de griefs, ni a fortiori la procédure subséquente, ne se trouvent viciées par le défaut de communication de ces éléments en même temps que la notification des griefs ;

Que le moyen sera écarté ;

3 Sur la conduite de l'instruction et sur les séances du 24 novembre 2009 et du 13 avril 2010

Considérant que le Crédit Agricole et LCL affirment qu'il ressort d'une jurisprudence établie que le principe d'impartialité énoncé par l'article 6 § 1 de la Convention EDH est pleinement applicable aux poursuites engagées devant l'Autorité, qui sont assimilables à une accusation en matière pénale; qu'ils critiquent ainsi une instruction, marquée selon elles par un défaut d'impartialité du rapporteur et une conduite uniquement à charge ainsi que l'attestent:

- l'absence de mention, inconciliable avec l'exigence d'un exposé objectif des faits, dans le rapport de 2008, relative à l'avis de la Commission bancaire, ce qui serait révélateur d'un parti pris quant à la décision à rendre ;

- le fait que les rapporteurs aient refusé de prendre en compte les données issues des conditions standard qui leur avaient été communiquées pour déterminer la structuration de la tarification bancaire, pour leur préférer des résultats issus d'une extrapolation d'appels d'offres, par nature moins, voire non pertinents ;

- le fait qu'au cours de conversations téléphoniques tenues avec les déclarants les rapporteurs ont recueilli dans des conditions irrégulières des informations, qui ont ensuite, comme le reconnaît l'Autorité, été retranscrites sous forme de courriers électroniques, en violation manifeste des dispositions des articles L. 450-1 et suivants du Code de commerce, portant par surcroît atteinte au principe du contradictoire ;

Que Société Générale critique aussi, de son côté, une instruction partiale menée exclusivement à charge, alors pourtant, d'une part, que les investigations doivent être menées aussi bien à charge qu'à décharge, a fortiori lorsque l'on se trouve dans le cadre d'une auto-saisine de l'Autorité de la concurrence et, d'autre part, que le rapport doit comporter de façon précise et motivée, l'essentiel des éléments résultant de l'analyse contradictoire des griefs notifiés; qu'elle soutient que force est de constater que ces principes n'ont pas été respectés en l'espèce, dès lors:

- en premier lieu, que les rapporteurs ont systématiquement écarté les éléments du dossier à décharge;

- en deuxième lieu, que les rapporteurs ont accordé un trop grand crédit à certains témoignages, au détriment des principes applicables en matière de preuve ; qu'ainsi, les allégations des rapporteurs reposent, pour l'essentiel, sur de simples déclarations, souvent orales, de représentants de la grande distribution, de grands restaurants remettants ou de personnalités qui leur sont souvent liées et, par ailleurs, qu'un rôle probatoire décisif est accordé aux témoignages de personnes dont l'affiliation aux entreprise du commerce et de la distribution est pourtant notoire ;

- en troisième lieu, que les services d'instruction n'ont pas hésité à orienter le sens des questions posées aux entreprises interrogées dans le cadre du sondage de prix et synthétiser le contenu de conversations téléphoniques en demandant une confirmation écrite;

- en quatrième lieu, qu'ils n'ont pas hésité à donner une interprétation inexacte aux réponses apportées par les entreprises sondées pour identifier une hausse de prix, là où le client indiquait pourtant ne pas en avoir subie, comme l'illustre l'exemple de la société Casino ;

Que Société Générale critique également la démarche des rapporteurs qui, en cas de contradiction entre les déclarations des banques et celle de leurs clients, ont fait systématiquement prévaloir ces dernières, et ainsi renversé la charge de la preuve ;

Que la requérante invoque enfin le fait que la présentation d'analyses nouvelles lors des séances qui se sont déroulées devant l'Autorité est constitutive d'une atteinte au principe de la loyauté des débats et au principe du contradictoire ainsi que d'une violation des droits de la défense et du principe d'égalité des armes ; qu'en effet, la possibilité offerte au rapporteur de développer oralement des éléments nouveaux doit répondre aux exigences imposées par la jurisprudence, qui ne sont précisément pas remplies en l'espèce, en vertu desquelles, lorsque le rapporteur doit répondre à des arguments présentés in fine, sans référence possible à des pièces du dossier, les parties doivent être en mesure de répondre à cette appréciation ;

Que le Crédit Mutuel prétend que la procédure est entachée d'irrégularité en raison de l'évolution constante des thèses opposées aux parties; qu'en effet, alors que, dans le premier rapport du 14 août 2008, l'hypothèse de calcul retenue se fondait initialement sur une part des "entreprises optimisatrices côté tiré" comprise entre 60 et 90 % et ne tenait aucunement compte de la part des entreprises optimisant leur trésorerie du côté remettant, dans le second rapport du 19 août 2009, l'hypothèse de calcul était modifiée une première fois puisque les rapporteurs considéraient implicitement que 100 % des clients remettants optimisaient leur trésorerie; que, lors de la séance de l'Autorité du 24 novembre 2009, les rapporteurs ont encore modifié leur analyse, d'abord en supposant que la part des entreprises optimisant leur trésorerie côté remettant s'élevait à 15 %, proportion ensuite réévaluée à 50 % lors de la séance du 13 avril 2010 ; que, ce faisant, les rapporteurs n'ont jamais pris le soin, ni d'informer le collège du fait qu'ils présentaient des analyses fondamentalement modifiées par rapport à celles présentées dans leurs écritures, ni d'expliciter le détail de leurs nouvelles hypothèses ; qu'enfin, la décision retient deux hypothèses inédites supposant, en premier lieu, que la part des entreprises optimisant leur trésorerie côté remettant et côté tiré est en réalité égale à 25 % et, en second lieu, que cette part est plutôt de 40 % côté remettant et de 10 % côté tiré; que ces revirements portent atteinte aux droits de la défense des parties, notamment par suite d'une violation du respect du contradictoire; que, si le fait pour l'Autorité de reprendre à son compte une thèse présentée in extremis en séance par les rapporteurs est constitutif d'une violation des droits de la défense, tel est a fortiori le cas lorsque l'Autorité fonde sa décision sur une analyse nouvelle, jamais évoquée au cours de l'instruction ;

Que le CIC critique de même l'évolution constante des thèses opposées aux parties, circonstance qui a porté atteinte aux droits de la défense, en particulier au regard du fait que la détermination du caractère nécessaire de la CEIC pour mettre en place l'EIC dépend de très nombreux paramètres, comme le montant moyen des chèques tirés ou remis, la part des entreprises dans le montant tirés ou remis ou encore la proportion des clients optimisant leur trésorerie; que, cependant, la quantification de ces différents paramètres a fait l'objet de multiples revirements de la part des services de l'instruction tout au long de la procédure, jusqu'au jour même de la seconde séance et que, par surcroît, la Décision elle-même retient, pour les besoins de sa propre démonstration, une quantification inédite, que les parties n'ont découverte que le jour de sa publication ;

Que le Crédit du Nord, invoque aussi les "constantes variations" des analyses économiques des services de l'instruction qui attestent d'"une absence d'objectivité et une volonté de justifier des a priori" à deux reprises, variations aggravées par le fait que les rapporteurs ont présenté de nouvelles analyses en séance, alors pourtant qu'ils savaient que les parties ne disposeraient pas du délai nécessaire pour y répondre utilement; qu'il affirme que la violation des principes d'égalité des armes et du contradictoire qui en résulte doit conduire la cour à prononcer l'annulation de la Décision; que ces variations constituent la manifestation d'une absence d'objectivité des rapporteurs qui, s'ils ne sont pas tenus à l'obligation d'instruire à charge et à décharge, sont cependant astreints à une exigence d'objectivité, dont l'enquête, marquée par une orientation de l'instruction vers "la justification à tout prix d'un a priori", avec une modification des fondements économiques des griefs qu'ils ont notifiés chaque fois que leur analyses se sont révélées fragilisées par les objections des mises en cause, a précisément été dépourvue; qu'au surplus, selon le requérant, la violation des principes d'égalité des armes et du contradictoire est d'autant plus patente que les parties ne disposaient pas, à l'évidence, d'un délai raisonnable leur permettant de répondre utilement aux nouvelles analyses découvertes en séance ;

Que BNP Paribas affirme, pour sa part, que l'Autorité a violé le principe du contradictoire en condamnant les banques sur la base d'hypothèses différentes de celles qui figuraient dans les rapports et qui étaient discutées en séance; qu'ainsi, alors que la hausse tarifaire alléguée au stade des griefs n'était pas corroborée par les 104 conditions bancaires censées l'établir, puisque deux tiers d'entre elles n'étaient pas chiffrées à l'opération, les rapporteurs n'ont cessé de tenter de justifier a posteriori un résultat allégué a priori dans la notification des griefs; que, de fait, l'instruction a procédé d'un préjugé qui a conduit les services d'instruction à faire varier les données factuelles pour maintenir à tout prix une conclusion posée d'avance; qu'alors que les économistes de MAPP et LECG ont démontré, dans leur rapport, que les hypothèses de calcul des rapporteurs puis de l'Autorité ont sans cesse varié, la Décision déférée écarte ces arguments auxquels elle ne répond que très partiellement, au prétexte qu'il résulterait du caractère contradictoire de la procédure que l'analyse faite dans le rapport pourrait évoluer par rapport à celle développée dans la notification des griefs et qu'il était loisible aux parties de présenter des observations orales en réponse à la présentation des rapporteurs lors de la séance; qu'alors qu'en application des principes fondamentaux du droit répressif, ce sont les entreprises poursuivies et non les services d'instruction à l'origine des poursuites qui doivent pouvoir s'exprimer en dernier, l'Autorité a cependant permis aux rapporteurs, lors de la seconde séance du 13 avril 2010, de présenter de nouveaux slides, ce qui les a conduits à répondre par écrit aux derniers écrits des banques ; que l'étude des économistes qu'elle produit permet d'établir que, s'agissant des calculs relatifs à la nécessité de la CEIC, la décision repose sur des hypothèses nouvelles et déterminantes, non débattues avant la séance qui aboutissent à inverser les résultats des calculs initiaux, circonstance qui porte atteinte aux droits de la défense; que la requérante précise aussi, qu'en violation du principe du contradictoire, la Décision s'appuie également sur le rapport sur la tarification des services bancaires dont la date est antérieure la dernière séance de l'Autorité qui s'est tenue le 13 avril 2010, aucun débat contradictoire n'a pu avoir lieu sur ce point; que, dans ces conditions, il y a lieu de prononcer l'annulation de la Décision qui, se fondant sur des éléments qui n'ont pas été débattus de manière contradictoire, a porté atteinte aux droits de la défense et de constater, qu'aux termes de son dispositif, la Décision condamne les banques au titre de "l'instauration" et de la "perception" de la CEIC, au-delà du grief notifié, qui se limitait à la seule création de cette commission ;

Mais considérant, en premier lieu, concernant certaines modalités de collecte des informations, que s'il est vrai que les articles L. 450-2 et R. 463-6 du Code de commerce prévoient que les informations recueillies dans le cadre d'une enquête donnent lieu à l'établissement de procès-verbaux, il n'en demeure pas moins que, comme le relève à bon droit la Décision (points 194 à 198), ces articles n'imposent pas pour autant de formalisme particulier pour leur présentation, dès lors que la régularité de la communication aux services d'instruction des informations en cause peut être établie et que celles-ci sont soumises au débat contradictoire ;

Qu'en l'espèce, les informations recueillies par les rapporteurs du Conseil de la concurrence ont été transcrites et transmises aux entreprises interrogées sous forme de courriers électroniques et que ces messages permettent d'établir la date de l'entretien, ainsi que l'identité des entreprises concernées; que, par surcroît, l'exactitude des informations transmises a été confirmée par retour de courriel, à de nombreuses reprises le jour même de la communication des déclarations (point 197 de la Décision renvoyant aux cotes 27832, 27833, 27861, et 32854);

Que, dès lors, comme le relève à juste titre la Décision, le support électronique utilisé par les rapporteurs pour procéder au recueil des informations en cause et à leur confirmation par les personnes entendues permet effectivement d'établir l'origine, l'exactitude et la régularité des communications en litige et que, par ailleurs, l'absence de reproduction des questions posées dans les courriers électroniques envoyés aux entreprises est sans incidence sur la validité de ces documents, alors qu'aucun texte n'impose la transcription des questions posées à l'occasion des auditions réalisées dans le cadre des investigations de l'Autorité ;

Considérant, en deuxième lieu, que les requérantes ne sont pas fondées à invoquer un défaut d'impartialité de l'instruction, dès lors qu'à partir de la notification des griefs, elles ont disposé de la faculté de consulter le dossier, de demander l'audition de témoins, de présenter de présenter des observations, y compris en séance, pour contester les interprétations des rapporteurs et fournir le cas échéant des explications alternatives et qu'il appartenait ensuite à l'Autorité de déterminer, sur la base des éléments ainsi recueillis et débattus, ceux dont la pertinence lui permettait de motiver sa décision, finalement déférée à la cour; qu'au surplus, l'Autorité était en droit d'opposer aux reproches des requérantes (points 202, 203 et 204) concernant les griefs qui avaient formulés quant à l'impartialité de l'instruction:

- qu'afin d'éliminer l'éventuel biais résultant de l'exploitation privilégiée des conditions bancaires accordées aux enseignes de grande distribution, le rapporteur a complété les résultats du rapport administratif d'enquête de la DGCCRF par la réalisation d'un sondage de prix auprès de 700 entreprises, puis par l'utilisation de méthodes alternatives d'évaluation du dommage à l'économie;

- que, s'agissant des citations de documents non intégralement déclassifiés, les paragraphes des documents auxquels il est fait référence montrent que seules des données accessibles à l'ensemble des parties ont été utilisées, l'occultation du nom des destinataires des courriers utilisés étant sans incidence à cet égard, dès lors que seule la teneur des lettres adressées par les banques à des grands remettants leur était opposée;

- qu'enfin, les rapporteurs n'étaient pas tenus de répondre aux arguments développés par la Commission bancaire dans ses avis consultatifs; qu'en effet, si l'article L. 511-4 du Code monétaire et financier prévoit que "la notification de griefs prévue à l'article L. 463-2 du même Code est communiquée à l'Autorité de contrôle prudentiel [anciennement, la Commission bancaire] qui rend son avis dans un délai de deux mois" et que "dans l'hypothèse où l'Autorité de la concurrence prononce une sanction à l'issue de la procédure prévue aux articles L. 463-2, L. 463-3 et L. 463-5 du Code de commerce, elle indique, le cas échéant, les raisons pour lesquelles elle s'écarte de l'avis de l'Autorité de contrôle prudentiel", l'obligation de motivation qui résulte de ces dispositions s'impose à l'Autorité et non aux services d'instruction ;

Considérant, en troisième lieu, concernant les griefs formulés au regard de la charge de la preuve, que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la demande des services d'instruction d'apporter les éventuels éléments de nature à rectifier les données fournies par les entreprises sondées a pour autant fait reposer la preuve sur les parties mises en cause dès lors qu'ainsi que le constate la Décision déférée (points 205 à 207), les éléments contenus dans les déclarations des entreprises interrogées par les rapporteurs "font foi jusqu'à preuve contraire", conformément aux dispositions de l'article L. 450-2 du Code de commerce ; qu'en l'espèce, ces éléments pouvaient aisément être vérifiés par les parties, puisqu'il s'agit des prix accordés par les banques à leurs entreprises clientes en application des contrats conclus avec celles-ci; que, par surcroît, la copie de nombreuses factures des remettants, ainsi que des propositions et conventions tarifaires entre les banques et leurs clients, sont produites en annexe au rapport administratif d'enquête et que la notification des griefs se fonde quant à elle sur les comptes rendus des réunions organisées par la commission inter-réseaux ; que l'Autorité était ainsi en droit d'observer que la demande des rapporteurs et de l'expert tendant à ce que les parties formulent leurs observations sur les données en cause n'a pas eu pour effet de renverser la charge de la preuve du caractère anticoncurrentiel des pratiques, qui incombe à l'Autorité, mais a seulement eu pour objet de soumettre les documents détenus par les services d'instruction à la contradiction, afin que les parties mises en cause puissent utilement critiquer les modes de preuve retenus contre elles ;

Considérant, en quatrième lieu, que c'est également à tort que certaines requérantes estiment que l'instruction, caractérisée par l'évolution de l'analyse des rapporteurs au cours de la procédure, a été menée de façon évolutive et contradictoire, notamment à l'égard de la question des gains de trésorerie de l'établissement remettant, avec modification de la méthode des rapporteurs en fonction des arguments des parties et que les rapporteurs auraient procédé, pour la première fois au stade du rapport complémentaire du 19 août 2009, à une analyse chiffrée visant à établir l'existence d'une hausse des prix de la remise de chèques, en utilisant deux méthodes nouvelles, fondées sur l'étude des conditions tarifaires standard des banques, d'une part, et sur les principes adoptés par la Commission européenne dans sa décision du 19 décembre 2007, Mastercard, d'autre part, privant ainsi les parties d'un double tour de contradictoire sur ce point ;

Considérant, en effet, que comme cela vient d'être rappelé concernant la précision des griefs notifiés, il résulte du caractère contradictoire de la procédure que l'analyse faite dans le rapport peut évoluer par rapport à celle développée dans la notification des griefs; que les dispositions de l'article R. 463-11 du Code de commerce ne font nullement obstacle au débat contradictoire qui s'ouvre dès la communication des griefs aux parties et qui se poursuit tout au long de la procédure, non seulement sur la matérialité des faits, mais aussi sur leur analyse par les services d'instruction; que, partant, le fait que la méthode utilisée par les rapporteurs ait pu évoluer au cours de la procédure afin de tenir compte des arguments avancés par les parties mises en cause ne saurait avoir eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense de ces dernières et que, de même, la mise en œuvre de méthodes d'évaluation quantitative du dommage à l'économie au stade du rapport complémentaire, qui avait pour objet de vérifier les résultats issus de l'exploitation du sondage des prix, évoqués dans la notification des griefs (§§ 209 et s.), n'a pas porté atteinte au principe du contradictoire, dès lors qu'aucun grief nouveau n'a été notifié aux parties, et que celles-ci ont bénéficié du délai de deux mois prévu par l'article L. 463-2 du Code de commerce pour présenter leurs observations sur les analyses des services d'instruction ;

Considérant, en dernier lieu, que c'est également à tort que les requérantes font grief aux rapporteurs de s'être fondés, dans leur rapport oral devant l'Autorité lors de la séance du 24 novembre 2009, sur des hypothèses chiffrées et des calculs relatifs au bilan du passage à l'EIC qui ne leur avaient pas été préalablement communiqués, en méconnaissance des droits de la défense et que, lors de la séance du 13 avril 2010, dans leur présentation orale, les rapporteurs ont utilisé de nouvelles hypothèses chiffrées, différentes de celles qui avaient été présentées lors de la séance précédente du 24 novembre 2009 ;

Qu'en effet, ainsi que le relève la Décision attaquée (points 213 et 214), les calculs auxquels il est fait référence, qui concernent l'évaluation des gains et des pertes de trésorerie des banques consécutifs au passage à l'EIC, ont été présentés en réponse aux observations et à l'étude économique du 30 octobre 2009 produites par les parties en réponse au rapport du 19 août 2009, et ont notamment retenu les hypothèses de calcul proposées par les banques; que, dès lors, l'Autorité de la concurrence n'ayant pas repris à son compte une analyse nouvelle présentée par les rapporteurs lors de la séance, aucune atteinte aux droits de la défense n'est caractérisée en l'espèce et cela d'autant moins, qu'au demeurant, il était loisible aux parties de présenter des observations orales en réponse à la présentation des rapporteurs lors de la séance, étant précisé que les supports de présentation des rapporteurs ont été directement communiqués par les rapporteurs aux parties lors de la séance ;

Que le moyen sera rejeté ;

Sur la régularité de l'expertise

Considérant que le Code de commerce dispose:

- en son article L. 463-8: "Le rapporteur général peut décider de faire appel à des experts en cas de demande formulée à tout moment de l'instruction par le rapporteur ou une partie. La mission et le délai imparti à l'expert sont précisés dans la décision qui le désigne"

- en son article R. 463-16, que "Lorsqu'en application de l'article L. 463-8 le rapporteur général décide de faire appel à un ou des experts, sa décision définit l'objet de l'expertise (...)" et que "Le ou les experts informent le rapporteur chargé de l'instruction de l'affaire de l'avancement des opérations d'expertise. Le ou les experts doivent prendre en considération les observations des parties, qui peuvent être adressées par écrit ou être recueillies oralement et doivent les joindre à leur rapport si elles sont écrites et si la partie concernée le demande. Ils doivent faire mention, dans leur rapport, de la suite qu'ils leur ont donnée." ;

Considérant que Le Crédit Mutuel prétend que, dans la Décision, l'Autorité a occulté la question de la régularité de l'expertise contenue dans les commentaires des parties; que cet établissement de crédit fait valoir:

- tout d'abord, que cette mission a été redéfinie à plusieurs reprises au cours de la procédure, sans que les parties aient jamais été mises en mesure de formuler des observations, d'une part, afin que les rapporteurs puissent compléter les réponses au sondage de prix et fonder leurs calculs sur de nouveaux échantillons de conditions et, d'autre part, afin d'étendre le champ des vérifications de l'expert, incluant la question du respect d'un prix plancher ;

- ensuite, que la Décision ne répond pas aux objections formulées sur le fait que les parties n'ont pas eu accès à l'ensemble des données utilisées par l'expert pour conduire sa mission ;

- enfin, que la Décision n'a pas davantage répondu à l'objection tenant à ce que, tout au long du déroulement de l'expertise, l'expert est resté en contact permanent avec les rapporteurs, et sur le fait que l'expert a, à de multiples reprises et en contradiction flagrante avec l'objet même de son enquête, fait vérifier ses propres travaux par les rapporteurs sans jamais rechercher ni a fortiori obtenir l'opinion des parties sur les questions soulevées ;

Que le Crédit Agricole et LCL demandent à la cour de prononcer la nullité de l'expertise qui est entachée d'irrégularité en raison de la violation des dispositions de l'article L. 463-8 du Code de commerce ainsi que de la violation du principe du contradictoire ; que ces requérants contestent la validité de la décision du Rapporteur général du 16 décembre 2008 sur la poursuite de l'instruction après la notification du rapport 2008 et le recours à l'expertise, qui selon elles est contraire à l'article R. 463-7 du Code de commerce; qu'aux termes de cet article, si le Conseil de la concurrence peut décider de renvoyer l'affaire en tout ou partie à l'instruction, ce pouvoir n'appartenant pas au rapporteur général; que le Crédit Agricole et LCL font aussi valoir que le déroulement de l'expertise est caractérisé par de multiples violations tant des dispositions de l'article L. 463-8 du Code de commerce que des principes fondamentaux des droits de la défense et du contradictoire; qu'ainsi, contrairement aux engagements pris: la définition de cette mission n'a fait l'objet d'aucun débat contradictoire, aucune réunion d'expertise n'a eu lieu avant l'établissement du pré-rapport, les délais de réponse des parties ont été réduits de façon déraisonnable, l'accès à des documents essentiels pour les parties pour préparer leur réponse a été soit refusé, soit tardivement accordé, les observations des rapporteurs à l'expert et les échanges entre les services d'instruction et l'expert n'ont pas été communiqués aux parties, l'expert n'a pas respecté les termes de la mission qui lui était impartie, l'expertise s'appuie sur des déclarations non documentées des entreprises et contraint les banques à devoir présenter des documents écrits pour contester toute déclaration d'entreprise; que les requérants font également observer que la redéfinition de la mission de l'expert par la rapporteure générale, trois jours avant la remise du pré-rapport d'expertise, est intervenue en dehors des règles de procédure qui fixent le déroulement d'une expertise, puisque l'article L. 463-8 du Code de commerce exige que la décision désignant l'expert définisse sa mission; qu'en outre, le déroulement des opérations d'expertise n'a pas respecté le principe du contradictoire comme le prévoient pourtant ces mêmes dispositions et que divers éléments du dossier, notamment l'évolution de certaines données utilisées dans le cadre de l'expertise et les retraitements effectués entre le pré-rapport de février 2009 et le projet de rapport communiqué en juillet 2009, permettent de constater que les échanges entre l'expert et les rapporteurs sont allés au-delà de ce que la loi permet, cette "proximité" contrastant fortement avec les relations entre l'expert et les parties ; que, par ailleurs, la liste des 104 conditions n'a été communiquée aux parties que le 9 juillet 2009, soit moins d'un mois avant la fin de l'expertise ;

Que, de son côté, le CIC critique aussi la régularité de l'expertise en faisant valoir que l'objectif principal de la mission d'expertise, qui est de permettre aux parties de vérifier les calculs sur lesquels les rapporteurs se sont fondés, tant dans la notification des griefs que dans le rapport, a été modifié afin que les rapporteurs puissent compléter les réponses au sondage de prix et fonder leurs calculs sur de nouveaux échantillons de conditions ; que cette modification de la mission d'expertise a également porté sur l'extension du champ des vérifications de l'expert, incluant la question du respect d'un prix plancher, de sorte que la mission de l'expert a été redéfinie plusieurs fois au cours de la procédure, sans que les parties aient jamais été mises en mesure de formuler des observations ; que le requérant souligne aussi que la décision ne répond, ni à ses observations en réponse aux rapports des rapporteurs, sur le fait qu'il n'a pas eu accès à l'ensemble des données utilisées par l'expert pour conduire sa mission, ni à son objection sur le fait que, tout au long du déroulement de l'expertise, l'expert est resté en contact permanent avec les rapporteurs, dont il était pourtant supposé vérifier le travail et sur le fait que, à de multiples reprises et en contradiction flagrante avec l'objet même de son enquête, l'expert a fait vérifier ses propres travaux par les rapporteurs sans jamais rechercher ni a fortiori obtenir l'opinion des parties sur les questions soulevées ;

Que, pour sa part, le Crédit du Nord, remet également en cause la régularité de l'expertise, en critiquant un déséquilibre flagrant de traitement à son détriment avec les services d'instruction qui, pourtant "partie" comme lui aux opérations d'expertise, ont bénéficié d'un délai supérieur à 7 mois pour accomplir ses diligences alors qu'il n'a bénéficié pour sa part que d'un délai de 7 jours ouvrables pour examiner les nouveaux éléments versés aux débats, ainsi que les tableaux résultant des travaux d'expertise, et établir son dire récapitulatif; que, par surcroît, les opérations d'expertise ont été quasiment achevées trois jours seulement après la fixation de la mission définitive de l'expert, ce qui signifie que ce dernier a travaillé en connaissant une mission qui n'a été dévoilée aux parties qu'à la dernière minute, ce que corrobore la grande similitude entre les termes du rapport définitif et ceux du pré-rapport ; qu'en outre, les rapporteurs sont personnellement intervenus dans les travaux de l'expertise, en modifiant eux-mêmes les tableaux n° 2 et 3 alors pourtant qu'aux termes de l'article 233 alinéa 1er du Code de procédure civile, il appartient à l'expert de remplir personnellement la mission qui lui a été confiée; que même en la supposant distincte d'une expertise judiciaire, l'expertise prévue à l'article L. 463-8 est expressément soumise au même principe du contradictoire que celui prévu à l'article 160 du Code de procédure civile ;

Que Société Générale poursuit de même l'annulation de la procédure d'expertise, entachée d'irrégularités manifestes; qu'elle affirme que c'est à tort que la Décision décide que l'expertise est régie par les seules dispositions spéciales des articles L. 463-8 et R. 463-16 du Code de commerce, alors pourtant que la question de la transposition des règles relatives à la procédure d'expertise judiciaire à celles applicables devant l'Autorité n'a pas été tranchée; que même en supposant que les dispositions du Code de procédure civile relatives à l'expertise judiciaire n'étaient pas directement applicables au cas d'espèce, elles n'en resteraient pas moins pertinentes pour apprécier, par analogie, la validité de la procédure d'expertise en cause dans la présente affaire ; que la requérante affirme aussi que, tant la redéfinition de la mission initiale de l'expert que ses conséquences sur la régularité de la procédure d'expertise sont contestables, les rapporteurs ayant totalement "instrumentalisé" une procédure initialement conçue pour assurer le respect des droits de la défense des parties à l'égard d'une pièce classée en annexe confidentielle; que, non seulement, l'expert n'a pas accompli sa mission initiale, telle qu'elle résultait de la décision du 16 décembre 2008, mais encore qu'il n'a pas davantage accompli sa mission définitive, telle que définie par la décision du 17 février 2009: il n'a en effet pas procédé à une vérification des calculs préalablement effectués par les rapporteurs mais en a réalisé de nouveaux, avec leur aide ; qu'ainsi, loin de diligenter une expertise indépendante des calculs réalisés par les rapporteurs, l'expert a donc, en liaison permanente avec ces derniers, procédé à la constitution de nouveaux tableaux, sur la base d'une méthode et de données nouvelles; que, dès lors, l'ingérence manifeste des rapporteurs dans le déroulement de l'expertise prive celle-ci de toute validité ;

Que BNP Paribas critique également la régularité de l'expertise qui, selon elle, a été "orientée" par les rapporteurs dans le cadre de discussions avec l'expert dont ils n'ont pas informé les parties, éludant le débat contradictoire ; qu'en effet, les services d'instruction ont travaillé pendant plusieurs mois avec l'expert, dans les locaux de l'Autorité, en ne permettant aux parties, ni d'avoir accès à l'expert avant la fin du déroulement de l'expertise, ni d'être informées des discussions engagées avec lui; que la requérante souligne aussi que les services d'instruction ont refusé que les 104 conditions bancaires opposées aux mises en cause dans la notification des griefs ainsi que les réponses qualitatives au sondage de prix fassent l'objet d'un examen par l'expert, alors pourtant qu'elle a rappelé à plusieurs reprises, la nécessité d'expertiser ces conditions bancaires, tout comme elle a formulé en vain plusieurs demandes auxquelles le rapporteur général a refusé de donner suite ainsi que des demandes tendant à ce que l'expert ne se fonde pas exclusivement sur la méthodologie, sujette à caution, définie par les rapporteurs ; que BNP Paribas soutient encore que l'expertise est entachée d'irrégularité en ce que les services d'instruction ont écarté, à tort, les demandes des mises en cause visant notamment la tenue d'une réunion contradictoire avant la remise du pré-rapport d'expertise, tout comme leur demande, formée le 12 janvier 2009, de tenue préalable d'une réunion d'expertise, l'expert étant pourtant tenu de convoquer les parties préalablement à la remise de son pré-rapport et l'article L. 463-8 du Code de commerce, conforme aux exigences de l'article 6 de la CESDH qui s'imposent en matière de droit de la concurrence, prévoyant que, devant l'Autorité de la concurrence, le déroulement des opérations d'expertise doit se faire de façon contradictoire;

Mais considérant qu'il ressort des constations de la Décision (points 225 à 240) que l'expertise n'est entachée d'aucune irrégularité ;

Considérant, en premier lieu, sur la définition de la mission de l'expert et son accomplissement, qu'il convient de rappeler:

- que le rapporteur général qui, par courrier du 15 octobre 2008, a annoncé la nomination d'un expert afin de certifier la sincérité de l'agrégation de données confidentielles par les services d'instruction, a invité les parties à formuler des observations sur le contenu de la mission confiée à l'expert ;

- que, par une décision du 16 décembre 2008, le rapporteur général a nommé un expert et fixé le cadre général de sa mission en tenant compte des premières observations reçues ;

- qu'à l'issue de "deux tours de contradictoire", le rapporteur général a fixé la méthodologie définitive de l'expertise par une décision du 17 février 2009 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'alors pourtant que, ni l'article L. 463-8 du Code de commerce, ni l'article R. 463-16 du même Code, n'imposent une consultation préalable des parties avant une modification de la définition de l'objet de l'expertise, qui relève de la seule appréciation du rapporteur général dictée par le dossier, la procédure suivie au cas d'espèce a, en tout état de cause, offert aux parties toutes les garanties utiles à l'exercice de leurs droits, en leur permettant, contrairement à ce qui est soutenu, de présenter des observations sur l'objet de l'expertise ;

Considérant, en deuxième lieu, que les relations qui sont intervenues dans le cadre de l'instruction de l'affaire entre les rapporteurs et l'expert ne sont pas de nature à remettre en cause la validité de l'expertise ;

Considérant qu'il est constant que les rapporteurs ont fourni à l'expert l'intégralité des données qui résultaient du sondage de prix effectué auprès des 700 entreprises, conformément au souhait exprimé par les parties dans leurs observations du 12 janvier 2009 et qu'ils lui ont également soumis des documents récapitulatifs réalisant une retranscription organisée de ces données, afin d'en faciliter l'exploitation ;

Que, dès lors, comme l'énonce la Décision, la transmission de ces tableaux, qui se bornent à reproduire les données nécessaires au travail de l'expert sans lui donner un avis quant à l'orientation de ses travaux, n'a pas altéré l'accomplissement de sa mission ;

Considérant, par ailleurs, que, dans le cadre du débat contradictoire, les rapporteurs ont répondu au pré-rapport d'expertise en formulant plusieurs remarques, qui ont été adressées à l'expert et à l'intégralité des parties concernées (courrier électronique du 13 juillet 2009) ; qu'enfin, les rapporteurs ont répondu à certaines questions de l'expert sur les données transmises et que les réponses des rapporteurs ont été clairement identifiées dans les documents transmis par l'expert aux parties le 14 juillet 2009, de sorte que ces dernières ont eu la possibilité d'en débattre, notamment par leurs dires complémentaires adressés à l'expert le 4 août 2009 ;

Que, dans ces conditions, les relations rendues nécessaires par l'instruction de la présente affaire entre l'expert, d'une part, et les rapporteurs, d'autre part, qui n'étaient pas dessaisis par suite du recours à une expertise, qui n'ont pas excédé le cadre fixé les dispositions susrappelées du Code de commerce, ne sont pas de nature à remettre en cause la validité de l'expertise ;

Considérant, en dernier lieu, concernant le déroulement des opérations d'expertise, qu'il suffit de constater qu'alors que les dispositions spéciales des articles L. 463-8 et R. 463-16 du Code de commerce n'imposent pas une convocation des parties dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 160 du Code de procédure civile, les parties ont cependant été convoquées par l'expert afin de présenter des observations orales ; que, par ailleurs, les parties ont été en mesure de répondre au pré-rapport de l'expert qui leur a été transmis le 20 février 2009, soit plus de cinq mois avant l'envoi du rapport définitif et qu'elles ont pu ainsi communiquer des dires à l'expert en mai 2009, auxquels il a répondu au cours du mois de juillet suivant, puis des dires récapitulatifs en juillet et, enfin, des dires complémentaires faisant suite à la convocation de l'expert en août ; qu'enfin, le document intitulé "les 104 conditions" ne fait pas partie des documents relevant du travail d'expertise, ainsi que l'expert l'a expliqué dans un message du 9 juillet 2009 aux parties, lesquelles ne peuvent se plaindre de leur communication tardive alléguée dans le cadre de l'expertise; qu'au demeurant, les banques ont eu accès à l'intégralité des données concernées par la procédure d'expertise, à la suite du renvoi de l'affaire à l'instruction ordonné par la décision n° 09-S-04 précitée ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la communication de la saisine à la Commission bancaire

Considérant que l'article R. 463-9 du Code de commerce dispose que le rapporteur général communique aux autorités administratives énumérées à l'annexe 4-6 du présent livre toute saisine relative à des secteurs entrant dans leur champ de compétence ;

Considérant que le Crédit du Nord invoque l'irrégularité de la procédure en raison de la communication "volontairement tardive" par l'Autorité de la saisine à la Commission bancaire, en violation manifeste des dispositions de l'article R. 463-9 du Code de commerce ;

Mais considérant que les dispositions de l'article R. 463-9 du Code de commerce, qui ne précisent pas le moment auquel la saisine doit être communiquée à l'autorité administrative concernée, n'imposent pas que l'avis de cette dernière soit sollicité dès le stade de la saisine de l'Autorité et qu'il suffit que cette disposition soit mise en œuvre dans des conditions compatibles avec le respect du caractère contradictoire de la procédure devant l'Autorité ;

Considérant que tel a été le cas en l'espèce, dès lors que la communication, le 18 mars 2008, à la Commission bancaire de la notification des griefs, qui comprend en annexe l'acte de saisine d'office, suffit à établir que la Commission bancaire a disposé des informations de nature à lui permettre d'émettre un avis, qui a ensuite été soumis au contradictoire et dont les parties ont pu tenir compte pour produire leurs observations écrites dans le délai légal de deux mois ;

Que le moyen doit être écarté ;

Considérant que, de leur côté, le Crédit Mutuel et le CIC soulignent qu'en s'abstenant de justifier précisément les raisons pour lesquelles elle s'est écartée de l'avis de la Commission bancaire, l'Autorité s'est manifestement affranchie de l'obligation spéciale de motivation pesant sur elle en application des dispositions de l'article L. 511-4 du Code monétaire et financier, qui lui imposent de justifier les raisons pouvant la conduire à s'écarter de l'avis de la Commission bancaire lorsque cette dernière est saisie ;

Mais considérant que, sous couvert d'un moyen tiré de l'irrégularité de la procédure, les griefs de ces requérants sont, en réalité, formulés à l'encontre de la motivation de la Décision, qui relève du fond du débat ;

Que ce moyen sera rejeté ;

Sur le respect de la présomption d'innocence et du secret de l'instruction

Considérant que le Crédit Mutuel, le CIC et le Crédit du Nord affirment que l'annonce publique par l'Autorité de de la concurrence, dans un avis n° 09-A-35 du 26 juin 2009, à un moment où l'instruction était encore en cours, qu'elle enquêtait sur la CEIC et que l'issue du dossier était proche, constitue une violation du secret de l'instruction, peu important que les noms des parties n'aient pas été dévoilés, dès lors qu'il était acquis que toutes les grandes banques de détail françaises émettrices de chèques étaient concernées par la procédure ;

Que Société générale, qui prétend aussi que l'Autorité a, à plusieurs reprises, fait référence à la présente affaire, laissant largement présumer de son issue, ainsi que l'atteste non seulement l'avis précité du 26 juin 2009, mais encore l'audition du président de l'Autorité devant la Commission des affaires économiques de l'Assemblée Nationale, ayant donné lieu à des déclarations publiques, demande à la cour de reconnaître que de telles prises de position constituent une violation caractérisée du secret de l'instruction et de la présomption d'innocence, qui entache la procédure de nullité ;

Mais considérant que c'est à bon droit que l'Autorité relève que si l'avis dont il s'agit mentionne que "l'Autorité de la concurrence se prononcera à la fin de l'année 2009 sur la licéité des commissions interbancaires relatives au chèque bancaire" (§ 22), il n'en demeure pas moins que cette seule référence, qui ne comporte aucune indication sur l'issue du litige, la qualification des faits ou l'identité des parties mises en cause, ne constitue pas pour autant de ce chef une violation du secret de l'instruction et ne peut s'apparenter à un pré-jugement violant les droits des parties découlant du principe de la présomption d'innocence ;

Que le moyen ne peut prospérer ;

Sur le respect du principe du contradictoire lors de la démonstration de l'objet anticoncurrentiel de la CEIC

Considérant que HSBC fait valoir que l'Autorité se fonde sur l'existence d'une prétendue restriction de concurrence sur le marché de l'émission de chèques pour démontrer l'objet anticoncurrentiel de la CEIC, alors que, ni au stade de la notification des griefs, ni dans les deux rapports d'août 2008 et d'août 2009, les rapporteurs n'ont examiné le marché de l'émission de chèques pour prouver un tel objet, de sorte qu'elle n'a pas été mise en mesure de débattre contradictoirement de cet élément lors de l'instruction du dossier ; que la requérante affirme que, ce faisant, en fondant sa constatation d'une infraction notamment sur une prétendue restriction de concurrence sur le marché de l'émission de chèques alors que ce marché n'a jamais été examiné au cours de l'instruction, l'Autorité a violé le principe du contradictoire ;

Mais attendu que, sous couvert d'un moyen d'annulation de la procédure tiré du non-respect du principe du contradictoire, HSBC critique, en réalité, les motifs de la Décision sur la qualification de la pratique anticoncurrentielle qui a été finalement imputée par l'Autorité aux banques poursuivies, ce qui relève du fond du débat ;

Que le moyen ne peut être accueilli ;

SUR LE DROIT APPLICABLE

Sur l'applicabilité du droit de la concurrence

Considérant que le Crédit Agricole et LCL demandent à la cour de procéder à l'annulation de la Décision en ce qu'elle a déclaré le droit de la concurrence applicable en l'espèce ; que les requérantes font valoir, tout d'abord, que la participation de la Banque de France exclut la qualification d'accord entre entreprises ; qu'en effet, l'Autorité s'est méprise sur le rôle de la Banque de France dans la mise en place de l'EIC et a apprécié de manière erronée le cadre juridique dans lequel les accords sur les commissions interbancaires découlant du nouveau système de l'EIC ont été élaborées, en la qualifiant de simple entreprise au sens du droit de la concurrence pour ce qui concerne sa participation aux réunions de la CIR et en relevant que la Banque de France aurait siégé en sa seule qualité de banque remettante ; que, pourtant, cette autorité est chargée en vertu de l'article L. 141-4 du Code monétaire et financier de "veille[r] au bon fonctionnement et à la sécurité des systèmes de paiement dans le cadre de la mission du Système européen de banques centrales relative à la promotion du bon fonctionnement de paiement prévue par l'article 105, paragraphe 2 du traité instituant la communauté européenne" et que, dans la promotion du bon fonctionnement des systèmes de paiement, la Banque de France agit ainsi dans le cadre de ses compétences en tant que membre du SEBC, telles que définies à l'article 105 du Traité instituant la Communauté européenne (Traité CE), devenu l'article 127 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; qu'ainsi, l'une de ses missions fondamentales consiste précisément à "promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement" ; que, conformément à l'article 22 des statuts du SEBC, intitulé "Systèmes de compensation et de paiements au sein de la Communauté européenne et avec les pays tiers", deux modes d'intervention du SEBC sont prévus, la facilitation ou l'adoption de règlements ; que, cependant, la Banque Centrale Européenne (BCE) n'a pas souhaité adopter de règlement en la matière, préconisant une approche centrée sur l'incitation, en définissant, dans ce contexte, le rôle du SEBC comme celui d'un "catalyseur de changement", opérant par persuasion, accompagnement et coordination pour favoriser la mutation des opérateurs bancaires vers des systèmes de paiement plus efficaces; que c'est précisément cette approche que la BCE préconise et que les banques centrales nationales sont tenues de suivre au plan national, conformément aux statuts du SEBC ; que, par sa participation aux instances interbancaires, dont la CIR, la Banque de France, banque centrale et autorité de tutelle, a fait œuvre d'accompagnement et d'intermédiation, autrement dit de "moral suasion", en vue d'aboutir à un consensus au sein de la profession bancaire pour permettre le passage au traitement dématérialisé des chèques, ce que l'Autorité reconnaît par ailleurs, mais en tirant des conséquences erronées sur son rôle; que, par son intervention dans la négociation de l'accord, la Banque de France, qui ne s'est pas comportée comme une entreprise, a exercé une fonction régulatrice, conformément aux articles L. 141-4 I du Code monétaire et financier et 105 du Traité CE (article 127 du TFUE) dans un domaine pouvant être qualifié de "cogestion" entre l'Administration et la profession bancaire qui aboutit à la conclusion d'accords de place sous l'égide de la Banque de France en sa qualité d'autorité publique, étant par surcroît précisé qu'en l'espèce, la Banque de France a joué un rôle actif et déterminant dans la conclusion de l'accord interbancaire auquel elle était partie prenante; que, dès lors, la jurisprudence rappelée par la Décision point 298), selon laquelle la circonstance qu'un comportement des entreprises ait été connu, autorisé ou même encouragé par des autorités nationales est sans influence sur l'applicabilité de l'article 81 du Traité CE (101 TFUE), n'est pas pertinente pour apprécier le cas d'espèce, puisque il ne s'agit pas d'un accord privé mais d'un accord de nature mixte, conclu au sein de la communauté bancaire sous l'égide de l'autorité publique; que, dans ces conditions, l'accord interbancaire sur la création des commissions de l'EIC, qui constitue l'expression de la volonté publique, n'est pas un accord entre entreprises au sens de l'article 81 du Traité CE (101 TFUE) pouvant être examiné à la lumière des dispositions qui prohibent les ententes anticoncurrentielles ;

Mais considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, l'accord incriminé par la notification des griefs ne constitue pas l'expression de la volonté publique en raison de la présence de la Banque de France, dès lors que, comme l'a relevé la Décision (points 279 à 282), non seulement cette institution ne dispose pas de pouvoir réglementaire en matière d'organisation des systèmes de paiement mais encore qu'elle exerce, par ailleurs, une activité bancaire de nature commerciale relevant à ce titre de l'article L. 410-1 du Code de commerce ;

Que le moyen sera rejeté ;

Considérant que le Crédit Agricole et LCL, prétendent encore que la compensation interbancaire est un domaine de coopération obligée entre banques, hors du champ d'application des règles de concurrence; qu'ainsi, l'Autorité omet de s'interroger sur l'existence même d'une restriction de la concurrence susceptible de tomber sous le coup de la prohibition énoncée à l'article 81 §1 du Traité CE (101 § 1 TFUE) ou de l'article L. 420-1 du Code de commerce, qui vise à sanctionner les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions "lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché" ; que, pour constituer une entente, l'accord doit d'abord intervenir entre entreprises concurrentes sur un marché donné; que, cependant, tout comme les autres systèmes de paiement quadripartites, le chèque est un domaine de coopération obligée entre banques qui sont ainsi des "cocontractants" qui n'ont pas le choix de leur partenaire et se rencontrent indépendamment de leur volonté en vue de dénouer une opération de paiement initiée par leurs clients respectifs; qu'il en résulte que la compensation interbancaire des chèques est une activité dans laquelle les banques ne sont pas en concurrence, puisque la banque remettante ne peut présenter le chèque en paiement qu'à la banque tirée qui ne peut en adresser le paiement qu'à la banque remettante ; qu'en outre, la compensation des chèques est une activité qui ne peut être réalisée indépendamment par les banques, alors que la "coopération entre des entreprises concurrentes qui ne peuvent mener à bien indépendamment le projet ou l'activité visés par la coopération" est exclue du champ d'application de l'article 81 § 1 du Traité CE (101 § 1 TFUE) (cf. Lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 81 du Traité CE aux accords de coopération horizontale § 24) ; que, dans le domaine du chèque, l'impossibilité de réaliser l'activité en dehors d'une coopération multilatérale trouve son fondement dans les dispositions légales régissant le chèque qui constitue un instrument de paiement régi par les dispositions du Code monétaire et financier et que, conformément à l'article L. 131-4 de ce Code, seuls les établissements de crédit sont habilités à tenir des comptes sur lesquels des chèques peuvent être tirés et à mettre des chèques à disposition de leurs clients; que le règlement n° 2001-04 du 29 octobre 2001 du Comité de la Règlementation Bancaire et Financière relatif à la compensation des chèques rend d'ailleurs obligatoire la participation des établissements bancaires à un système de règlement interbancaire en posant le principe que "tout établissement assujetti tiré de chèques est tenu de participer, directement ou par l'intermédiaire d'un mandataire, aux opérations de compensation des chèques dans le cadre d'un système de règlement interbancaire au sens de l'article L. 330-1 du Code monétaire et financier", ce qui institutionnalise ainsi cette coopération ; qu'en conséquence, les établissements de crédit ne peuvent offrir un service de paiement par chèque qui s'affranchirait des normes établies par le Code monétaire et financier et que la mise à disposition de chèques oblige les banques fournissant ce service à participer à un système de compensation interbancaire; que cette activité implique ainsi nécessairement une coopération interbancaire qui ne peut être réalisée de façon indépendante par les établissements bancaires, de sorte que les accords conclus dans ce cadre, tel celui concernant l'EIC, ne peuvent pas tomber sous le coup des articles 81 § 1 du Traité CE (101 § 1 TFUE) ou L. 420-1 du Code de commerce;

Mais considérant qu'il suffit de se référer sur ce point à la Décision (points 249 à 260) qui, contrairement à ce qui est soutenu, a décidé que les neuf commissions interbancaires en cause relèvent bien du champ d'application de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 CE (devenu l'article 101 TFUE) et qu'elles entrent bien dans le champ de compétence de l'Autorité de la concurrence, tel que défini au I de l'article L. 462-5 du même Code, en rappelant à bon droit:

- que, dans l'arrêt Züchner du 14 juillet 1981, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que les activités bancaires n'échappaient pas à l'application du droit de la concurrence (172-80, Rec. 1981, p. 2021, point 8) en précisant que les transferts de fonds effectués par les établissements bancaires au profit de leurs clients, s'ils relevaient de la mission propre des banques, ne constituaient pas des "services d'intérêt économique général" au sens du traité (point 7 de l'arrêt) ;

- que la même règle est énoncée en droit interne par l'article L. 511-4 du Code monétaire et financier, qui dispose que: "Les articles L. 420-1 à L. 420-4 du Code de commerce s'appliquent aux établissements de crédit pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes définies à l'article L. 311-2 ainsi qu'aux établissements de paiement pour leurs services de paiement et leurs services connexes définis à l'article L. 522-2" ;

- que si les parties font valoir qu'il n'existe pas de "marché interbancaire" du chèque, le système de compensation interbancaire des chèques s'insère dans le système global de paiement par chèque, de nature quadripartite, qui met en rapport, pour chaque opération liée à un paiement par chèque (le paiement lui-même ou des opérations connexes telles que le rejet d'un paiement), deux clients finaux - le payeur (ou tiré) et le bénéficiaire (ou remettant) et deux intermédiaires la banque tirée et la banque remettante, la banque tirée et la banque remettante pouvant être la même personne (le chèque est alors dit intrabancaire) ou deux personnes distinctes (le chèque est dit interbancaire) ;

- que, dans cette dernière hypothèse, les rapports entre les intermédiaires relèvent de la sphère interbancaire et les rapports entre chaque client final et son intermédiaire s'inscrivent dans la relation banque-client et qu'on distingue ainsi deux faces du marché, s'agissant des services liés au paiement par chèques: un marché de l'émission de formules de chèques qui met en rapport les banques tirées et les payeurs et un marché de la remise de chèques qui met en rapport les bénéficiaires et les banques remettantes ;

- que lorsqu'une opération donnée réalisée entre les clients finaux de deux banques ne comporte pas d'aspects interbancaires autres que des accords techniques assurant l'interopérabilité du système, chacune des deux banques détermine avec son client l'équilibre propre à la relation banque-client mais, qu'en revanche, lorsque les banques décident qu'une opération de paiement réalisée entre deux de leurs clients finaux générera des effets interbancaires, comme le versement d'une commission par la banque remettante à la banque tirée, un tel accord est susceptible d'influencer leurs coûts et, partant, la politique de tarification des services qu'elles rendent à leur clientèle ;

- que la sphère interbancaire et la sphère banque-client sont donc deux sphères distinctes mais interdépendantes, puisque des accords interbancaires sont susceptibles de produire des effets en dehors de la sphère interbancaire et d'influer sur la formation des prix dans la relation banque-client, étant par surcroît observé que la Commission a eu l'occasion d'examiner la légalité de plusieurs types de commissions interbancaires au regard des règles du droit de la concurrence et que le Tribunal de première instance des Communautés européennes a été amené à connaître de tarifs interbancaires sans que l'application du droit de la concurrence soit remise en cause ;

Que le moyen n'est pas fondé;

Sur l'applicabilité du droit communautaire

Considérant que la Décision, qui a relevé que les pratiques mises en œuvre peuvent être qualifiées au regard de l'article 81 CE rappelle à bon droit, (point 261) que les articles 81 CE et 82 CE (devenus 101 et 102 TFUE), dans leur version en vigueur au cours de la période de commission des pratiques, s'appliquent aux accords horizontaux et verticaux et aux pratiques abusives d'entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres; que, se fondant sur le traité et les lignes directrices de la Commission relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (JO 2004 C 101, p. 81), l'Autorité de la concurrence considère que trois éléments doivent être démontrés pour établir que des pratiques sont susceptibles d'avoir sensiblement affecté le commerce entre Etats membres: l'existence d'échanges entre Etats membres portant sur les produits ou les services faisant l'objet de la pratique, l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges et le caractère sensible de cette possible affectation ;

Considérant que Société Générale demande à la Cour de déclarer l'article 81 § 1 du Traité CE (devenu article 101 §1 du Traité UE) inapplicable aux pratiques en cause en constatant que la décision procède à une analyse erronée de l'affectation du commerce intracommunautaire pour justifier l'application de cet article; qu'elle fait essentiellement valoir que l'Autorité ne démontre pas en quoi les commissions interbancaires en cause sont susceptibles d'avoir affecté, même de façon indirecte et potentielle, le commerce entre Etats membres, une démonstration impliquant d'établir, d'une part, que des banques étrangères souhaitant s'implanter en France ont nécessairement besoin de proposer un service de remise de chèques et, d'autre part, qu'un accord interbancaire tel que celui en cause en l'espèce est de nature à affecter l'offre de ces banques ; que Société Générale souligne qu'elle avait pourtant démontré, dans ses écritures soumises à l'Autorité, d'une part, qu'il est tout à fait possible, pour une banque, de proposer une offre de services bancaires de détail en ligne avec pour support de paiement la carte bancaire, le virement et le prélèvement et que, d'autre part, compte tenu de la baisse constante de l'utilisation du chèque en France comme moyen de paiement, il apparait peu probable que ce moyen de paiement constitue un axe de développement stratégique pour une banque étrangère envisageant de s'implanter en France ; que, de même, l'Autorité ne démontre pas que des banques étrangères concurrentes auraient manifesté leur intérêt et auraient souhaité entrer sur le marché français et que l'accord interbancaire en cause aurait constitué un obstacle à leur entrée sur le marché, même potentiel ; qu'en se fondant exclusivement sur une influence éloignée et purement hypothétique de la pratique concernée sur l'affectation du commerce entre Etats membres, l'Autorité n'a ni établi le caractère sensible de cette affectation, ni même mis en évidence une quelconque atteinte à la liberté d'établissement ou à la libre prestation de services bancaires ;

Mais considérant, qu'il suffit de se référer à la Décision (points 268 à 275) qui a décidé à bon droit que les pratiques mises en œuvre peuvent être qualifiées au regard de l'article 81 CE compte tenu du caractère sensible de l'affectation du commerce intracommunautaire:

- en rappelant qu'il résulte de la jurisprudence communautaire qu'un accord entre entreprises, pour être susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres, "doit, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre Etats membres, dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique entre Etats" (voir l'arrêt du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42-84, Rec. p. 2545, point 22) ; qu'à cet égard, la Cour de justice a jugé qu'"une entente s'étendant à l'ensemble du territoire d'un Etat membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité" (voir, par exemple, l'arrêt du 19 février 2002, Wouters e.a., C-309-99, Rec. p. 1-1577, point 95) ; que le Tribunal de première instance des Communautés européennes, dans l'arrêt Raiffeisen Zentralbank Osterreichi/Commission, précité, a déduit qu'il résultait de cette jurisprudence "qu'il existe, à tout le moins, une forte présomption qu'une pratique restrictive de la concurrence appliquée à l'ensemble du territoire d'un Etat membre soit susceptible de contribuer au cloisonnement des marchés et à affecter les échanges intracommunautaires. Cette présomption ne peut être écartée que si l'analyse des caractéristiques de l'accord et du contexte économique dans lequel il s'insère démontre le contraire" (point 181), analyse qui a été confirmée par la Cour de justice dans son arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank/Commission ;

- en précisant que cette circonstance ne suffit cependant pas à elle seule pour conclure au caractère sensible de l'affectation du commerce intracommunautaire qui dépend en effet des circonstances de chaque espèce, et notamment de la nature de l'accord ou de la pratique, de la nature des produits ou services concernés, ainsi que de la position de marché des entreprises en cause (point 45 des lignes directrices) ;

- en constatant qu'au cas d'espèce, les pratiques en cause visent un accord horizontal couvrant l'ensemble du territoire français ; que si, ainsi que le relèvent les parties, la difficulté pour les banques étrangères de pénétrer le marché national des services bancaires aux particuliers tient principalement à l'absence de réseaux d'agences locales, cette barrière à l'entrée ne revêt pas la même importance pour l'accès au marché des services bancaires aux entreprises, qui constituent la clientèle potentielle principale des banques étrangères; que les pratiques en cause sont donc bien susceptibles d'affecter le libre établissement des banques étrangères, dès lors que l'application de commissions interbancaires a pour effet d'élever le coût de traitement des chèques remis aux banques par leur clientèle d'entreprises ;

- en relevant que les concertations au sein de la CIR impliquaient les douze principaux établissements de crédit établis en France, du fait de l'utilisation massive du chèque comme moyen de paiement en France au cours de la période en cause, les conditions tarifaires régissant la remise de chèques, en particulier par les entreprises, clientèle potentielle des banques étrangères, étaient susceptibles de revêtir une réelle importance dans le choix de ces banques de s'établir ou non en France et que, dès lors, l'offre d'un service de chèques à la clientèle impose la participation au système de compensation de chèques interbancaires, les établissements bancaires étrangers souhaitant s'établir en France étaient nécessairement affectés par la pratique dénoncée, à savoir l'établissement de commissions pour le traitement des chèques interbancaires ;

Que le moyen ne peut qu'être rejeté ;

SUR L'OBJET DES PRATIQUES

En ce qui concerne les pratiques relevées:

Considérant, tout d'abord, qu'il convient de rappeler qu'il ressort du dossier (points 76 à 116 de la Décision) que, concernant le premier principal enjeu de l'EIC, qui était constitué par la modification des équilibres de trésorerie entre banques du fait de l'accélération de la compensation des chèques, les travaux des banques ont porté, tout d'abord, sur le choix de la date de règlement interbancaire et l'accélération des échanges de chèques ;

Qu'en effet, la dématérialisation des échanges permettait la réduction du temps de traitement des opérations de compensation interbancaire, puisque ce système prévoyait une compensation informatisée en lieu et place d'un traitement manuel nécessitant un transport vers la chambre de compensation; que, selon le rapport précité du 22 juin 1999, le délai moyen entre la date d'achat (DA) et la date de règlement interbancaire (DRI) dans l'ancien système de compensation manuelle des chèques était estimé à 3,4 jours; que le délai entre date d'échange (DE) et date de règlement interbancaire (DRI) était connu: il était de un jour (J + 1) pour les chèques tirés sur une banque dépendant de la même chambre de compensation que la banque remettante (chèques "sur place", correspondant à 88 % des capitaux selon le rapport), et de trois jours (J + 3) pour les chèques tirés sur une banque dépendant d'une chambre de compensation différente de celle de la banque remettante (chèques "hors place", soit 12 % des capitaux selon le rapport), soit 1,2 jour en moyenne; qu'en revanche, le délai entre date d'achat (DA) et d'échange (DE) n'était pas connu et son estimation repose sur des hypothèses émises par le groupe de travail; que le rapport prend pour hypothèses un délai moyen entre date d'achat (DA) et date de remise (DR) de un jour, ainsi qu'un délai entre date de remise (DR) et date d'échange (DE) de un jour pour 82 % des capitaux et de deux jours pour 18 % des capitaux (chèques "hors place repaysés" 10), soit 1,2 jour en moyenne; que c'est dans ces conditions que le rapport du 22 juin 1999 propose une évaluation de l'accélération des échanges de chèques permise par le futur système EIC en tenant compte de trois facteurs d'accélération:

- la possibilité pour les clients de remettre des images-chèques à leur banque (réduction de l'écart entre DA et DR) ;

- le fait qu'une créance immatérielle s'échange plus vite qu'une créance papier (réduction de l'écart entre DR et DE) ;

- la disparition des chambres de compensation physiques et donc de la distinction entre chèques "hors place" et "sur place" (réduction de l'écart entre DE et DRI ;

Que, par ailleurs, le rapport indique que l'accélération des échanges repose sur deux facteurs qui doivent faire l'objet d'une décision de la CIR:

- le choix de l'Heure d'Arrêté de la Journée d'Echange (ci-après HAJE), c'est-à-dire de l'heure limite d'échange des images-chèque présentées au cours d'une journée, qui influe sur le délai entre la date d'achat (DA) et d'échange (DE) ;

- la définition du délai entre date d'échange (DE) et date de règlement interbancaire (DRI), désormais identique pour tous les chèques.

Que le rapport envisage ainsi l'accélération attendue des échanges selon diverses hypothèses (HAJE à 9 h ou 18 h; délai DE-DRI de zéro à deux jours ouvrés): "(...) c'est avec un écart entre échange et règlement de deux jours ouvrés que l'on s'éloigne le moins de la Date de Règlement Interbancaire moyenne actuelle de 3,4 jours. (...) Mais on peut, à juste titre, considérer que ce n'est pas une bonne solution de substituer à des délais qui trouvaient leur origine dans l'acheminement et le traitement de papiers, des délais conventionnels entre échange et règlement appliqués à des enregistrements magnétiques. Dans ce cas, il serait légitime d'étudier des solutions où le délai entre échange et règlement serait de un jour, voire de zéro jour dans le cas de l'HAJE à 9 h pour laquelle cela serait techniquement possible. Et, comme de telles solutions modifient les Dates de Règlement Interbancaire, il faut se poser la question d'une commission entre banques pour maintenir les équilibres entre les banques d'une part, entre les moyens de paiement d'autre part" ;

Que, pour le choix d'une HAJE à 18 h, et d'un écart entre DE et DRI de 1 jour ouvré, qui correspond au choix finalement adopté par la CIR, le groupe de travail estime que le délai entre DA et DRI sera compris entre 1,8 et 2,3 jours ouvrés dans le nouveau système EIC (cote 922): ceci correspond donc, par rapport à l'ancien système, à une accélération des échanges comprise entre 1,1 et 1,6 jour ouvré ; que le rapport analyse ainsi les conséquences de l'accélération des échanges pour le secteur bancaire dans son ensemble, et pour chaque établissement en particulier: "En terme de bilan, si l'on se place du seul point de vue des échanges interbancaires, toute modification de la date de règlement interbancaire aboutit à un jeu à somme nulle pour la profession. Chaque établissement gagne ou perd en fonction du solde moyen en capitaux de ses échanges et de sa capacité à profiter, mieux ou moins bien que les autres, des possibilités d'encaissement rapides offertes par le nouveau système (...) [S]i l'on se place du point de vue de chaque établissement, chacun doit ajouter aux éléments ci-dessus le concernant:

- les économies et surcoûts administratifs de traitement des opérations en tant que banquier remettant et en tant que banquier tiré,

- les conséquences que pourraient avoir les nouvelles règles interbancaires sur les transferts potentiels de flux de clientèle. (...)

Ces calculs, dont on sait la part d'incertitude qu'ils comportent, sont à faire en régime de croisière en intégrant l'amortissement des surcoûts liés au passage d'un système à l'autre" ;

Considérant que les travaux ont encore porté sur l'instauration d'une commission interbancaire; qu'en effet, l'accélération du temps de traitement des chèques résultant de la mise en œuvre de l'EIC a pour conséquence la modification des équilibres de trésorerie entre les banques, dès lors que les banques majoritairement tirées de chèques perdent plus rapidement la disposition des soldes oisifs des émetteurs de chèques, et donc la possibilité d'obtenir une rémunération par le float en plaçant les sommes correspondantes à leur profit, les banques majoritairement remettantes bénéficiant au contraire de la possibilité de placer plus rapidement les sommes correspondantes encaissées par les bénéficiaires des chèques ;

que c'est précisément pour compenser cette modification, que le rapport du 22 juin 1999 propose à la CIR l'application d'une commission à la transaction versée par la banque du remettant à la banque du tiré ; que le rapport propose de retenir le principe d'une commission d'un montant fixe par chèque tiré en précisant que "si cette commission était proportionnelle au montant des chèques, elle n'apporterait rien d'autre par rapport à des écarts entre échange et règlement que l'inconvénient d'être soumise à la TVA dont une part importante n'est pas récupérable par les banques. Si cette commission était d'un montant fixe par chèque, elle s'intégrerait dans la logique de rémunération des services rendus par des commissions fixes entre banques pour les moyens de paiement automatisés mis en recouvrement par le créancier. En effet, pour les autres moyens de paiement de ce type, Avis de Prélèvement, TIP, LCR et paiements par cartes, le banquier du créancier verse déjà au banquier du débiteur une commission" ; que le rapport calcule la commission qui serait de nature à compenser en moyenne le "décalage de trésorerie interbancaire", sous diverses hypothèses de choix HAlE/DE-DRI et que ce montant est calculé par le produit du montant moyen du chèque (3 000 francs), de l'accélération du délai de règlement interbancaire prévue (1,1 à 1,6 jour ouvré), et du taux d'intérêt auquel la banque peut placer les sommes dont elle a la disposition (3 %) ;

Considérant, ensuite, concernant le second principal enjeu de l'EIC, constitué par la recherche de la cohérence entre les différents moyens de paiements, qu'il est constant que la préoccupation de ne pas rendre le chèque plus attractif que d'autres moyens paiement automatisés moins coûteux a également été avancée par le groupe de travail restreint de la CIR au soutien du principe de création d'une commission interbancaire ; que c'est ainsi que le rapport du 22 juin 1999 énonce: "Au-delà du bilan propre au passage à l'EIC il ne faut pas perdre de vue le fait que le chèque restera un moyen de paiement dont la partie essentielle du traitement restera sous forme papier. Son coût global pour la collectivité restera donc plus élevé que celui des moyens de paiement automatisés. Il ne faudrait pas que certains acteurs soient amenés à préférer le chèque avec EIC à des moyens de paiement automatisés du seul fait que les conditions entre banques qui seraient retenues le rendent plus attractif que ceux-ci soit pour le couple créancier-banque du créancier, soit pour le couple débiteur-banque du débiteur" ; que le rapport compare les conditions interbancaires relatives au chèque avec celles des autres moyens de paiement, tous caractérisés par le paiement de commissions interbancaires et qu'aux termes du même rapport: "Le chèque avec EIC sera aussi performant que les moyens de paiement avec lesquels il est en concurrence en ce qui concerne le délai jusqu'à l'échange interbancaire. Pour que les créanciers et leurs banques ne le préfèrent pas aux autres moyens de paiement il faut que l'ensemble, commission versée par le banquier du remettant, écart entre échange et règlement ne soit pas plus favorable au banquier du remettant pour le chèque avec EIC. Les principaux concurrents du chèque sont le TIP pour le paiement à distance qui est réglé à J + 1 avec 0,50 F de commission et la carte pour le paiement de proximité qui est réglée à J avec une commission fixe de 0,70 F plus commission proportionnelle correspondant à la garantie" ;

Considérant que c'est dans ces conditions que la conclusion du rapport du 22 juin 1999 résume les questions soumises à la décision des participants: "les analyses faites par le groupe de travail l'amènent à poser aux instances de décision les questions suivantes:

- est-il souhaitable que la solution retenue maintienne les équilibres entre banques ?

- est-il possible et souhaitable de créer pour l'EIC une commission fixe entre banques dans la lignée de ce qui se fait pour les autres moyens de paiement présentés au recouvrement ?

- est-il préférable de maintenir pour le chèque une rémunération entre banques par des délais. Et dans ce cas, faut-il le faire en maintenant les échanges papier actuels. Ou peut-on le faire avec de l'EIC et un écart entre échange et règlement de deux jours ?

- faut-il faire de l'EIC dans des conditions qui font bénéficier les remettants d'une amélioration des délais d'encaissement ?" ;

Considérant qu'il résulte du rapport du 22 juin 1999 et du compte-rendu de la réunion de la CIR du 1er juillet 1999 que les banques ont initialement défendu des positions divergentes sur ces points au cours des négociations; que c'est ainsi que la synthèse du rapport sur les conditions entre les banques de l'EIC énonce:

"Au sein du groupe de travail un nombre significatif d'établissements font l'analyse suivante:

- le maintien global des équilibres interbancaires actuels est justifié pour éviter que l'EIC ne soit une réforme ne profitant qu'aux remettants au détriment de l'ensemble de la profession,

- le règlement à J + 2 qui permettrait de maintenir ces équilibres, ne tiendrait pas devant les pressions basées sur l'argument que le passage des échanges papier à la télétransmission ne doit pas avoir pour effet un allongement du délai entre échange et règlement.

- la combinaison d'une commission fixe versée par la banque du remettant et d'un raccourcissement des délais permet de maintenir les équilibres globaux mais modifie l'équilibre individuel de chaque établissement. C'est toutefois une solution qui va dans la logique de la rémunération des services par des commissions fixes et non par des floats, logique appliquée aux moyens de paiement concurrents.

Ces établissements sont d'accord sur la solution HAJE à 18 h, règlement à J + 1, commission de l'ordre de 0,50 F par la banque du remettant à la banque du tiré.

Les autres établissements ont en commun de considérer qu'une commission fixe versée par la banque remettante à la banque tirée est une solution qui n'est ni souhaitable dans les principes ni applicable à l'occasion de la réforme EIC. Ils considèrent notamment que le risque de voir le chèque avec EIC mordre sur le TIP et le paiement par carte pour lesquels il y a une commission entre banques est faible. En ce qui concerne l'HAJE et l'écart entre échange et également, ces établissements se partagent entre:

- HAJE à 18 h et règlements à J + 2, solution qui maintient les équilibres interbancaires de chacun,

- HAJE à 9 h et règlement à J + 1,

- HAJE à 18 h et règlement à J + 1,

- HAJE à 9 h et règlement à J.

Les partisans de ces trois dernières solutions considèrent que le maintien des équilibres interbancaires n'est pas un objectif en soi et que l'anticipation du règlement interbancaire qui bénéficie à la banque du remettant est à mettre en balance avec les charges nouvelles que lui apporte l'EIC et les allégements qu'il apporte à la banque tirée." ;

Que, lors de la réunion de la CIR du 1er juillet 1999, les représentants des différents établissements bancaires expriment leur point de vue et que le compte-rendu de cette réunion montre que certaines banques critiquent la proposition d'une commission fixe interbancaire, soit pour des raisons de principe, soit pour des raisons tenant aux modalités envisagées par le groupe de travail:

- le représentant de la Société Générale "se pose la question de savoir s'il est opportun de lier la mise en place de l'EIC et (...) la mise en place d'une commission fixe par chèque" et "se demande si cette commission ne devrait pas être versée par le banquier tiré au banquier remettant" ;

- le représentant du Crédit du Nord "insiste sur le fait que les équivalences entre commission fixe versée et gain en délai d'encaissement, même si elles sont vraies au niveau global, ne le sont plus pour chaque établissement en fonction des montants moyens des chèques qu'il présente et reçoit" ;

- le représentant de Paribas indique qu'il "n'est pas favorable à une commission fixe dont il ne voit pas bien la justification économique",

- le représentant du Crédit Lyonnais "trouve séduisants les arguments en faveur de la cohérence des moyens de paiement mais n'est pas sûr que ce soit le moment de modifier profondément les conditions entre banques du chèque" et "s'interroge sur la justification économique d'une telle commission" ;

- le représentant des Banques Populaires indique qu'il "ne sait pas s'il est opportun que les conditions entre banques de l'EIC permettent de maintenir les équilibres interbancaires qui existent actuellement avec les échanges papier" et qu'il "considère que l'approche commission fixe ne permet pas un tel maintien à cause des montants moyens différents des chèques des différents établissements" ;

- le représentant du CIC indique qu'il est "contre les commissions fixes versées par le banquier remettant au banquier tiré".

Que la Banque de France est également opposée à la création d'une commission interbancaire, mais cependant disposée à accepter un compromis afin qu'un accord soit trouvé sur le projet de l'EIC ; que son représentant indique ainsi au cours de la réunion du 1er juillet 1999 que la Banque de France "considère que la commission fixe n'est pas souhaitable mais qu'une voie de compromis serait soit de réduire le montant de 0,50 F envisagé, soit de réduire la durée de vie de cette commission" et, par ailleurs, qu'un "délai de J + 2 entre échange et règlement interbancaire serait à son avis difficilement acceptable" ;

Qu'en revanche, d'autres banques soutiennent le principe de la création d'une commission interbancaire telle qu'envisagée par le groupe de travail:

- le représentant des Caisses d'Epargne indique que celles-ci "sont favorables à la première solution présentée par le groupe de travail basée sur une HAJE à 18 h, un règlement à J + 1, et une commission fixe de 0,50 F versée par la banque remettante à la banque tirée",

- le représentant du Crédit Agricole indique également être favorable à cette première solution,

- le représentant de La Poste se prononce également en faveur de cette solution et indique qu'à défaut "le maintien des équilibres par conservation du délai d'encaissement moyen actuel pourrait être envisagé",

- le représentant du Crédit Mutuel "est favorable au règlement à J + 1 et serait ouvert à la suggestion de la Banque de France de modération du montant de la commission",

- le représentant de la BNP indique être "résolument pour l'EIC et la commission fixe versée par la banque remettante, bien qu'elle soit elle-même beaucoup plus remettante que tirée" et que la banque "met en majeur dans son analyse la cohérence des moyens de paiement dans leur ensemble".

Que le représentant du CCF estime, pour sa part, que la dématérialisation entraînera de profondes évolutions du secteur du chèque, qu'il convient d'"attendre avant de se reposer la question d'une réduction des délais d'encaissement et d'une éventuelle commission fixe" ;

Considérant, enfin, concernant le traitement des opérations connexes, que celles-ci recouvrent l'acheminement des vignettes circulantes, les rejets, l'établissement des avis de rejet ou attestation de non-paiement, les demandes et la fourniture des renseignements, les demandes et la fourniture de reproduction des vignettes, les annulations d'opérations compensées à tort (AOCT) avec leurs éventuels rejets, l'archivage des vignettes ou de leur reproduction; qu'aux termes du rapport du 22 juin 1999: "Chaque fois que le nombre d'opérations d'une catégorie relève du choix d'un établissement et que la charge de traitement incombe à un autre, il faut prévoir une commission couvrant au minimum le coût de revient de l'opération demandée pour inciter à la limitation au strict nécessaire des opérations représentant une charge administrative. Par ailleurs, l'EIC a pour conséquence que des fonctions qui étaient précédemment assurées par un banquier vont être assurées par un autre. C'est le cas de l'archivage et de l'établissement des avis de rejet ou attestation de non-paiement" ; que le rapport envisage deux solutions: "considérer que ceci fait partie pour chaque établissement du bilan qu'il doit faire des avantages et inconvénients que lui apporte l'EIC, considérer que ces transferts de charge identifiés doivent donner lieu à une rémunération spécifique" ; que c'est dans ces conditions que la création de huit commissions interbancaires est proposée par le groupe de travail restreint de la CIR dans le cadre du rapport relatif aux opérations connexes de l'Echange d'Images Chèques du 28 décembre 1999 ; que les montants proposés correspondent à ceux qui seront finalement retenus par la CIR lors de sa réunion du 3 février 2000 ;

Qu'à l'issue des travaux menés au sein du groupe de travail et de négociations conduites au sein de la CIR, un accord finalement intervenu sur les conditions interbancaires du passage à l'EIC est acté lors de la réunion de la CIR du 3 février 2000; que les modalités interbancaires suivantes sont fixées:

- écart entre date d'échange (DE) et date de règlement interbancaire (DRI) de 1 jour pour tous les chèques ;

- HAJE à 18 h ;

- création de la commission d'échange image-chèque (CEIC), commission interbancaire versée par la banque du remettant à la banque du tireur d'un montant maximum de 4,3 centimes d'euro ;

- création de huit commissions interbancaires versées à l'occasion d'opérations connexes (commissions pour services connexes - CSC) ;

Considérant qu'il ressort du compte-rendu de la réunion de la CIR du 3 février 2000 que les conditions interbancaires du passage à l'EIC avaient été fixées pour une durée de trois ans:

" M. S. (président de la CIR) précise que les conditions proposées à la Commission seront applicables à partir du 1er janvier 2002, valables pour 3 ans, c'est-à-dire jusqu'au 31/12/2004 et propose un rendez-vous à l'automne 2004 pour fixer les conditions qui seront applicables à partir du 1/1/2005 sur la base d'un bilan des 3 ans écoulés et de l'évolution constatée des équilibres par rapport aux équilibres actuels.

À M. S. (représentant de La Poste) qui s'étonne de la nécessité d'un réexamen des conditions en 2004, M. S. répond qu'il est habituel de revoir les conditions au bout de 3 ans: c'est une règle générale de l'interbancaire ; ces conditions ne peuvent être fixées pour l'éternité. Par ailleurs, cette révision fait partie des conditions nécessaires à l'obtention du consensus" ;

Qu'alors que le représentant du Crédit Lyonnais avait souligné que les commissions sur chèque circulant et les commissions pour demandes de télécopie lui paraissaient sous-estimées, à l'issue des débats, la CIR a accepté "de fixer, pour 3 ans à dater du 1/1/2002, les conditions d'échange de l'EIC" telles que proposées par le groupe de travail, "étant précisé que les commissions relatives aux demandes de télécopies seront à réétudier sur la base des statistiques de la première année, dès que celles-ci seront connues. Elles seraient revues si elles s'écartaient des hypothèses de travail retenues à ce stade" ;

En ce qui concerne la position de l'Autorité:

Considérant que les établissements de crédit sanctionnés par l'Autorité dans la décision déférée avaient notamment fait valoir, en ce qui concerne l'absence d'objet anticoncurrentiel de l'accord:

- que la CEIC - destinée à compenser, par surcroît partiellement et temporairement, soit la perte soudaine de la principale ressource des banques majoritairement tirées de chèques couvrant les coûts de la mise à disposition des chèques alors que l'EIC avait pour conséquence le transfert du float au profit des banques majoritairement remettantes, soit, encore, selon certaines, au regard de la modestie de la majorité de leurs clients, la compensation à la perte de la disposition des sommes figurant sur les comptes de dépôts à vue de la lourde charge financière représentée par la gratuité du chèque - ne constitue pas un accord sur les prix et n'a pas vocation à être répercutée sur les prix facturés aux clients remettants, alors que chaque banque continue de déterminer de façon autonome le niveau global de rentabilité souhaité dans sa relation avec les clients ; que, par surcroît, l'accord qui a instauré la commission en cause doit nécessairement être analysé dans un contexte économique et juridique caractérisé par les contraintes procédant de l'impérieuse nécessité, dans le cadre de la gestion des systèmes de paiement, d'opérer une modification du système de compensation des chèques au moyen d'un accord multilatéral et alors que l'accord avait pour objectif, qui ne peut être qualifié d'anticoncurrentiel, non une régulation de l'utilisation des moyens de paiement, mais seulement d'éviter que le nouveau système de traitement des chèques qui était mis en place ne favorise le chèque, moyen de paiement plus onéreux et moins sécurisé par rapport aux autres moyens de paiement plus moderne ;

- que les CSC ont été créées dans le seul but de rémunérer les services rendus par les banques remettantes aux banques tirées du fait de la mise en place de l'EIC et que ces commissions n'ont pas, par nature, un objet anticoncurrentiel, dès lors qu'aucun élément ne permet d'établir qu'elles avaient vocation à être répercutées sur les clients, les banques soutenant que seule la conclusion d'un accord multilatéral était envisageable, l'instauration de relations bilatérales entre les centaines de banques actives en France étant en pratique ingérable ;

Considérant que pour retenir que les commissions incriminées ont un objet anticoncurrentiel, la Décision leur a opposé, pour l'essentiel concernant le contexte économique et juridique (points 349 à 357 de la Décision) dans lequel s'inscrit l'accord:

- qu'un système de paiement nécessite une certaine forme de coordination entre ses membres, dès lors que les créanciers et les débiteurs doivent pouvoir utiliser un système de paiement quelle que soit la banque auprès de laquelle ils sont titulaires d'un compte, ce qui implique que toute banque doit accepter les ordres de paiement donnés par les clients de toute autre banque ; qu'ainsi, la conclusion de certains accords par l'ensemble des banques peut s'avérer indispensable à l'établissement et au fonctionnement d'un système de paiement, notamment des accords techniques le plus souvent conclus dans un cadre multilatéral visant à assurer l'interopérabilité du système par la définition d'opérations standardisées communes à toutes les banques participantes ainsi que ceux concernant les aspects procéduraux du traitement des opérations; que s'ils limitent la liberté de chacun des acteurs pris individuellement, ces accords ne relèvent en principe pas de l'article 81, paragraphe 1, CE ni de l'article L. 420-1 du Code de commerce ; que tel n'est pas le cas, en revanche, des accords portant sur des commissions interbancaires multilatérales, ainsi que l'a rappelé à plusieurs reprises la Commission ; qu'en effet, l'universalité d'un moyen de paiement n'implique pas que l'ensemble des banques concluent des accords de nature tarifaire: chaque banque peut en effet rester libre de définir individuellement sa politique de tarification sur la face du marché sur laquelle elle est active, étant observé, s'agissant du secteur du chèque, qu'il fonctionnait d'ailleurs jusqu'en 2002 selon un pur schéma d'interopérabilité, sans relations tarifaires directes entre les banques ;

- que les banques n'étaient nullement contraintes, du fait de la gratuité de la délivrance des chèques, de mettre en place des commissions interbancaires afin de rémunérer les services liés à l'émission des chèques ; qu'à cet égard, la Décision énonce:

"353. L'article L. 131-71 du Code monétaire et financier dispose que "[L]orsqu'il en est délivré, les formules de chèques sont mises gratuitement à la disposition du titulaire du compte". Cette gratuité pour les émetteurs représente un coût pour les banques tirées notamment en termes d'impression, de contrôle avant délivrance, de délivrance des formules de chèques et de contrôle avant paiement. Toutefois, l'article L. 312-2 du Code monétaire et financier autorisant les banques à disposer des dépôts à vue effectués par leurs clients, lesquels ne pouvaient être rémunérés jusqu'en 2004, le placement de ces sommes leur permet de compenser, au moins partiellement, les coûts résultant de la gratuité de la délivrance des formules de chèques.

354. En outre, il n'est pas exclu que l'émission de chèques soit également financée, de façon indirecte, grâce à la rémunération versée lors de la remise des chèques (facturation à l'unité ou selon la valeur des chèques remis, float et/ou commission de mouvement payée par les entreprises). Dès lors, via la mutualisation des coûts du chèque et, plus largement, via l'offre bancaire globale dont le financement repose en partie sur un mécanisme de subventions croisées, il peut être considéré qu'en pratique les clients paient les formules de chèques qui leur sont délivrées ainsi que leur utilisation, même s'il ne s'agit pas d'un paiement unitaire.

Par ailleurs, il convient de relever que le passage à l'EIC a également permis d'alléger certaines charges administratives pesant sur les banques tirées, avec la suppression, pour la majorité des chèques échangés, des coûts de transport des chèques tirés sur elles depuis la chambre de compensation, et la simplification du traitement retour des chèques (fin de la relecture du chèque par la banque tirée, par exemple). Ces économies administratives compensent donc au moins en partie les pertes de trésorerie subies par les banques tirées résultant de l'accélération des échanges des chèques interbancaires.

356. Enfin, il y a lieu de relever que la gratuité de la délivrance des chèques et la charge financière qui en découle pour les banques tirées (en particulier les banques de clients modestes) n'ont pas été évoquées en tant que telles dans les comptes-rendus de la CIR pour justifier l'instauration de la CEIC. Il ressort en effet de ces documents que les discussions des membres de la CIR se sont concentrées sur le coût du traitement des chèques mais pas sur la gratuité de leur mise à disposition des titulaires de comptes courants." ;

Considérant que, ces éléments de contexte rappelés, la Décision retient, concernant spécialement la CEIC:

- sur la nature de cette commission que, bien que le compte-rendu de la réunion de la CIR du 3 février 2000 ait indiqué que le montant de la CEIC, qui est une commission interbancaire multilatérale d'un montant de 4,3 centimes d'euro versée par la banque remettante à la banque tirée à chaque remise de chèque interbancaire, était un montant maximal et que des montants inférieurs pouvaient être facturés, il ne ressort toutefois pas des éléments figurant au dossier que les banques aient utilisé cette possibilité de facturer la CEIC à un montant moins élevé que le montant maximal déterminé par la CIR ayant été ainsi systématiquement appliqué, la CEIC doit être considérée comme une commission interbancaire fixe (ou uniforme) ; que cette commission ayant été créée, selon les parties à l'accord, afin de compenser les pertes alléguées de trésorerie subies par les banques majoritairement tirées du fait de l'accélération du règlement interbancaire des chèques résultant du passage à l'EIC, cette commission ne constitue donc pas une rémunération que les banques remettantes versent aux banques tirées en contrepartie d'un service rendu, mais un transfert de revenus d'une banque à une autre afin de partager les conséquences financières de l'accélération de l'échange des chèques permise par la dématérialisation du système;

- sur la caractérisation d'une infraction par objet, que la pratique en cause doit permettre, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'elle puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur la concurrence ; qu'ainsi, pour être qualifié de restriction de la concurrence par objet, il suffit qu'un accord soit susceptible de produire des effets négatifs sur le jeu de la concurrence et que tel est le cas d'un accord qui a pour conséquence évidente la fixation des prix; que la question de savoir si et dans quelle mesure de tels effets se produisent réellement ne peut être prise en compte que lors de la fixation du montant de l'amende ;

- sur les restrictions de la concurrence sur le marché de la remise de chèques, permettant, aux yeux de l'Autorité, de retenir que l'objet anticoncurrentiel de la CEIC est établi, la Décision relève:

"365. Ces rappels effectués, il convient de déterminer si la CEIC comporte un objet anticoncurrentiel. A cette fin, l'analyse concurrentielle portera tout d'abord sur le marché de la remise de chèques, puis sur celui de l'émission de chèques. Enfin, l'objectif de régulation de l'utilisation des différents moyens de paiement tel qu'il apparaît dans les discussions préalables à l'accord sera examiné.

Les restrictions de la concurrence sur le marché de la remise de chèques

La hausse artificielle du coût de revient du traitement des remises de chèques pour les banques remettantes

366. Sur le marché de la remise de chèques, la création de la CEIC a introduit un élément de coût uniforme pour les banques remettantes, qui n'existait pas dans l'ancien système de compensation des chèques interbancaires. Les banques remettantes ont ainsi subi une hausse artificielle de leurs charges d'exploitation affectant le bilan de chaque opération de remise.

367. Or, les banques, comme toute entreprise, devant nécessairement couvrir leurs coûts, il y a lieu de présumer qu'une telle hausse était susceptible de produire deux types d'effets: la limitation de l'offre de remise de chèques, d'une part, et l'augmentation des prix finaux, d'autre part.

La limitation potentielle de l'offre sur le marché de la remise de chèques

368. Dans l'hypothèse d'une absence de répercussion totale ou partielle de la CEIC sur les prix facturés par les banques remettantes à leurs clients, la hausse du coût unitaire du traitement des chèques qui en a résulté pour ces dernières et, partant, la rentabilité moindre, voire un déficit de l'activité de remise des chèques sont susceptibles d'avoir entraîné une réduction de l'offre sur le marché de la remise de chèques. En effet, il est tout à fait envisageable qu'une banque préfère renoncer à fournir une prestation si, à tout le moins, le prix consenti aux clients ne couvre pas le montant de la commission interbancaire affectant cette prestation et que celle-ci devient déficitaire.

L'influence potentielle sur les prix finaux

369. A titre liminaire, il y a lieu de relever que le libellé de l'article 81, paragraphe 1, CE ne permet pas de considérer que seuls seraient interdits les accords ayant un effet direct sur les prix finaux. Au contraire, il ressort dudit article 81, paragraphe 1, sous a), CE qu'un accord peut avoir un objet anticoncurrentiel s'il consiste à "fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction". Ainsi que la Cour de justice l'a rappelé, l'article 81 CE vise à protéger non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais également la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle. Dès lors, la constatation de l'objet anticoncurrentiel d'un accord ne saurait être subordonnée à la preuve que l'accord comporte des inconvénients pour les consommateurs finals (arrêt GlaxoSmithKline, précité, points 63 et 64 ; voir aussi, par analogie, l'arrêt T-Mobile Netherlands e.a, précité, points 37 à 39).

370. A la différence de l'affaire MasterCard, dans laquelle MasterCard n'a pas contesté le fait que les CMI fixaient généralement un niveau plancher pour les frais imputés aux commerçants (voir point 346 ci-dessus), les parties mises en cause en l'espèce contestent le caractère vraisemblable de la répercussion de la CEIC sur les prix finaux sur le marché de la remise de chèques. Certes, il ne ressort pas des comptes-rendus de la CIR que les banques remettantes étaient convenues de répercuter la CEIC sur leurs clients. Cependant, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, les accords interbancaires tels que des commissions interbancaires peuvent produire des effets en dehors de la sphère interbancaire, notamment sur la formation des prix finaux. Ainsi, dans la décision GSA de 1999, la Commission a relevé que "rien ne permet d'affirmer que les banques sont convenues de répercuter systématiquement la commission interbancaire. L'accord GSA les laisse expressément libres de décider de manière autonome de répercuter ou non la commission. Toutefois, lorsque les banques décident individuellement de le faire, il faut y voir une conséquence directe de l'existence de l'accord GSA, étant donné que ce dernier impose à la banque créditrice un coût économique qu'elle ne supportait pas auparavant. En l'absence de commission interbancaire, il n'y aurait rien à répercuter (...)" (considérant 53).

371. En l'espèce, dans la mesure où la CEIC augmente le coût de fourniture du service de remise de chèques, elle est susceptible d'avoir un impact sur la relation banque-client et d'entraîner une augmentation des prix facturés par les banques remettantes à leurs clients. L'ampleur de cette possible répercussion dépend de nombreux facteurs, dont la politique commerciale de chaque banque remettante, le pouvoir de négociation des clients et l'intensité de la concurrence. La CEIC est donc susceptible d'être répercutée partiellement, voire totalement, sur les prix finaux.

372. Plusieurs pièces versées au dossier attestent par ailleurs que certaines des banques considéraient que la CEIC avait bien vocation à être répercutée sur les clients remettants. Il s'agit tout d'abord d'une note sur "les images chèques/Arguments et questions réponses" remise aux membres du groupe de travail restreint de la CIR à la suite de la réunion du 10 mai 2000 indiquant à propos des coûts supplémentaires résultant pour le secteur bancaire de la mise en place de la CEIC: "report sur le client remettant ..." (cote 4264) ainsi que du compte-rendu d'une réunion interne au Crédit Mutuel en date du 10 janvier 2001 dans lequel il est précisé que "bien qu'ayant vocation à être répercutée sur le remettant elle pèse sur le compte d'exploitation du banquier remettant" (cote 4263). Enfin, lors de son audition par les enquêteurs le 12 juillet 2005, le Crédit Agricole a déclaré: "La position du CA par rapport à la répercussion de la [CEIC] consiste à dire qu'à partir du moment où les clients bénéficient de délais meilleurs et que le CA supporte une charge supplémentaire, il est normal que cette charge soit répercutée, mais c'est aux caisses régionales de décider de répercuter ou non la commission interbancaire" (cote 4264).

373. Par ailleurs, il convient de rappeler que la banque remettante peut facturer les chèques remis à l'unité ou selon leur valeur. Mais elle peut également ne pas les facturer directement et rémunérer son service de remise de chèques dans le cadre de son offre globale de services bancaires via un système de subventions croisées. Compte tenu de cette mutualisation des coûts de l'ensemble des services bancaires, la répercussion, partielle ou totale, de la CEIC sur les prix finaux apparaît comme une conséquence potentielle de la création d'une charge nouvelle qui n'était pas supportée auparavant par les banques.

374. Partant, il doit être considéré que, en raison de son influence potentielle sur le niveau des prix finaux, la CEIC a, par nature, la capacité de restreindre la concurrence tarifaire, et ce même en l'absence d'un prix plancher sur le marché de la remise de chèques.

Les restrictions de concurrence sur le marché de l'émission de chèques

375. Sur le marché de l'émission de chèques, la CEIC a généré une hausse de revenu artificielle pour les banques tirées, puisqu'elles ont perçu un revenu qui ne leur était pas attribué par le marché, mais par un accord interbancaire et ce afin de compenser les pertes de trésorerie qu'elles estimaient subir du fait de l'accélération du règlement interbancaire des chèques.

376. A cet égard, les parties soutiennent que la CEIC est susceptible d'avoir été répercutée par les banques tirées sous la forme d'une baisse des prix des services bancaires autres que celui de l'émission de chèques. Une telle affirmation est cependant en contradiction avec l'objectif poursuivi par les membres de la CIR tel qu'invoqué par les parties au point précédent. En tout état de cause, cet effet potentiel de la CEIC démontre l'influence de cette dernière sur la formation des prix finaux, en violation du principe de libre formation des prix par le jeu du marché.

377. La capacité de la CEIC à influer sur les conditions de la concurrence sur les deux faces du marché et notamment sur les prix finaux est d'ailleurs confirmée par l'analyse présentée par les conseils des parties elles-mêmes: "une telle commission modifie le coût marginal de l'activité d'émission et de remise de chèques toutes choses égales par ailleurs, une commission payée par les banques remettantes aux banques tirées augmente le coût de fourniture du service de remise de chèques et diminue le coût de fourniture du service d'émission. Une commission interbancaire dans la mesure où elle augmente les coûts d'un côté et les diminue de l'autre côté, est donc susceptible d'entraîner tout à la fois une augmentation des prix sur un côté du marché et une baisse des prix sur l'autre côté du marché" (étude des cabinets LECG et MAPP du 26 mai 2008, produite par les parties en réponse à la notification des griefs, § 2. 7., cote 5988).

378. Quant à l'argument des parties selon lequel la CEIC n'a pas eu pour objet de modifier, mais précisément de préserver les équilibres de trésorerie existants, et, partant, de leur situation concurrentielle prévalant avant 2002, il convient de considérer qu'un tel objectif contribue en réalité à "figer" le marché du chèque. Du côté de l'émission de chèques un tel objectif vise à pérenniser par le biais d'une commission uniforme, créée artificiellement hors des mécanismes du libre jeu du marché, une partie des flux de recettes que les banques tiraient auparavant du float, c'est-à-dire à garantir aux banques tirées un niveau de rémunération minimal par chèque tiré. Symétriquement, du côté de la remise de chèques, cet objectif a pour conséquence la neutralisation des bénéfices attendus de l'accélération des échanges pour les banques remettantes. Un tel objectif est par conséquent restrictif de concurrence. Cet argument peut toutefois être examiné au titre de l'exemption éventuelle des pratiques, puisqu'il a trait aux incitations qu'avaient les banques à accepter la migration d'un système à un autre.

379. Il résulte de ce qui précède que la création de la CEIC a pour objet de restreindre la liberté de chaque banque de définir individuellement sa politique tarifaire et fait obstacle à la libre fixation des prix sur le marché du chèque, en favorisant artificiellement leur hausse du côté de la remise et leur baisse du côté de l'émission. Or, l'objectif essentiel du droit de la concurrence consiste à ce que tout opérateur économique détermine de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché (arrêts de la cour du 14 juillet 1981, Züchner, 172-80, Rec. p. 2021, point 13, et du 28 mai 1998, Deere/Commission, C-7-95P, Rec. p. 1-3111, point 86). La CEIC doit donc être qualifiée de restriction de la concurrence par objet au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81, paragraphe 1, CE.

La régulation de l'utilisation des différents moyens de paiement

380. Il ressort des comptes-rendus de la CIR ainsi que des documents de travail du groupe de travail restreint de la CIR que l'objectif de régulation de l'utilisation des différents moyens de paiement a été évoqué à de nombreuses reprises dans le cadre des discussions ayant conduit à la création de la CEIC.

381. Ainsi, dans le document de travail du 22 juin 1999, il est indiqué: "Il ne faudrait pas que certains acteurs soient amenés à préférer le chèque avec EIC à des moyens de paiement automatisés du seul fait que les conditions entre banques qui seraient retenues le rendent plus attractif que ceux-ci soit pour le couple créancier-banque du créancier, soit pour le couple débiteur-banque du débiteur". La synthèse de ce document est également particulièrement explicite: "Enfin, les commissions entre banques sont à étudier avec un triple objectif" dont l'un est d'"assurer une cohérence du chèque avec EIC et des autres moyens de paiement". "Pour que les créanciers et leurs banques ne le préfèrent pas aux autres moyens de paiement il faut que l'ensemble, commission versée par le banquier du remettant, écart entre échange et règlement, ne soit pas plus favorable au banquier du remettant pour le chèque avec EIC" (voir ci-dessus points 93 et s.).

382. Il est donc manifeste que les membres de la CIR ont entendu éviter que le passage à l'EIC ne favorise l'utilisation du chèque au détriment d'autres moyens de paiement moins chers en termes de coût de traitement pour le secteur bancaire et plus sécurisés, et ce en introduisant un élément de coût artificiel pour chaque opération de remise de chèque.

383. Si l'objectif d'optimisation de l'utilisation des différents moyens de paiement, c'est-à-dire de création des incitations nécessaires pour que les acteurs économiques utilisent les moyens de paiement les plus efficients (comme la carte bancaire ou le TIP) apparaît légitime, les banques ne pouvaient toutefois pas à cette fin, se réunir dans un cadre multilatéral pour instaurer une commission interbancaire uniforme sans restreindre la concurrence. Le principe d'une régulation commune reposant sur la conclusion d'un accord multilatéral de nature tarifaire comporte en effet une restriction dont l'objet présente un caractère anticoncurrentiel (voir, à cet égard, le point 379 ci-dessus). En revanche, chaque banque était libre de choisir des instruments pour réguler de façon individuelle l'utilisation par ses clients des différents moyens de paiement via une tarification reflétant les coûts réels d'utilisation du service de chèques.

384. Il résulte de tout ce qui précède que l'objet anticoncurrentiel de la CEIC est établi." ;

Considérant que, concernant cette fois-ci les CSC, la Décision, pour caractériser un objet restrictif de concurrence, énonce:

"385. Il s'agit de huit commissions multilatérales créées afin de rémunérer les services nouvellement rendus par une catégorie de banques à une autre et de compenser les transferts de charges résultant de la dématérialisation du système d'échange des chèques.

386. Le montant de chacune de ces commissions a été fixé d'un commun accord à un niveau unique, identique d'une banque à l'autre, donc sans tenir compte des coûts propres de chaque banque, sauf à considérer que toutes les banques avaient le même profil de coûts, ce qui n'est pas établi ni même soutenu par les parties. Il ressort en effet de l'étude de coûts commandée au cabinet Latham et Watkins que, selon les services connexes, des écarts de coûts très importants existaient entre les banques en 2007. Il peut être présumé que de tels écarts existaient également en 1999-2000 lors des négociations au sein de la CIR, ainsi que cela ressort notamment du compte-rendu de la réunion du 3 février 2000 dans lequel il est indiqué que le représentant du Crédit Lyonnais considère que les montants finalement retenus pour deux CSC (la commission sur chèque circulant et celle concernant les demandes de télécopie) lui apparaissent sous-estimés.

387. Ainsi, la création des huit CSC a substitué à des profils de coûts diversifiés une charge financière uniforme, commune à toutes les banques, pour chaque service connexe. L'accord multilatéral en cause a donc limité la liberté des banques de déterminer de manière indépendante et individuelle le niveau des CSC en fonction de leurs coûts et, indirectement, les prix et autres conditions des services fournis à leurs clients.

388. Dans sa décision GSA, précitée, la Commission avait considéré que la commission multilatérale uniforme en cause avait pour objet de restreindre la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE en ce qu'"elle limite la liberté des banques qui sont parties à l'accord de fixer le niveau d'une commission éventuelle pour le traitement des virements à communication structurée dans le cadre de négociations bilatérales" (considérant 48). De même, dans sa décision du 19 juillet 1989, Banques néerlandaises, la Commission avait estimé que l'accord instaurant une commission interbancaire uniforme, payable par la banque de l'encaissement à la banque débitrice pour certains types de virements réalisés par l'emploi d'un formulaire spécifique était restrictif de concurrence, dès lors qu'il "limite les possibilités pour les banques concernées de convenir bilatéralement des remboursements de frais d'une manière plus favorable et donc également d'utiliser de manière optimale tous les moyens, dont elles auraient pu disposer en l'absence de cet accord, pour obtenir dans leurs relations bilatérales avec d'autres banques des conditions aussi favorables que possible et en faire bénéficier leurs clients. Pour les services se rapportant aux virements en question, ceci restreint indirectement la concurrence entre les banques concernées pour s'attirer la faveur des clients" (considérant 56).

389. Il ressort de ce qui précède que l'accord ayant consisté à fixer les CSC à un niveau uniforme comporte un objet restrictif de la concurrence. Ce n'est qu'au stade de l'exemption éventuelle de cet accord que pourra être pris en compte l'argument selon lequel un cadre multilatéral était nécessaire pour prévenir les difficultés à conduire des négociations bilatérales sur chaque commission." ;

Considérant qu'au soutien de leur recours, les requérantes, qui, pour l'essentiel, reprennent les arguments déjà soumis à l'Autorité, reprochent également à la Décision de ne pas avoir fait une correcte appréciation des principes fixés par la jurisprudence communautaire, en retenant notamment une interprétation par trop extensive de la restriction par objet ;

En ce qui concerne le droit applicable:

Considérant qu'aux termes de l'article L. 420-1 du Code de commerce, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les ententes expresses sont interdites, notamment lorsqu'elles tendent à "faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse" ; qu'en vertu de l'article 81, paragraphe 1, CE, devenu l'article 101 TFUE, les accords entre entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun sont incompatibles avec le Marché commun et interdits, notamment ceux qui consistent "à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction", étant précisé, en tant que de besoin, que les notions de restriction par objet sont identiques en droit communautaire et en droit national ;

Qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 CE, devenu 101 TFUE, que l'objet et l'effet anticoncurrentiel d'une pratique sont des conditions alternatives pour apprécier si celle-ci peut être sanctionnée en application de ces dispositions et qu'il n'est ainsi pas nécessaire d'examiner les effets d'un accord dès lors que l'objet anticoncurrentiel de ce dernier est établi; qu'il est constant que c'est de la qualification de la restriction de concurrence que dépend la charge de la preuve, la restriction par objet imposant aux entreprises de justifier des critères d'une exemption individuelle pour infirmer la présomption d'infraction qui résulte d'une restriction par objet, présumée porter préjudice au fonctionnement des marchés, l'effet potentiel des autres restrictions devant être prouvé ;

Que, par ailleurs, aux termes d'une jurisprudence communautaire constante, pour apprécier l'objet anticoncurrentiel d'un accord, il convient de s'attacher notamment à la teneur de ses stipulations, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère; qu'à cet égard, compte tenu de la présomption d'illégalité qui est attachée à certains comportements ainsi que du renversement de la charge de la preuve, il importe de rappeler avec précision les principes dégagés en la matière par la jurisprudence communautaire et en particulier, par les deux arrêts de la Cour de justice auxquels se réfère la Décision (point 334):

- "15. Il y a lieu de rappeler que, pour relever de l'interdiction énoncée à l'article 81, paragraphe 1, CE, un accord doit avoir "pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun". Selon une jurisprudence constante depuis l'arrêt du 30 juin 1966, LTM (56/65, Rec. p. 337, 359), le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction "ou", conduit d'abord à la nécessité de considérer l'objet même de l'accord, compte tenu du contexte économique dans lequel il doit être appliqué. Au cas cependant où l'analyse des clauses de cet accord ne révélerait pas un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence, il conviendrait alors d'en examiner les effets et, pour le frapper d'interdiction, d'exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint ou faussé de façon sensible.

16. Pour apprécier si un accord est prohibé par l'article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération de ses effets concrets est donc superflue lorsqu'il apparaît que celui-ci a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun (arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429, 496, ainsi que du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Verenigingvoor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C-105/04 p, Rec. p. 1-8725, point 125). Cet examen doit être effectué à la lumière du contenu de l'accord et du contexte économique dans lequel il s'inscrit (arrêts du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et RheinzinklCommission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 26, ainsi que du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C-551/03 P, Rec. p. 1-3173, point 66)."

(arrêt de la Cour de justice du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C-209/07)

-"55. En premier lieu, il convient de rappeler que l'objet et l'effet anticoncurrentiel d'un accord sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives pour apprécier si un tel accord relève de l'interdiction énoncée à l'article 81, paragraphe 1, CE. Or, selon une jurisprudence constante depuis l'arrêt du 30 juin 1966, LTM (56/65, Rec. p. 337), le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction "ou", conduit à la nécessité de considérer en premier lieu l'objet même de l'accord, compte tenu du contexte économique dans lequel il doit être appliqué. Au cas cependant où l'analyse de la teneur de l'accord ne révélerait pas un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence, il conviendrait alors d'en examiner les effets et, pour le frapper d'interdiction, d'exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible. Il ressort également de la jurisprudence qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les effets d'un accord dès lors que l'objet anticoncurrentiel de ce dernier est établi (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8/08, non encore publié au Recueil, points 28 et 30).

57. Il convient, par conséquent, de vérifier si l'appréciation du Tribunal quant à l'existence d'un objet anticoncurrentiel de l'accord, telle que mentionnée aux points 41 à 46 du présent arrêt, est conforme aux principes dégagés par la jurisprudence en la matière.

58. À cet égard, il y a lieu de souligner que, selon une jurisprudence constante, pour apprécier le caractère anticoncurrentiel d'un accord, il convient de s'attacher notamment à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère (voir, en ce sens, arrêts du 8 novembre 1983, IAZ International Belgium e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, point 25, ainsi que du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C-209/07, non encore publié au Recueil, points 16 et 21).En outre, bien que l'intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d'un accord, rien n'interdit à la Commission ou aux juridictions communautaires d'en tenir compte (voir, en ce sens, arrêt IAZ International Belgium e.a./Commission, précité, points 23 à 25)"

(arrêt de Cour de justice du 6 octobre 2009, Glaxo Smith Kline Services/Commission, C-501/06 P, C-513/06 P, C-515/06 P et C-519/06 P) ;

Considérant qu'ainsi que l'a rappelé la CJUE (CJUE 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8/08): "L'article 81 CE produit des effets directs dans les relations entre les particuliers et engendre des droits dans le chef des justiciables que les juridictions nationales doivent sauvegarder. Il constitue une disposition d'ordre public, indispensable à l'accomplissement des missions confiées à la Communauté européenne, qui doit être appliqué d'office par les juridictions nationales. Partant, lors de l'application de l'article 81 CE, l'interprétation qui en est donnée par la cour est contraignante pour l'ensemble des juridictions nationales des Etats membres" ;

Considérant qu'il convient encore de mentionner précisément le cadre analytique défini par les lignes directrices de la Commission concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité (2004/C 101/08) pouvant servir de référence au cas d'espèce qui, en ce qui concerne les principes fondamentaux d'appréciation des accords en vertu de l'article 81, paragraphe 1 du traité énonce:

"20. Cette distinction entre les accords ayant pour objet et ceux ayant pour effet de restreindre la concurrence est importante. Dès lors qu'il a été établi qu'un accord a pour objet de restreindre la concurrence, il n'est pas nécessaire de tenir compte de ses effets concrets. En d'autres termes, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, il n'est pas nécessaire de prouver qu'un accord a eu des effets anticoncurrentiels, dès lors qu'il a pour objet de restreindre la concurrence. L'article 81, paragraphe 3, en revanche, n'opère aucune distinction entre les accords ayant pour objet de restreindre la concurrence et les accords ayant pour effet de restreindre la concurrence. L'article 81, paragraphe 3, s'applique tous les accords emplissant les quatre conditions énoncées à cet article.

21. Les accords ayant pour objet de restreindre le jeu de la concurrence sont ceux qui, par nature ont la capacité de le faire. Il s'agit de restrictions qui, au regard des objectifs poursuivis par les règles communautaires de concurrence, sont tellement susceptibles d'avoir des effets négatifs sur la concurrence, qu'il est inutile, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, de démontrer qu'elles ont des effets concrets sur le marché. Cette présomption repose sur la gravité de la restriction et sur l'expérience qui montre que les restrictions de concurrence par objet sont susceptibles d'avoir des effets négatifs sur le marché et de mettre en péril les objectifs poursuivis par les règles communautaires de concurrence. Les restrictions de concurrence par objet, comme la fixation des prix et le partage du marché, entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant ainsi à une mauvaise répartition des ressources parce que les biens et services demandés par les clients ne sont pas produits. Elles provoquent aussi une réduction du bien-être des consommateurs, en raison des prix plus élevés que ceux-ci doivent payer pour se procurer ces biens et services.

22. La question de savoir si un accord a pour objet de restreindre la concurrence ou non est fonction d'un certain nombre de facteurs, notamment de la teneur de l'accord et de ses buts objectifs. Il peut également s'avérer nécessaire d'examiner le contexte dans lequel il est (doit être) appliqué ainsi que la conduite de comportement effectif des parties sur le marché. En d'autres termes, avant de pouvoir déterminer si une restriction donnée a pour objet de restreindre la concurrence, il peut s'avérer nécessaire d'examiner les faits sur lesquels repose l'accord ainsi que les circonstances spécifiques dans lesquelles il fonctionnera. Il arrive que les modalités concrètes de mise en œuvre d'un accord révèlent une restriction par objet, alors que celle-ci n'est pas expressément stipulée dans l'accord. La preuve de l'intention subjective des parties de restreindre la concurrence est un facteur important, mais pas une condition nécessaire.

23. Les règlements d'exemption par catégorie, lignes directrices et communications communautaires donnent une idée de ce qui constitue les restrictions par objet. En règle générale, la Commission considère comme restriction par objet celles qui sont interdites dans les règlements d'exemption par catégorie ou sont définies comme étant des restrictions caractérisées dans les lignes directrices et communications. Dans le cas des accords horizontaux ayant pour objet de restreindre la concurrence, les restrictions comprennent la fixation des prix, la limitation de la production, et le partage des marchés et de la clientèle. Dans le cas des accords verticaux, la catégorie des restrictions par objet comprend notamment l'imposition de prix de revente fixes et de prix de revente minimaux et des restrictions assurant une protection territoriale absolue, dont celles qui portent sur les ventes passives." ;

Considérant que, selon la Commission, les caractéristiques cumulatives d'une restriction par objet tiennent ainsi tant aux effets négatifs potentiels sur la concurrence et à la gravité de ces effets qu'à l'expérience qui justifie la présomption de tels effets et à la haute probabilité que ces effets se produisent, étant précisé, s'agissant de l'expérience requise au cas d'espèce, qu'il reviendra à la cour, après l'Autorité, de vérifier, après analyse de la nature des commissions en cause, dans quelles conditions il peut être fait référence à la pratique décisionnelle des autorités de concurrence nationales et communautaires en matière de commissions interbancaires multilatérales;

Considérant, enfin, que, de son côté, l'Autorité de la concurrence a notamment précisé, dans son rapport 2009 - Etude thématique consacrée à l'appréciation concurrentielle du contrat restrictif par objet ou par effet - que "La différence entre les accords ayant un objet anticoncurrentiel et ceux ayant des effets anticoncurrentiels ne concerne pas l'appréciation de l'accord, appréciation économique dans tous les cas, mais la charge de la preuve: les restrictions par objet sont présumées porter préjudice au fonctionnement des marchés; l'effet, au moins potentiel, des autres restrictions doit être prouvé" et que "Le contrat est (..) apprécié par les autorités de la concurrence et les juridictions de contrôle d'un point de vue concurrentiel qu'il soit sanctionné en raison de la nocivité qu'il apporte à la concurrence par son objet ou par ses effets. Il s'agit d'une appréciation à la fois objective, qui ne s'attache pas la volonté subjective des parties contractantes, et générale, qui n'est pas limitée aux termes contractuels, mais étendue à son contexte juridique et économique " ;

En ce qui concerne l'existence au cas d'espèce d'une restriction par objet:

Considérant, à titre liminaire, concernant spécialement le contexte économique et juridique dans lequel s'inscrivent les accords, que sa prise en compte doit s'opérer dans certaines limites qui ont notamment été rappelées par l'avocat général Mme Trstenjak dans ses conclusions sous l'arrêt BIDS, auxquelles se réfère utilement la Décision (point 349):

"Cette règle doit être prise au sérieux, mais il serait erroné de la comprendre comme une porte ouverte à tous les éléments susceptibles de jouer en faveur de la compatibilité d'un accord avec le Marché commun. En réalité, il ressort de la structure de l'article 81 CE que les éléments de contexte juridique et économique qui entrent en ligne de compte au titre de l'article 81, paragraphe 1, CE sont uniquement ceux qui sont de nature à faire douter de l'existence d'une restriction de la concurrence" (point 48) ;

Considérant qu'il s'agit ainsi seulement de prendre en compte les éléments objectifs principaux de ce contexte et non, à cette occasion, de procéder à une analyse concrète et détaillée des effets ; que c'est d'ailleurs dans cette optique que la Cour de justice (arrêt de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C-8/08) a relevé, dans le point 31 de cet arrêt qui ne peut se lire qu'à la lumière du point 29 de l'arrêt - "la distinction entre infraction par objet et infraction par effet tient à la circonstance que certaines formes de collusion entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence" - que dans le cas d'un accord ayant un objet anticoncurrentiel, il n'est pas nécessaire de procéder à une analyse concrète et détaillée des effets:

"S'agissant de l'appréciation de l'objet anticoncurrentiel d'une pratique concertée, telle que celle en cause dans le litige au principal, il importe de rappeler, en premier lieu, que, ainsi que l'a relevé Mme l'avocat général au point 46 de ses conclusions, pour avoir un objet anticoncurrentiel, il suffit que la pratique concertée soit susceptible de produire des effets négatifs sur la concurrence. En d'autres termes, elle doit simplement être concrètement apte, en tenant compte du contexte juridique économique dans lequel elle s'inscrit, à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence au sein du Marché commun. La question de savoir si et dans quelle mesure un tel effet se produit réellement ne peut avoir d'importance que pour calculer le montant des amendes et évaluer les droits à des dommages et intérêts" (point 31) ;

Considérant, enfin, que la prise en compte du contexte économique et juridique ne peut, en principe, servir qu'à discuter, dans un cas donné, la qualification de restriction par objet et non l'inverse;

Considérant que la portée et les limites du cadre analytique s'appliquant au contexte juridique et économique à rechercher en ce qui concerne la qualification de restriction par objet ayant ainsi été précisées, il ressort des précédents développements consacrés au simple rappel objectif des pratiques dénoncées, qu'au cas d'espèce, une analyse, même sommaire, de ce contexte, doit être étendue au-delà des seuls éléments retenus par la Décision, qui ne concernent que la coordination des banques pour l'organisation des systèmes de paiement ainsi que la gratuité de la délivrance des formules de chèques;

Considérant, en effet, qu'il est constant que deux tentatives de dématérialisation de la compensation des chèques interbancaires avaient déjà échoué, la première en 1988 et la seconde en 1991, notamment en raison de la résistance de certaines banques à la perspective d'une perte de recettes de trésorerie; qu'en 1999, le passage du franc à l'euro, impliquant la création d'un circuit de compensation des chèques en euro, coexistant temporairement avec l'ancien circuit de compensation des chèques en francs, constituait une occasion de dépasser les obstacles et désaccords subsistants et de moderniser le système d'échange des chèques; que les représentants de la Banque de France ont indiqué, dans leur audition du 1er juillet 2008, qu'en l'absence de dématérialisation du système de compensation, il aurait fallu "dupliquer le système d'échange papier pour le besoin des chèques en euro, ce qui aurait été à la fois onéreux et complexe"; que, dans son avis du 22 mai 2008, la Commission bancaire évoque ainsi l'opportunité que représentait le passage à l'euro: "La Commission bancaire souhaite tout d'abord rappeler le contexte qui a présidé à la mise en œuvre de l'Echange d'Images Chèques. Il s'agissait d'un enjeu politique majeur, soutenu activement par l'ensemble des pouvoirs publics dans le cadre du passage à l'euro. Comme le souligne la notification de griefs (...), plusieurs tentatives de dématérialisation de l'échange des formules de chèques avaient déjà échoué par le passé. Le passage à l'euro constituait ainsi une opportunité de faire réussir ce projet en même temps qu'il le rendait plus nécessaire encore" ;

Considérant, concernant les procédures requises pour la mise en place du nouveau système de règlement interbancaire découlant de l'EIC, qu'il est également constant qu'il ne pouvait qu'être "institué par une autorité publique ou (...) être régi par une convention-cadre respectant les principes généraux d'une convention-cadre de place ou par une convention type", conformément aux dispositions de l'article L. 330-1 du Code monétaire et financier; que le passage à l'EIC dans le cadre d'une convention-cadre interbancaire ne pouvait ainsi être décidé qu'à l'unanimité des banques participant au circuit dématérialisé de traitement des chèques, comme le confirme la Commission bancaire dans son avis du 22 mai 2008: "Un tel projet, nécessairement interbancaire, devait recueillir l'accord de l'ensemble de la place pour être mené à bien" ; que, comme l'observe la Décision (point 426), si un système de compensation dématérialisé n'impliquant qu'une partie des établissements bancaires était théoriquement envisageable, la coexistence d'un tel système avec l'ancien système de compensation manuel aurait manifestement engendré des coûts de fonctionnement très élevés, rendant peu probable la conclusion d'un accord pour mettre en œuvre cette solution de consensus; qu'il en résulte que, comme le constate d'ailleurs la Décision, à la date des négociations de la CIR, les banques étaient fortement incitées à s'accorder sur les conditions de la mise en place du système dématérialisé de compensation interbancaire des chèques, même si la possibilité, en cas de blocage des négociations, d'instituer l'EIC par la voie d'un texte réglementaire d'origine gouvernementale, option qui n'était pas exclue par le Code monétaire et financier, n'avait cependant pas été formellement envisagée;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les banques ne peuvent être utilement contredites lorsqu'elles affirment qu'en pratique, l'accord ne pouvait, dans, un tel contexte, être que le résultat d'un consensus de place; qu'il ne peut ainsi être sérieusement contesté, d'une part, que, compte tenu du nombre des établissements bancaires concernés et de la divergence de leurs intérêts, la fixation d'une compensation sur une base strictement bilatérale se heurtait à l'impossibilité concrète de négocier une multitude d'accords bilatéraux, négociation qui aurait par surcroît été la source d'importants coûts de transaction et, d'autre part, qu'il n'était pas possible, concrètement et pratiquement, concernant spécialement les CSC, de se mettre d'accord sur les modalités de calcul de chaque commission en fonction de paramètres variant d'une banque à l'autre sans effectuer, en infraction avec le droit de la concurrence, un échange d'informations sensibles entre concurrentes; qu'à cet égard, il est établi par le dossier et d'ailleurs admis par l'Autorité elle-même dans la Décision, non seulement que les banques, à partir du moment où ont vu le jour des antagonismes marqués, tels qu'ils ressortent du rapport du groupe de travail restreint et des comptes-rendus des réunions de la CIR exprimés au sein de la CIR, ont activement recherché un compromis pour permettre le passage à l'EIC, fût-il imparfait; qu'au surplus, concernant le contexte de l'accord, il est établi par le dossier que la Banque de France, autorité de tutelle des établissements bancaires, a pris une part très active à la recherche puis à l'obtention du compromis constitué par les commissions visées par la notification des griefs; que, dans son avis précité du 22 mai 2008, la Commission bancaire confirme d'ailleurs que "la mise en place des différentes commissions interbancaires, dont, pour une période transitoire, la commission d'échange image-chèque, a été déterminante dans la réussite de ce projet d'intérêt national" ; que la Décision relève d'ailleurs, certes au stade ultérieur de la gravité des pratiques, mais sans retirer pour autant à cette circonstance la caractéristique d'élément important du contexte des pratiques à prendre en considération, que la mise en œuvre de l'EIC, projet d'intérêt général, a été activement soutenue par la Banque de France et que si, aux yeux de l'Autorité, le rôle de celle-ci n'est pas suffisant pour caractériser l'existence d'une contrainte de nature à exonérer les parties à l'entente de leur responsabilité, il n'en demeure pas moins que la Banque de France, autorité de tutelle des établissements bancaires, a exercé un important rôle d'influence pour parvenir à la conclusion de l'accord, en proposant notamment un compromis quant au montant et à la durée de la CEIC ;

Considérant qu'il importe de rappeler ensuite avec précision les objectifs de l'accord ayant institué les commissions incriminées, ainsi replacé dans le contexte dans lequel il s'inscrit, ainsi que sa teneur ;

Considérant, concernant les stipulations de l'accord incriminé et les objectifs poursuivis, qu'il ressort des éléments du dossier ci-dessus rappelés, que les stipulations de cet accord, qui portent sur les conditions interbancaires du passage à l'EIC, constituent une composante de l'accord global relatif au passage à l'EIC dont elles sont indissociables; que la CEIC et les CSC étaient ainsi directement liées au nouveau système dématérialisé d'échange des chèques, projet d'intérêt général neutre au regard du droit de la concurrence et par surcroît constitutif d'un indéniable progrès technique et économique pour tous les opérateurs et acteurs concernés, et cela dès le déploiement du nouveau système EIC, le 1er janvier 2002; qu'en effet, l'adoption d'un système de compensation dématérialisé entraînait une amélioration de l'efficacité des circuits de recouvrement et une accélération des délais d'encaissement des chèques, ce que la Commission bancaire a elle-même confirmé dans son avis du 22 mai 2008, en soulignant que cette accélération "recherchée et obtenue par la mise en place de l'EIC, s'accompagne d'une meilleure efficacité globale de la fonction d'encaissement et d'une réduction de ses coûts due à la réduction des manipulations nécessaires, dont bénéficie l'ensemble des clients du système bancaire, et l'apurement plus rapide des comptes de passage. Cela est une source d'importantes économies pour l'ensemble des acteurs économiques et permet une gestion plus active de la trésorerie des entreprises" ; que l'accélération des délais d'encaissement des chèques résulte, d'une part, de la mise en place d'une chambre de compensation dématérialisée unique et donc de la disparition de la catégorie des chèques "hors place", dont le délai de règlement interbancaire était de trois jours ouvrés après la date d'échange, soit deux jours de plus que celui des chèques "sur place", et, d'autre part, du choix des banques de fixer l'heure d'arrêté de la journée d'échange (HAJE) à 18 h avec une date de règlement interbancaire à J+ 1, ce qui a permis de réduire l'écart entre la date de remise des chèques à la banque et la date de leur échange ; que lors des négociations de la CIR, les banques ont considéré que l'accélération du délai de règlement interbancaire serait comprise entre 1,1 et 1,6 jour ouvré, et retenu une estimation moyenne de 1,4 jour ouvré; que si la Banque de France et les banques étaient en droit d'en attendre, globalement, une réduction de leurs coûts, les clients remettants étaient également appelés à bénéficier d'une économie de coûts du fait de la simplification de l'opération de remise de chèques de même que le passage à l'EIC s'est accompagné d'une amélioration des services pour les clients; qu'ainsi que le souligne la Commission bancaire dans son avis précité, le développement de l'EIC a permis d'assurer une plus grande sécurité pour les établissements de crédit et leur clientèle, la fin de la circulation des chèques supprimant une grande partie des risques de perte ou de vol, ainsi qu'une plus grande efficacité de la lutte anti-blanchiment, leur numérisation ayant facilité le contrôle a posteriori des chèques;

Considérant encore qu'il n'est ni contesté ni contestable que l'accélération des mécanismes de compensation interbancaire résultant de la mise en place de l'EIC modifiait de manière très substantielle les équilibres de trésorerie qui existaient jusqu'alors entre les banques remettantes et les banques tirées, au détriment de ces dernières et que l'institution d'une commission interbancaire telle que la CEIC était précisément destinée, en l'état des données dont les parties à l'accord et l'autorité de tutelle disposaient alors, à compenser les pertes de trésorerie générées par l'accélération du traitement des chèques; que s'il résulte des différents documents de travail de la CIR que les banques ont envisagé un délai de règlement interbancaire allongé comme solution alternative à l'instauration de la CEIC, les banques ne peuvent pour autant être sérieusement contredites lorsqu'elles affirment qu'un délai de règlement interbancaire à J+2 était difficilement acceptable, vis-à-vis notamment de leurs clients, dans la mesure où, à la différence de la solution retenue prévoyant la création de la CEIC, il aurait privé les utilisateurs du système du chèque de l'accélération techniquement permise par la dématérialisation des échanges ;

Considérant que concernant l'autre enjeu économique du passage à l'EIC constitué par la recherche de la cohérence entre les différents moyens de paiements, il est constant que la légitime préoccupation de ne pas rendre le chèque, "instrument papier" plus attractif que d'autres moyens paiement automatisés moins coûteux a été également prise en compte par le groupe de travail restreint de la CIR au soutien du principe de création d'une commission interbancaire ;

Considérant que l'accord interbancaire conclu au sein de la CIR révèle que l'instauration des commissions critiquées par la notification des griefs poursuivait alors, en 1999 et 2000, un objectif économique légitime, d'ailleurs consacré comme tel par la Banque de France et par la Commission bancaire ;

Considérant, concernant spécialement les modalités concrètes de détermination du montant de la CEIC, qu'il est établi par le dossier que cette commission interbancaire multilatérale qui poursuivait un objectif compensatoire et qui est le fruit d'un compromis, ne reposait pas exclusivement sur des calculs précis et définitifs; qu'à cet égard, ainsi que la Décision le relève elle-même dans des développements consacrés au bilan économique du passage à l'EIC qui, s'ils sont intervenus dans le cadre de l'examen de l'exemption, ne relatent pas moins des circonstances objectives qui peuvent entrer en ligne de compte pour l'analyse des stipulations critiquées de l'accord en ce qui concerne les commissions et en particulier la CEIC que, lorsqu'elles ont pris part aux réunions de la CIR, les banques n'ont probablement pas réalisé, à titre individuel, un bilan reposant sur des hypothèses économiques aussi précises que celles qui ont été recueillies au cours de l'instruction du dossier et que, nuançant ses conclusions sur ce bilan (point 521 de la décision) en ce qui concerne les gains et les pertes des banques majoritairement tirées en volume, d'une part, et les banques majoritairement remettantes, d'autre part, l'Autorité estime qu'à la date à laquelle elles ont décidé de la création de l'EIC, les banques étaient placées dans une situation d'incertitude concernant les conséquences précises, pour elles ou pour leurs concurrentes, du passage à l'EIC ; qu'au surplus, la Décision constate, à juste titre, que les incidences de la réforme au niveau interne de chaque banque, telles que les gains de productivité permis par le système, ne relevaient pas de la mission de la CIR, et ne pouvaient être pris en compte sans procéder à l'échange d'informations sensibles entre concurrents; que, dans ces conditions les banques ne peuvent être utilement contredites lorsqu'elles affirment que le caractère compensatoire de la CEIC et son caractère temporaire expliquent le montant forfaitaire de cette commission, fruit d'un compromis et non résultat d'un calcul arithmétique;

Considérant que les CSC, qui sont également des commissions interbancaires multilatérales, sont destinées à rémunérer un service nouvellement rendu par une catégorie de banques à une autre et à assurer la compensation d'un transfert de charges; qu'il suffit de rappeler:

- que la dématérialisation du système de compensation supposait, afin de réduire le coût de traitement des chèques, d'arrêter la circulation physique des chèques le plus tôt possible, en l'occurrence au niveau de la banque remettante; que, dès lors, certaines charges, telles que l'archivage des chèques, auparavant assumées par les banques tirées étaient transférées aux banques remettantes, les CSC ayant précisément pour objet de compenser ce transfert de charges ;

- que, par ailleurs, la dématérialisation des chèques entraînait la création de nouvelles charges pour les banques, telles que le traitement des rejets d'images-chèques et des demandes de télécopie adressées par le banquier tiré au banquier remettant, ou encore le traitement des annulations d'opérations compensées à tort via le SIT ; qu'afin d'assurer le bon fonctionnement du système EIC, il apparaissait donc nécessaire que les banques prenant part aux opérations de compensation s'accordent sur les modalités de répartition des frais ou de compensation des services rendus par l'une d'entre elles à une autre ;

- que les CSC ont pour objet de compenser les coûts engagés par une banque à raison d'une opération initiée par un autre établissement bancaire ou par son client, et donc de transférer la charge financière d'une opération aux personnes à l'origine de la transaction en cause; qu'une telle allocation permet notamment d'inciter les acteurs du système de paiement par chèque à éliminer les erreurs ou les incidents de paiement dont ils sont à l'origine, puisqu'ils doivent en assumer la charge financière, et, partant, à encourager une utilisation efficiente de ce moyen de paiement ;

Considérant que l'accord qui a institué la CEIC et les CSC qui viennent d'être analysées était, sans équivoque, un accord à caractère transitoire, tant sur le principe que sur le niveau des commissions critiquées, dès lors que les conditions interbancaires du passage à l'EIC ont été fixées pour une durée de trois ans à partir du 1er janvier 2002 et jusqu'au 31/12/2004, et que les parties à l'accord devaient se réunir à l'automne 2004 pour fixer les conditions qui seront applicables à partir du 1/1/2005 "sur la base d'un bilan des 3 ans écoulés et de l'évolution constatée des équilibres par rapport aux équilibres actuels" ;

qu'une telle stipulation était en effet cohérente, notamment au regard de la recherche manifeste d'un compromis sur un système de transition permettant, notamment, d'absorber progressivement le déséquilibre de trésorerie induit par l'EIC et, plus généralement, au regard d'une recherche de cohérence entre les différents moyens de paiement procédant de la mise en place du nouveau système de chèque avec EIC, "pour tenir compte des évolutions qui seront intervenues tant chez les établissements que dans les infrastructures (STET) et les pratiques de place concernant l'image-chèque." ;

Considérant qu'il est vrai que les banques ne se sont pas réunies à la fin de l'année 2004 pour réexaminer les conditions instaurées en 2000 pour le passage à l'EIC et que la suppression de la CEIC n'est intervenue que dans le contexte de l'enquête lancée par les services du Conseil de la concurrence, quelques mois avant la notification des griefs en date du 14 mars 2008 et que cette commission, prélevée à compter du 1er janvier 2002, n'a finalement été supprimée que le 4 octobre 2007, avec effet rétroactif au 1er juillet 2007, étant observé que les banques n'ont, sur ces points, fourni aux services d'instruction de l'Autorité que des explications assez évasives (point 529 de la Décision) ; qu'il est également constant que les établissements qui participaient à la CIR ont créé, le même jour, un groupe de travail pour assurer, selon les modalités prévues par la convention professionnelle EIC du 9 juillet 2003, l'examen des CSC instituées à l'occasion du passage à l'EIC, à l'exception des commissions pour annulation d'opérations compensées à tort (AOCT) puis que, lors de la réunion du comité plénier du groupe de travail en date du 27 novembre 2007, les participants ont décidé la révision des CSC selon des modalités qui ont été rappelées et que les participants ont également convenu d'une révision périodique des CSC selon des modalités qui ont également été décrites;

Considérant, cependant, qu'au-delà de ces événements, postérieurs à l'accord, il n'en demeure pas moins qu'eu égard à la décision de l'Autorité de retenir, en définitive, la qualification de restriction de concurrence par objet, l'analyse des pratiques anticoncurrentielles imputées aux requérantes doit, dans un tel cadre, se limiter aux caractéristiques de l'accord qui a instauré les commissions litigieuses à la date à laquelle il a été constaté, le 3 février 2000, lors de la réunion de la CIR, caractéristiques qui sont bien celles d'un accord mettant en place un système de transition appelé à fonctionner pendant une période limitée à trois ans puis, à l'expiration de cette période, à faire l'objet d'un bilan ;

Considérant que s'inscrivant indiscutablement dans le cadre de la négociation d'un projet d'intérêt général activement soutenu par l'autorité de tutelle des banques qui a exercé un important rôle d'influence pour parvenir à sa conclusion, l'accord transitoire obtenu au sein de la CIR qui a institué les commissions incriminées par la notification des griefs, ne peut, ainsi que le constate la Décision (points 647 à 657), être assimilé à un cartel secret; que, limité, dans son principe, aux relations interbancaires et n'ayant pas pour objet de fixer un tarif commun des prestations fournies aux clients des banques et par surcroît ne prévoyant pas de répercussion sur leurs clients du montant des commissions versées, cet accord ne constitue pas, ainsi que le relève la Décision, une entente sur les prix finaux ;

Considérant, à ce stade, qu'il convient de relever qu'au regard de la nécessité, mentionnée par la Commission dans ses lignes directrices précitées, de rechercher, pour déterminer la qualification de restriction par objet, l'existence d'une expérience établie dont il résulterait qu'une pratique déterminée a nécessairement un effet anticoncurrentiel et, dès lors, dans un tel cadre, d'analyser dans ce dossier la pratique décisionnelle des autorités de concurrence en matière de commissions interbancaires multilatérales, la situation examinée en l'espèce est incontestablement inédite, dans la mesure où ces autorités ne se sont pas déjà prononcées sur des commissions interbancaires multilatérales ayant une nature similaire ou à tout le moins comparable à la CEIC ou aux CSC, par surcroît instituées dans les conditions très particulières d'un système de transition assurant le passage à l'EIC et dont les développements qui précèdent suffisent à établir la spécificité et, sans nul doute, à tout le moins en ce qui concerne la CEIC, la relative complexité ;

Considérant que la Décision admet l'absence de précédent;

Que, pour nuancer un tel constat, la décision rappelle (points 335 à 348) que les commissions incriminées peuvent, quant à certaines de leurs caractéristiques, être assimilées aux commissions visant à répartir les coûts de fonctionnement des systèmes de paiement et observe que, si la Commission ne s'est pas fondée spécifiquement sur l'objet anticoncurrentiel d'une commission interbancaire multilatérale pour la déclarer contraire aux stipulations du traité CE, le raisonnement qu'elle a suivi dans certaines affaires n'est en aucun cas exclusif d'une telle qualification ; qu'elle relève ainsi, notamment, que c'est au regard de ce critère de la limitation de la liberté tarifaire des banques que des commissions interbancaires multilatérales de différentes nature ont été qualifiées de restrictions de la concurrence par la Commission européenne et le Conseil de la concurrence dans le cadre de leur pratique décisionnelle; que la Décision se réfère ainsi:

- aux commissions interbancaires visant à répartir les coûts communs de fonctionnement d'un système de paiement; que, dans sa décision du 8 septembre 1999, OSA, la Commission européenne a examiné une commission versée par la banque du bénéficiaire (banque créditrice) à la banque du client (banque débitrice), afin de couvrir partiellement les frais liés au traitement des formules de virement par la banque débitrice ; que la Commission a fait application des principes dégagés dans sa communication de 1995 en considérant que la commission interbancaire multilatérale en cause avait pour objet de restreindre la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, car elle limitait la liberté des banques parties à l'accord de fixer le niveau d'une commission éventuelle pour le traitement des virements à communication structurée dans le cadre de négociations bilatérales ; que la Commission a souligné que la pratique montrait que les négociations bilatérales sur les commissions interbancaires pour le traitement électronique des virements à communication structurée étaient techniquement possibles et avaient été mises en œuvre par le passé; que, par ailleurs, elle a considéré que la commission interbancaire avait un effet restrictif de la concurrence dès lors qu'elle servait en fait de "plancher" pour l'établissement des tarifs applicables aux clients ;

- aux commissions interbancaires multilatérales visant à optimiser le fonctionnement de différents systèmes de cartes de paiement ; que, dans sa décision du 24 juillet 2002, Visa, la Commission a examiné une commission versée en l'absence d'accord bilatéral par la banque acquéreuse à la banque émettrice pour chaque transaction par carte de paiement Visa, dont l'objectif était d'optimiser le fonctionnement du système de cartes de paiement Visa en corrigeant le déséquilibre entre les coûts liés à l'émission et à l'acquisition et les revenus procurés respectivement par les titulaires de cartes et par les commerçants; que la Commission a considéré que l'accord sur la commission multilatérale d'interchange n'avait pas "pour objet de restreindre la concurrence étant donné que, dans le cadre d'un système de paiement quadripartite tel que celui de Visa, un accord de ce type a pour objectif d'accroître la stabilité et l'efficacité de fonctionnement dudit système (...) et, indirectement, de renforcer la concurrence entre systèmes de paiement en permettant ainsi aux systèmes quadripartites de concurrencer plus efficacement les systèmes tripartites" (considérant 69) ; que la Commission a, en revanche, retenu l'existence de deux types de restriction par effet : une restriction de la concurrence entre les systèmes de paiement (Visa, Mastercard, ...) et une restriction de la concurrence qui s'exerçait parmi les banques émettrices et acquéreuses ; que, dans sa décision du 19 décembre 2007, Mastercard, précitée, la Commission n'a pas tranché la question de savoir si les commissions multilatérales d'interchange en cause étaient restrictives de la concurrence par objet, dès lors qu'il était clairement établi qu'elles avaient des effets anticoncurrentiels ; que la Commission n'a cependant pas exclu l'existence d'une restriction par objet, dès lors que les CMI avaient pour conséquence la fixation des prix: "Le fait que les CMI déterminent généralement un niveau plancher pour les prix que les commerçants doivent acquitter pour l'acceptation des cartes de paiement est (...) une indication que les CMI de Mastercard ont probablement, par leur nature, le potentiel de fixer les prix" (considérant 405) ; que l'existence d'un prix plancher n'était pas contesté en l'espèce par MasterCard qui avait déclaré que les CMI "constituaient un moyen de "corriger" les prix qui, dans le cas contraire, seraient fixés de part et d'autre de son système par des "relations de concurrence indépendantes entre les émetteurs et entre les acquéreurs" (considérant 406) ;

Que la Décision rappelle enfin que, dans la perspective de la mise en place d'un système unifié de paiements en Europe (SEPA), la Commission a analysé les commissions multilatérales d'interchange sur les marchés de prélèvement; qu'elle a relevé que celles-ci étaient similaires aux commissions prélevées sur les marchés des cartes de paiement telles que les CMI ayant donné lieu à la décision Mastercard ; que sans préjudice d'une future évaluation au cas par cas des CMI appliquées dans le cadre du prélèvement SEPA, la Commission a indiqué: "Comme les CMI fixent typiquement un niveau plancher en dessous des tarifs que les banques font payer aux entreprises, elles constituent une restriction de la concurrence par objet car, de par leur nature même, elles sont susceptibles de restreindre la concurrence. Elles peuvent aussi constituer une restriction par effet" (point 12) ; qu'elle a également souligné que : "[du point de vue de l'évaluation dans le cadre du droit de la concurrence, la question pertinente est de savoir si une commission multilatérale d'interchange déterminée peut faire l'objet d'une exemption en vertu de l'article 81, paragraphe 3, du traité CE" (point 14) ;

Considérant que, ces précisions étant apportées, la Décision relève, pour qualifier la CEIC de restriction par objet, que, alors que l'objectif essentiel du droit de la concurrence consiste à ce que tout opérateur économique détermine de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché, la création de cette commission a pour objet de restreindre la liberté de chaque banque de définir individuellement sa politique tarifaire et fait obstacle à la libre fixation des prix sur le marché du chèque, en favorisant artificiellement leur hausse du côté de la remise et leur baisse du côté de l'émission ;

Considérant que l'analyse par la Décision des restrictions de concurrence sur le marché de la remise de chèques repose sur le fait que la création de la CEIC ayant introduit un élément de coût uniforme pour les banques remettantes, qui n'existait pas dans l'ancien système de compensation des chèques interbancaires, les banques remettantes ont ainsi subi une hausse artificielle de leurs charges d'exploitation affectant le bilan de chaque opération de remise et que les banques, comme toute entreprise, devant nécessairement couvrir leurs coûts, il y a lieu de présumer qu'une telle hausse était susceptible de produire deux types d'effets: la limitation de l'offre de remise de chèques, d'une part, et l'augmentation des prix finaux, d'autre part ;

Considérant, cependant, que concernant en premier lieu la limitation potentielle de l'offre sur ce marché, qui repose sur l'hypothèse d'une absence de répercussion totale ou partielle de la CEIC sur les prix facturés par les banques remettantes à leurs clients, rien ne permet de réfuter les arguments des requérantes qui, alors que la Décision retient qu'il est envisageable qu'elles renoncent à fournir une prestation de remise de chèques, lui opposent que les banques n'ont pas, à proprement parler, de "prise" sur le marché de la remise de chèques, qui ne peut se "dissocier quantitativement" du marché de l'émission de chèques, une banque ne pouvant pas, par surcroît, cesser d'accepter les remises de chèques ; qu'au demeurant, force est de constater que la moindre rentabilité, voire le déficit, de l'activité de remise des chèques qui constituent l'élément essentiel retenu par l'Autorité au soutien de son analyse pour caractériser finalement la limitation potentielle de l'offre sur le marché considéré ne peuvent, comme la hausse des charges, se présumer et qu'à tout le moins, ils ne constituent pas à proprement parler un élément inhérent à l'institution des commissions incriminées par la notification des griefs ou en découlant directement et de manière certaine ;

Considérant que, concernant en second lieu l'influence potentielle sur les prix finaux, sur le marché de la remise de chèques, la Décision constate cette fois-ci que les banques n'étaient, certes, pas convenues de répercuter la CEIC sur leurs clients, mais oppose finalement aux mises en cause qu'elles ne peuvent pour autant dénier le caractère vraisemblable de cette répercussion et que, dans la mesure où elle augmente le coût de fourniture du service de remise de chèques, elle est susceptible d'avoir un impact sur la relation banque-client et d'entraîner une augmentation des prix facturés par les banques remettantes à leurs clients ;

Considérant, cependant, que s'agissant de la détermination d'une restriction par objet qui repose, selon les modalités qui ont été rappelées, sur une analyse de l'accord interbancaire incriminé, le caractère finalement vraisemblable ou plausible, apprécié dans la durée, de la répercussion de la CEIC sur les clients, pourtant non décidée par les banques, ne peut être un élément exclusif d'analyse; qu'au demeurant, les requérantes ne peuvent être sérieusement contredites lorsqu'elles affirment :

- que l'analyse de l'Autorité apparaît de toute façon particulièrement nuancée, dès lors que son appréciation sur l'ampleur de la possible répercussion de la CEIC sur les prix finaux est subordonnée à de nombreux facteurs, dont la politique commerciale de chaque banque remettante, le pouvoir de négociation des clients et l'intensité de la concurrence (point 371 de la Décision) ;

- que l'analyse de la répercussion partielle ou totale de la CEIC sur les prix finaux dans le cadre de l'offre globale de services (point 373 de la Décision) est par trop hypothétique ;

Considérant, par surcroît que la décision de la Commission du 8 septembre 1999 qui est intervenue dans l'affaire qui est citée par la Décision (point 370) ne peut être utilement invoquée au titre d'une pratique décisionnelle dont les éléments d'analyse seraient applicables ou transposables à la CEIC, dès lors, non seulement, que la commission en cause n'avait, ni la même nature, ni le même objet que la CEIC, mais encore, et surtout, que la Commission a considéré, élément a priori déterminant à ses yeux dans la conduite de son analyse, que la commission interbancaire en cause avait un effet restrictif de la concurrence dès lors qu'elle servait en fait de "plancher" pour l'établissement des tarifs applicables aux clients, ce qui n'est pas le cas pour la CEIC ("Le fait que les CMI déterminent un niveau plancher pour les prix que les commerçants doivent acquitter pour l'acceptation des cartes de paiement est effectivement une indication que les CMI de Master Card ont probablement, par leur nature, le potentiel de fixer les prix") ;

Considérant, au demeurant, que l'appréciation économique de l'accord au regard de l'introduction, du fait de la création de la CEIC, d'une hausse artificielle du coût de revient du traitement des remises de chèques pour les banques remettantes dès lors que la commission a introduit un élément de coût uniforme (point 366 de la Décision) qui n'existait pas dans l'ancien système de compensation des chèques interbancaires doit, au cas d'espèce, être rapportée à l'objectif poursuivi par l'accord incriminé qui a institué une commission à finalité compensatoire précisément destinée à remédier, à titre transitoire, comme cela sera encore analysé ci-après, en raison de l'accélération de l'échange des chèques dans le cadre du nouveau système de paiement avec EIC, au coût résultant de la perte de trésorerie, intervenant au détriment des banques tirées avec, de manière symétrique, un gain pour les banques remettantes ;

Considérant qu'en cet état, il n'est pas permis d'affirmer avec suffisamment de certitude qu'en raison d'une influence potentielle sur le niveau des prix finaux découlant de façon indubitable de l'accord qui a institué la CEIC, cette commission a, par nature, la capacité de restreindre la concurrence tarifaire ;

Considérant que, s'agissant des restrictions de concurrence sur le marché de l'émission de chèques, la Décision retient, pour l'essentiel :

- que, sur ce marché, la CEIC a généré une hausse de revenu artificielle pour les banques tirées, puisqu'elles ont perçu un revenu qui ne leur était pas attribué par le marché, mais par un accord interbancaire et ce, afin de compenser les pertes de trésorerie qu'elles estimaient subir du fait de l'accélération du règlement interbancaire des chèques ;

- que l'objectif de préserver les équilibres de trésorerie existants, et, partant, de leur situation concurrentielle prévalant avant 2002, contribue en réalité à "figer" le marché du chèque: du côté de l'émission de chèques, un tel objectif vise à pérenniser par le biais d'une commission uniforme, créée artificiellement hors des mécanismes du libre jeu du marché, une partie des flux de recettes que les banques tiraient auparavant du float, c'est-à-dire à garantir aux banques tirées un niveau de rémunération minimal par chèque tiré; symétriquement, du côté de la remise de chèques, cet objectif a pour conséquence la neutralisation des bénéfices attendus de l'accélération des échanges pour les banques remettantes ; qu'un tel objectif est par conséquent restrictif de concurrence ;

Or considérant que les requérantes ne peuvent être utilement contredites lorsqu'elles affirment, notamment, que, lors des négociations et de la conclusion de l'accord la non-rémunération des dépôts, en l'état de la réglementation alors en vigueur, et la possibilité de placer le float constituaient une ressource permettant une "indemnisation" partielle au profit des banques tirées, qui avaient alors une clientèle de particuliers plus importante que les banques majoritairement remettantes, au titre des coûts supportés pour la mise en disposition des chèques qu'elles ne pouvaient imputer aux clients émetteurs en raison de l'interdiction légale et que, dans ces conditions, quelles que soient les appréciations portées par ailleurs par l'Autorité sur les incidences de la gratuité de la délivrance des formules de chèques (points 343 à 357 de la Décision), le déséquilibre avéré qui existait en 1999 entre banques majoritairement tirées et banques majoritairement remettantes a bien un lien avec la gratuité du chèque ; que, dans ces conditions, les requérantes ne peuvent être désavouées lorsqu'elles font valoir que, lors du passage à l'EIC, le transfert du float des banques majoritairement tirées aux banques majoritairement remettantes avait bien alors une incidence directe sur la répartition des coûts du système chèque "entre les deux côtés du système" et qu'une partie des revenus que les banques majoritairement tirées percevaient en compensation de la charge liée à la gratuité du chèque allait être transférée aux banques majoritairement remettantes ; que dès lors, il ne peut être affirmé avec certitude que la préservation des équilibres de trésorerie, qui a constitué un élément essentiel des négociations ayant abouti à l'accord transitoire, engendrait une hausse de revenu artificielle pour les banques tirées et contribuait à figer le marché du chèque dans des conditions permettant de retenir assurément la qualification de restriction par objet ;

Considérant qu'au-delà du but compensatoire objectif de la CEIC, il est établi qu'en pratique, en raison de la complexité certaine du processus de décision touchant au passage à l'EIC qui concernait plusieurs dizaines d'établissements ainsi que des enjeux comme des divergences majeures d'intérêt entre les principaux établissements bancaires concernés - banques majoritairement remettantes et banques majoritairement tirées pour l'essentiel - et des oppositions frontales qui en ont découlé, la mise en œuvre du nouveau système de compensation au moyen d'une multitude d'accords bilatéraux était pratiquement impossible et que, dans ces conditions, les modalités transitoires de passage à l'EIC, dont la CEIC et les CSC constituaient un accessoire, n'ont pu être décidées concrètement que dans un cadre multilatéral, par surcroît sous l'égide et avec la participation active de l'autorité de tutelle des banques qui a proposé un compromis; qu'a fortiori, dans le contexte économique et juridique particulier constitué par le passage à l'EIC, de tels éléments ne permettent pas non plus d'opposer véritablement aux mises en cause (point 383 de la Décision) que chaque banque était libre de choisir des instruments pour réguler de façon individuelle l'utilisation par ses clients des différents moyens de paiement via une tarification reflétant les coûts réels d'utilisation du service de chèques ;

Considérant, concernant plus particulièrement les CSC, que la Décision retient que l'accord ayant consisté à fixer ces commissions à un niveau uniforme comporte un objet restrictif de concurrence en ce que leur création a substitué à des profils de coûts diversifiés une charge financière uniforme, commune à toutes les banques, pour chaque service connexe, de sorte que l'accord multilatéral en cause a limité la liberté des banques de déterminer de manière indépendante et individuelle le niveau des CSC en fonction de leurs coûts et, indirectement, les prix et autres conditions des services fournis à leurs clients ;

Considérant qu'il suffit, sur ce point, de se référer aux développements qui précèdent sur la nécessité, qui vient d'être vérifiée de manière concrète, de recourir à un accord multilatéral dans le cadre du passage à l'EIC, ce qui, par surcroît, ne permet pas de se référer utilement aux décisions citées par l'Autorité (point 388 de la Décision) au titre de la recherche d'une restriction par objet ; que, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées à propos de la CEIC, la décision de la Commission du 8 septembre 1999 qui est intervenue dans l'affaire qui est citée par l'Autorité (point 388 de la Décision) ne pourrait être utilement invoquée au titre d'une pratique décisionnelle dont les éléments d'analyse seraient, à un titre quelconque, applicables ou transposables aux CSC, dès lors, non seulement, que la commission en cause ne poursuivait pas les mêmes objectifs que les CSC, mais encore, et surtout, que la Commission a considéré que la commission interbancaire en cause avait un effet restrictif de la concurrence dès lors qu'elle servait en fait de "plancher" pour l'établissement des tarifs applicables aux clients, ce qui n'est pas le cas pour les CSC ; que, par surcroît, comme le soulignent les requérantes qui ne peuvent être utilement démenties sur ce point :

- les services auxquels correspondent les CSC, qui ont essentiellement pour objet le défraiement des coûts administratifs nouveaux résultant de la mise en place de l'EIC ne sont pas des services proposés à la clientèle et, qu'au demeurant, il n'existe pas non plus à proprement parler de lien entre les services que ces commissions ont pour objet de rémunérer et les services rendus par les banques à leurs clients ;

- les commissions connexes, payées par les banques tirées aux banques remettantes, ont à tout le moins été compensées par la réduction de coûts relatifs au traitement de chèques, du fait du transfert de certaines tâches initialement effectuées par les banques tirées vers les banques remettantes ;

- les écarts de coût mis en exergue par la Décision à la date de conclusion de l'accord ne constituent qu'une hypothèse et, qu'en tout état de cause, ils ne peuvent être présumés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'analyse conduite par la Décision de l'accord qui a instauré les commissions incriminées par la notification de griefs ne permet pas d'affirmer qu'au regard de sa teneur appréciée dans le contexte juridique et économique dans lequel il s'inscrit, cet accord révèle un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence en l'assimilant assurément, conformément aux exigences de la jurisprudence communautaire, à des formes de collusion entre entreprises pouvant être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence, dans des conditions telles qu'il serait inutile, aux fins de l'application de l'article 101, paragraphe 1 du traité, de démontrer que cet accord a eu des effets concrets sur le marché ;

Considérant, dès lors, que faute d'établir l'existence de restrictions de concurrence inhérentes à l'accord incriminé qui a institué les commissions en cause, une restriction par objet n'apparaît pas démontrée au cas d'espèce et que, dans ces conditions, l'Autorité ne pouvait se dispenser d'examiner les effets de l'accord et pour, le cas échéant, le sanctionner, de réunir des éléments établissant que le jeu de la concurrence avait été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible ;

Considérant qu'il s'ensuit que les griefs d'entente imputés aux requérantes ne peuvent être retenus et que ces dernières doivent, en conséquence, être mises hors de cause ;

Et considérant qu'en cet état, il suffit seulement de constater que, par suite de la réformation de la Décision déférée découlant de cette mise hors de cause, les interventions de l'association UFC-Que Choisir, de la Fédération des Entreprises de Commerce et de la Distribution et de l'Association pour la Défense des Moyens de Paiement Européens (ADUMPE), à les supposer toutes recevables, sont, en tout état de cause, sans objet; qu'elles ne peuvent qu'être déboutées de leurs demandes ;

SUR LES DEMANDES DE REMBOURSEMENT FORMULÉES PAR LES REQUÉRANTES ET SUR LES DÉPENS

Considérant que le présent arrêt constituant le titre ouvrant droit à restitution de l'ensemble des sommes versées par les requérantes au titre de l'exécution de la Décision réformée par la cour, lesdites sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande des requérantes tendant à cette restitution;

Considérant qu'il convient de laisser à la charge du Trésor public les dépens, qui comprendront les frais afférents à l'expertise ordonnée dans le cadre de l'instruction de la présente affaire et, le cas échéant, sur justificatifs, les frais exposés par les requérantes en raison de la publication de sa décision ordonnée par l'Autorité; qu'en revanche l'association UFC Que Choisir, la Fédération des Entreprises de Commerce et de la Distribution et l'ADUMPE conserveront à leur charge les dépens exposés du fait de leur intervention;

Par ces motifs : Réforme la décision n° 10-D-28 rendue par l'Autorité de la concurrence le 20 septembre 2010 en toutes ses dispositions concernant BPCE, La Banque Postale, BNP-Paribas, la Confédération Nationale du Crédit Mutuel, le Crédit Agricole, le Crédit du Nord, le Crédit Industriel et Commercial (CIC), LCL, HSBC, et la Société Générale, Et, statuant à nouveau, dit qu'il n'est pas établi que BPCE, La Banque Postale, BNP-Paribas, la Confédération Nationale du Crédit Mutuel, le Crédit Agricole, le Crédit du Nord, le Crédit Industriel et Commercial (CIC), LCL, HSBC France, et la Société Générale ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE devenu 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, Constate que les interventions de l'association UFC-Que Choisir, de la Fédération des Entreprises de Commerce et de la Distribution et de l'Association pour la Défense des Moyens de Paiement Européens (ADUMPE) sont sans objet, Les déboute de toutes leurs demandes, Laisse à la charge du Trésor public les dépens, qui comprendront les frais afférents à l'expertise ordonnée dans le cadre de l'instruction de la présente affaire et, s'il y a lieu, sur justificatifs, les frais exposés par les requérantes en raison de la publication de la décision de l'Autorité de la concurrence, Laisse à l'association UFC-Que Choisir, à la Fédération des Entreprises de Commerce et de la Distribution et à l'Association pour la Défense des Moyens de Paiement Européens (ADUMPE) la charge des dépens exposés du fait de leur intervention, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.