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Décisions

Cass. crim., 25 janvier 2012, n° 11-80.722

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Syndicat national des fabricants d'isolants en laines minérales manufacturées

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Canivet-Beuzit

Avocat général :

M. Finielz

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié

TGI Paris, JLD, du 3 juin 2009

3 juin 2009

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par le syndicat national des fabricants d'isolants en laines minérales manufacturées, contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Paris, en date du 4 janvier 2011, qui a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé des opérations de visite et saisie de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4 du Code de commerce et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a confirmé celle qui avait autorisé les visites et saisies sollicitées ;

"aux motifs que, pour justifier l'existence de présomptions dont la loi ne lui demande pas de faire des certitudes, le juge des libertés a d'abord pris acte de la dénonciation de la société Actis dont les points saillants sont énoncés en tête des présentes ; qu'il a, plus loin, fait état des différents techniques apparus entre Actis et le CSTB, des difficultés opposées par le CSTB à Actis pour pénétrer dans des groupes de travail, du discrédit porté publiquement par le CSTB sur les produits dits IMRR dont Actis était un des promoteurs et des obstacles mis par le CSTB à l'agrément européen desdits produits qu'il a visé pour chacune de ses assertions, les pièces correspondantes ; que le juge a, au passage) ou plus loin expliqué le rôle incontournable qu'avait le CSTB, la composition du groupe de travail français de certification incluant notamment l'AFNOR, l'ACERMI et St-Gobain ; qu'il a encore exposé les éléments de la puissance économique de Saint-Gobain Isover dans le secteur économique concerné ; que des pièces ont là encore été visées à bon escient ; qu'en l'état de ces constatations, et indépendamment des extraits qu'il a donnés de diverses auditions ou des motifs partiellement surabondants qu'il a ajoutés à ce qui précède, le juge avait largement assez d'éléments pour présumer une pratique anticoncurrentielle concertée ; qu'il pouvait, dès lors, légitimement envisager des visites domiciliaires au CSTB mais en outre chez le mandant du CSTB qu'est l'AFNOR, et encore, dans les locaux des trois autres membres importants du groupe de travail français, l'ACERMI, la société Saint-Gobain Isover et le Syndicat Filmm, qui avaient tous un intérêt au moins présumé à empêcher le développement d'Actis et des produits IMMR ; que l'action en justice opposant le Syndicat Filmm à Actis n'a pas été un élément nécessaire à la décision du juge des libertés et de la détention, en sorte que les soupçons, que ce syndicat articule sur le fondement de la liberté d'ester, apparaissent hors de propos ;

1) alors que le juge des libertés doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée, ce qui suppose qu'elle fasse état d'indices permettant de présumer, en l'espèce, l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée ; qu'en se bornant à relever, pour ce qui concernait le syndicat Filmm, demandeur, qu'il avait " un intérêt au moins présumé à empêcher le développement d'Actis et des produits IMRR ", le juge des libertés qui, a seulement caractérisé l'existence d'une situation de concurrence entre les adhérents du Filmm et la société Actis, n'a pas relevé l'existence des indices visés à l'article L. 450-4 du Code de commerce ;

2) alors que, de même, l'ordonnance, en visant un " groupe de travail français " dont la prétendue qualité de membre du demandeur aurait à lui seul, permis de justifier la visite domiciliaire au siège du syndicat, sans préciser quel était ce groupe ni donner les éléments nécessaires à son identification, tandis qu'il ressortait des écritures du demandeur qu'il existait plusieurs groupes de travail distincts dont il ne faisait pas nécessairement partie, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 450-4 du Code de commerce ;

3) alors que le premier président ne s'est pas expliqué sur la circonstance, invoquée par le demandeur, selon laquelle il n'était pas membre de l'un des groupes pouvant être visé par l'ordonnance ; qu'il a ainsi, derechef, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 450-4 du Code de commerce";

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4 du Code de commerce et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a confirmé celle qui avait autorisé les visites et saisies sollicitées ;

"aux motifs que, s'il doit être usé des visites et saisies avec circonspection et en cas de nécessité, et ce, même lorsque les lieux visités ne bénéficient d'aucune protection privilégiée, l'enquête lourde n'est pas subsidiaire et devient inévitable lorsque les pratiques anticoncurrentielles qui sont présumées procèdent d'agissements complexes et secrets ; que l'enquête lourde se justifie aussi lorsque les documents recherchés sont susceptibles de dissimulation ou de destruction, au point que seules des visites inopinées et simultanées permettent de vaincre la réticence prévisible des entreprises soupçonnées ; que toutes ces caractéristiques se sont retrouvées en l'espèce, les auditions pratiquées pendant les dix-huit mois qui ont séparé la dénonciation de la requête au juge des libertés et de la détention n'ayant permis de recueillir que des déclarations, des lettres publiques, des compte-rendus naturellement prudents, autant d'éléments suffisants pour étayer une présomption mais pas pour emporter la conviction définitive du rapporteur, et plus tard, du collège de l'Autorité ; que l'autorité ne pouvait pas espérer une collaboration active des entreprises et organismes mis en cause, dont les actes nuisibles à Actis, s'ils devaient s'avérer réels, ne pouvaient prendre la forme que de documents totalement confidentiels, notamment des échanges de courriels ;

"alors que la cour d'appel s'est déterminée par des motifs d'ordre général sans rechercher ce qui, au regard des éléments de l'espèce, permettait d'écarter toute possibilité de collaboration de la part des entreprises concernées et de considérer que l'enquête de droit commun n'aurait permis de recueillir que des présomptions insuffisantes dans le cadre d'un litige";

Les moyens étant réunis ; - Attendu que les énonciations de l'ordonnance attaquée mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que le juge, s'étant référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'administration, a, sans insuffisance ni contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont il était saisi, souverainement apprécié l'existence de présomptions d'agissements frauduleux justifiant les mesures autorisées ; Qu'ainsi les moyens ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;

Rejette le pourvoi.