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Décisions

TUE, 4e ch., 6 mars 2012, n° T-53/06

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

UPM-Kymmene Oyj

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pelikánová

Juges :

Mme Jürimäe, M. van der Woude (Rapporteur)

Avocats :

Mes Amory, Friedel, Bimont, Amato

Comm. CE, du 30 nov. 2005

30 novembre 2005

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

Antécédents du litige

1 La société Saint Frères Emballages a été créée en 1989 et rachetée intégralement, en décembre 1989, par la société finlandaise W. Rosenlew Ab. (ci-après "Rosenlew"). Jusqu'en 1991, Rosenlew était détenue à 100 % par Rauma-Repola Corp.. De 1991 à 1995, Rosenlew a été conjointement détenue par Repola Corp. (à hauteur de 75 %) et Neste Oy (à hauteur de 25 %). En 1995, Repola a racheté l'ensemble des actions restantes. En 1996, à la suite de la fusion de cette société et de la société Kymmene, ayant donné naissance à la requérante, UPM-Kymmene Oyj, Rosenlew a fusionné avec cette dernière. Le 25 novembre 1996, Rosenlew est ainsi devenue une filiale à 99 % de UPM-Kymmene Groupe, une société holding, qui est elle-même filiale à 99 % de la société faîtière, à savoir la requérante.

2 En 1996, Saint Frères Emballages a pris la dénomination Rosenlew Saint-Frères Emballage SA (ci-après "RSFE"). En décembre 2000, la requérante a cédé l'activité relative aux sacs industriels de Rosenlew à RKW AG Rheinische Kunststoffwerke et JM gesellschaft für industrielle Beteiligungen mbH. Co. KGaA (ci-après "RKW"). RSFE a été mise en liquidation judiciaire le 14 mai 2004.

3 En novembre 2001, British Polythene Industries plc a informé la Commission des Communautés européennes de l'existence d'une entente dans le secteur des sacs industriels. Elle a exprimé son souhait de coopérer dans le cadre des dispositions de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la "communication sur la coopération").

4 Les 26 et 27 juin 2002, la Commission a procédé à des vérifications auprès de treize entreprises en application de l'article 14, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204).

5 Le 29 avril 2004, la Commission a engagé la procédure administrative et a adopté une communication des griefs, dont les destinataires ont été mis en mesure de faire connaître leurs observations.

6 La Commission a procédé à l'audition des sociétés intéressées du 26 au 28 juillet 2004.

7 Le 30 novembre 2005, la Commission a adopté la décision C (2005) 4634 final, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] (Affaire COMP/F-38.354 - Sacs industriels) (ci-après la "décision attaquée"). RSFE ayant été liquidée le 14 mai 2004, avant l'expiration de la procédure administrative, la décision a été notifiée exclusivement à la requérante, le 15 décembre 2005.

8 L'article 1er, paragraphe 1, sous l), de la décision attaquée dispose que la requérante a, du 18 juillet 1994 au 31 janvier 1999, enfreint l'article 81 CE en participant à un ensemble d'accords et de pratiques concertées dans le secteur des sacs industriels en matière plastique en Allemagne, en Belgique, en Espagne, en France, au Luxembourg et aux Pays-Bas, ayant porté sur la fixation des prix et la mise en place de modèles communs de calcul de prix, le partage des marchés et l'attribution de quotas de vente, l'allocation de clients, d'affaires et de commandes, la soumission concertée à certains appels d'offres et l'échange d'informations individualisées.

9 L'article 2, premier alinéa, sous j), de la décision attaquée dispose qu'une amende de 56,55 millions d'euro est infligée à la requérante.

Procédure et conclusions des parties

10 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 février 2006, la requérante a introduit le présent recours.

11 À l'audience, la requérante a précisé la portée de sa requête, en se désistant de plusieurs de ses griefs.

12 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler partiellement la décision attaquée pour autant qu'il y est conclu que RSFE a participé aux réunions de l'Association européenne des fabricants de sacs à valve en matière plastique (ci-après "Valveplast"), au niveau le plus élevé, du 18 juillet 1994 au 31 janvier 1999 et qu'elle a commis une infraction unique et continue ;

- réduire le montant de l'amende ;

- ordonner le remboursement de la partie de l'amende indûment versée, en ce compris les intérêts échus à compter de la date de paiement de l'amende jusqu'au remboursement complet et définitif par la Commission ;

- condamner la Commission aux dépens.

13 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours comme étant non fondé et/ou irrecevable ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

14 La requérante avance trois moyens, respectivement tirés d'erreurs de fait dans l'application de l'article 81 CE, d'une disproportion de l'amende et d'une violation des droits de la défense.

15 À l'audience, la requérante s'est désistée de ce dernier moyen. Elle a fait savoir qu'elle se désistait également de la branche de son premier moyen relative à la date de cessation de l'infraction, ce dont il a été donné acte au procès-verbal d'audience.

16 Après l'examen de la recevabilité de certains des chefs de conclusions avancés par la requérante, l'examen portera successivement sur les premier et deuxième moyens.

A - Sur la recevabilité du troisième chef de conclusions

17 Dans le cadre de son troisième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d'ordonner le remboursement de la partie de l'amende indûment versée, en ce compris les intérêts.

18 Il suffit de constater que cette demande concerne en réalité l'exécution de l'arrêt et qu'il appartient à la Commission de prendre les mesures que comporte une telle exécution, conformément à l'article 266 TFUE (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25-95, T-26-95, T-30-95 à T-32-95, T-34-95 à T-39-95, T-42-95 à T-46-95, T-48-95, T-50-95 à T-65-95, T-68-95 à T-71-95, T-87-95, T-88-95, T-103-95 et T-104-95, Rec. p. II-491, point 5118). Cette demande est, dès lors, irrecevable.

B - Sur le premier moyen, tiré d'erreurs de fait dans l'application de l'article 81 CE

1. Observations liminaires

19 Selon le considérant 443 de la décision attaquée, le comportement de l'ensemble de ses destinataires, à l'exception de celui de la société Stempher, constitue une infraction unique et continue, dans la mesure où ils ont tous participé, à des degrés divers, aux réunions de Valveplast ou à celles d'un ou de plusieurs de ses sous-groupes.

20 S'agissant de RSFE, sa participation à cette infraction unique et continue aurait concerné trois aspects de l'entente.

21 Premièrement, la Commission a retenu que RSFE avait participé aux réunions de Valveplast en 1994, 1997 et 1998. En effet, la Commission a considéré que M. M., le directeur général de RSFE, avait participé à une réunion de Valveplast, le 20 décembre 1994. Elle s'est fondée, à cet égard, sur les notes prises par M. H. lors de cette réunion (p. 17113 et 17114 du dossier administratif) et ses déclarations à ce sujet (p. 26264 du dossier administratif), ainsi que sur les comptes rendus des réunions de Valveplast des 24 juin et 21 septembre 1994, au cours desquelles le principe de l'adhésion de RSFE avait été discuté et aurait été accepté (voir p. 12285 à 12293 du dossier administratif), ainsi que sur les notes manuscrites de M. H. évoquant la participation de RSFE aux quotas (p. 17156 du dossier administratif) (voir considérant 454 de la décision attaquée).

22 La Commission a encore relevé que M. M. ainsi que M. T., président de Rosenlew, et M. H., directeur commercial pour l'Europe continentale de Rosenlew, avaient assisté à plusieurs réunions de Valveplast en 1997 et 1998 (voir considérant 454 de la décision attaquée). Il ressort en effet de l'annexe 1 de la décision attaquée que, du 21 novembre 1997 au 26 novembre 1998, RSFE a assisté à quatre réunions de Valveplast.

23 Deuxièmement, la Commission a considéré que RSFE était impliquée dans le fonctionnement du sous-groupe "blockbags" depuis le 18 juillet 1994. D'abord, M. H. identifie RSFE comme ayant généralement participé aux réunions de ce sous-groupe. La Commission a constaté, ensuite, que RSFE figurait sur les listes de répartition de clients établies pour les différents marchés géographiques de blockbags au cours et à la suite de la réunion du 18 juillet 1994. Bien que RSFE n'ait pas été présente à cette réunion, sa mention sur ces listes de répartition de clients démontre, selon la Commission, que RSFE ne pouvait avoir ignoré l'étendue globale de l'entente dans laquelle s'inscrivait cette réunion, à laquelle elle avait été invitée à participer. La Commission a considéré que la participation de RSFE à l'entente, à compter du 18 juillet 1994, était corroborée par les notes prises lors de la réunion de Valveplast du 20 décembre 1994, au cours de laquelle RSFE aurait manifesté son accord en ce sens (voir considérants 400, 456 et 457 de la décision attaquée).

24 Troisièmement, la Commission a relevé que RSFE avait admis avoir participé à la partie du sous-groupe "France" consacrée aux sacs gueule ouverte, depuis 1995 au moins. La Commission a également constaté qu'elle avait pris part au système de répartition des clients et de fixation des prix pour les sacs gueule ouverte, dont elle aurait été responsable de la coordination, et qu'elle avait participé au mécanisme d'échange régulier d'informations individualisées sur les volumes de vente et les parts de marché respectives des participants (voir considérant 455 de la décision attaquée).

25 Aux considérants 558 et 571 de la décision attaquée, la Commission a ainsi retenu que RSFE avait participé à l'entente du 18 juillet 1994, date de la première réunion consacrée aux blockbags, au 31 janvier 1999. La date de fin de l'infraction est fondée sur un document relatif au sous-groupe "France" et contenant des informations sur les prix et les commandes du mois de janvier 1999, la Commission ayant considéré que, s'il n'était pas possible d'établir la date exacte des derniers contacts relatifs aux arrangements collusoires, ceux-ci ne pouvaient, en tout état de cause, être antérieurs au 31 janvier 1999.

26 Les contestations de la requérante figurant dans son premier moyen visent, en substance, à établir que la durée retenue par la Commission quant à son implication dans l'infraction unique et continue commise dans le cadre de Valveplast est erronée. En premier lieu, la requérante conteste que la Commission ait démontré à suffisance de droit sa participation à certains aspects de l'entente. Ainsi, selon la requérante, RSFE n'aurait pas participé à Valveplast avant son adhésion officielle, le 21 novembre 1997, et RSFE n'aurait jamais participé au sous-groupe "blockbags". En second lieu, la requérante conteste les liens établis par la Commission entre le sous-groupe "France" et Valveplast. Ainsi, sa participation au sous-groupe "France", entre le 10 octobre 1995 et le 31 janvier 1999, qu'elle ne conteste pas, ne saurait engager sa responsabilité en ce qui concerne l'infraction unique et continue commise dans le cadre de Valveplast. En conséquence, la requérante ne reconnaît sa participation à cette dernière que pour la durée de sa participation effective à Valveplast, c'est-à-dire entre le 21 novembre 1997 et le 26 novembre 1998.

27 Ces points seront examinés successivement.

2. Sur la démonstration, par la Commission, de la participation de RSFE aux divers aspects de l'entente

28 À titre liminaire, il convient de rappeler que, en ce qui concerne l'administration de la preuve d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE, la Commission doit apporter la preuve des infractions qu'elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs d'une infraction (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185-95 P, Rec. p. I-8417, point 58, et du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49-92 P, Rec. p. I-4125, point 86). L'existence d'un doute dans l'esprit du juge doit profiter à l'entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l'existence de l'infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d'un recours tendant à l'annulation d'une décision infligeant une amende. En effet, la Commission doit faire état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l'infraction a été commise (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38-02, Rec. p. II-4407, points 215 et 217).

a) Sur la participation de RSFE à Valveplast

29 La requérante conteste que RSFE ait participé à Valveplast avant son adhésion officielle, le 21 novembre 1997. Elle admet toutefois une participation à Valveplast entre le 21 novembre 1997 et le 26 novembre 1998.

30 Il convient de relever qu'il ressort des notes manuscrites prises par M. H. au cours de la réunion du 26 juin 1993 et du compte rendu de la réunion du 22 septembre 1993 que les membres de Valveplast avaient envisagé les avantages qu'aurait représenté une adhésion de RSFE à l'entente, mais que cette dernière avait fait savoir qu'elle n'entendait pas y adhérer. Le compte rendu de la réunion du 22 septembre 1993 comporte notamment les éléments ci-après : "Rosenlew/St.Frères : [...] Rosenlew a clairement indiqué qu'ils n'avaient pas l'intention d'adhérer à Valveplast. Ils considèrent qu'adhérer à Valveplast améliorerait à peine leurs affaires." (Rosenlew/St.Frères : [...] Rosenlew has made clear that they do not have the ambition to join Valveplast. They consider joining Valveplast affaires hardly contributes to their business.)

31 Par ailleurs, selon les explications de M. H. concernant ses notes manuscrites prises au cours d'une réunion de Valveplast tenue à Athènes (Grèce) le 24 juin 1994, il a été constaté par les participants à cette réunion que les prix de RSFE étaient en général de 15 à 20 % inférieurs à ceux des membres de Valveplast.

32 Ensuite, il ressort du compte rendu de la réunion du 20 décembre 1994 que RSFE ne figurait pas sur la liste de présence. Sous le deuxième titre, intitulé "Nouveau membre de Valveplast", il est indiqué qu'un groupe de travail examinera l'"affaire Rosenlew".

33 Sur la base des notes manuscrites prises par M. H. lors de cette réunion, telles qu'éclairées par ses déclarations, la Commission a retenu que RSFE avait été représentée à cette réunion par son directeur général, M. M., qui y aurait été invité nonobstant le fait que RSFE n'était pas alors membre de Valveplast. Selon ces notes manuscrites, M. M. aurait communiqué à cette occasion les chiffres concernant les ventes de RSFE sur divers marchés nationaux et en Europe. Selon les mêmes notes, RSFE aurait également fait savoir, premièrement, qu'elle n'accepterait aucun quota, deuxièmement, qu'elle était disposée à négocier et à échanger des informations au sujet des prix, troisièmement, qu'elle était disposée à vendre des capacités de production en matière de sacs à valve et, quatrièmement, qu'elle disposait d'une capacité de production de 26 000 à 30 000 tonnes de films.

34 À cet égard, il convient d'observer que la mise en place d'un système de quotas pour les sacs à valve était l'un des points élémentaires de l'entente mise en œuvre dans le cadre de Valveplast (voir considérants 208 et 209 de la décision attaquée). En refusant de participer à ce système, RSFE marquait donc son désaccord avec un des principes de base de l'entente. Il y a lieu de préciser également que RSFE avait, en effet, l'intention de céder ses activités de sacs à valve et qu'elle n'avait, dès lors, pas intérêt à rejoindre une association dont l'activité concernait, en 1994, essentiellement ce type de sacs.

35 Il ressort ensuite de l'annexe 1 de la décision attaquée que RSFE n'était ni présente ni signalée comme absente aux onze réunions suivantes de Valveplast, qui ont précédé celle du 21 novembre 1997, à laquelle il est constant que RSFE a participé. En effet, ce n'est qu'à partir de cette date que RSFE a commencé à participer, en ce qui concerne les gaines FFS ("Form, Fill and Seal", c'est-à-dire thermoformage, remplissage et fermeture hermétique), aux échanges d'informations sur lesquels reposait une grande partie des arrangements collusoires conclus au sein de Valveplast, ainsi qu'il ressort de la lettre du 24 novembre 1997 adressée par le président de Valveplast au Bureau Haas.

36 Il résulte ainsi de ce qui précède qu'une prise de contact entre RSFE et les membres de Valveplast a eu lieu à l'occasion de la réunion du 20 décembre 1994. Il ressort toutefois du dossier que cet échange était de nature exploratoire et n'a pas donné lieu à une adhésion immédiate de RSFE à Valveplast. En effet, cette adhésion n'est intervenue que le 21 novembre 1997, à savoir deux ans et onze mois plus tard.

37 Il convient de préciser cependant que cette conclusion ne signifie pas pour autant que RSFE n'est pas responsable de l'infraction unique et continue commise par les membres de Valveplast en raison de sa participation à d'autres manifestations de cette entente et, notamment, aux réunions du sous-groupe "France" (voir points 56 à 66 ci-après).

b) Sur la participation au sous-groupe "blockbags"

38 RSFE conteste toute participation au sous-groupe "blockbags".

39 À cet égard, il convient de relever que, selon l'annexe 6 de la décision attaquée, RSFE n'a participé à aucune des réunions du sous-groupe "blockbags".

40 Ainsi, le compte rendu de la première réunion consacrée aux blockbags, tenue le 18 juillet 1994, laisse apparaître que les représentants de RSFE étaient enregistrés comme étant absents. Selon ce compte rendu, le représentant de l'entreprise Wavin devait prendre contact avec les entreprises qui n'étaient pas présentes à cette réunion afin qu'elles rejoignent le sous-groupe "blockbags".

41 Le compte rendu de la réunion du 21 septembre 1994 indique également : "Grande absente : St. Frères". L'auteur de ce document, M. D., de l'entreprise Fardem, faisait également part de son scepticisme quant aux résultats des négociations que Nordenia était censée engager avec RSFE ("Nordenia zal met St-Frères moeten onderhandelen. Ik verwacht hier weinig van"). En outre, il ressort du point 6 des notes manuscrites prises par M. H. lors de la réunion de Valveplast du 20 décembre 1994, que celui-ci était supposé entreprendre une action afin d'obtenir la présence de RSFE à une réunion du sous-groupe "blockbags" devant être tenue en janvier ou en février suivant. Or, il ressort de l'annexe 6 de la décision attaquée que RSFE n'a pas été présente à la réunion suivante de ce sous-groupe, qui s'est tenue le 29 mars 1995. De même, bien que RSFE ait été invitée, par télécopie du 20 avril 1995, à participer à la réunion du 26 avril 1995, le compte rendu de cette réunion fait apparaître qu'elle n'y a pas assisté. Il convient également de relever que RSFE ne figure pas sur la liste de présence contenue dans les notes manuscrites prises lors de la réunion du 12 décembre 1995, recueillies dans les bureaux de la société Fardem, bien que ces notes comportent la mention suivante : "St. Frères se déclare aussi prêt à collaborer à un meilleur niveau" (Ook St. Frères verklaard zich bereid om mee te werken aan een beter niveau).

42 Il ressort ainsi de ces documents que les membres du sous-groupe "blockbags" avaient pris contact avec RSFE afin que celle-ci participe à l'activité de ce sous-groupe. Bien que RSFE ne semble pas avoir clairement décliné les invitations répétées à participer aux réunions du sous-groupe, l'ensemble de ces éléments de preuve démontre que cette entreprise s'est abstenue de participer auxdites réunions, ce qui semble avoir occasionné une certaine déception de la part de ses membres, ainsi qu'en témoigne la mention "Grande absente : St. Frères", figurant dans le compte rendu de la réunion du 21 septembre 1994.

43 Malgré les preuves documentaires faisant apparaître l'absence de participation de RSFE aux réunions, il ressort du considérant 400 et de la note en bas de page n° 490 de la décision attaquée que M. H. aurait déclaré que RSFE participait généralement aux réunions consacrées aux blockbags. Toutefois, ces déclarations de M. H. ne sont pas corroborées par des preuves documentaires et n'ont pas été reprises par la Commission, dans la mesure où l'annexe 6 de la décision attaquée précise que RSFE n'était présente à aucune des réunions du sous-groupe "blockbags" (voir point 39 ci-dessus).

44 Pour retenir la participation de RSFE au sous-groupe "blockbags", la Commission s'est fondée, en revanche, sur une liste de clients contenant la "Liste européenne des gestionnaires de comptes au 1er août 1994" (European Account Leadership-list per 1 August 1994) (p. 7830 à 7831 du dossier administratif, visées à la note en bas de p. n° 491 de la décision attaquée). Le nom de RSFE figure sur cette liste derrière le nom de plusieurs clients. Il en va de même pour d'autres listes datant de la même période, telles qu'une liste du 16 mai 1994, en marge de laquelle les initiales des noms de producteurs sont annotées de manière manuscrite (p. 7841 à 7851 du dossier administratif, visées à la note de bas de p. n° 507 de la décision attaquée), et les listes rédigées par M. D., de Fardem, les 20 et 21 juillet 1994 (p. 7832 à 7836 du dossier administratif, visées à la note de bas de p. n° 491 de la décision attaquée).

45 Il convient de relever, à cet égard, que la seule circonstance que ces listes de clients indiquent RSFE comme fournisseur ou coordonnateur de clients ne démontre pas que cette entreprise ait participé à des arrangements collusoires visant à un partage de clientèle dans le domaine des blockbags. Ces listes doivent, en effet, être situées dans leur contexte temporel. Les listes en question datent d'une période préparatoire, au cours de laquelle les membres de Valveplast ont décidé de mettre en place un groupe spécial pour les blockbags (voir considérant 457 de la décision attaquée) et de solliciter la participation de RSFE. Il ressort des comptes rendus des réunions de cette époque (voir comptes rendus des réunions du sous-groupe "blockbags" du 18 juillet et du 21 septembre 1994, évoqués aux points 40 et 41, ci-dessus, et de la réunion de Valveplast du 20 décembre 1994, évoqué au point 33 ci-dessus) que RSFE s'est montrée réticente à accepter les invitations qui lui avaient été adressées et que sa participation auxdites réunions n'a pu être établie. Dans la mesure où les listes de clients sur lesquelles la Commission s'est fondée doivent être analysées dans le contexte des initiatives, infructueuses, des membres de Valveplast visant à faire adhérer RSFE au sous-groupe "blockbags", il est probable que ces documents ont été élaborés dans le cadre d'une réflexion sur l'éventuelle organisation d'un sous-groupe spécifiquement consacré aux blockbags, ou au cours d'une réunion consacrée à ce produit, et ce en vue d'analyser l'importance de la participation de RSFE à cette nouvelle organisation.

46 À cet égard, il convient encore de préciser que, selon la requérante, les listes associent RSFE à des clients à qui cette entreprise n'aurait jamais vendu de sacs industriels. La Commission n'apporte aucun élément infirmant l'allégation de la requérante. La Commission ne conteste pas non plus que RSFE avait cessé ses activités de production de blockbags dans les pays couverts par l'entente en novembre 1994.

47 Par ailleurs, ainsi que le fait observer la requérante, les tableaux élaborés, selon elle, en 1997 et 1998, reprenant les volumes de vente des membres du sous-groupe "blockbags" aux différents clients (p. 6976 à 6987 du dossier administratif) ne font apparaître aucune information au sujet de RSFE, ce qui tend à corroborer le fait que, tout au moins durant cette période, cette entreprise ne participait pas à ces arrangements anticoncurrentiels.

48 Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas apporté de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que RSFE avait participé aux activités du sous-groupe "blockbags".

c) Conclusions quant à la participation de RSFE aux divers aspects de l'entente

49 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la Commission a commis une erreur en considérant, d'une part, que RSFE avait participé à l'entente, dans le cadre de Valveplast, durant la période comprise entre le 20 décembre 1994 et le 21 novembre 1997 et, d'autre part, qu'elle avait participé au sous-groupe "blockbags".

50 La Commission était cependant fondée à considérer que RSFE avait participé, premièrement, à la réunion de Valveplast du 20 décembre 1994, afin d'y discuter des conditions dans lesquelles une éventuelle participation de sa part à Valveplast pouvait être envisagée, deuxièmement, au sous-groupe "France", du 10 octobre 1995 au 31 janvier 1999, et, troisièmement, aux réunions de Valveplast à partir du 21 novembre 1997.

3. Sur la participation de RSFE à une infraction unique et continue

a) Sur l'implication de la requérante dans l'entente globale

51 La requérante conteste avoir participé à une infraction unique et continue et allègue notamment que sa participation au sous-groupe "France" ne saurait impliquer sa participation à l'infraction sanctionnée par la Commission dans la décision attaquée.

52 À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d'abord, qu'une entreprise ayant participé à une infraction unique et complexe par des comportements qui lui sont propres, qui relèvent des notions d'accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE et qui visent à contribuer à la réalisation de l'infraction dans son ensemble peut être également responsable des comportements mis en œuvre par d'autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu'il est établi que l'entreprise en question connaissait les comportements infractionnels des autres participants ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu'elle était prête à en accepter le risque (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 28 supra, points 83 et 203).

53 En effet, les accords et les pratiques concertées visés à l'article 81, paragraphe 1, CE résultent nécessairement du concours de plusieurs entreprises, qui sont toutes coauteurs de l'infraction, mais dont la participation peut revêtir des formes différentes, en fonction notamment des caractéristiques du marché concerné et de la position de chaque entreprise sur ce marché, des buts poursuivis et des modalités d'exécution choisies ou envisagées. Toutefois, la simple circonstance que chaque entreprise participe à l'infraction dans des formes qui lui sont propres ne suffit pas pour exclure sa responsabilité pour l'ensemble de l'infraction, y compris pour les comportements qui sont matériellement mis en œuvre par d'autres entreprises participantes, mais qui partagent le même objet ou le même effet anticoncurrentiel (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 28 supra, points 79 et 80).

54 Cependant, l'existence d'une infraction unique et continue ne signifie pas nécessairement qu'une entreprise participant à une ou plusieurs manifestations puisse être tenue pour responsable de l'ensemble de cette infraction. Encore faut-il que la Commission démontre que cette entreprise connaissait les activités anticoncurrentielles à l'échelle européenne des autres entreprises ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir. La seule identité d'objet entre un accord auquel a participé une entreprise et une entente globale ne suffit pas pour imputer à cette entreprise la participation à l'entente globale. En effet, ce n'est que si l'entreprise, lorsqu'elle participe à cet accord, a su ou aurait dû savoir que, ce faisant, elle s'intégrait dans l'entente globale que sa participation à l'accord concerné peut constituer l'expression de son adhésion à cette même entente (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Sigma Tecnologie/Commission, T-28-99, Rec. p. II-1845, points 44 et 45).

55 En l'espèce, au considérant 444 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, si l'entente se caractérisait par la présence d'un groupe global, Valveplast, et de sous-groupes régionaux ou fonctionnels (tel le sous-groupe "blockbags") en apparence distincts, l'ensemble constituait une construction cohérente et coordonnée. La Commission s'est fondée, à cet égard, sur, premièrement, l'identité, pour l'essentiel, des membres de Valveplast et de ceux des sous-groupes, deuxièmement, la détermination, dans le cadre de Valveplast, de quotas repris au niveau des sous-groupes, troisièmement, la référence faite à Valveplast au sein des sous-groupes et, quatrièmement, les déclarations des représentants des entreprises ayant participé aux réunions.

56 Plus spécifiquement, il ressort du considérant 321 de la décision attaquée que les quotas établis au sein du sous-groupe "France" pour les sacs à valve l'étaient sur la base des quotas fixés pour la zone géographique "France" au sein de Valveplast, ce qui démontre le lien existant entre le sous-groupe "France" et le groupe global, réuni au sein de Valveplast.

57 En ce qui concerne RSFE, dès lors qu'il est démontré à suffisance de droit que RSFE a eu un échange collusoire avec les participants à la réunion du 20 décembre 1994, il y a lieu de considérer que cette entreprise avait parfaitement connaissance, lorsqu'elle a rejoint le sous-groupe "France" le 10 octobre 1995, de l'existence de l'entente au niveau global de Valveplast et des arrangements collusoires qui y avaient cours. En effet, selon les notes prises par M. H. lors de la réunion du 20 décembre 1994, RSFE a explicitement indiqué ne pas être intéressée par le système de quotas. Un tel choix implique que RSFE était effectivement informée des différents aspects de l'entente mise en œuvre dans le cadre de Valveplast.

58 La circonstance, invoquée par la requérante, selon laquelle RSFE n'aurait participé à l'entente mise en œuvre dans le cadre de Valveplast que pour autant qu'elle concernait les gaines FFS et sa participation à l'activité du sous-groupe "France" se serait limitée aux sacs gueule ouverte n'est pas de nature à infirmer le constat de la Commission selon lequel RSFE était en mesure d'apprécier très exactement l'étendue de l'entente (voir considérant 515 de la décision attaquée), dont elle avait nécessairement connaissance. En effet, la participation de RSFE aux seules discussions de Valveplast consacrées aux gaines FFS ne permet pas de considérer qu'elle ignorait l'existence des arrangements collusoires qui avaient cours en matière de sacs à valve. Au contraire, le fait que RSFE ait pu opérer un choix précis quant au degré de sa participation signifie qu'elle était informée de la portée générale de l'entente.

59 Par ailleurs, c'est à bon droit que la Commission a rejeté, au considérant 516 de la décision attaquée, l'allégation selon laquelle les réunions du sous-groupe "France" consacrées aux sacs à valve, d'une part, et aux sacs gueule ouverte, d'autre part, constituaient deux ensembles distincts et indépendants. Ainsi qu'elle l'a fait observer, ces réunions se tenaient le même jour au même endroit, l'une à la suite de l'autre. De plus, à l'exception de RSFE, l'ensemble des entreprises participant à la partie de la réunion consacrée aux sacs gueule ouverte prenaient également part aux discussions sur les sacs à valve.

60 La circonstance alléguée selon laquelle les réunions consacrées aux sacs gueule ouverte n'auraient pas été fonctionnellement liées à Valveplast ne modifie pas le constat aux termes duquel ces réunions avaient lieu dans le cadre du sous-groupe "France", dont les activités en matière de sacs à valve étaient directement liées aux arrangements restrictifs de concurrence décidés au sein de Valveplast.

61 Il est, en outre, constant que RSFE jouait un rôle central lors des réunions consacrées aux sacs à gueule ouverte, dans la mesure où elle coordonnait les discussions sur les prix et la répartition entre les membres des livraisons aux clients recensés (voir considérant 328 de la décision attaquée). Selon les déclarations de M. L., de Wavin, que la requérante ne met pas en cause, RSFE était le chef de file (leader) des discussions relatives aux sacs gueule ouverte, qui se tenaient normalement l'après-midi, après celles relatives aux sacs à valve, qui se déroulaient, quant à elles, le matin. Dans ce contexte, force est de considérer que RSFE ne pouvait raisonnablement avoir ignoré l'existence des réunions portant sur les sacs à valve et qu'elle était prête à accepter le risque qu'impliquait sa participation au sous-groupe "France".

62 Il convient de souligner que la considération selon laquelle RSFE a participé à une infraction unique et continue ne nécessite pas la démonstration que cette entreprise a participé, au sein des différents groupes géographiques ou fonctionnels de l'entente, à des arrangements collusoires identiques ou similaires couvrant les mêmes produits. Ainsi que cela est rappelé aux points 52 à 54 ci-dessus, il suffit que l'entreprise en question ait connu les comportements infractionnels des autres participants ou qu'elle ait pu raisonnablement les prévoir et qu'elle ait été prête à en accepter le risque. La simple circonstance que chaque entreprise participe à l'infraction dans des formes qui lui sont propres ne suffit pas à exclure sa responsabilité pour l'ensemble de l'infraction, y compris pour les comportements qui sont matériellement mis en œuvre par d'autres entreprises participantes, mais qui partagent le même objet ou le même effet anticoncurrentiel.

63 En outre, bien que l'entente mise en œuvre dans le cadre de Valveplast ait essentiellement concerné les sacs à valve et les gaines FFS, celle-ci avait avant tout pour objet de maintenir les marges commerciales que ses membres réalisaient sur la transformation du polyéthylène en sacs industriels. Or, les entreprises produisant tous les types de sacs industriels, telles que Wavin, Fardem, Pont Audemer et Silvallac/Trioplast, avaient intérêt à poursuivre cet objectif pour l'ensemble de leurs activités et à organiser à cet effet des réunions ayant une fin collusoire. Dans la mesure où les sacs gueule ouverte répondaient avant tout à une demande locale, il était naturel que ces réunions fussent organisées à l'échelle régionale, comme le démontrent l'existence du groupe "Teppema" et celle des sous-groupes "Belgique" et "France".

64 Ainsi, en l'espèce, il n'y a pas lieu de considérer que la Commission ait commis une erreur en retenant que tant Valveplast que le sous-groupe "France" s'inscrivaient dans une stratégie générale visant à fausser l'évolution normale des prix et à restreindre la concurrence sur le marché des sacs industriels en matière plastique (voir considérant 445 de la décision attaquée).

65 Par ailleurs, les arguments de la requérante selon lesquels RSFE n'était pas un membre fondateur de Valveplast, y aurait participé moins longtemps que les autres membres de l'entente, aurait assisté à ses réunions avec moins d'assiduité et les autres membres de l'entente auraient participé à davantage de sous-groupes régionaux ou fonctionnels ne sont pas de nature à influer sur la considération mentionnée ci-dessus, selon laquelle la requérante avait connaissance de l'entente globale mise en œuvre dans le cadre de Valveplast. Ces arguments sont ainsi inopérants.

66 Pour l'ensemble de ces motifs, il y a lieu de considérer que la participation de RSFE tant aux réunions de Valveplast qu'à l'activité du sous-groupe "France" établit à suffisance de droit que la requérante pouvait raisonnablement mesurer l'étendue du plan collusif global de l'entente mise en œuvre dans le cadre de Valveplast, ce qui, partant, implique sa participation à l'infraction unique et continue sanctionnée par la Commission dans la décision attaquée.

b) Sur la violation alléguée du principe d'égalité de traitement

67 Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la requérante, la position de RSFE n'est pas comparable à celle de Stempher. En effet, dans la décision attaquée, la Commission a retenu que cette société avait seulement été membre du groupe "Tepema", qui ne concernait que le marché néerlandais et, ponctuellement, le marché belge, et n'avait pas connaissance du schéma global de l'entente, dans la mesure où elle n'avait pas participé aux réunions de Valveplast. En revanche, RSFE a pris connaissance des activités de Valveplast dès le 20 décembre 1994 et a effectivement participé aux réunions de cette dernière à partir du mois de novembre 1997, ce qui lui permettait de prendre connaissance du schéma global de l'entente.

68 En conséquence, la Commission n'a pas violé le principe d'égalité de traitement en accordant un traitement différent à Stempher et à RSFE.

4. Conclusions relatives au premier moyen

69 Il résulte de ce qui précède que la Commission était fondée à considérer que RSFE avait commis une infraction unique et continue entre le 10 octobre 1995 et le 31 janvier 1999, pour autant que cette infraction était constituée par sa participation aux réunions du sous-groupe "France" entre ces dates et aux réunions de Valveplast à partir du 21 novembre 1997.

70 En revanche, il y a lieu de considérer que la Commission n'a pas démontré à suffisance de droit l'existence d'une infraction continue entre le 20 décembre 1994, date de la participation de RSFE à une réunion de Valveplast, et le 10 octobre 1995, date du début de sa participation au sous-groupe "France". En effet, ainsi qu'il résulte des points 32 à 36 ci-dessus, la participation de RSFE à la réunion du 20 décembre 1994 a eu pour objet des discussions exploratoires visant à déterminer les conditions dans lesquelles cette entreprise pouvait, éventuellement, participer à l'entente dans le cadre de Valveplast. Il ressort toutefois du dossier que ces discussions n'ont pas abouti et que RSFE n'a pas rejoint Valveplast consécutivement à cette réunion. Par ailleurs, aucun élément avancé par les parties ou figurant au dossier ne permet de considérer que la participation de RSFE au sous-groupe "France" à partir du 10 octobre 1995 soit consécutive aux échanges ayant eu lieu lors de la réunion du 20 décembre 1994. Ainsi, la participation de RSFE à la réunion du 20 décembre 1994 et sa participation à l'activité du sous-groupe "France", puis à celle de Valveplast ne relève pas d'un même comportement continu.

71 Pour ces motifs, il y a lieu de conclure que RSFE a commis une infraction isolée en participant à la réunion du 20 décembre 1994 et qu'elle ne s'est rendue coupable de l'infraction unique et continue commise dans le contexte de Valveplast qu'à partir du 10 octobre 1995, en raison de sa participation aux réunions du sous-groupe "France" à partir de cette même date et de sa participation aux réunions au niveau de Valveplast à partir du 21 novembre 1997. Cette dernière infraction s'est terminée le 31 janvier 1999, lors du dernier échange de données confidentielles dans le cadre du sous-groupe "France".

72 Il convient donc d'accueillir le premier moyen, pour autant qu'il met en cause la participation de RSFE à l'infraction unique et continue visée à l'article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée avant le 10 octobre 1995.

C - Sur le deuxième moyen, tiré du caractère disproportionné et inéquitable de l'amende

1. Sur la première branche, tirée de ce que l'objectif de dissuasion ne justifiait pas l'application d'un coefficient 2 au montant de départ de l'amende

73 Il ressort du considérant 778 de la décision attaquée que le montant de départ utilisé pour le calcul du montant de l'amende imposée à la requérante a été doublé, afin de fixer ce montant à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif.

74 La requérante considère que cette augmentation a donné lieu à une amende disproportionnée par rapport à la gravité de l'infraction. Elle rappelle qu'une importance disproportionnée ne saurait être attribuée à aucun des divers montants du chiffre d'affaires, en comparaison avec d'autres facteurs d'appréciation, tels que la part que représentent les ventes sur le marché concerné par l'infraction par rapport au chiffre d'affaires total du groupe. En l'espèce, selon la requérante, le chiffre d'affaires de RSFE dans la branche des sacs industriels ne représentait que 0,15 % de son propre chiffre d'affaires mondial au cours du même exercice, cette proportion ayant diminué régulièrement jusqu'à la vente de RSFE en 2000, année lors de laquelle le chiffre d'affaires de la filiale ne représentait que 0,07 % du chiffre d'affaires mondial de la société mère, qui n'avait aucunement été impliquée elle-même dans l'infraction. En outre, les activités de RSFE n'auraient eu aucun rapport avec les principales activités commerciales de la requérante, qui étaient essentiellement axées sur le secteur du papier. Enfin, RSFE n'aurait joué qu'un rôle secondaire et passif dans le cadre des activités de l'entente. La requérante aurait néanmoins été sanctionnée plus sévèrement que les autres destinataires de la décision attaquée, de sorte que la Commission aurait violé le principe d'égalité de traitement.

75 La requérante estime également que 2004 n'était pas l'année de référence correcte pour prendre en considération sa dimension et ses ressources globales aux fins de l'augmentation du montant de départ de l'amende. La Commission aurait dû tenir compte du chiffre d'affaires réalisé par la requérante au cours de la dernière année complète de participation présumée de RSFE à l'activité de Valveplast, soit 1998. Subsidiairement, si la participation de RSFE aux activités du sous-groupe "France" pour les sacs gueule ouverte devait être considérée comme un élément constitutif d'une infraction unique et continue, 1999 constituerait l'année de référence, car cette année se situe dans la période pendant laquelle l'infraction a été commise.

76 Il convient de relever, à titre liminaire, que l'exigence d'un effet dissuasif suffisant de l'amende peut impliquer une modulation du montant de l'amende afin de tenir compte de l'impact recherché sur l'entreprise à laquelle elle est infligée, et ce afin que l'amende ne soit pas rendue négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l'entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d'une part, de la nécessité d'assurer l'effectivité de l'amende et, d'autre part, du respect du principe de proportionnalité. Ainsi, un chiffre d'affaires global de loin supérieur à celui des autres membres de l'entente, mettant l'une des entreprises concernées en mesure de mobiliser plus facilement les fonds nécessaires pour le paiement de son amende, justifie l'application d'un coefficient multiplicateur destiné à assurer un effet dissuasif suffisant de l'amende. Dans ce cadre, les ressources financières de l'entreprise doivent être évaluées afin d'atteindre correctement l'objectif de dissuasion, et ce dans le respect du principe de proportionnalité, au jour où l'amende est infligée (arrêts du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T-279-02, Rec. p. II-897, points 283 à 285, et du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T-410-03, Rec. p. II-881 point 379).

77 Il y a lieu de rappeler, ensuite, que les lignes directrices pour le calcul du montant des amendes permettent à la Commission de tenir compte du fait que les entreprises de grande dimension disposent la plupart du temps des connaissances et des infrastructures juridico-économiques qui leur permettent de mieux apprécier le caractère infractionnel de leur comportement et les conséquences qui en découlent du point de vue du droit de la concurrence, ainsi que cela ressort de la communication de la Commission sur les lignes directrices pour le calcul du montant des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les "lignes directrices").

78 En l'espèce, il est constant que la requérante a réalisé un chiffre d'affaires de 9,820 milliards d'euro en 2004, c'est-à-dire lors de l'exercice qui a immédiatement précédé l'adoption de la décision attaquée, et qu'elle était, dès lors, en mesure de répartir les risques liés à la commission de l'infraction sur une grande base financière. Il y a ainsi lieu de constater que l'application au montant de départ de l'amende d'un coefficient multiplicateur de 2 était de nature à assurer un caractère dissuasif à ladite amende, qui lui ferait autrement défaut.

79 Ainsi que le fait observer la Commission, dans la mesure où le coefficient multiplicateur est fondé sur la taille de l'entreprise, il n'y a pas lieu de mettre en balance la taille globale du groupe de sociétés concerné avec d'autres facteurs, tels que la position de RSFE sur le marché en cause ou son rôle au sein de l'entente. En effet, ces éléments sont respectivement pris en compte aux stades de la différenciation des montants de départ de l'amende sur la base des parts de marché et de l'examen des circonstances atténuantes. Ainsi, la prise en compte du chiffre d'affaires global de la requérante en vue de conférer à l'amende un caractère dissuasif n'a pas conduit à ignorer d'autres éléments pertinents.

80 Par conséquent, dès lors que l'application du coefficient multiplicateur a résulté uniquement de la prise en compte du chiffre d'affaires global élevé de la requérante, celle-ci ne saurait prétendre que la Commission a violé le principe d'égalité de traitement en lui imposant ledit coefficient, alors que d'autres membres de l'entente auxquels aucun coefficient n'a été appliqué avaient des positions sur le marché et un rôle au sein de l'entente plus importants que RSFE. Ces deux derniers éléments ne revêtent, en effet, aucune pertinence au stade de l'application ou non d'un coefficient multiplicateur en vue de garantir un effet dissuasif suffisant de l'amende.

81 Pour ce motif, la circonstance que le chiffre d'affaires réalisé sur le marché de produits concerné par l'infraction ne constituait qu'une proportion très réduite du chiffre d'affaires mondial de la société mère ne saurait aucunement justifier une diminution du montant de l'amende. Au contraire, c'est précisément en raison de cette faible proportion que l'effet dissuasif recherché par la politique de concurrence de l'Union devait concerner le chiffre d'affaires global, afin de sanctionner le groupe constitué par la requérante et de la dissuader de commettre des infractions comparables à l'avenir.

82 S'agissant de la circonstance selon laquelle la requérante ne serait sanctionnée qu'en sa qualité de société mère, il suffit de relever que cela ne constitue pas un obstacle à l'application d'un coefficient multiplicateur en vue de garantir l'effet dissuasif de la sanction infligée.

83 Enfin, la requérante ne saurait davantage alléguer que la Commission aurait dû tenir compte du chiffre d'affaires réalisé en 1998 ou 1999, dernières années de participation à l'entente. Ainsi qu'il a été indiqué au point 76 ci-dessus, les ressources financières de l'entreprise doivent être évaluées, afin d'atteindre correctement l'objectif de dissuasion, et ce dans le respect du principe de proportionnalité, au jour où l'amende est infligée.

84 Pour ces motifs, il y a lieu de rejeter la première branche du présent moyen.

2. Sur la deuxième branche, tirée de la prise en compte de parts de marché erronées aux fins de la détermination du montant de départ de l'amende

85 La requérante soutient que la Commission a commis une erreur en retenant l'année 1996 en tant qu'année de référence pour comparer les parts de marché respectives des entreprises concernées aux fins de déterminer le montant de départ de l'amende. En effet, selon la requérante, la Commission aurait dû retenir l'année 1999 comme année de référence aux fins du calcul du montant de départ de son amende et n'aurait dû tenir compte que du chiffre d'affaires de RSFE sur le marché français. Elle fait observer, à cet égard, que la majorité des entreprises ayant participé à l'entente avaient participé à l'infraction pendant plus de deux décennies. Une comparaison correcte de l'importance sur le marché des entreprises concernées aurait nécessité la prise en compte de leurs chiffres d'affaires respectifs au cours de la dernière année complète de participation à l'infraction, ce qui, s'agissant de RSFE, aurait dû conduire la Commission à retenir l'année 1999 comme année de référence. Par ailleurs, la requérante fait observer que RSFE ne faisait pas encore partie de Valveplast en 1996.

86 Pour autant que l'année 1996 devait être retenue comme année de référence, la Commission aurait dû tenir compte, selon la requérante, du chiffre d'affaires réalisé par RSFE dans la branche des sacs gueule ouverte sur le marché français. En outre, le chiffre d'affaires de RSFE en 1996 ne correspondrait pas à sa puissance économique véritable sur le marché des sacs industriels pendant la période totale de l'infraction, dans la mesure où son chiffre d'affaires a fléchi régulièrement à partir de 1996 jusqu'à sa sortie du marché, en décembre 2000.

87 Dans la décision attaquée, la Commission a appliqué un traitement différencié aux entreprises afin de tenir compte de leur capacité économique effective à provoquer un dommage à la concurrence. En vue de comparer l'importance relative des entreprises, la Commission s'est référée aux parts de marché réalisées par chaque entreprise en 1996 pour les produits ayant fait l'objet de l'entente. Selon la Commission, l'année 1996 correspondait à l'année complète de l'infraction la plus récente au cours de laquelle l'ensemble des entreprises destinataires de la décision attaquée était encore présent sur le marché des sacs industriels (voir considérants 766 et 767 de la décision attaquée).

88 À cet égard, dans la mesure où la Commission se fonde sur le chiffre d'affaires des entreprises impliquées dans une même infraction en vue de déterminer les relations entre les amendes à infliger, il convient de délimiter la période à prendre en considération de manière que les chiffres obtenus soient aussi comparables que possible (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, point 122). Il en résulte qu'une entreprise déterminée ne saurait exiger que la Commission se fonde, à son égard, sur une période différente de celle généralement retenue qu'à la condition qu'elle démontre que le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé au cours de cette dernière période ne constitue pas, pour des raisons qui lui sont propres, une indication de sa véritable taille et de sa puissance économique, ni de l'ampleur de l'infraction qu'elle a commise (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Fiskeby Board/Commission, T-319-94, Rec. p. II-1331, point 42).

89 En l'espèce, la requérante avance divers arguments mettant en cause le choix par la Commission de l'année 1996 comme année de référence. Aucun de ces arguments ne permet toutefois de considérer que la Commission ait excédé sa marge d'appréciation.

90 Tout d'abord, la circonstance selon laquelle les parts de marché des entreprises qui étaient encore parties à l'entente en 2001 ont augmenté ou ont été maintenues de 1996 à 2001 ne permet pas de considérer que les parts de marché, en 1996, ne rendaient manifestement pas compte de l'influence économique relative de ces entreprises sur le marché.

91 Il est constant que l'année 1996 a été la dernière année de participation complète de toutes les entreprises ayant pris part à l'entente. Or, l'utilisation d'une année de référence commune pour toutes les entreprises ayant participé à la même infraction permet, en principe, de déterminer les sanctions de manière uniforme dans le respect du principe d'égalité, tout en appréciant l'ampleur de l'infraction commise en fonction de la réalité économique telle qu'elle apparaissait durant la période pertinente (arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C-196-99 P, Rec. p. I-11005, point 129).

92 En l'espèce, la requérante fait valoir que RSFE est sortie du marché en décembre 2000 et que la baisse du chiffre d'affaires de cette dernière était due à sa décision de se retirer du marché. Or, ainsi que la Commission le fait observer à juste titre, la prise en compte de parts de marché telles qu'elles se présentaient lors de l'exercice 1999, au cours duquel la requérante se préparait à quitter le marché, risquait de ne pas rendre correctement compte de la position réelle de RSFE sur le marché au cours de l'entente. Ainsi, la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que la seule circonstance que, postérieurement à 1996, les parts de marché de RSFE aient diminué et que celles d'autres membres de l'entente se soient maintenues ou aient augmenté ne constituait pas un motif suffisant pour déroger à l'année de référence retenue pour les autres membres de l'entente (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, KNP BT/Commission, T-309-94, Rec. p. II-1007, point 108).

93 Ensuite, force est de rejeter l'argument selon lequel l'année 1996 ne constituait pas une année de référence correcte au motif que RSFE n'avait pas encore, à cette date, adhéré à Valveplast. Il ressort, en effet, des points 69 à 71 ci-dessus que RSFE était impliquée dans une infraction unique et continue en participant au sous-groupe "France" à partir du 10 octobre 1995 et à Valveplast à partir du 21 novembre 1997. Ainsi, l'année de référence 1996 est couverte par l'infraction unique et continue commise par RSFE. Pour ce motif, la requérante ne saurait davantage prétendre, à titre subsidiaire, que la Commission aurait dû ne prendre en compte que les parts de marché de RSFE sur le marché français des sacs gueule ouverte.

94 Il convient de préciser, à cet égard, que le traitement différencié mis en œuvre par la Commission aux considérants 766 à 777 de la décision attaquée ne cherche pas à identifier le dommage causé individuellement par chaque entreprise à la concurrence, mais à identifier leur capacité économique à provoquer un tel dommage, au regard des parts de marché réalisées par les entreprises pour les produits ayant fait l'objet de l'entente globale. La Commission s'est ainsi davantage intéressée à la dimension économique de RSFE sur le marché concerné par l'entente qu'au chiffre d'affaires qu'elle avait réalisé pour les produits ayant spécifiquement fait l'objet des arrangements collusoires auxquels elle avait participé.

95 Par ailleurs, pour les motifs énoncés aux points 67 et 68 ci-dessus, la situation de la requérante n'est pas comparable à celle de Stempher, de sorte que la Commission ne devait pas lui réserver le même traitement.

96 Pour l'ensemble de ces motifs, il y a lieu de rejeter également la deuxième branche du présent moyen.

3. Sur la troisième branche, tirée de l'absence de correspondance entre le montant de l'amende et la durée de l'infraction

97 Par cette troisième branche du deuxième moyen, la requérante réitère sa position développée dans le cadre de son premier moyen sur la qualification du comportement de RSFE d'infraction unique et continue. Ce comportement ne saurait tout au plus donner lieu, selon elle, qu'à une infraction de courte durée au sens des lignes directrices. Même si le Tribunal devait considérer que la participation de RSFE à l'activité du sous-groupe "France" et de Valveplast relevait d'une infraction unique et continue, il y aurait lieu de retenir que l'infraction a duré trois ans et trois mois. La Commission n'aurait, dès lors, pu appliquer une augmentation en fonction de la durée supérieure à 30 %.

98 Il résulte des points 69 à 71 ci-dessus que RSFE a commis une infraction unique, qui a été continue du 10 octobre 1995 au 31 janvier 1999, soit pendant trois ans, trois mois et 21 jours.

99 Dans la mesure où, au considérant 780 de la décision attaquée, la Commission a pris le parti de majorer les montants de départ de l'amende de 10 % par année complète d'infraction et de 5 % pour toute période supplémentaire égale ou supérieure à six mois, mais inférieure à un an, elle aurait dû appliquer à la requérante une majoration de 30 % dudit montant de départ, en lieu et place d'une majoration de 45 %.

100 Il y a donc lieu d'accueillir la troisième branche du présent moyen pour autant qu'elle tend à contester l'application d'une majoration de 45 % au lieu de 30 % du montant de départ de l'amende en raison de la durée de l'infraction. Les conséquences de ce constat pour le calcul du montant de l'amende imposée à la requérante seront analysées au point 153 ci-après.

4. Sur la quatrième branche, tirée de la violation du principe d'équité

101 La requérante soutient que la Commission a violé le principe d'équité en manquant à son obligation de prendre en compte le fait que sa responsabilité n'avait été engagée qu'en sa qualité de société mère. En effet, la requérante n'aurait pas participé aux activités de l'entente. Elle fait observer que la communication des griefs a été adressée tant à RSFE qu'à elle-même et qu'elle est devenue, des deux sociétés, le seul destinataire de la décision attaquée après la liquidation de RSFE. Selon la requérante, si RSFE avait encore existé à la date d'adoption de la décision attaquée, la Commission aurait tenu compte de sa faible dimension et n'aurait pas appliqué de coefficient multiplicateur dissuasif.

102 Il convient tout d'abord de relever que la circonstance qu'une société mère soit sanctionnée pour une infraction aux règles de concurrence commise par une filiale ne fait pas obstacle à l'application d'un coefficient multiplicateur en vue de garantir l'effet dissuasif de la sanction infligée.

103 Par ailleurs, il est inexact d'affirmer qu'aucun facteur multiplicateur n'aurait été appliqué à la requérante si RSFE avait encore existé à la date d'adoption de la décision attaquée. En effet, il ressort de celle-ci que la Commission a déterminé le niveau des amendes en se fondant sur les caractéristiques individuelles des destinataires de la décision attaquée. Ainsi, l'amende imposée à la requérante a été déterminée en fonction des éléments qui lui étaient propres, l'existence ou non de RSFE à la date d'adoption de la décision attaquée étant sans influence à cet égard.

104 Il y a lieu, dès lors, de rejeter la quatrième branche du présent moyen.

5. Sur la cinquième branche, tirée d'une appréciation erronée des circonstances atténuantes et aggravantes

a) Sur les circonstances atténuantes

Sur l'appréciation du comportement de RSFE au sein de l'entente

105 Selon la requérante, le rôle restreint de RSFE dans l'entente justifierait une réduction sensible du montant de l'amende, conformément au point 3, premier tiret, des lignes directrices. En effet, RSFE aurait participé à l'activité de Valveplast plus tardivement que les autres parties à l'entente, en novembre 1997, uniquement en ce qui concerne la section des gaines FFS, et aurait cessé cette participation dès le mois de novembre 1998. Elle n'aurait, durant cette période, assisté qu'à trois des cinq réunions organisées au sein de Valveplast. Par ailleurs, rien n'indiquerait que RSFE ait joué un rôle plus important que les autres parties à l'entente dans le cadre du sous-groupe "France", dès lors que ces réunions ne nécessitaient pas de président et qu'aucune déclaration n'aurait mentionné RSFE en qualité de coordinateur de ce sous-groupe pour les sacs gueule ouverte (voir considérants 328 et 455 de la décision attaquée).

106 En outre, la Commission aurait fait naître chez la requérante une confiance légitime s'attachant à ce que la participation restreinte de RSFE à l'entente soit prise en considération lors de la fixation du montant de l'amende, dans la mesure où cette possibilité avait été explicitement envisagée au point 306 de la communication des griefs.

107 Il convient de rappeler, tout d'abord, que le rôle passif d'une entreprise constitue, s'il est établi, une circonstance atténuante, conformément au point 3, premier tiret, des lignes directrices, étant précisé que ce rôle passif implique l'adoption par l'entreprise concernée d'un "profil bas", c'est-à-dire suppose une absence de participation active à l'élaboration du ou des accords anticoncurrentiels.

108 Parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d'une entreprise au sein d'une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l'entente, de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l'objet de l'infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l'existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d'entreprises tierces ayant participé à l'infraction (voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220-00, Rec. p. II-2473, point 168, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 6 décembre 2005, Brouwerij Haacht/Commission, T-48-02, Rec. p. II-5259, point 75).

109 En l'espèce, il y a lieu de rejeter, tout d'abord, l'allégation de la requérante selon laquelle elle n'aurait participé que sporadiquement aux réunions de Valveplast. En effet, il ressort de l'annexe 1 de la décision attaquée qu'elle a participé à quatre des cinq réunions qui ont eu lieu entre le 21 novembre 1997 et le 26 novembre 1998.

110 Ensuite, il importe de souligner que, au stade de la communication des griefs, qui ne constitue en tout état de cause qu'un acte préparatoire et non un acte faisant grief ou conférant des droits, la Commission n'a aucunement fait part de son intention de reconnaître à la requérante des circonstances atténuantes. En effet, le point 306 de la communication des griefs indique tout simplement que la participation moins intense de RSFE est un facteur pouvant être pris en considération lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction. La Commission n'a pas précisé qu'elle devait ou allait le faire.

111 S'agissant du sous-groupe "France", il ressort de l'annexe 2 de la décision attaquée que RSFE a participé à toutes les réunions comprises entre le 10 octobre 1995 et le 14 avril 2000. Par ailleurs, il ressort des tableaux de répartition des clients au sein du sous-groupe "France" que RSFE, désignée sous le numéro 9, était coordonnateur de généralement huit clients, dont cinq relevaient de la catégorie la plus importante. RSFE est également régulièrement citée dans les notes manuscrites prises au cours des réunions du sous-groupe "France". Il résulte ainsi des notes prises par Cofira lors de la réunion du 2 juillet 1998 (note en bas de page n° 390 de la décision attaquée) que RSFE a activement participé aux discussions sur les prix et à la répartition entre les membres des livraisons aux clients recensés. De même, il ressort des notes manuscrites prises par Cofira au cours de la réunion du 8 octobre 1996 (note en bas de page n° 391 de la décision attaquée) que RSFE participait activement aux discussions portant sur les arrangements sur les offres de couverture. Ce document contient notamment le passage suivant : "[nom d'un client] : Cofira leader [...] SF couvre Cofira suite dérive précédente commande". Il convient enfin de relever que RSFE a été désignée pour coordonner les réunions du sous-groupe "France" en matière de sacs gueule ouverte (voir point 61 ci-dessus).

112 Compte tenu de l'ensemble des éléments dont disposait la Commission, il y a donc lieu de considérer que celle-ci n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de reconnaître à la requérante le bénéfice d'une attitude passive ou suiviste.

113 Il y a, dès lors, lieu de rejeter le présent grief.

Sur la coopération de la requérante durant la procédure administrative

114 La requérante soutient qu'une réduction du montant de l'amende aurait dû lui être accordée au motif qu'elle n'avait pas contesté les allégations de fait essentielles invoquées par la Commission contre RSFE. Elle précise que, en raison de la vente des activités relatives aux sacs industriels de RSFE en 2000 à RKW, l'ensemble des documents et comptes concernant ces activités ont été transférés à RKW, la requérante n'ayant conservé aucune archive importante à cet égard. De même, les salariés qui travaillaient dans cette branche d'activité et seraient au service de la requérante auraient été très peu nombreux. En outre, aucun cadre supérieur de la requérante n'aurait été impliqué dans l'infraction. Ne disposant pas des éléments constatés par la Commission, la requérante ne pouvait, par conséquent, coopérer plus activement avec cette institution au cours de la procédure administrative.

115 Dans la communication sur la coopération, la Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente peuvent être exemptées de l'amende ou bénéficier d'une réduction du montant de l'amende qu'elles auraient autrement dû acquitter (point A 3 de la communication sur la coopération).

116 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu'une réduction du montant de l'amende au titre d'une coopération lors de la procédure administrative n'est justifiée que si le comportement de l'entreprise en cause a permis à la Commission de constater l'infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d'y mettre fin (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T-327-94, Rec. p. II-1373, point 156 ; du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T-45-98 et T-47-98, Rec. p. II-3757, point 270, et Groupe Danone/Commission, point 28 supra, point 449).

117 Il est constant que la requérante n'a pas fourni à la Commission d'informations facilitant la constatation de l'infraction. À cet égard, force est de relever que la circonstance que la requérante en ait été empêchée en raison du fait que l'ensemble des documents pertinents n'avait pas été conservé à la suite de la cession de RSFE, en 2000, ne constitue pas un motif permettant à la Commission d'accorder une réduction du montant de l'amende au titre d'une coopération qui n'a pas eu lieu.

118 En outre, il ressort de la réponse de la requérante à la communication des griefs que la requérante a contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission avait fondé ses accusations. Pour nombre d'entre elles, ces contestations concernaient d'autres faits que ceux pour lesquels la Commission avait procédé à des appréciations inexactes.

119 Pour ces motifs, il y a lieu de rejeter le présent grief.

Sur les conditions du marché

120 La requérante fait valoir que l'état stagnant du marché des sacs industriels depuis la fin des années 80 justifie une réduction sensible de l'amende. En effet, la Commission aurait reconnu l'état de crise structurelle du marché depuis la fin des années 80 (voir considérant 20 de la décision attaquée). L'entente aurait eu pour unique objectif de stabiliser le marché de manière que les fabricants de sacs industriels soient en mesure de poursuivre leurs activités sans avoir à quitter le marché. La requérante affirme que les marges des participants à l'entente étaient restées peu élevées. Un tel facteur serait retenu à titre de circonstance atténuante dans la pratique décisionnelle de la Commission. Celle-ci aurait également dû tenir compte de l'état difficile du marché dans l'évaluation de l'incidence de l'infraction sur le marché.

121 À cet égard, il suffit de relever que la Commission n'est pas tenue de prendre en compte la situation économique difficile du marché en cause et que le fait que la Commission ait pu, dans des affaires précédentes, en tenir compte à titre de circonstance atténuante ne l'oblige nullement à continuer à observer cette pratique (arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, ICI/Commission, T-13-89, Rec. p. II-1021, point 372, et du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181, point 345).

122 Il convient, partant, de rejeter le présent grief.

Sur la mise en place d'un programme de mise en conformité aux règles de concurrence

123 La requérante considère que le programme de conformité en matière de concurrence constitue une circonstance atténuante, devant donner lieu à une réduction du montant de son amende. Elle précise que ce programme est appliqué à l'ensemble du groupe, ce qui l'a conduite à dénoncer à la Commission tous les actes susceptibles de constituer des infractions aux règles de concurrence et qu'elle coopère sans réserve avec la Commission dans diverses procédures administratives.

124 Force est toutefois de constater que cette circonstance ne modifie rien à la réalité de l'infraction constatée et n'oblige pas la Commission à octroyer une réduction du montant de l'amende (arrêts du Tribunal Tokai Carbon e.a./Commission, point 120 supra, point 343, et du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T-101-05 et T-111-05, Rec. p. II-4949, point 52). En outre, le fait que la requérante coopère avec la Commission dans le cadre d'autres affaires relatives à des infractions aux règles de concurrence de l'Union est sans influence sur la réduction du montant de l'amende susceptible d'être accordée au titre de la coopération dans la présente affaire.

125 Il convient, dès lors, de rejeter le présent grief.

b) Sur la récidive

126 Aux considérants 785 à 789 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la requérante avait commis une infraction répétée dans la mesure où elle avait été impliquée dans une entente précédente ayant fait l'objet de la décision 94-601-CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article [81 CE] (affaire IV-C-33.833 Carton) (JO L 243, p. 1, ci-après la "décision du 13 juillet 1994" ou l'"affaire Carton"), et portant notamment sur la fixation des prix sur le marché concerné, la détermination de quotas de parts de marché et l'échange d'informations sur les prix et les livraisons. En conséquence, la Commission a appliqué une augmentation de 50 % du montant de base de l'amende à titre de circonstance aggravante.

127 La requérante conteste le bien-fondé de cette augmentation. Elle fait observer qu'elle n'est responsable de l'infraction qu'en sa qualité de société mère de RSFE, qui a participé à l'entente de son propre chef, sans que la requérante en ait eu connaissance. En outre, les liens entre la filiale impliquée dans l'affaire Carton et RSFE auraient été très lâches. Le simple fait d'appartenir à un même groupe ne suffirait pas pour justifier une majoration du montant de l'amende pour cause de récidive, le facteur déterminant à cet égard étant le point de savoir si les entreprises concernées appliquaient la même stratégie sur le marché. Or, en l'espèce, RSFE aurait déterminé sa ligne d'action sur le marché de manière indépendante, sans suivre d'instruction de sa société mère.

128 La requérante soutient en outre que la Commission a violé les principes d'équité et de proportionnalité en augmentant le montant de base de son amende de 50 % sur le fondement de la récidive, pour assurer une dissuasion effective. En effet, la nécessité de la dissuasion aurait déjà été prise en compte lors de la fixation du montant de départ de l'amende, par la prise en considération de la dimension globale de la requérante et le doublement consécutif dudit montant de départ, celui-ci étant porté à 13 millions d'euro. À cet égard, la requérante prétend que les notions de récidive et de dissuasion sont complémentaires, toutes deux ayant pour but de faire obstacle à la survenance de nouvelles infractions.

129 S'agissant du lien entre les entreprises ayant commis les différentes infractions, il convient de relever, tout d'abord, que la Commission peut considérer qu'une même entreprise a antérieurement été condamnée pour une infraction du même type lorsque les auteurs des comportements infractionnels répétés sont des sociétés filiales différentes relevant d'une même entité économique (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203-01, Rec. p. II-4071, point 290). Dès lors, force est de rejeter l'allégation selon laquelle une récidive ne saurait être identifiée que lorsque la société concernée y participe directement. L'entité économique étant le seul critère pertinent aux fins de la notion d'entreprise au sens des règles de concurrence de l'Union, il suffit que celle-ci soit impliquée dans plusieurs infractions pour qu'une récidive puisse être constatée.

130 En l'espèce, il n'est pas contesté que la requérante était impliquée dans l'entente ayant fait l'objet de la décision du 13 juillet 1994. La requérante conteste toutefois qu'une infraction répétée puisse être identifiée en l'espèce, au motif que RSFE déterminait de manière autonome son comportement sur le marché.

131 À cet égard, il convient toutefois de relever qu'il est constant que RSFE était directement ou indirectement détenue à 100 % par la requérante ou son prédécesseur à partir de 1995 (voir considérants 116 et 117 de la décision attaquée et point 1 ci-dessus). Il importe également de rappeler que, lorsqu'une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence, il existe une présomption simple selon laquelle ladite société mère a effectivement exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, qu'il lui incombe, le cas échéant, de renverser (voir arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97-08 P, Rec. p. I-8237, points 60 et 61, et la jurisprudence citée).

132 Or, force est de constater, en l'espèce, que la requérante n'apporte aucun élément de preuve qui soit de nature à renverser ladite présomption. La circonstance que la structure de gestion de RSFE n'ait pas été affectée par la fusion de Rosenlew et de la requérante ne constitue pas un élément susceptible de renverser cette présomption.

133 Par ailleurs, la constatation d'une récidive ne requiert pas que l'infraction répétée ait été commise sur le même marché que celui sur lequel l'infraction a été commise antérieurement (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T-161-05, Rec. p. II-3555, point 147).

134 En ce qui concerne la violation alléguée du supposé "principe d'équité" et du principe de proportionnalité, la Commission fait observer que le critère de l'augmentation du montant de départ de l'amende en fonction de la grande taille de l'entreprise et le critère de la récidive remplissent chacun un rôle spécifique afin d'assurer l'effet dissuasif de l'amende.

135 En effet, le critère de la taille vise notamment à moduler le montant de l'amende en fonction de la puissance économique de l'entreprise sanctionnée et à éviter que les entreprises mettent en place une stratégie de répartition du risque de sanction sur l'ensemble de leurs activités. Le critère de la récidive répond, quant à lui, à la nécessité de combattre la répétition d'activités collusoires.

136 Il ressort de la jurisprudence que la dissuasion constitue une finalité de l'amende et une exigence générale guidant la Commission tout au long du calcul du montant de celle-ci. Ainsi, l'objectif de dissuasion ne requiert pas nécessairement que ce calcul soit caractérisé par une étape spécifique destinée à une évaluation globale de toutes les circonstances pertinentes aux fins de la réalisation de cette finalité (arrêts du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T-15-02, Rec. p. II-497, point 226, et du 8 octobre 2008, Carbone Lorraine/Commission, T-73-04, Rec. p. II-2661, point 131).

137 Il s'ensuit que la Commission pouvait valablement prendre en compte l'objectif de dissuasion non seulement au stade de la majoration de l'amende en raison de la grande taille de l'entreprise, mais également dans le cadre de la récidive. Il convient d'observer, à cet égard, que les lignes directrices identifient la grande taille de l'entreprise et la récidive comme deux facteurs différents que la Commission peut prendre en considération à différents stades de son analyse.

138 Il y a lieu de rappeler également que la Commission jouit d'un pouvoir d'appréciation important en matière de fixation des amendes. La nécessité d'éviter de nouvelles infractions est un élément important que la Commission doit prendre en considération dans l'exercice de ce pouvoir. En effet, la récidive constitue la preuve que la sanction antérieurement imposée n'a pas été suffisamment dissuasive (arrêt Michelin/Commission, point 128 supra, point 293).

139 Dans le cas d'espèce, la Commission a constaté, aux considérants 786 à 789 de la décision attaquée, que la requérante avait déjà commis une infraction du même type que celle condamnée par la décision attaquée et que l'amende imposée par la décision du 13 juillet 1994 n'avait pas eu un effet suffisamment dissuasif pour éviter que la requérante ne s'engage à nouveau dans des comportements illicites. Elle a donc appliqué une majoration de 50 %, alors pourtant que les lignes directrices lui auraient permis d'appliquer un pourcentage plus élevé. Selon les explications fournies par la Commission à l'audience, elle aurait retenu un pourcentage de 50 % pour tenir compte du fait qu'elle avait déjà majoré le montant de départ de l'amende en raison de la grande taille de l'entreprise.

140 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation ou d'avoir violé le principe de proportionnalité.

141 Il y a donc lieu de conclure que la cinquième branche du deuxième moyen doit être rejetée dans son ensemble.

6. Sur la sixième branche, tirée de l'assimilation inexacte de l'entente à une infraction très grave

142 La requérante soutient que la Commission a commis une erreur dans l'évaluation de l'effet de l'entente sur le marché aux fins de l'appréciation de sa gravité. Elle fait observer que l'infraction a été qualifiée de très grave, alors que son incidence sur le marché n'était pas mesurable, en se fondant sur le constat que les pratiques collusoires avaient été mises en œuvre. La Commission aurait ainsi manqué à son obligation de se fonder sur l'incidence effective des ententes, conformément à ce que prévoit le point 1 A des lignes directrices. La Commission aurait notamment omis d'apporter des éléments de preuve quant à une hausse des prix consécutive à l'entente et de prendre en considération les éléments de preuve et les explications soumis à son attention. Selon la requérante, le marché des sacs industriels est resté très concurrentiel, notamment dans la branche des FFS, ainsi que cela ressortirait des déclarations de Trioplast Wittenheim et Combipac et de celles de la requérante elle-même. En tenant compte du contexte économique défavorable dans lequel se situait l'entente et de sa portée géographique limitée, l'infraction aurait dû être qualifiée tout au plus de grave.

143 Il ressort des lignes directrices que l'évaluation de la gravité de l'infraction doit prendre en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché géographique concerné. Sont ainsi qualifiées de très graves les restrictions horizontales notamment de type "cartels des prix" et de quotas de répartition des marchés.

144 En l'espèce, après avoir constaté que l'entente en cause avait trait à des restrictions horizontales figurant, par leur nature même, parmi les infractions les plus graves à l'article 81 CE, la Commission a relevé qu'il n'était pas possible de mesurer précisément l'impact concret sur les territoires en cause de l'ensemble des arrangements et pratiques collusoires constituant l'infraction. Elle a toutefois considéré que ces arrangements collusoires avaient été mis en œuvre en ce qui concerne les éléments fondamentaux de l'entente, à savoir les prix, la répartition des clients et des affaires, ainsi que la surveillance des parts de marché respectives des membres de l'entente. La Commission a ainsi estimé que ces arrangements collusoires avaient nécessairement eu un impact sur le marché, quoiqu'il n'ait pas été possible d'en apprécier précisément l'importance (voir considérants 756 à 763 de la décision attaquée). La Commission a ensuite constaté que l'infraction s'était étendue aux territoires de l'Allemagne, du Benelux, de l'Espagne et de la France (voir considérant 764 de la décision attaquée). Elle a enfin conclu que l'infraction était très grave (voir considérant 765 de la décision attaquée).

145 Il convient de relever que, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission n'est pas tenue de se fonder sur l'incidence effective d'une entente sur le marché aux fins de la qualifier, en application des lignes directrices, de très grave. Ainsi, l'impact concret d'une entente sur le marché n'a pas à être pris en considération, à ce titre, lorsqu'il n'est pas mesurable.

146 Cela étant, ainsi que la Commission le fait observer, il lui incombe, à l'inverse, en vertu des lignes directrices, de prendre cet impact sur le marché en considération lorsque celui-ci est mesurable, sous le contrôle, le cas échéant, du juge de l'Union. Or, en l'espèce, force est de relever que la requérante, d'une part, n'apporte aucun élément permettant de retenir que l'impact de l'entente sur le marché était mesurable et, d'autre part, ne produit aucun élément tendant à indiquer que l'entente était dénuée d'effet sur ledit marché. Il convient de souligner, sur ce point, que les déclarations d'autres membres de l'entente, invoquées par la requérante, sont manifestement insuffisantes pour démontrer une absence d'effet sur le marché, tant il est constant que les systèmes de répartition de clients et d'affaires, impliquant des prix plus élevés que ceux qui auraient résulté du fonctionnement normal du marché, la répartition des quotas et des arrangements sur les prix ont été mis en œuvre et ont, dès lors, nécessairement affecté les intérêts des clients et, finalement, des consommateurs.

147 Par ailleurs, il ne saurait être retenu que la Commission a commis une erreur d'appréciation quant aux conséquences à tirer du contexte prétendument difficile du marché. En effet, le fait qu'un marché connaisse des difficultés économiques à un moment donné ne signifie en rien que l'infraction ne saurait être qualifiée de très grave. Par ailleurs, la question de savoir si la Commission doit tenir compte de ces difficultés au titre des circonstances atténuantes (voir points 120 et 121 ci-dessus) doit être distinguée de celle relative à la qualification de l'infraction de grave ou de très grave.

148 Enfin, il convient également de rejeter l'allégation selon laquelle l'infraction ne saurait être qualifiée de très grave en raison du fait qu'elle ne couvrait pas l'ensemble du territoire de l'Union européenne. En effet, l'entente sanctionnée par la décision attaquée concernait pas moins de six États membres. Son incidence géographique ne saurait, dès lors, être qualifiée de limitée.

149 Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, il n'y a pas lieu de considérer que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en qualifiant l'infraction de très grave. Par ailleurs, dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal n'entend pas revenir sur cette qualification, qu'il considère comme étant appropriée eu égard aux circonstances de l'espèce.

150 Pour ces motifs, il y a lieu de rejeter la sixième branche du présent moyen.

151 Le deuxième moyen doit dès lors être rejeté, à l'exception de sa troisième branche.

152 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que la décision attaquée doit être annulée pour autant qu'elle tient la requérante pour responsable de l'infraction unique et continue visée à l'article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, avant le 10 octobre 1995.

153 Il appartient donc au Tribunal, dans l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, de corriger le niveau de l'amende afin de tenir compte de cette annulation partielle. Cette correction consiste dans l'application d'une majoration de 30 % au montant de départ de l'amende, en lieu et place d'une majoration de 45 %. Ainsi, une majoration de 30 % appliquée à la somme de 26 millions d'euro, qui correspond au montant de départ de l'amende attribuée à la requérante (voir considérant 777 de la décision attaquée), auquel un facteur multiplicateur de 2 est appliqué au titre du caractère dissuasif et suffisant de l'amende (voir considérant 778 de la décision attaquée), donne lieu à un montant de 33,80 millions d'euro, auquel une dernière majoration de 50 % doit être appliquée au titre de la récidive (voir considérant 789 de la décision attaquée), ce qui donne lieu à un total de 50,7 millions d'euro.

Sur les dépens

154 Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

155 Le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1) La décision C (2005) 4634 final de la Commission, du 30 novembre 2005, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] (Affaire COMP-F-38.354 - Sacs industriels), est annulée pour autant que et dans la mesure où elle tient UPM-Kymmene Oyj pour responsable de l'infraction unique et continue visée à son article 1er, paragraphe 1, pour la période antérieure au 10 octobre 1995.

2) Le montant de l'amende infligé par l'article 2, sous j), de ladite décision est fixé à 50,7 millions d'euro.

3) Le recours est rejeté pour le surplus.

4) La Commission européenne et UPM-Kymmene supporteront chacune leurs propres dépens.