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Décisions

TUE, 4e ch., 6 mars 2012, n° T-64/06

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

FLS Plast A/S

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pelikánová

Juges :

Mme Jürimäe, M. van der Woude (Rapporteur)

Avocats :

Mes Lasok, Thill-Tayara

Comm. CE, du 30 nov. 2005

30 novembre 2005

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

Faits à l'origine du litige

1 La requérante, la société danoise FLS Plast A/S, précédemment nommée Nyborg Plast International A/S, est destinataire de la décision attaquée en sa qualité d'ancienne société mère de Trioplast Wittenheim SA, qui était producteur de sacs industriels, de films et de gaines en plastique et avait son siège social à Wittenheim (France). La requérante est une filiale du groupe danois contrôlé par FLSmidth & Co A/S (ci-après " FLSmidth ").

2 En décembre 1990, la requérante a acquis 60 % des actions de Trioplast Wittenheim, à l'époque nommée Silvallac SA. Les 40 % restants des actions ont été acquis par la requérante en décembre 1991. La partie vendeuse était la société française Cellulose du Pin, membre du groupe détenu par la Compagnie de Saint-Gobain SA (ci-après " groupe Saint-Gobain ").

3 La requérante a vendu Silvallac en 1999 à Trioplanex France SA (ci-après " Trioplanex "), une filiale française de Trioplast Industrier AB. Le transfert a pris effet à partir du 1er janvier 1999. En juillet 1999, Silvallac a été renommée Trioplast Wittenheim par sa nouvelle propriétaire.

4 En novembre 2001, la société British Polythene Industries a informé la Commission des communautés européennes de l'existence d'une entente dans le secteur des sacs industriels en plastique (ci-après l'" entente "). Elle a exprimé son souhait de coopérer dans le cadre des dispositions de la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la " communication sur la coopération ").

5 Les 26 et 27 juin 2002, la Commission a procédé à des vérifications en application de l'article 14, paragraphes 2 ou 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204). Une de ces vérifications a été effectuée chez Trioplast Wittenheim.

6 Entre le 14 novembre 2002 et le 21 février 2003, la Commission a adressé aux sociétés concernées des demandes de renseignements en vertu de l'article 11 du règlement n° 17. Une de ces demandes était adressée à Trioplast Wittenheim.

7 Par lettre en date du 19 décembre 2002, complétée par une lettre datée du 16 janvier 2003, Trioplast Wittenheim a indiqué vouloir coopérer à l'enquête de la Commission, dans le cadre de la communication sur la coopération, et a fourni des explications écrites.

8 Le 4 août 2003, la Commission a adressé une demande de renseignements complémentaires à Trioplast Wittenheim.

9 Le 30 avril 2004, la Commission a engagé la procédure administrative et a adopté une communication des griefs à l'encontre de plusieurs sociétés, dont, notamment, la requérante et Trioplast Wittenheim. Une audition s'est tenue du 26 au 28 juillet 2004.

10 Le 30 novembre 2005, la Commission a adopté, sur le fondement du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), la décision C (2005) 4634 final, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] (Affaire COMP-F-38.354 - Sacs industriels ; ci-après la " décision attaquée "), dont un résumé a été publié au Journal officiel de l'Union européenne du 26 octobre 2007.

11 L'article 1er, paragraphe 1, sous h), de la décision attaquée dispose que la requérante et FLSmidth ont, du 31 décembre 1990 au 19 janvier 1999, enfreint l'article 81 CE en participant à un ensemble d'accords et de pratiques concertées dans le secteur des sacs industriels en matière plastique en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en France, au Luxembourg et aux Pays-Bas, ayant porté sur la fixation des prix et la mise en place de modèles communs de calcul de prix, le partage des marchés et l'attribution de quotas de vente, l'allocation de clients, d'affaires et de commandes, la soumission concertée à certains appels d'offres et l'échange d'informations individualisées.

12 L'article 2, premier alinéa, sous f), de la décision attaquée impose à Trioplast Wittenheim une amende de 17,85 millions d'euro. Sur ce montant, FLSmidth et la requérante sont tenues pour solidairement responsables à hauteur de 15,30 millions d'euro et Trioplast Industrier est tenue pour responsable à hauteur de 7,73 millions d'euro.

Procédure et conclusions des parties

13 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 février 2006, la requérante a introduit le présent recours.

14 La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler l'article 1er, paragraphe 1, sous h), et l'article 2, premier alinéa, sous f), de la décision attaquée en ce qu'ils concernent la requérante ;

- à titre subsidiaire, modifier l'article 2, premier alinéa, sous f), de la décision attaquée et réduire substantiellement le montant de l'amende infligée solidairement à la requérante ;

- si nécessaire, ordonner que M. T., ancien cadre de la requérante, fournisse des éléments de preuve et toute autre mesure d'enquête pouvant être nécessaire pour résoudre les questions de fait de la présente affaire ;

- condamner la Commission aux dépens et autres frais et charges afférents à la présente affaire encourus par la requérante.

15 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter la requête comme non fondée ;

- condamner la requérante aux dépens.

En droit

16 La requérante invoque cinq moyens au soutien de ses conclusions.

17 Les deux premiers moyens tendent à l'annulation de la décision attaquée en ce qu'elle concerne la requérante.

18 Le premier moyen est tiré d'une erreur de droit dans le cadre de la détermination de l'amende. À l'appui de ce moyen, la requérante reproche notamment à la Commission le fait que le cumul des montants pour le paiement desquels la requérante et Trioplast Industrier sont tenues solidairement pour responsables dépasse le montant total de l'amende infligée à Trioplast Wittenheim.

19 Le deuxième moyen concerne l'appréciation de la responsabilité de la requérante en sa qualité de société mère de Trioplast Wittenheim. Ce moyen s'articule en quatre branches. La première branche est tirée d'une violation des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité. La deuxième branche porte sur le rôle des dirigeants de la requérante et le degré d'autonomie de Trioplast Wittenheim. Par la troisième branche, la requérante conteste avoir été informée du comportement anticoncurrentiel de Trioplast Wittenheim. Dans le cadre de la quatrième branche, elle conteste l'appréciation par la Commission des moyens dont elle disposait supposément pour exercer un contrôle sur Trioplast Wittenheim.

20 Les troisième, quatrième et cinquième moyens visent à une réduction de l'amende et sont tous tirés d'une application incorrecte des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les " lignes directrices ") et de la pratique décisionnelle de la Commission en matière de calcul des amendes.

21 Par le troisième moyen, la requérante conteste le montant de l'amende imposée à Trioplast Wittenheim. Il se divise en trois branches. La première branche porte sur la gravité de l'infraction et la différenciation des entreprises ayant participé à l'infraction. La deuxième branche vise la détermination de la durée de l'infraction commise par la requérante, tandis que la troisième branche concerne l'absence de prise en considération de circonstances atténuantes.

22 Le quatrième moyen concerne l'absence d'application du plafond de 10 % du chiffre d'affaires dans le cas de la requérante.

23 Le cinquième moyen a pour objet la contestation du montant de l'amende imposée solidairement à la requérante. Il comprend cinq branches, dont la première concerne le caractère disproportionné de l'amende eu égard à l'absence d'effet dissuasif sur la requérante. La deuxième branche a trait à l'absence de prise en compte de la durée et de l'intensité de l'infraction. La troisième branche vise le refus d'appliquer la communication sur la coopération, tandis que la quatrième est fondée sur le principe non bis in idem et le principe d'individualité des peines. Enfin, la requérante soulève, dans le cadre de la cinquième branche, des objections concernant la motivation de la décision attaquée.

24 Dans la mesure où le deuxième moyen concerne la constatation de l'infraction à l'article 1er, paragraphe 1, sous h), de la décision attaquée et où le premier moyen concerne l'amende infligée à l'article 2, premier alinéa, sous f), en raison de cette infraction, il convient d'examiner, d'abord, les arguments avancés dans le cadre du deuxième moyen et, ensuite, ceux invoqués au soutien du premier.

A - Sur le deuxième moyen, concernant la responsabilité de la requérante en sa qualité de société mère de Trioplast Wittenheim

1. Observations préliminaires

25 Selon la requérante, le comportement anticoncurrentiel d'une filiale ne peut être imputé à sa société mère que si cette dernière détermine la ligne d'action de la première et, donc, que les deux forment une seule entité économique. La requérante considère, en substance, que la Commission a appliqué une notion erronée de la présomption selon laquelle une société mère et sa filiale à 100 % constituent une entreprise au sens de l'article 81 CE, dans la mesure où elle a omis de prendre en compte certains éléments susceptibles de réfuter cette présomption.

26 Il convient de relever, à cet égard, que la notion d'entreprise visée par l'article 81 CE comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement, cette notion désignant ainsi une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97-08 P, Rec. p. I-8237, points 54 et 55, et la jurisprudence citée).

27 Lorsqu'une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe de répondre de cette infraction, qui doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes et la communication des griefs doit être adressée à cette dernière et lui indiquer en quelle qualité elle se voit reprocher les faits allégués (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 26 supra, points 56 et 57, et la jurisprudence citée).

28 À cet égard, le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard, en particulier, aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En effet, le fait qu'une société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l'article 81 CE permet à la Commission d'adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu'il soit requis d'établir l'implication personnelle de cette dernière dans l'infraction (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 26 supra, point 58, et la jurisprudence citée, et point 59).

29 Lorsqu'une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence, d'une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale, et, d'autre part, il existe une présomption simple selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 26 supra, point 60, et la jurisprudence citée).

30 Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d'une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme solidairement responsable pour le paiement de l'amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n'apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 26 supra, point 61).

31 Afin d'apprécier si une filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il ne convient pas seulement de tenir compte du fait que la société mère influence la politique des prix, les activités de production et de distribution, les objectifs de vente, les marges brutes, les frais de vente, le " cash flow " ou encore les stocks et le marketing. Il convient également de prendre en considération l'ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l'objet d'une énumération exhaustive (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 26 supra, point 74, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T-112-05, Rec. p. II-5049, points 64 et 65).

32 En l'espèce, il convient de relever que le raisonnement de la Commission figurant dans la décision attaquée, relatif à l'imputabilité de l'infraction, n'est pas univoque. D'une part, le considérant 580 de ladite décision précise que la Commission était en droit de présumer qu'une filiale détenue à 100 % par sa société mère appliquait pour l'essentiel les instructions qui lui étaient données par cette société mère et qu'il appartenait donc à cette dernière de réfuter cette présomption.

33 D'autre part, les considérants 715 à 732 de la décision attaquée, consacrés aux liens entre la requérante et Trioplast Wittenheim, n'invoquent pas explicitement la présomption simple susmentionnée. La Commission fait observer d'abord, au considérant 715 de la décision attaquée, que la requérante détenait 60 % du capital de Trioplast Wittenheim en 1991 et 100 % dudit capital à partir de 1992. Ensuite, les considérants 718 à 725 ne distinguent pas entre la situation dans laquelle la requérante détenait 60 % du capital de Trioplast Wittenheim et celle dans laquelle elle le détenait en totalité. Enfin, les considérants 726 à 732 évoquent quelques éléments additionnels qui seraient susceptibles de démontrer une influence déterminante de la requérante sur le comportement de Trioplast Wittenheim.

34 Devant le Tribunal, la Commission a clarifié sa position en précisant qu'elle ne s'était fondée sur le principe de la présomption simple que pour la période durant laquelle la requérante détenait 100 % du capital de Trioplast Wittenheim, c'est-à-dire la période comprise entre le 1er janvier 1992 et le 19 janvier 1999 (ci-après la " période 1992-1998 "). Ainsi, la Commission semble indiquer qu'elle n'a pas raisonné sur la base de cette présomption pour la période comprise entre le 31 décembre 1990 et le 31 décembre 1991, durant laquelle l'ancienne société mère, appartenant au groupe Saint-Gobain, détenait encore 40 % du capital de Trioplast Wittenheim. Selon le mémoire en défense, l'imputabilité du comportement de Trioplast Wittenheim à la requérante serait fondée sur les liens personnels forts existant entre les deux sociétés.

35 Dans ces circonstances, il convient d'analyser pour chacune des deux périodes visées ci-dessus si la Commission a démontré à suffisance de droit que la requérante exerçait une influence déterminante sur le comportement de Trioplast Wittenheim. Il conviendra d'examiner d'abord l'année 1991, au cours de laquelle cette participation se limitait à 60 %, pour aborder ensuite la période 1992-1998, durant laquelle la requérante détenait 100 % du capital de Trioplast Wittenheim.

2. Année 1991

36 La requérante affirme qu'elle n'avait pas le contrôle exclusif de Trioplast Wittenheim durant l'année 1991, dans la mesure où elle en détenait seulement 60 % des actions. En l'absence de détention de 100 % du capital de sa filiale, l'exercice effectif de son pouvoir de contrôle ne saurait donc être présumé. Dès lors que la société détenant les 40 % restants des actions avait d'importants intérêts dans ladite filiale et que Trioplast Wittenheim devait être gérée dans l'intérêt de tous les actionnaires, on ne saurait supposer que, durant cette période, la requérante et Trioplast Wittenheim ont formé une entité économique.

37 La Commission fait cependant observer que, durant l'année 1991, non seulement la requérante détenait 60 % des actions de Trioplast Wittenheim, mais aussi qu'il existait également des liens personnels forts entre les deux sociétés constituant l'entreprise.

38 Il convient de rappeler que, durant l'année 1991, la requérante détenait 60 % du capital de Trioplast Wittenheim, alors que l'ancienne société mère, appartenant au groupe Saint-Gobain, détenait les 40 % restants. Ainsi, il importe de savoir si, cette année-là, Trioplast Wittenheim a été contrôlée uniquement par la requérante ou bien conjointement par la requérante et le groupe Saint-Gobain. Or, en l'absence d'indices, tels qu'un pacte d'actionnaires ou la présence de droits de vote spéciaux, démontrant le contraire, le contrôle de la majorité des actions permet de supposer que la requérante avait le contrôle exclusif de la filiale dont il s'agit.

39 La requérante fait toutefois observer, à juste titre, que l'exercice de ce contrôle ne saurait être présumé, dès lors qu'un bloc de 40 % des actions pouvait permettre à l'ancien propriétaire d'influer également sur le comportement de Trioplast Wittenheim. Dans ces conditions, il incombait à la Commission de démontrer, d'une part, que Trioplast Wittenheim ne déterminait pas son comportement commercial de façon autonome et, d'autre part, que cette absence d'autonomie, à la supposer établie, s'expliquait par l'influence déterminante que la requérante exerçait de façon unilatérale sur sa filiale.

40 Il convient donc d'identifier, dans un premier temps, les éléments de preuve avancés par la Commission pour démontrer l'exercice du pouvoir de contrôle par la requérante durant l'année 1991 et de vérifier, dans un deuxième temps, si les éléments ainsi identifiés suffisent pour démontrer l'exercice d'une influence déterminante durant cette période.

41 S'agissant de la première question, il est constant qu'aucun des éléments de preuve énumérés aux considérants 715 à 732 de la décision attaquée ou avancés par la Commission devant le Tribunal (annexe 1 au mémoire en duplique) ne concerne l'année 1991, à l'exception du fait que MM. H. et T. siégeaient en 1991 tant au conseil d'administration de Trioplast Wittenheim qu'au sein de la direction de la requérante. Cette constatation est confirmée par la position prise par la Commission au point 111 du mémoire en défense.

42 S'agissant de la seconde question, il convient de vérifier si ce cumul de fonctions suffisait pour conclure, en l'espèce, à l'existence d'une entité économique entre la filiale concernée et sa société mère.

43 À cet égard, il y a lieu de constater, d'abord, que la Commission n'a pas donné d'explication quant au pouvoir des représentants du groupe dirigé par la requérante au sein du conseil d'administration de Trioplast Wittenheim. Il n'est donc pas établi qu'ils aient disposé du pouvoir d'imposer un contrôle effectif à l'ensemble du conseil d'administration, notamment durant une phase de transition telle que l'année 1991.

44 Ensuite, il n'est pas établi que MM. T., représentant FLS Smidth, et H., représentant de la requérante, savaient ou devaient savoir que la filiale récemment acquise était engagée dans des comportements anticoncurrentiels.

45 Enfin et surtout, il convient d'observer que la Commission ne conteste pas que la gestion quotidienne de la filiale relevait de la compétence du directeur général de cette dernière. Or, la requérante a précisé que M. L., un représentant du groupe Saint-Gobain, avait gardé la fonction de directeur général durant l'année 1991.

46 Dans ces conditions, la Commission n'a pas établi à suffisance de droit que la requérante exerçait un contrôle effectif sur Trioplast Wittenheim durant l'année 1991. Il convient dès lors d'accueillir le deuxième moyen pour autant qu'il porte sur l'imputabilité de l'infraction à la requérante pour la période comprise entre le 31 décembre 1990 et le 31 décembre 1991.

3. Période 1992-1998

a) En ce qui concerne la deuxième branche, relative au rôle des dirigeants de la requérante et au degré d'autonomie de Trioplast Wittenheim

47 Selon la requérante, la Commission n'a pas avancé de preuve attestant le fait qu'elle ait entendu exercer un contrôle sur le comportement commercial de Trioplast Wittenheim. Elle estime qu'un contrôle résiduel relatif à des " décisions stratégiques " et une surveillance financière ne suffisaient pas à justifier la conclusion selon laquelle elle exerçait un contrôle effectif sur sa filiale. En outre, le fait de nommer un dirigeant n'équivaudrait pas à déterminer le comportement commercial d'une filiale. Certes, M. H. était président de Trioplast Wittenheim entre 1990 et 1994, en étant également membre de la direction de la requérante, et M. T., membre et président du conseil d'administration de Trioplast Wittenheim, présidait également la requérante depuis 1987, mais ces circonstances n'étaieraient pas l'allégation de la Commission. En effet, il ressortirait du plan stratégique du groupe Nyborg Plast concernant la période allant de 1993 à 1995 que le groupe FLS était géré de façon décentralisée et que de nombreuses filiales avaient été dirigées par leurs gérants locaux. Ceux-ci auraient rendu compte de divers aspects commerciaux, principalement financiers, au président du conseil d'administration concerné.

48 À cet égard, la requérante renvoie à deux témoignages rendus lors de la procédure arbitrale, enclenchée par Trioplanex à l'encontre de la requérante et de FLSmidth devant l'International Court of Arbitration (Cour internationale d'arbitrage). M. T., susmentionné, et M. G., à l'époque directeur général de Trioplast Wittenheim, auraient confirmé, d'une part, que les rapports adressés au président du conseil d'administration étaient purement financiers et, d'autre part, que la gestion quotidienne était effectuée par la direction opérationnelle de la filiale concernée.

49 La requérante relève également que, lorsque M. T. était président de Trioplast Wittenheim, il était dans le même temps président du conseil d'administration d'une vingtaine d'autres sociétés, membre du conseil d'administration d'une vingtaine de sociétés additionnelles et vice-président/directeur général de FLSmidth. Or, la Commission aurait omis de prendre en compte le fait qu'un seul homme ne pouvait être physiquement impliqué dans la gestion de plus de quarante sociétés dans les proportions nécessaires pour établir l'existence d'une entreprise au sens de l'article 81 CE.

50 Dans la mesure où la décision arbitrale de l'International Court of Arbitration rendue dans l'affaire opposant Trioplanex à la requérante ne constitue pas en elle-même une preuve des faits en cause, la requérante demande à ce que le Tribunal entende M. T. comme témoin.

51 La Commission rejette cette argumentation et considère qu'il n'y a pas lieu d'entendre M. T. comme témoin.

52 À cet égard, il convient de rappeler, d'abord, que la réponse à la question de savoir si la requérante a réussi à réfuter la présomption selon laquelle elle exerçait durant la période 1992-1998 une influence sur le comportement sur le marché de sa filiale à 100 % dépend d'une analyse de tous les liens organisationnels, économiques et juridiques entre la filiale et sa société mère (voir point 31 ci-dessus).

53 Ensuite, force est de constater que MM. H. et T. ont tous deux exercé en parallèle des fonctions au sein de la requérante et au sein de la filiale concernée pendant la période de l'infraction. M. H., président de Trioplast Wittenheim de 1990 à 1994, était parallèlement un dirigeant de la requérante et M. T., membre du conseil d'administration de Trioplast Wittenheim à partir de 1990, puis président de 1994 à 1999, était également président de la requérante depuis 1987. De tels éléments constituent des liens organisationnels entre la filiale et sa société mère (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 décembre 2008, General Química e.a./Commission, T-85-06, non publié au Recueil, point 66).

54 Pour autant que la requérante tend à faire valoir que les fonctions de MM. H. et T. étaient purement formelles, son argumentation ne saurait être suivie pour les raisons suivantes.

55 En premier lieu, il convient de noter que l'exercice de la fonction de membre d'un conseil d'administration d'une société entraîne par sa nature même une responsabilité légale pour l'ensemble des activités de cette société, y inclus son comportement sur le marché. La thèse soutenue par la requérante, selon laquelle cette fonction ne serait que purement formelle, reviendrait à la vider de sa substance légale. Dès lors que MM. H et T assumaient ces responsabilités, il importe peu qu'ils ne se soient pas occupés, en pratique, de la politique commerciale de l'entreprise. Cette circonstance ne saurait donc être avancée pour réfuter la présomption simple en cause.

56 En deuxième lieu, il ne ressort pas du plan stratégique du groupe Nyborg Plast que ces dirigeants n'aient eu qu'un rôle formel. Certes, le plan fait mention de " structures décentralisées " et d'une " philosophie de gestion décentralisée ", des termes qui pourraient effectivement indiquer un certain degré d'indépendance des filiales appartenant à la requérante. Cependant, ledit document comprend plusieurs passages qui témoignent d'un souhait de maintenir un contrôle sur la gestion des filiales du groupe. En effet, le sommaire dudit plan comprend le passage suivant :

" Au moment des acquisitions de Silvallac [...], SMS SA et IPEL Ltd., NP prévoyait des économies d'échelle et des synergies. [...] Des initiatives seront prises pour assurer une prise de conscience commune à la société des synergies potentielles. Espérons que cela renforcera l'image de marque et la structure de la société. "

En ce qui concerne la philosophie de gestion décentralisée, le plan en question précise qu'un " suivi relativement strict des budgets et de la performance est nécessaire en raison, entre autres choses, des informations requises par la bourse danoise ". En outre, il découle du chapitre consacré aux " [p]lans d'action " que la direction de la requérante entendait créer une certaine uniformisation de la gestion des différentes filiales de son groupe. Dès lors, l'esprit de ce plan ne semble pas avoir été de placer les filiales à distance et de leur donner toute liberté d'action.

57 En troisième lieu, le contenu des témoignages de MM. T. et G., fournis en 2004 dans le cadre de la procédure d'arbitrage opposant Trioplanex à la requérante, ne justifie pas non plus la conclusion selon laquelle les positions des dirigeants de la requérante au sein de Trioplast Wittenheim n'étaient que purement formelles. S'il est vrai que ces témoignages ne confirment pas clairement que les cadres de la requérante s'occupaient de la gestion de Trioplast Wittenheim, ils démontrent à tout le moins un certain degré d'implication dans cette gestion.

58 Il est vrai que M. T. a déclaré qu'il n'était pas informé des opérations quotidiennes de Trioplast Wittenheim, car son rôle n'était pas d'être " sur le terrain ". Toutefois, il reconnaît que M. G., à l'époque directeur général de Trioplast Wittenheim, lui soumettait ses rapports directement en précisant que cette démarche " concernait essentiellement les performances financières de l'entreprise, pas les détails concernant la logistique ou les ventes ". Le terme " essentiellement " paraît important, puisqu'il laisse apparaître un degré d'implication certain dans la gestion opérationnelle. M. T. admet également avoir travaillé, pendant une certaine période, directement avec M. S., un cadre subordonné au directeur général, M. G.

59 La déclaration de M. G., qui porte principalement sur les événements intervenus lors de la vente de Trioplast Wittenheim par la requérante à Trioplanex, comprend le passage suivant : " J'avais des contacts avec [M. T.] concernant les résultats financiers et les changements de stratégie, ceci à peu près trois fois par an ". Il mentionne également le fait que " [M. T. était] un financier, pas un commercial ". Il en ressort donc que les entretiens entre M. T. et M. G. étaient rares et ne concernaient pas la gestion quotidienne. En revanche, quelques remarques de M. G. sur le rôle de M. H. indiquent que ce dernier était impliqué dans ladite gestion :

" J'ai dit à [M. H.] que cela durerait deux à trois mois et, pendant cette période, de ne pas interférer avec le personnel. En particulier, il voulait acheter une machine à impression. Je lui ai dit de ne pas l'acheter pour le moment car, autrement, j'aurai des problèmes avec les licenciements ".

60 Enfin, il ressort des témoignages que le fait que M. T. était, en même temps, membre du conseil d'administration d'environ 40 autres sociétés ne l'a pas empêché de s'occuper de façon relativement intensive de Trioplast Wittenheim. De plus, cet argument ne concerne que M. T. et non M. H., qui était à la fois président de Trioplast Wittenheim et dirigeant de la requérante entre 1990 et 1994, c'est-à-dire durant la moitié de la durée de l'infraction imputée à la requérante.

61 À la lumière de ce qui précède, il convient de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen. Il en va de même de la demande d'auditionner M. T., dans la mesure où le Tribunal a déjà pris acte de sa déclaration faite dans le cadre de la procédure arbitrale et déposée devant le Tribunal.

b) En ce qui concerne la troisième branche, relative à la connaissance, par la requérante, du comportement anticoncurrentiel de Trioplast Wittenheim

62 La requérante conteste le constat figurant au considérant 723 de la décision attaquée, selon lequel les dirigeants de la requérante " connaissaient ou ne pouvaient pas ignorer " le comportement infractionnel de Trioplast Wittenheim. Il en va de même concernant l'allégation selon laquelle M. G. aurait informé M. H. de la participation de Trioplast Wittenheim à l'entente et ce dernier lui aurait conseillé de la poursuivre. L'extrait du témoignage en question serait imprécis et montrerait que M. H. n'était pas impliqué dans la détermination du comportement commercial de Trioplast Wittenheim.

63 En outre, la requérante estime que la prétendue présence de M. H. à une seule réunion de l'Association européenne des fabricants de sacs à valve en matière plastique (ci-après " Valveplast "), le 21 décembre 1993, en qualité de représentant de Trioplast Wittenheim, n'est pas non plus suffisante pour établir sa propre responsabilité. À cet égard, elle soutient qu'il n'est pas établi que M. H. en ait informé la requérante. Par ailleurs, les notes manuscrites de 1994 trouvées dans les locaux de la société Bischof & Klein, qui se réfèrent à M. H., à Silvallac et à Nyborg Plast International, ne seraient pas des preuves de pratiques anticoncurrentielles. En fait, il s'agirait de notes d'une réunion concernant " le projet UCF (United Chicken Farm) " (considérant 245 de la décision attaquée), un projet d'entreprise commune qui n'aurait rien à voir avec l'entente.

64 La Commission considère que ces arguments ne sont pas fondés.

65 Tout d'abord, il convient de rappeler que la possibilité pour la Commission d'imputer la responsabilité d'une infraction commise par une filiale à sa société mère ne dépend pas de la question de savoir si cette dernière était informée des pratiques anticoncurrentielles impliquant sa filiale, mais de la question de savoir si la filiale et sa mère formaient une seule entreprise (voir point 28 ci-dessus).

66 Ensuite, la Commission a invoqué, à l'appui de son allégation selon laquelle M. H. et, par conséquent, la requérante, avaient connaissance de la participation de Trioplast Wittenheim à l'entente, un passage du témoignage de M. G. fourni dans le cadre de la procédure d'arbitrage, reproduit ci-après :

" Il ne m'a pas donné d'instructions. J'ai parlé avec [M. H.] de Valveplast et il a dit 'Avez-vous la possibilité de vous retirer ? Vous avez un problème de volume', et j'ai dit 'Oui, vous avez raison', alors il a dit 'Il vaudrait mieux que vous continuiez'. Si je me souviens bien, c'était en 1992. [...] Non, pas du tout. La question de Valveplast a été abordée à un certain moment en septembre ou octobre 1992 et c'était tout. Nous n'en avons plus jamais parlé. C'était clair. Je dis que l'attitude de [M. H.] ne concernait pas Valveplast, qui était un tout petit point, mais d'autres questions plus importantes comme les problèmes sociaux de Silvallac, etc. "

67 Dans la mesure où il s'agit d'une déclaration faite dans le cadre d'une procédure arbitrale et relative à des faits survenus en 1992, c'est-à-dire douze ans auparavant, ce texte doit être interprété avec précaution. Néanmoins, l'interprétation de la Commission, selon laquelle M. H. se référait à la participation à l'entente, paraît plus probable que celle de la requérante, selon laquelle M. H. se serait référé à d'autres actions que M. G. était censé effectuer, tels que des licenciements. En effet, M. H. semble avoir donné instruction de " continuer " et ce à la lumière du " problème de volume " de Trioplast Wittenheim. Il est probable que cela constituait une référence aux discussions illicites menées au sein de Valveplast visant à fixer des quotas et des volumes de livraison.

68 La Commission a également soulevé le fait que M. H., représentant Trioplast Wittenheim, avait assisté à la réunion de Valveplast du 21 décembre 1993, lors de laquelle des discussions anticoncurrentielles avaient eu lieu. À l'époque des faits, M. H. occupait des fonctions de direction au sein de la requérante et il était autorisé à agir pour son compte. Étant donné que la requérante n'a pas affirmé, ni, a fortiori, établi, que la participation de M. H. était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel ou qu'il s'était distancié publiquement du contenu de la réunion (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204-00 P, C-205-00 P, C-211-00 P, C-213-00 P, C-217-00 P et C-219-00 P, Rec. p. I-123, points 81 et 82), sa présence implique donc que la requérante avait connaissance du comportement anticoncurrentiel de Trioplast Wittenheim.

69 L'hypothèse, avancée par la requérante, selon laquelle M. H. ne l'aurait pas informée des actes illicites de Trioplast Wittenheim, quand bien même il les aurait connus, n'est pas de nature à remettre en cause cette constatation. En effet, s'il n'était pas permis d'assimiler les personnes physiques aux entreprises qu'elles représentent lors de réunions anticoncurrentielles, l'interdiction posée par l'article 81 CE deviendrait impossible à faire respecter. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que le pouvoir de la Commission de sanctionner une entreprise lorsqu'elle a commis une infraction ne suppose que l'action infractionnelle d'une personne qui est généralement autorisée à agir pour le compte de l'entreprise (arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181, point 277, et du 15 décembre 2010, E.ON Energie/Commission, T-141-08, non encore publié au Recueil, point 258).

70 Enfin, la Commission a fondé ses conclusions sur des notes trouvées dans les locaux de Bischof & Klein et relatives à une réunion du 14 avril 1994, s'étant tenue à Bruxelles (Belgique) et à laquelle MM. H. et T. auraient assisté. Il n'est cependant pas évident que les notes en question portent sur l'entente, particulièrement à la lumière des explications alternatives de la requérante concernant le projet UCF. Le seul fait que les notes en cause portent sur des discussions éventuellement anticoncurrentielles et qu'elles montrent que les dirigeants de la requérante ont participé à cette réunion spécifique, ne signifie cependant pas que ces discussions concernaient l'entente ou que les participants aient eu connaissance de cette dernière. Or, la requérante n'est tenue responsable que de la participation de sa filiale à ladite entente. La Commission ne saurait donc se prévaloir des notes relatives à la réunion du 14 avril 1994.

71 En revanche, il y a lieu de rejeter l'argument selon lequel la connaissance que la requérante avait des pratiques anticoncurrentielles se limitait à la période allant des mois de septembre/octobre 1992 à 1994 et une amende correspondant à une infraction portant sur une période plus longue ne serait pas justifiée. La responsabilité de la requérante n'est pas amoindrie par le fait que M. H. aurait cessé ses activités pour la requérante en 1994. En effet, il incombait à la requérante, en sa qualité de société mère, de prendre à l'égard de ses filiales toute mesure destinée à empêcher la poursuite d'une infraction dont elle n'ignorait pas l'existence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, KNP BT/Commission, T-309-94, Rec. p. II-1007, point 49).

72 Il ressort des considérations précédentes que, bien que le grief de la requérante concernant les notes relatives au projet UCF n'apparaisse pas dépourvu de fondement, celle-ci n'a pas réussi à remettre en cause les constatations de la Commission relatives à la connaissance qu'elle avait du comportement anticoncurrentiel de Trioplast Wittenheim.

73 Partant, il y a lieu de rejeter la troisième branche du deuxième moyen.

c) En ce qui concerne la quatrième branche, relative aux moyens de la requérante lui permettant d'exercer un contrôle sur Trioplast Wittenheim

74 La requérante fait remarquer que la circonstance qu'une société mère ait les moyens d'exercer un contrôle sur une filiale ne justifie pas en elle-même la conclusion selon laquelle elle exerce ce contrôle ou que les deux sociétés forment une seule entreprise. À cet égard, elle réitère l'assertion selon laquelle la seule question pertinente est celle de savoir si elle a influencé à maintes reprises Trioplast Wittenheim, et notamment son comportement commercial. Elle se réfère, à cet égard, à plusieurs facteurs mentionnés dans la décision attaquée.

75 La Commission considère que ces arguments ne sont pas fondés.

76 Tout d'abord, il ressort de la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus que la Commission est en droit de présumer qu'une société mère exerce une influence sur le comportement de sa filiale sur le marché dès lors qu'elle détient 100 % du capital de ladite filiale. Pour autant que la requérante tend à faire valoir, dans la requête, qu'il incombait à la Commission de démontrer qu'elle avait, en tant que société mère, influencé à maintes reprises le comportement de Trioplast Wittenheim, son grief ne saurait, par conséquent, être accueilli. En fait, il appartenait à la requérante de prouver, par tout moyen, le contraire.

77 À cet égard, la requérante conteste les trois éléments additionnels que la Commission a invoqués aux considérants 726 à 732 de la décision attaquée pour conclure qu'elle et Trioplast Wittenheim formaient une entité économique. Cette contestation n'est cependant pas convaincante.

78 En premier lieu, les contrats de travail des 28 avril 1992 et 17 mars 1994, conclus entre la requérante et M. G., stipulaient que celui-ci devait suivre les instructions du président général. De plus, il ne ressort pas de l'examen des témoignages de MM. T. et G. que de telles instructions n'ont pas été données à l'époque. En outre, la requérante n'étaye pas son allégation selon laquelle les clauses se référant auxdites instructions n'auraient été insérées dans les contrats que dans le but d'améliorer la protection sociale de M. G. Dans ces circonstances, les clauses contractuelles étaient pertinentes pour apprécier les liens existant entre Trioplast Wittenheim et la requérante.

79 En ce qui concerne, notamment, le contrat de travail du 25 avril 1996, il convient de se référer au témoignage de MM. T. et G., indiquant que ce dernier était intervenu également pour le compte du groupe FLS lorsqu'il avait participé aux négociations concernant une prise de participation éventuelle dudit groupe dans le capital de la société Aer Lingus. Il s'ensuit que les responsabilités de M. G. dépassaient le cadre de Trioplast Wittenheim.

80 En deuxième lieu, s'il est vrai que l'absence temporaire d'un directeur général d'une filiale ne constitue pas un indice de l'influence d'une société mère sur sa filiale détenue à 100 %, il n'en demeure pas moins que, selon le témoignage de M. G., le degré d'intervention de M. H. dans la gestion de Trioplast Wittenheim n'était pas souhaité et avait conduit, ou au moins contribué, au départ de M. G.

81 En troisième lieu, il convient d'observer que, pour la période allant de 1995 à 1998, M. G. envoyait des rapports à la requérante sur une base mensuelle, et que ces rapports ne se limitaient pas à des données financières. Les comptes rendus étaient détaillés et contenaient des évaluations du marché, des chiffres concernant les commandes et les ventes par type de produits, y compris les marges réalisées, le stock et le " cash flow ". Ils faisaient également mention des mesures qui étaient envisagées pour améliorer les résultats. En outre, les rapports présentaient diverses prévisions. Enfin, les documents attestant de conversations téléphoniques entre MM. G. et T. confirment que les deux cadres se sont entretenus fréquemment sur la situation de Trioplast Wittenheim. La requérante n'a avancé aucun argument de nature à remettre en cause ces constatations.

82 À la lumière des observations précédentes, et en l'absence d'éléments permettant de réfuter la présomption pesant sur la requérante, il y a lieu de rejeter la quatrième branche du second moyen.

d) En ce qui concerne la première branche, relative à la violation des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité

83 La requérante fait observer que la Commission s'est engagée, au considérant 585 de la décision attaquée, à ne pas adresser de décision à des sociétés holdings intermédiaires, telles que celle de la requérante. En effet, pour la plupart des participants à l'entente, la Commission se serait adressée à la société mère faîtière, et non à la société mère holding intermédiaire. Dans la mesure où la requérante a néanmoins été destinataire de la décision attaquée, elle considère que cette dernière est contradictoire, discriminatoire et disproportionnée.

84 La Commission rétorque que le principe énoncé au considérant 585 de la décision attaquée ne s'opposait pas à ce qu'elle adapte son appréciation à la situation factuelle de chaque entreprise impliquée dans l'enquête.

85 Le considérant 585 de la décision attaquée, invoqué par la requérante, est libellé comme suit:

" La communication des griefs dans la présente affaire a par ailleurs été adressée à un certain nombre de sociétés qui se sont avérées être des sociétés holdings intermédiaires n'ayant en tant que telles pas d'activité commerciale. La Commission considère que dans ces situations, la société mère de dernier rang et la ou les filiales opérationnelles impliquées dans l'infraction représentent en principe de manière appropriée l'entreprise responsable au sens du droit communautaire, sans qu'il soit nécessaire de retenir la responsabilité de la ou des sociétés holdings intermédiaires. Ces sociétés ne sont donc pas destinataires de la présente décision. "

86 Il n'est pas contesté que la requérante a été, durant toute la durée de l'infraction qui lui est imputée, une société holding intermédiaire de Trioplast Wittenheim sans activité commerciale propre. Le fait que la Commission a adressé la décision attaquée à la requérante ne peut, par conséquent, être concilié avec l'énoncé du considérant 585 de ladite décision. La Commission n'a pas non plus contesté le fait que le principe ainsi formulé a été respecté pour de nombreuses autres entreprises concernées par cette procédure et pour lesquelles la société holding intermédiaire n'a pas été tenue pour responsable.

87 Cependant, ces constatations ne sauraient conduire à l'illégalité de la décision attaquée. En effet, comme il a été établi aux points 47 à 82 ci-dessus, la Commission n'a pas commis d'erreur factuelle ou juridique en imputant le comportement anticoncurrentiel de Trioplast Wittenheim à la requérante pour la période 1992-1998.

88 Ensuite, il est de jurisprudence constante qu'une entreprise coupable d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE ne saurait échapper à toute sanction au motif qu'un autre opérateur économique ne se serait pas vu infliger d'amende, alors même que le juge de l'Union n'est pas saisi de la situation de ce dernier (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89-85, C-104-85, C-114-85, C-116-85, C-117-85 et C-125-85 à C-129-85, Rec. p. I-1307, point 197, et arrêt du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303-02, Rec. p. II-4567, point 142). Ainsi, l'argumentation de la requérante tirée de ce que d'autres entreprises, placées dans une situation prétendument similaire, ne se sont pas vu infliger d'amende, doit être rejetée.

89 Il convient, dès lors, de rejeter la première branche du second moyen.

4. Conclusion

90 Par conséquent, il convient d'accueillir le deuxième moyen, pour autant qu'il vise l'imputabilité du comportement de Trioplast Wittenheim à la requérante en 1991, et de le rejeter pour le surplus.

B - Sur le premier moyen, concernant la détermination du montant de l'amende

91 Par le présent moyen, la requérante conteste, en substance, le bien-fondé de la méthode que la Commission a retenue pour calculer les montants au paiement desquels les sociétés mères sont tenues pour solidairement responsables.

92 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l'article 1er de la décision attaquée, Trioplast Wittenheim, la requérante, FLSmidth et Trioplast Industrier ont enfreint l'article 81 CE. Il y est précisé que l'infraction de Trioplast Wittenheim a duré du 6 janvier 1982 au 26 juin 2002, celle de la requérante et de FLSmidth du 31 décembre 1990 au 19 janvier 1999 et celle de Trioplast Industrier du 21 janvier 1991 au 26 juin 2002. En vertu de l'article 2, premier alinéa, sous f), de la décision attaquée, une amende de 17,85 millions d'euro est infligée à Trioplast Wittenheim, et sur ce montant, la requérante et FLSmidth sont tenues pour solidairement responsables à hauteur de 15,30 millions d'euro et Trioplast Industrier à hauteur de 7,73 millions d'euro (arrêt du Tribunal du 13 septembre 2010, Trioplast Industrier/Commission, T-40-06, non encore publié au Recueil, point 63).

93 En ce qui concerne, d'abord, le calcul du montant attribué à Trioplast Wittenheim, la Commission est parvenue au montant final de 17,85 millions d'euro en la classant, dans le cadre d'un traitement différencié et sur la base de la part de marché réalisée avec le produit concerné sur le territoire pertinent, dans la cinquième catégorie et en lui attribuant un montant de départ de 8,5 millions d'euro. Puis, la Commission a majoré le montant de départ de 8,5 millions d'euro de 200 %, en raison de la durée de sa participation à l'entente, établie à 20 ans et 5 mois, ce qui a conduit à un montant de base de 25,5 millions d'euro. En l'absence de circonstances aggravantes et atténuantes et le plafond de 10 % du chiffre d'affaires demeurant, en l'espèce, sans incidence, la Commission a uniquement réduit le montant de base de 30 %, en application de la communication sur la coopération (voir, en ce sens, arrêt Trioplast Industrier/Commission, point 92 supra, point 67).

94 En ce qui concerne, ensuite, le calcul du montant attribué à Trioplast Industrier, la Commission a fixé le même montant de départ que celui établi pour Trioplast Wittenheim. Puis, la Commission a majoré le montant de départ de 30 %, afin que le montant de base reflète la durée de la participation de Trioplast Industrier à l'infraction, à savoir trois ans. Le montant de base de 11,05 millions d'euro a été réduit de 30 % sur la base de la communication sur la coopération. Par voie de conséquence, le montant attribué par la décision attaquée à Trioplast Industrier s'élève à 7,73 millions d'euro (voir, en ce sens, arrêt Trioplast Industrier/Commission, point 92 supra, point 68).

95 La même méthode a été appliquée à la requérante et à FLSmidth, qui se sont vu attribuer un montant de 15,30 millions d'euro. Dans leurs cas, aucune majoration ou réduction au titre de circonstances aggravantes ou atténuantes n'a été accordée, non plus que, à la différence de ce qui fut le cas concernant Trioplast Industrier, aucune réduction sur la base de la communication sur la coopération (voir, en ce sens, arrêt Trioplast Industrier/Commission, point 92 supra, point 69).

96 À la lumière de ces considérations, force est de constater, sous réserve des autres moyens invoqués par la requérante, que cette dernière n'a pas établi que la Commission ait, dans le cadre de la détermination du montant de l'amende infligée à la requérante, violé le règlement n° 1-2003 ou qu'elle se soit départie des lignes directrices. En effet, dans le cadre du présent moyen, la requérante n'a avancé aucun argument permettant de considérer que la méthode de calcul de la Commission, en tant que telle, reposerait sur une erreur fondamentale ou serait contraire aux principes consacrés par la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt Trioplast Industrier/Commission, point 92 supra, point 70).

97 Au surplus, il convient, en premier lieu, de constater que ne saurait être retenue l'affirmation de la requérante selon laquelle les principes reconnus par la jurisprudence s'opposent à l'approche individualisée, selon laquelle le montant de départ attribué à une société mère est ensuite adapté en fonction des circonstances qui lui sont propres.

98 En effet, la référence faite à l'arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (T-354-94, Rec. p. II-2111), partiellement annulé par l'arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission (C-286-98 P, Rec. p. I-9925, points 70 à 74), est dénuée de pertinence, dans la mesure où étaient alors en cause les conditions à remplir pour que la Commission puisse imputer le comportement d'une entreprise à une autre. En l'espèce, il a déjà été établi, au point 90 ci-dessus, que la Commission était en droit, tout au moins pour la période 1992-1998, d'imputer le comportement anticoncurrentiel de Trioplast Wittenheim à la requérante. En ce qui concerne la référence faite aux conclusions de l'avocat général Mme Stix-Hackl sous l'arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission (C-196-99 P, Rec. p. I-11005, I-11011, point 177), il suffit de constater que la requérante a omis d'expliquer pourquoi ces observations générales concernant la notion de responsabilité solidaire ne seraient pas compatibles avec l'approche individualisée telle qu'elle a été appliquée par la Commission.

99 En deuxième lieu, en ce qui concerne le grief relatif au fait que le cumul des montants au paiement desquels sont tenues deux des sociétés mères de Trioplast Wittenheim au titre de leur responsabilité solidaire dépasse celui au paiement duquel est tenue en propre la société ayant commis l'infraction pendant toute la durée de l'entente, il convient de rappeler que la circonstance selon laquelle le cumul des montants attribués à la requérante et à FLSmidth, d'une part, et à Trioplast Industrier, d'autre part, dépasse le montant attribué à leur filiale, Trioplast Wittenheim, ne saurait, en elle-même, conduire à la conclusion que la méthode de calcul appliquée par la Commission était manifestement erronée. En effet, compte tenu de l'application de la méthodologie exposée dans les lignes directrices et du principe d'individualité des peines et sanctions aux circonstances de l'espèce, il est loisible à la Commission, dès lors que l'existence d'une entité économique ayant participé à l'infraction est établie, de tenir l'une des personnes morales appartenant à celle-ci ou lui ayant appartenu, qu'il s'agisse de la société mère ou d'une filiale, pour responsable du paiement d'un montant plus élevé que celui auquel est tenue l'autre personne morale, ou les autres personnes morales, formant ou ayant formé ladite entité économique. Il en résulte que, dans le cas d'une infraction commise par une filiale ayant successivement appartenu à plusieurs entités économiques lors de l'infraction, il ne saurait être considéré a priori comme inapproprié que le cumul des montants attribués aux sociétés mères soit plus élevé que le montant, ou le cumul des montants, attribué à ladite filiale (voir, en ce sens, arrêt Trioplast Industrier/Commission, point 92 supra, point 76).

100 En troisième lieu, force est de relever que le grief selon lequel la responsabilité de la requérante serait manifestement disproportionnée par rapport à la période au cours de laquelle elle possédait des actions de Trioplast Wittenheim n'est pas fondé. Aucune règle ou aucun principe de droit ne prévoit qu'il incombe à la Commission d'assurer une telle proportionnalité. Certes, la Commission doit, selon les lignes directrices, tenir compte de la durée de l'infraction. En l'espèce, il a toutefois été établi, au point 93 ci-dessus, que, dans le cas de la requérante, la Commission avait majoré le montant de départ qu'elle avait attribué à la requérante à raison de 10 % par année au cours de laquelle la requérante avait été impliquée (voir, en ce sens, arrêt Trioplast Industrier/Commission, point 92 supra, point 72).

101 En quatrième lieu, on ne saurait retenir l'affirmation selon laquelle la Commission aurait dû diviser le montant de départ avant de le modifier en fonction d'autres éléments au motif que Trioplast Wittenheim aurait appartenu successivement au groupe Saint-Gobain, à la requérante et à Trioplast Industrier. D'une part, aucune règle ou aucun principe de droit imposant une obligation en ce sens n'est avancé par la requérante. D'autre part, l'approche consistant à attribuer à une société mère le même montant de départ que celui retenu s'agissant de la filiale ayant participé directement à l'entente, sans que ce montant de départ soit, en cas de succession dans le temps de plusieurs société mères, réparti, ne saurait être considérée comme inappropriée en soi. En effet, la finalité que la Commission poursuit, par l'emploi de cette méthode de calcul, est de permettre qu'une société mère, tenue pour responsable d'une infraction du fait de l'imputation qui lui en est faite, puisse se voir attribuer le même montant de départ que celui qui lui aurait été attribué dans l'hypothèse où elle aurait directement participé à l'entente elle-même. Or, cela est en conformité avec l'objet de la politique de concurrence, et, en particulier, avec celui de l'instrument de cette politique que constituent les amendes, consistant à orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150-89, Rec. p. II-1165, point 59, et Trioplast Industrier/Commission, point 92 supra, point 74).

102 En tout état de cause, une obligation consistant à diviser le montant de départ, comme le demande la requérante, ne saurait découler de la seule circonstance qu'une telle division aurait été opérée à l'occasion du traitement d'affaires antérieures, telles que l'affaire Peroxydes organiques (Affaire COMP/E-2-37.857 - Peroxydes organiques) (JO 2005, L 110, p. 44). Dans la mesure où une pratique décisionnelle concernant la méthode de calcul des montants de départ aurait été établie par la Commission à l'époque des décisions visées par la requérante, rien ne s'opposerait à ce que cette pratique puisse être écartée dans la présente ou à ce qu'elle soit modifiée. En effet, il est de jurisprudence constante que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne constitue pas, en elle-même, un cadre juridique pour le calcul des amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est défini uniquement dans le règlement n° 1-2003 (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C-125-07 P, C-133-07 P, C-135-07 P et C-137-07 P, Rec. p. I-8681, point 233, et arrêt Trioplast Industrier/Commission, point 92 supra, point 75).

103 En cinquième lieu, il convient d'apprécier l'argument selon lequel la Commission n'aurait pas accepté toutes les conséquences d'une approche individualisée, dans la mesure où elle se serait abstenue d'examiner séparément les circonstances aggravantes et atténuantes qui auraient pu s'appliquer à la requérante. Il est vrai que la méthode individualisée que la Commission prétend avoir appliquée ne semble pas avoir été mise en œuvre de façon cohérente et conséquente à cet égard. En effet, la Commission n'a pas examiné les circonstances atténuantes susceptibles de s'appliquer à la situation individuelle de la requérante, mais s'est limitée à apprécier les circonstances relatives au cas de Trioplast Wittenheim.

104 Toutefois, il ressort de la réponse de la requérante à la communication des griefs que, lors de la procédure administrative, celle-ci a uniquement avancé des arguments concernant le rôle passif que Trioplast Wittenheim aurait joué dans le cadre de l'entente. Elle n'a aucunement invoqué les circonstances individuelles qui devaient être prises en considération pour l'appréciation de son propre comportement. En outre, bien que le reproche de la requérante concernant le manque de cohérence de la Commission sur ce point apparaisse justifié, elle n'a pas non plus invoqué l'existence de circonstances atténuantes la concernant devant le Tribunal. Dans ces circonstances, et sous réserve de l'appréciation de la troisième branche du troisième moyen, force est de constater que la violation par la Commission de l'obligation d'apprécier, dans le cadre d'une approche individualisée, l'ensemble des circonstances propres à la requérante, ne peut que demeurer sans incidence sur l'issue du litige, de sorte que l'argument de la requérante doit être considéré comme étant inopérant.

105 À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le moyen relatif à la méthode de calcul des amendes est partiellement dépourvu de fondement et partiellement inopérant.

106 Il convient, dès lors, de rejeter le premier moyen.

C - Sur le troisième moyen, concernant le montant de l'amende infligée à Trioplast Wittenheim

1. En ce qui concerne la recevabilité

107 À titre préliminaire, la Commission fait valoir que le moyen visant à contester le niveau de l'amende imposée à Trioplast Wittenheim n'est recevable que dans la mesure où il concerne directement le niveau de l'amende infligée à la requérante.

108 À cet égard, il y a lieu d'observer que la décision attaquée doit être traitée comme un faisceau de décisions individuelles constatant l'infraction retenue à la charge de chacune des entreprises à laquelle elle s'adresse et, le cas échéant, infligeant une ou plusieurs amendes. Il s'ensuit que le moyen avancé par la requérante à l'encontre de la décision attaquée n'est recevable que dans la mesure où il se rapporte à la sanction retenue contre elle. Le Tribunal vérifiera la recevabilité des différents arguments soulevés par la requérante à la lumière de ces principes.

2. En ce qui concerne la première branche, relative à la gravité de l'infraction et à la répartition des entreprises en catégories

109 La requérante estime que le montant de base de l'amende de Trioplast Wittenheim, à savoir 8,5 millions d'euro, n'est pas justifié, au regard notamment des lignes directrices et de la pratique décisionnelle antérieure de la Commission. Elle se réfère, à cet égard, à la part de marché relativement limitée détenue par les membres de l'entente et à la gravité limitée de certaines des pratiques visées par ladite entente. En outre, la requérante considère que la méthode de différenciation suivie par la Commission dans la décision attaquée n'est pas cohérente et engendre un effet trop dissuasif à l'égard des petites entreprises.

110 La Commission conteste le bien-fondé de ces arguments.

111 Tout d'abord, il convient de rejeter le grief de la requérante selon lequel la Commission se serait, d'une part, écartée des lignes directrices et, d'autre part, ne l'aurait pas suffisamment justifié. En effet, la requérante, ainsi qu'il ressort des points 112 à 117 ci-après, n'a pas avancé d'argument permettant d'établir que, en l'espèce, la Commission se serait indûment éloignée des lignes directrices lors du calcul du montant de l'amende qui lui a été infligée. De plus, en ce qui concerne la différence entre la présente affaire et la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, il convient de rappeler que, quand bien même une pratique décisionnelle concernant les montants de départ aurait été établie par la Commission à l'époque des décisions visées par la requérante, rien ne s'opposerait à ce que cette pratique puisse être écartée dans la présente ou à ce qu'elle soit modifiée (arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 102 supra, point 233). Les décisions de la Commission invoquées par la requérante sont, par conséquent, dépourvues de pertinence. En tout état de cause, l'approche préconisée par la requérante, selon laquelle le montant de départ doit être comparable à ceux retenus dans des affaires similaires, est trop rigoureuse et ne tient pas compte du fait que la gravité d'une entente et son effet sur le marché doivent être appréciés en fonction de caractéristiques propres à chaque cas d'espèce.

112 Ensuite, bien que la requérante ne conteste pas le caractère très grave de l'infraction qui lui est imputée, elle estime que le montant de départ de 8,5 millions d'euro est excessif, eu égard aux effets limités de l'infraction. Cet argument ne saurait être accueilli pour les raisons suivantes.

113 Premièrement, il n'est pas exact d'affirmer que l'effet sur la concurrence serait limité en raison des parts de marché, de l'ordre de 70 à 80 %, que les membres du cartel contrôlaient. Il s'agit, en effet, d'un degré de couverture du marché non négligeable. En outre, l'allégation selon laquelle la Commission aurait relativisé elle-même certains éléments de l'entente, tels que l'attribution des clients, le modèle de calcul des prix et l'absence d'un système de sanctions, au stade de la procédure administrative, n'est pas de nature à remettre en cause la qualification de l'infraction, qui comporte, en outre, de nombreux autres éléments graves.

114 Pareillement, l'allégation selon laquelle le montant de départ était susceptible d'aboutir à la disparition de Trioplast Wittenheim doit être rejetée. En effet, selon la jurisprudence, la Commission n'est pas obligée, lors de la détermination du montant de l'amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d'une entreprise intéressée, étant donné que la reconnaissance d'une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, Heubach/Commission, T-64-02, Rec. p. II-5137, points 161 et 162).

115 Deuxièmement, il ressort de la jurisprudence que la Commission peut répartir les membres d'une entente en différentes catégories, à condition que ces catégories soient définies de façon cohérente et objective afin de respecter le principe d'égalité de traitement (arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T-213-00, Rec. p. II-913, points 385 et 416 à 418). En l'espèce, cette condition a été respectée. Contrairement à ce qu'affirme la requérante, la Commission n'a pas avantagé la société Sachsa par rapport à Trioplast Wittenheim. La différence de 3 millions d'euro entre le montant de départ de 5,5 millions d'euro retenu pour la sixième catégorie, dans laquelle a été placée Sachsa, et le montant de 8,5 millions d'euro pour la cinquième catégorie, au sein de laquelle a été rangée Trioplast Wittenheim, n'est pas censée refléter la différence spécifique de 0,5 % existant entre la part de marché de Sachsa (à savoir 2,3 %) et la part de marché de Trioplast Wittenheim (à savoir 2,8 %), mais la différence entre les catégories dans lesquelles ont été classés les différents groupes de sociétés. Ainsi, il convient de constater que les écarts entre les catégories sont effectivement plus importants que les différences à l'intérieur des catégories. Par exemple, la différence au sein de la cinquième catégorie entre l'entreprise disposant de la plus grande part de marché (3,1 %) et celle ayant la plus petite part (2,8 %) se limitait à 0,3 %, ce qui constitue une différence moins importante que l'écart de 0,5 % existant entre les parts de marché de Sachsa et de Trioplast Wittenheim.

116 Par ailleurs, l'affirmation selon laquelle la répartition en catégories a engendré un effet trop dissuasif à l'égard des petites entreprises n'est pas fondée. En effet, il existe un rapport raisonnable entre le montant de départ de 35 millions d'euro attribué aux entreprises classées dans la première catégorie et le montant de départ de 5,5 millions d'euro appliqué à celles figurant dans la dernière catégorie. De plus, les montants des trois premières catégories, à savoir 35, 26 et 20 millions d'euro, sont supérieurs ou égaux au montant de départ envisagé dans les lignes directrices pour une infraction d'une nature très grave, à savoir 20 millions d'euro. Les montants appliqués aux entreprises classées dans les autres catégories sont encore moins élevés.

117 À la lumière de ce qui précède, il convient de rejeter la première branche du troisième moyen.

3. En ce qui concerne la deuxième branche, relative à la durée de l'infraction

118 La requérante fait valoir que seul le groupe Saint-Gobain peut être tenu pour responsable de l'infraction commise par Trioplast Wittenheim entre 1982 et 1988, puisque l'usine de Wittenheim n'avait pas de personnalité juridique distincte à l'époque. Dans la mesure où Trioplast Wittenheim est devenue une entité séparée en 1988, elle n'aurait pu enfreindre les règles en matière de concurrence que pendant une période de 14 ans, au lieu des 20 ans retenus par la Commission. Si l'amende infligée à Trioplast Wittenheim avait été réduite à la lumière de ce constat, la part de responsabilité de la requérante aurait été réduite en conséquence.

119 La Commission relève que la requérante n'est pas tenue pour responsable pour la période comprise entre 1982 et 1988, mais seulement pour la période allant du 31 décembre 1990 au 19 janvier 1999. En outre, la durée de l'infraction imputée à Trioplast Wittenheim, d'une part, et celle de l'infraction imputée à la requérante, d'autre part, auraient été calculées de manière distincte, la responsabilité de la requérante n'étant engagée que concernant une infraction portant sur une période de huit ans.

120 Indépendamment de la question de savoir si l'argument de la requérante est recevable, il convient d'observer que l'argument ne saurait, en tout état de cause, prospérer. En effet, il ressort d'une jurisprudence constante que le droit de la concurrence de l'Union vise les activités des entreprises et que la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir, en dernier lieu, arrêt de la Cour du 3 mars 2011, AG2R Prévoyance, C-437-09, non encore publié au Recueil, point 41) Or, une telle entité consiste en l'organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à la commission d'une infraction visée par l'article 81 CE (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11-89, Rec. p. II-757, point 311). Lorsqu'une telle entité enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (arrêt de la Cour du 11 décembre 2007, ETI e.a., C-280-06, Rec. p. I-10893, point 39).

121 Or, en l'espèce, l'ensemble des éléments personnels, matériels et immatériels ayant concouru à la commission de l'infraction résultant de l'entente relève de Trioplast Wittenheim, de sorte qu'il lui appartient de répondre de cette infraction en premier lieu. Il est sans importance que Trioplast Wittenheim n'ait pas disposé de la personnalité juridique durant sa participation à l'entente, dès lors que c'est elle qui est l'auteur de l'infraction au sens de l'article 81 CE.

122 Il y a donc lieu de rejeter la deuxième branche du troisième moyen.

4. En ce qui concerne la troisième branche, relative à l'absence de prise en considération de circonstances atténuantes

123 La requérante fait valoir que Trioplast Wittenheim a joué un rôle passif au sein de l'entente, au moins au cours de la période durant laquelle elle était contrôlée par la requérante. En se référant à plusieurs décisions antérieures de la Commission, elle relève que Trioplast Wittenheim n'a pas participé systématiquement aux réunions européennes de Valveplast. Lors de la période durant laquelle la requérante détenait Trioplast Wittenheim, cette dernière aurait été absente à 44 % des réunions organisées au niveau supérieur de l'entente. De plus, Trioplast Wittenheim n'aurait pas été membre des sous-groupes " Belgique ", " Allemagne ", " Teppema " et " blockbacks " et aurait été rarement présente lors des réunions des autres sous-groupes nationaux.

124 Selon la jurisprudence, lorsqu'une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il convient d'examiner la gravité relative de la participation à l'infraction de chacune d'entre elles (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, point 623), afin de déterminer s'il est opportun d'appliquer des circonstances atténuantes ou aggravantes.

125 Aux termes du point 3, premier tiret, des lignes directrices, le " rôle exclusivement passif ou suiviste " d'une entreprise dans la réalisation de l'infraction peut, s'il est établi, constituer une circonstance atténuante. Un rôle passif implique l'adoption par l'entreprise concernée d'un " profil bas ", c'est-à-dire une absence de participation active à l'élaboration du ou des accords anticoncurrentiels (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220-00, Rec. p. II-2473, point 167).

126 À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d'une entreprise au sein d'une entente, peut être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l'entente, de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l'objet de l'infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l'existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d'entreprises tierces ayant participé à l'infraction (arrêts Cheil Jedang/Commission, point 125 supra, point 168, et Tokai Carbon e.a./Commission, point 69 supra, point 331).

127 En outre, le Tribunal a déjà précisé que le fait que d'autres entreprises participant à une seule et même entente aient pu être plus actives qu'un participant donné n'implique pas, pour autant, que ce dernier ait eu un rôle exclusivement passif ou suiviste. En fait, seule la passivité totale pourrait entrer en ligne de compte et doit être établie par la partie qui l'invoque (arrêt du Tribunal du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T-109-02, T-118-02, T-122-02, T-125-02 et T-126-02, T-128-02 et T-129-02, T-132-02 et T-136-02, Rec. p. II-947, point 611).

128 En l'espèce, force est de constater que ne saurait être accueilli aucun des arguments qui portent sur le rôle passif et suiviste que Trioplast Wittenheim aurait joué dans le cadre de l'entente.

129 En ce qui concerne l'absence prétendument périodique de Trioplast Wittenheim aux réunions de l'entente, il résulte de l'annexe 1 de la décision attaquée que, sauf pour la période postérieure à 1999, Trioplast Wittenheim était régulièrement présente aux réunions de Valveplast et qu'elle s'est fait excuser à quelques reprises seulement. À cet égard, il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir constaté un rôle passif ou suiviste (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 septembre 2010, Trioplast Wittenheim/Commission, T-26-06, non publié au Recueil, point 96).

130 La circonstance que Trioplast Wittenheim aurait seulement participé à trois des six sous-groupes nationaux et qu'elle n'aurait pas participé à leurs réunions, n'est pas non plus susceptible de mener à la conclusion selon laquelle la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation. À cet égard, il convient de relever, d'une part, que la participation à trois sous-groupes n'est pas particulièrement faible par rapport au degré d'engagement des autres membres. En effet, il ressort des considérants 173 à 185 de la décision attaquée que seules les sociétés Wavin et Fardem Packaging assistaient aux réunions de plus de trois sous-groupes. D'autre part, compte tenu du fait que Trioplast Wittenheim a effectivement participé aux trois sous-groupes durant environ les trois quarts de la durée de l'infraction, il n'y a pas lieu de conclure que le retrait desdits sous-groupes, ou une absence éventuelle relativement fréquente, ait impliqué un rôle passif de FLS Plast (voir, en ce sens, arrêt Trioplast Wittenheim/Commission, point 129 supra, point 100).

131 En outre, l'argument de la requérante selon lequel Trioplast Wittenheim était un acteur marginal du marché connaissant une situation financière difficile n'est pas de nature à démontrer un rôle passif dans l'entente. Il y a, en effet, lieu de relever que la part de marché de Trioplast Wittenheim était supérieure à 2,8 % durant la période antérieure à 1996 et qu'une situation financière difficile est souvent susceptible de renforcer la volonté d'une entreprise de participer à des pratiques anticoncurrentielles.

132 À la lumière de ce qui précède, il convient de rejeter la troisième branche du troisième moyen.

D - Sur le quatrième moyen, concernant le plafond de 10 % du chiffre d'affaires

133 Selon la requérante, la décision attaquée ne lui impose pas d'amende. En effet, il ressortirait des considérants 586 et 782 de la décision attaquée qu'elle aurait été uniquement déclarée responsable d'une partie de l'amende de Trioplast Wittenheim, en sa qualité d'ancienne société mère. Or, le plafond de 10 % du chiffre d'affaires que la Commission doit respecter en cas d'imposition d'amendes concerne l'entité économique, telle qu'elle existait pendant l'exercice social précédant l'adoption de la décision infligeant l'amende. Puisque la requérante ne faisait pas partie de cette entreprise, la Commission aurait dû expliquer comment elle a abordé la question du plafond de 10 % du chiffre d'affaires en ce qui concerne Trioplast Wittenheim et la requérante.

134 La Commission rejette cette argumentation.

135 Aux termes de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, pour chaque entreprise et association d'entreprises participant à l'infraction, l'amende ne doit pas excéder 10 % de son chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent.

136 Selon le point 5, sous a), des lignes directrices, le résultat final du calcul de l'amende, conformément à l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, ne peut en aucun cas dépasser 10 % du chiffre d'affaires mondial.

137 Le plafond de 10 % du chiffre d'affaires vise, selon une jurisprudence constante, le chiffre d'affaires global de l'entreprise concernée, en ce que seul ce chiffre d'affaires donne une indication de l'importance et de l'influence de cette entreprise sur le marché (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25-95, T-26-95, T-30-95 à T-32-95, T-34-95 à T-39-95, T-42-95 à T-46-95, T-48-95, T-50-95 à T-65-95, T-68-95 à T-71-95, T-87-95, T-88-95, T-103-95 et T-104-95, Rec. p. II-491, point 5022, et la jurisprudence citée). Ainsi, le plafond tend, notamment, à protéger les entreprises contre un niveau excessif d'amende qui pourrait détruire leur substance économique (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T-71-03, T-74-03, T-87-03 et T-91-03, non publié au Recueil, point 389).

138 Il s'ensuit que l'objectif poursuivi par l'introduction du plafond de 10 % ne peut être réalisé que si ce plafond est appliqué, dans un premier temps, à chaque destinataire séparé de la décision infligeant l'amende. Ce n'est que s'il s'avère, dans un deuxième temps, que plusieurs destinataires constituent l'" entreprise " au sens de l'entité économique responsable de l'infraction sanctionnée, et ce encore à la date d'adoption de cette décision, que le plafond peut être calculé sur la base du chiffre d'affaires global de cette entreprise, c'est-à-dire de toutes ses composantes cumulées. En revanche, si cette unité économique a entre-temps été rompue, chaque destinataire de la décision a le droit de se voir appliquer individuellement le plafond en cause (arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, point 390, et Trioplast Wittenheim/Commission, point 129 supra, point 113).

139 En l'espèce, Trioplast Wittenheim et la requérante ne constituaient pas, à la date de la décision attaquée, une entreprise au sens de l'entité économique responsable de l'infraction sanctionnée (voir point 169 ci-dessous). Par voie de conséquence, la Commission n'a pas commis d'erreur en se fondant, dans le cadre de l'application du plafond de 10 % du chiffre d'affaires, sur le chiffre d'affaires du groupe dirigé par FLS Smidth en 2004.

140 Cette constatation n'est pas remise en cause par l'argument selon lequel la requérante aurait été uniquement déclarée responsable d'une partie de l'amende de Trioplast Wittenheim en sa qualité de société mère. À cet égard, il suffit de rappeler que la requérante, à laquelle ont été imputés les agissements anticoncurrentiels de Trioplast Wittenheim lors de la période allant du 31 décembre 1990 au 19 janvier 1999, s'est vu, au titre de l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, attribuer un montant au titre de sa responsabilité pour une infraction qu'elle est censée avoir commise elle-même du fait de cette imputation (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Metsä-Serla/Commission, C-294-98 P, Rec. p. I-10065, point 28, et arrêt Trioplast Industrier/Commission, point 92 supra, point 71).

141 Enfin, et pour autant que le moyen est tiré d'une violation de l'obligation de motivation, il suffit de noter que le montant de 15,30 millions d'euro n'atteignait pas 10 % du chiffre d'affaires du groupe dirigé par FLS Smidth en 2004. Ce chiffre d'affaires a été communiqué par la requérante elle-même lors de la procédure administrative. Dès lors, la Commission n'était pas tenue d'exposer, dans la décision attaquée, les motifs pour lesquels elle n'avait pas limité le montant attribué à la requérante sur la base de la règle du plafond de 10 % du chiffre d'affaires.

142 À la lumière de ce qui précède, il convient de rejeter le quatrième moyen.

E - Sur le cinquième moyen, concernant le montant de l'amende infligée à la requérante

1. En ce qui concerne la première branche, relative à l'absence d'effet dissuasif

143 La requérante fait tout d'abord valoir qu'elle n'a jamais pris part à l'entente elle-même et qu'elle n'en avait pas connaissance. De plus, elle ne serait plus active sur le marché pertinent depuis la vente de Trioplast Wittenheim. Ainsi, la sanction infligée à l'encontre de la requérante n'a pas, selon elle, un objectif dissuasif, mais uniquement un objectif punitif. Dans la mesure où la Commission n'aurait pas pris en compte le degré de responsabilité de chaque personne juridique, le montant final de l'amende imposée à la requérante serait disproportionné.

144 Ensuite, concernant l'affirmation de la Commission selon laquelle les sociétés mères doivent veiller à ce que les filiales respectent la législation sur la concurrence et que, par conséquent, toute amende infligée à une société mère a nécessairement un effet dissuasif, la requérante fait observer que cette explication ne figure pas dans la décision attaquée et qu'elle contredit le considérant 585 de ladite décision, reproduit au point 85 ci-dessus, selon lequel la Commission avait pris l'engagement de ne pas adresser sa décision aux sociétés holdings intermédiaires.

145 La Commission considère que ces arguments ne sont pas fondés.

146 Tout d'abord, il convient de remarquer qu'il est de jurisprudence constante que les amendes infligées en raison de violations de l'article 81 CE et prévues à l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003 ont pour objet de punir les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d'autres opérateurs économiques de violer, à l'avenir, les règles du droit de la concurrence de l'Union européenne (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, points 105 et 106, et du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C-289-04 P, Rec. p. I-5859, point 16).

147 Cet objectif n'est pas conciliable avec la thèse défendue par la requérante, selon laquelle, pour qu'une amende puisse être infligée, une entreprise devrait être toujours active sur le marché ayant fait l'objet d'une entente à la date de la décision infligeant cette amende. En effet, l'objectif de dissuasion n'est pas lié à un marché spécifique, mais s'adresse à tous les acteurs économiques susceptibles de s'immiscer dans des pratiques anticoncurrentielles, indépendamment du marché sur lesquels ils opèrent ou ont opéré. Ainsi, la sanction imposée à un acteur ayant quitté un marché donné produira son effet dissuasif sur les opérateurs restants sur le marché ainsi que sur son propre comportement futur sur un autre marché.

148 Pour ce qui est de la circonstance selon laquelle la requérante n'aurait jamais pris part à l'entente et n'en aurait pas eu connaissance, il suffit de renvoyer à l'examen du deuxième moyen effectué aux points 26 à 90 ci-dessus. Il en résulte que ces arguments ne sauraient prospérer, tout au moins pour la période 1992-1998.

149 Enfin, en ce qui concerne l'argument selon lequel la Commission n'était pas tenue d'imputer l'infraction commise par Trioplast Wittenheim à sa société mère, il convient de souligner qu'aucune règle ou principe de droit ne s'y opposait. Le fait que, selon la jurisprudence, le contraire serait également envisageable, est dépourvu de pertinence. Pour autant que la requérante invoque la circonstance selon laquelle elle est société mère intermédiaire, il convient de se référer à l'analyse figurant aux points 83 à 87 ci-dessus.

150 Il découle des considérations précédentes que la première branche du cinquième moyen doit être rejetée.

2. En ce qui concerne la deuxième branche, relative à la durée et à l'intensité de l'infraction

151 La requérante rappelle qu'elle ne peut être tenue pour responsable en tant que société mère que pour la période durant laquelle elle a formé une seule entreprise avec Trioplast Wittenheim. Selon la requérante, il s'agit d'une période de sept ans au plus, dans la mesure où, entre le mois de décembre 1990 et le mois de décembre 1991 elle détenait seulement 60 % des actions de Trioplast Wittenheim et n'avait donc pas le contrôle exclusif de cette société.

152 Ensuite, la requérante fait valoir que l'augmentation du montant de départ de 10 % par an est déraisonnable eu égard à la faible intensité de l'infraction. À cet égard, elle relève que la participation de Trioplast Wittenheim aux réunions de l'entente a été sporadique et que la Commission a reconnu, aux considérants 252 et 279 de la décision attaquée, la faible intensité de l'infraction, notamment en ce qui concerne le mode de calcul des prix et l'attribution des clients.

153 La Commission fait remarquer tout d'abord que, durant la période comprise entre le mois de décembre 1990 et le mois de décembre 1991, durant laquelle la requérante ne détenait que 60 % des actions de Trioplast Wittenheim, il existait également des liens personnels forts entre les deux sociétés constituant l'entreprise. Ensuite, pour ce qui est de l'augmentation du montant de départ de 10 % par an, la Commission relève que, si la participation de la requérante avait été sporadique, cette circonstance aurait été traitée au titre des circonstances atténuantes.

154 S'agissant de la durée de l'infraction, il y a lieu de constater qu'il a déjà été établi, au point 90 ci-dessus, que la Commission avait commis une erreur en lui imputant l'infraction de Trioplast Wittenheim pour l'année 1991. Ainsi qu'il sera précisé aux points 197à 199 ci-après, il convient d'adapter le montant de l'amende imposée à la requérante en conséquence.

155 En ce qui concerne l'augmentation de 10 % que la Commission a appliquée pour chaque année de participation à l'infraction, il convient de se référer au point B, troisième tiret, des lignes directrices, qui prévoit une augmentation annuelle de 10 % du montant de départ en cas d'infraction de longue durée, c'est-à-dire au-delà de cinq ans.

156 En l'espèce, la durée de l'infraction ayant dépassé cinq ans, la Commission n'a pas commis d'erreur en augmentant le montant de départ de 8,5 millions d'euro attribué à la requérante de 10 % par an.

157 Le fait que la Commission aurait appliqué dans le passé un taux moins élevé n'est pas de nature à remettre en cause cette constatation. À cet égard, il convient de prendre en compte le fait que, selon les données soumises par les parties au Tribunal, le taux de 10 % a été appliqué systématiquement depuis 2003. En tout état de cause, il est loisible à la Commission de relever ce taux si cela s'avère nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de la concurrence de l'Union (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 146 supra, point 109).

158 Il convient, par conséquent, d'accueillir la deuxième branche du cinquième moyen pour autant qu'elle concerne la durée de l'infraction et de la rejeter pour le surplus.

3. En ce qui concerne la troisième branche, relative au refus d'application de la communication sur la coopération

159 La requérante fait observer que la Commission a accordé à Trioplast Wittenheim une réduction de 30 % du montant de l'amende, conformément à la communication sur la coopération. Cette réduction a bénéficié à Trioplast Industrier, mais pas à la requérante. Ainsi, la Commission aurait enfreint le principe d'égalité de traitement et la communication sur la coopération.

160 En premier lieu, la requérante soutient que la Commission a agi de façon contradictoire en considérant, d'une part, qu'elle avait formé une seule entreprise avec Trioplast Wittenheim, et en refusant, d'autre part, de lui accorder une réduction de 30 % de l'amende au titre de la coopération offerte par Trioplast Wittenheim. La requérante fait observer, en outre, que, bien que seule la filiale Trioplast Wittenheim ait effectivement coopéré, la Commission a tout de même accordé une réduction équivalente à Trioplast Industrier. En revanche, la requérante, étant pourtant tenue pour responsable des agissements de Trioplast Wittenheim de la même manière que Trioplast Industrier, n'aurait pas bénéficié de la réduction de 30 %. Cela constituerait une violation du principe d'égalité de traitement, d'autant plus que la requérante n'avait matériellement plus accès à la documentation qui lui aurait permis d'offrir elle-même une coopération comparable.

161 En second lieu, la requérante estime que les points D et E de la communication sur la coopération et la pratique établie par la Commission en cette matière justifient l'octroi d'une réduction de 10 à 50 %, lorsqu'une entreprise ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. Or, la requérante relève qu'elle n'a pas contesté les faits dans sa réponse à la communication des griefs. Le fait qu'elle ait contesté formellement avoir exercé une influence décisive sur Trioplast Wittenheim n'aurait pas dû jouer un rôle, car la société Bonar Technical Fabrics aurait émis une contestation comparable, sans que cela ait amené la Commission à lui refuser une réduction de 10 %.

162 La Commission considère que ces arguments ne sont pas fondés.

163 Il convient de rappeler que la Commission bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes et qu'elle peut, à cet égard, tenir compte de multiples éléments, au nombre desquels figure la coopération des entreprises concernées lors de l'enquête conduite par les services de cette institution. Dans ce cadre, la Commission est appelée à effectuer des appréciations factuelles complexes, telles que celles qui portent sur la coopération respective desdites entreprises (arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C-328-05 P, Rec. p. I-3921, point 81, et arrêt Trioplast Industrier/Commission, point 92 supra, point 122).

164 La Commission jouit, à cet égard, d'une large marge d'appréciation pour évaluer la qualité et l'utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d'autres entreprises (arrêt SGL Carbon/Commission, point 163 supra, point 88). Pourtant, elle ne saurait, dans le cadre de cette appréciation, méconnaître le principe d'égalité de traitement (arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, BST/Commission, T-452-05, non encore publié au Recueil, point 142).

165 Selon le point D.2, second tiret, de la communication sur la coopération, une entreprise peut bénéficier d'une réduction de 10 à 50 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération notamment si, après avoir reçu la communication des griefs, elle informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. Selon la jurisprudence, une entreprise doit, pour bénéficier d'une telle réduction de l'amende, explicitement informer la Commission de ce qu'elle n'entend pas contester la matérialité des faits, après avoir pris connaissance de la communication des griefs (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T-347-94, Rec. p. II-1751, point 309).

166 De plus, pour justifier la réduction du montant d'une amende au titre de la coopération, le comportement d'une entreprise doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles de concurrence de l'Union et témoigner d'un véritable esprit de coopération. Il ne suffit pas qu'une entreprise affirme d'une manière générale qu'elle ne conteste pas les faits allégués, conformément à cette communication, si, dans les circonstances du cas d'espèce, cette affirmation ne présente pas la moindre utilité pour la Commission (arrêt du Tribunal du 4 juillet 2004, Corus UK/Commission, T-48-00, Rec. p. II-2325, point 193).

167 En l'espèce, la requérante formule, en premier lieu, le reproche que la Commission ne lui a pas accordé une réduction du montant de l'amende de 30 %, alors qu'elle constituait une entité économique avec Trioplast Wittenheim.

168 Comme il a été établi dans le cadre de l'appréciation du premier moyen, aux points 91 à 105 ci-dessus, on ne saurait considérer comme contradictoire ou illégal le fait que la Commission a imputé le comportement infractionnel de Trioplast Wittenheim à la requérante, parce que les deux personnes juridiques avaient constitué une entité économique durant l'infraction, tout en appliquant une méthode de calcul individualisée pour déterminer le montant que la requérante devait payer au titre de la responsabilité solidaire. Dans le prolongement de cette constatation, il y a lieu de rejeter l'argument de la requérante selon lequel elle aurait dû bénéficier de la réduction de 30 % du montant de l'amende accordée à Trioplast Wittenheim, puisqu'il revenait à la Commission d'apprécier la coopération des deux sociétés à l'enquête de façon individuelle.

169 À cet égard, il convient de préciser que la demande déposée par lettre du 19 décembre 2002 par Trioplast Wittenheim, au titre de la communication sur la coopération, ne concernait pas la requérante. Il faut rappeler, en effet, que la requérante et Trioplast Wittenheim sont deux sociétés ayant des personnalités juridiques distinctes, qui faisaient partie, à la date de la décision attaquée, de deux entreprises distinctes, au sens de l'article 81 CE. La demande déposée par Trioplast Wittenheim au titre de la communication sur la coopération ne saurait donc bénéficier qu'à l'entreprise dont cette dernière faisait partie, et non à la requérante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T-161-05, Rec. p. II-3555, point 75).

170 Quant à l'argument selon lequel la Commission aurait enfreint le principe d'égalité de traitement en s'abstenant d'attribuer la réduction de 30 % à la requérante, il importe de rappeler que ledit principe n'est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T-45-98 et T-47-98, Rec. p. II-3757, point 237).

171 À cet égard, la Commission soutient que la requérante ne se trouvait pas dans une situation comparable à celle de Trioplast Industrier, car cette dernière formait avec Trioplast Wittenheim une seule entreprise au moment de la demande de coopération.

172 L'argument de la Commission ne saurait être accueilli pour les raisons suivantes. Dès lors que la Commission a décidé de suivre une approche individualisée, elle devait examiner la situation individuelle de chaque destinataire de la future décision, afin de déterminer la sanction qui allait lui être appliquée. C'est ainsi que Trioplast Wittenheim, Trioplast Industrier et la requérante se sont vu, à bon droit, attribuer des montants de départ individuels, qui ont ensuite été ajustés en fonction des circonstances qui leur étaient propres.

173 Toutefois, la Commission s'est partiellement écartée de cette méthode dans le cas de Trioplast Industrier. En effet, il ne ressort ni de la décision attaquée ni des écrits produits devant le Tribunal que cette société ait fourni des informations justifiant une réduction de 30 % au titre de la coopération ou qu'elle se soit ralliée à la coopération offerte par Trioplast Wittenheim. La Commission lui a néanmoins octroyé une telle réduction au motif qu'elle constituait avec Trioplast Wittenheim une seule entreprise au moment de l'adoption de la décision attaquée. La Commission a ainsi confondu la question relative au fondement de la responsabilité de Trioplast Industrier du fait des agissements de Trioplast Wittenheim avec la question relative aux modalités de calcul des amendes.

174 Or, dans la mesure où le fondement de la responsabilité de la requérante en raison du comportement de Trioplast Wittenheim est identique à celui de la responsabilité de Trioplast Industrier et où aucune des sociétés mères successives n'a offert des informations utiles à la Commission, celle-ci a traité deux situations comparables de façon différente. Il s'ensuit que la Commission a appliqué à la requérante un traitement discriminatoire par rapport à Trioplast Industrier, en refusant d'accorder à la première le même pourcentage de réduction que celui offert à cette dernière.

175 Cependant, selon la jurisprudence, le respect du principe d'égalité de traitement doit se concilier avec le principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d'autrui (arrêt de la Cour du 4 juillet 1985, Williams/Cour des comptes, 134-84, Rec. p. 2225, point 14, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Cascades/Commission, T-308-94, Rec. p. II-925, point 259).

176 Il s'ensuit que la requérante ne saurait se prévaloir du fait que la Commission a étendu, à tort, le bénéfice de la coopération offerte par Trioplast Wittenheim à Trioplast Industrier, afin de bénéficier de la même illégalité sous la forme d'une réduction comparable de 30 % du montant de base de l'amende que la décision attaquée lui a infligée.

177 S'agissant du grief tiré de l'absence de contestation de la matérialité des faits retenus à l'encontre de la requérante dans la communication des griefs, il convient d'observer que la position de la requérante durant la procédure administrative était équivoque. Certes, la requérante a annoncé que sa contestation se limitait aux faits sur lesquels se fondait la Commission pour lui imputer la responsabilité solidaire de l'infraction pour la période comprise entre le 31 décembre 1991 et le 19 janvier 1999. Toutefois, contrairement à ce qui fut le cas pour la société Low & Bonar, la contestation de la requérante affectait les fondements même de l'infraction. C'est ainsi que la requérante a, notamment, contesté la participation de M. H. à la réunion de Valveplast du 21 décembre 1993.

178 En outre, il résulte de la jurisprudence citée ci-dessus que le bénéfice d'une réduction du montant de base ne saurait être octroyé que si l'entreprise fait preuve d'un véritable esprit de coopération. Le fait de nier des faits qui, selon la Commission, étaient établis, tels que la présence de M. H. à ladite réunion de Valveplast et la connaissance que celui-ci devait nécessairement avoir des discussions anticoncurrentielles qui se sont tenues lors de cette réunion, ne font pas preuve d'un tel esprit. Enfin, la requérante n'a avancé aucun argument permettant d'établir que sa coopération avait facilité la tâche de la Commission, comme cela est exigé par la jurisprudence exposée au point 166 ci-dessus.

179 Dans ces conditions, la Commission n'a pas dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation en octroyant à Low & Bonar une réduction de 10 % pour absence de contestation des faits et en refusant une telle réduction à la requérante.

180 Il convient, dès lors, de rejeter la troisième branche du cinquième moyen.

4. En ce qui concerne la quatrième branche, relative à la violation du principe non bis in idem et du principe d'individualité des peines

181 La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir inclus des sociétés du groupe Saint-Gobain parmi les sociétés responsables de l'infraction commise par Trioplast Wittenheim. En outre, la requérante rappelle que la somme de son amende et de celle de Trioplast Industrier excède le montant de l'amende infligée à Trioplast Wittenheim. Enfin, le montant au paiement duquel la requérante serait tenue au titre de sa responsabilité solidaire serait fixé à un niveau excessivement élevé. En effet, la requérante serait responsable du paiement du montant correspondant à 87,5 % de celui de l'amende de Trioplast Wittenheim, alors qu'elle aurait contrôlé cette société pendant une période de sept ans, représentant 35 % de la durée de l'infraction commise par Trioplast Wittenheim.

182 Selon la requérante, la Commission ne pouvait parvenir à cette conclusion qu'en cherchant à imposer à la requérante une responsabilité additionnelle, en sus de celle retenue à l'égard de Trioplast Wittenheim. Dans cette hypothèse, la décision attaquée serait illégale en ce qu'elle enfreindrait le principe non bis in idem. La triple condition d'identité des faits, d'unité du contrevenant et d'unité de l'intérêt juridique protégé, qui aurait été établie par la jurisprudence, aurait été remplie en l'espèce. La responsabilité retenue à l'encontre des personnes prétendument comprises dans l'entreprise auteur de l'infraction au cours de la période allant de 1990 à 1999 comporterait donc une nouvelle sanction.

183 En tout état de cause, la nature disproportionnée du montant au paiement duquel la requérante est tenue au titre de la responsabilité solidaire serait contraire au principe selon lequel les sanctions doivent se rapporter aux circonstances spécifiques à chaque demandeur. Dans la mesure où la requérante était la société mère de Trioplast Wittenheim pendant seulement 35 % de la durée de l'entente, sa responsabilité ne devrait pas porter sur le paiement d'un montant excédant ce pourcentage de celui de l'amende.

184 La Commission conteste ces arguments.

185 Tout d'abord, on ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir imposé d'amende à une personne morale appartenant au groupe Saint-Gobain pour son implication directe ou indirecte dans l'entente durant la période comprise entre 1982 et 1991, dans la mesure où les règles de prescription prévues à l'article 25 du règlement n° 1-2003 s'opposaient à une telle sanction.

186 Ensuite, il convient de rejeter la thèse de la requérante selon laquelle la Commission aurait dû déterminer un montant de l'amende pour Trioplast Wittenheim et tenir solidairement pour responsables les sociétés mères impliquées dans la procédure pro rata temporis, en fonction de la période durant laquelle elles détenaient le capital de Trioplast Wittenheim. Il a déjà été établi, dans le cadre de l'examen du premier moyen, que la méthode de calcul individualisée des amendes ne saurait être considérée comme illégale et que la méthode préconisée par la requérante ne s'imposait pas.

187 Pour autant que la requérante tend à faire valoir que la Commission n'a pas tenu compte de la durée de son implication dans l'entente, il convient de renvoyer au point 100 ci-dessus. Il en ressort qu'une augmentation de 10 % a été appliquée au titre de chaque année de participation de la requérante à l'infraction, conformément aux lignes directrices.

188 Ensuite, il convient de constater que la requérante n'a avancé aucun argument permettant de constater que la Commission ait violé le principe non bis in idem. En effet, dans la mesure où, en cas de responsabilité solidaire, chaque créancier voit, à l'égard des coresponsables du débiteur principal comme de ce dernier, sa créance éteinte par tout paiement, de quelque personne qu'il émane, une responsabilité solidaire ne connaît aucun dédoublement (voir, en ce sens, arrêt Trioplast Industrier/Commission, point 92 supra, point 79).

189 Enfin, en ce qui concerne la prétendue violation du principe d'individualité des peines, force est de constater que la requérante n'a mis en avant aucun élément permettant d'établir une telle violation. En effet, la requérante ne se fonde que sur l'argument selon lequel le montant du paiement auquel elle est tenue au titre de sa responsabilité solidaire n'aurait pas dû dépasser 35 % de celui de l'amende infligée à Trioplast Wittenheim. Il ressort de l'analyse développée en particulier dans le cadre du premier moyen que cet argument ne peut prospérer.

190 Par conséquent, la quatrième branche du cinquième moyen doit être rejetée.

5. En ce qui concerne la cinquième branche, relative à la motivation

191 La requérante note que la somme des montants finaux infligés à la requérante et à Trioplast Industrier est plus élevée que l'amende finale de Trioplast Wittenheim et que la motivation de la décision attaquée ne permet pas de comprendre les résultats, selon elle incohérents, qui résultent de cette approche.

192 La Commission conteste l'insuffisance de la motivation, en renvoyant aux explications données concernant l'appréciation du niveau de l'amende infligée à la requérante.

193 S'agissant d'un éventuel défaut de motivation de la décision attaquée au sujet de la détermination du montant de l'amende imposée à la requérante, il y a lieu de rappeler que la motivation exigée par l'article 253 CE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 63, et la jurisprudence citée).

194 En l'espèce, il y a lieu de constater que la requérante s'est, en substance, contentée de réitérer des arguments présentés dans le cadre des moyens précédents. Dans sa requête, la requérante ne saurait se limiter ainsi à considérer l'approche de la Commission comme généralement incohérente ou incompréhensible et conclure à un défaut généralisé de motivation. Au surplus, il y a lieu de constater que les développements qui précèdent montrent à suffisance que la requérante a été en mesure de contester le bien-fondé de la décision attaquée de manière approfondie. De même, le Tribunal a effectivement été capable d'exercer son contrôle.

195 Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter la cinquième branche du cinquième moyen. Partant, l'ensemble du cinquième moyen doit être rejeté.

196 Il résulte de l'ensemble de ces considérations que le recours doit être rejeté, à l'exception du deuxième moyen, pour autant qu'il concerne l'année 1991, et de la deuxième branche du cinquième moyen.

197 Il convient dès lors d'annuler l'article 1er, paragraphe 1, sous h), de la décision attaquée, pour autant qu'il y est constaté que la requérante a enfreint l'article 81 CE durant la période comprise entre le 31 décembre 1990 et le 31 décembre 1991, ainsi que l'article 2, premier alinéa, sous f), de la décision attaquée pour autant qu'il fixe le montant de la responsabilité solidaire de la requérante à 15,30 millions d'euro.

198 Eu égard à l'article 31 du règlement n° 1-2003, il incombe au Tribunal de fixer un nouveau montant à concurrence duquel la requérante est tenue solidairement pour responsable pour le paiement de l'amende infligée à Trioplast Wittenheim.

199 Il y a lieu, en l'espèce, d'ajuster la majoration du montant de départ de 8,5 millions d'euro en fonction de la durée. Cette majoration doit se limiter à 70 % au lieu de 80 %, de sorte que le montant de base s'élève à 14,45 millions d'euro.

Sur les dépens

200 Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

201 Le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1) La décision C (2005) 4634 de la Commission, du 30 novembre 2005, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] (Affaire COMP-F-38.354 - Sacs industriels), est annulée pour autant que et dans la mesure où elle tient FLS Plast A/S pour responsable de l'infraction unique et continue visée à son article 1er, paragraphe 1, durant la période comprise entre le 31 décembre 1990 et le 31 décembre 1991.

2) Le montant au paiement duquel FLS Plast est tenue solidairement pour responsable au titre de l'article 2, sous f), de la décision C (2005) 4634 est fixé à 14,45 millions d'euro.

3) Le recours est rejeté pour le surplus.

4) La Commission européenne et FLS Plast supporteront chacune leurs propres dépens.