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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 7 mars 2012, n° 10-10744

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Eurotel (SARL)

Défendeur :

Dynamique Hôtels Management (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roche

Conseillers :

Mme Luc, M. Vert

Avocats :

Selarl Guizard, associés, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, Mes Bemmer, Nabonne, Feschet

T. com. Bobigny, du 27 avr. 2010

27 avril 2010

LA COUR,

Vu le jugement en date du 27 avril 2010 par lequel le Tribunal de commerce de Bobigny a débouté la société Eurotel de sa demande en nullité du contrat de franchise la liant à la société Dynamique Hôtels Management, constaté la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Eurotel, condamné cette société à payer à la société Dynamique Hôtels Management la somme de 35 110,34 euro au titre des redevances de franchise, celle de 49 143,64 euro au titre de l'indemnité de résiliation anticipée du contrat, outre celle de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 19 mai 2010 par la société Eurotel et ses conclusions enregistrées le 10 janvier 2012, tendant à faire infirmer le jugement entrepris, dire et juger nul le contrat de franchise, à titre subsidiaire, dire que la résiliation du contrat est prononcée aux torts exclusifs de la société Dynamique Hôtels Management, et, en tout état de cause, condamner la société Dynamique Hôtels Management à lui payer la somme de 17 000 euro à titre de dommages-intérêts, outre celle de 1 297,36 euro en remboursement des frais de dépose de l'enseigne Balladins, et enfin celle de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la société Dynamique Hôtels Management enregistrées le 2 janvier 2012, tendant à faire confirmer le jugement entrepris, et, y ajoutant, condamner la société Eurotel à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur ce,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Dynamique Hôtels Management exploite un réseau de franchise d'hôtels sous l'enseigne Balladins, comptant 130 hôtels. Dès le 30 mai 2005, cette société proposait au dirigeant de la société Eurotel la signature d'un contrat de franchise pour l'exploitation de son hôtel sous l'enseigne Balladins et joignait à son courrier un contrat-type, un budget prévisionnel et la dernière édition du guide des Balladins. Le 17 juillet 2007, la société Eurotel a signé avec la société Dynamique Hôtels Management un contrat de franchise pour l'exploitation d'un hôtel sous l'enseigne Balladins à Athis Mons, pour une durée de 8 ans et 6 mois. La société Dynamique Hôtels Management a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 mai 2008, mis en demeure la société Eurotel de lui payer la somme de 22 529,47 euro TTC au titre des redevances dues en application du contrat de franchise, se prévalant dans ce courrier, en cas de non-paiement, de la clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat. Le franchisé n'ayant pas obtempéré, le franchiseur a résilié le contrat par lettre du 28 juillet 2008, en demandant outre le paiement des redevances impayées d'un montant de 31 326,89 euro, le versement de la somme de 49 143,64 euro au titre de l'indemnité de résiliation anticipée, puis l'a assignée en paiement de ces sommes, par acte du 3 mars 2009, devant le Tribunal de commerce de Bobigny, qui a rendu le jugement entrepris. Entretemps, la société Eurotel avait, par courrier du 18 septembre 2008 adressé au franchiseur, contesté devoir lesdites sommes, aucune des obligations essentielles incombant à celui-ci n'ayant été, selon lui, satisfaite, "à savoir l'obligation de délivrer au franchisé des prestations de service et un savoir-faire, l'obligation d'assistance commerciale, (les) obligations liées à la centrale de réservation".

Sur la demande d'annulation du contrat de franchise pour défaut de cause

Considérant que si, aux termes de l'article 1131 du Code civil, "l'obligation sans cause ou sur une fausse cause ne peut avoir aucun effet", et si la cause du contrat de franchise consiste dans la transmission d'un savoir-faire, le franchiseur se doit, non pas de transmettre des éléments nécessairement intrinsèquement originaux, mais de mettre à disposition du franchisé une gamme de produits ou de services, en concept décliné par la présentation des boutiques, des conseils pour les relations avec la clientèle, et de l'enseigne; que le caractère "banal" des informations dispensées ne saurait en soi dénier la valeur du savoir-faire transmis ; qu'en l'espèce, ce savoir-faire consiste, selon les dispositions de l'article 2.2 du contrat de franchise, dans "les directives pour l'entretien de l'établissement, l'organisation et les méthodes de travail et de gestion au sein de l'établissement et du réseau ; les principes et moyens d'actions commerciales vis-à-vis de la clientèle, la charte graphique, la mercuriale de référencement fournisseurs" ; que la société Eurotel ne démontre pas l'absence de ces prestations, ni que l'ensemble de ces procédés et assistance ait été suffisamment répandu au point de leur faire perdre leur caractère secret, substantiel et identifié ; que si le franchisé prétend ne pas avoir reçu les manuels d'exploitation, commercial et de référencement des fournisseurs versés aux débats par le franchiseur, elle ne s'est jamais plaint de ne pas les avoir reçus ou de les avoir reçus incomplets ; que le franchiseur justifie par ailleurs avoir assisté le franchisé dès avant la signature du contrat de franchise, ainsi que l'attestent deux courriers des 20 et 22 juin 2007 ; qu'il atteste également animer le réseau par l'organisation de réunions régionales et nationale d'informations auxquelles le franchisé a été invité, comme tous les membres du réseau et auxquelles il n'a pas daigné se rendre, comme par exemple la réunion nationale de mars 2008, diverses réunions régionales du printemps 2008, la réunion services et fournisseurs de septembre 2007 et la réunion de formation au programme de fidélité d'octobre 2007 ; que par ailleurs, des comités regroupant franchiseur et franchisés se réunissent régulièrement et abordent tous les problèmes d'exploitation des hôtels, ainsi qu'il ressort d'un compte rendu du 28 novembre 2006 versé aux débats ; que le franchiseur justifie avoir mis à disposition des informations sur l'intranet du réseau Balladins, le "Balladins Booking Network" (ou BBN), qui diffuse toutes les informations utiles sur le réseau (modèles de contrats-types, liste des fournisseurs...) et offre un service de réservation en ligne, le franchisé étant malvenu à critiquer, aujourd'hui, pour les besoins de la cause, la qualité des informations transmises et le dysfonctionnement d'intranet ; qu'ainsi, aucun manquement du franchisé à son obligation de transmission de savoir-faire, qui aurait rendu sans cause le contrat de franchise, ne peut être démontré et que les premiers juges ont justement rejeté la demande en nullité du franchisé ;

Sur la résiliation du contrat et les demandes d'indemnités

Considérant que si la société Eurotel prétend que la société Dynamique Hôtels Management aurait manqué à ses obligations contractuelles essentielles, ce qui aurait justifié de sa part l'arrêt du paiement des redevances dues au franchiseur, il convient de souligner qu'en vertu des articles 5.1 du contrat et 3 de l'avenant du 17 juillet 2007, il lui incombait, à titre d'obligation essentielle de franchisé, de verser une "redevance de franchise" ; que selon les dispositions de l'article 8.1 du contrat, en cas de non-paiement des redevances dans le délai d'un mois à compter d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception de remédier aux manquements constatés, "la résiliation sera acquise de plein droit par l'envoi d'une nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception constatant la résiliation" ; qu'"en cas de rupture du contrat avant son échéance aux torts du franchisé pour manquement à ses obligations, (...), l'indemnité due par le franchisé (...) sera égale à deux années de redevances de franchise et de marketing", selon l'article 8.4 du contrat ; que le franchiseur a mis en demeure son franchisé par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 mai 2008, puis a invoqué la clause résolutoire dans une lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juillet 2008 ; que l'appelant ne conteste pas avoir arrêté de payer ses redevances ;

Considérant que ces absentions sont constitutives d'une faute contractuelle, la société Eurotel ne démontrant pas de fautes imputables au franchiseur qui auraient rendu impossible, de sa part, l'exécution du contrat ; qu'en effet, tous les éléments avancés devant les premiers juges et devant la cour de céans pour justifier l'arrêt du paiement des redevances, et qui sont rappelés plus haut, constituent la reprise de la lettre adressée au franchiseur le 18 septembre 2008, en réponse à la mise en demeure de payer les redevances échues ; qu'à aucun moment, le franchisé ne s'est plaint de l'inexécution des obligations du franchiseur, ni n'a usé de la procédure prévue à l'article 8.1 du contrat, qui lui aurait permis de résilier le contrat pour manquement du franchiseur à ses obligations contractuelles ; qu'aucune pièce ne vient aujourd'hui corroborer ces griefs, selon lesquels le franchiseur n'aurait pas assuré la formation du franchisé, n'aurait transmis aucun savoir-faire et n'aurait pas fourni d'assistance technique ni lors de l'ouverture de l'hôtel, ni postérieurement ; qu'il a été souligné plus haut, qu'au contraire, le franchiseur démontre avoir rempli ses obligations et veillé à la préservation du réseau en organisant des contrôles de qualité réguliers, l'hôtel exploité par la société Eurotel ayant fait l'objet de deux contrôles approfondis par un inspecteur se faisant passer pour un client ordinaire ("deux visites de clients mystères") et les compte-rendus étant extrêmement détaillés ; qu'enfin, la société Eurotel allègue, sans en rapporter la preuve, qu'elle aurait dû se trouver elle-même une centrale de réservation, alors que la société Dynamique Hôtels Management souligne que le système intranet BBN était connecté à Booking System et permettait les réservations en ligne ; que ce grief n'est pas davantage caractérisé que les autres ; qu'ainsi, la société Eurotel ne démontre pas le défaut d'exécution de ses obligations par le franchiseur, alors qu'elle a elle-même violé son obligation essentielle, celle de payer les redevances de franchise ;

Considérant qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Eurotel au paiement des redevances impayées, soit la somme de 35 110, 34 euro, outre l'indemnité de résiliation égale à deux années de redevances de franchise, elles-mêmes payables selon les modalités suivantes : "les six premiers mois suivants l'ouverture de l'hôtel : 9 600 euro HT/an ; les douze suivants : 18 800 euro HT/an", selon l'article 3 de l'avenant du 17 juillet 2007, et de marketing (égales à "135 euro HT/an x 47 chambres"), selon l'article 4 du même avenant ; qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a évalué cette indemnité à deux années de redevances de franchise (6 x 4 800 + 6 x 9 400) x 2, soit 28 400 euro HT et deux années de redevances de marketing (135 x 47) x 2, soit 12 690 euro HT, soit la somme globale de 49 143, 64 euro TTC ;

Sur la demande de dommages-intérêts de la société Eurotel

Considérant que la société Eurotel expose qu'elle aurait engagé des frais de dépose d'enseigne de 1 297,36 euro et de commissions payées à la centrale de réservation booking.com et qu'elle aurait perdu des clients, le franchiseur n'ayant pas "dirigé" de clients vers elle, son préjudice étant évalué par elle à 17 000 euro de ce chef ;

Mais considérant que les frais de dépose d'enseigne incombent au franchisé, en l'absence de dispositions contractuelles contraires ; que le franchiseur n'avait pas à adresser de clients à son franchisé, celui-ci étant un commerçant indépendant et il a été vu plus haut qu'un système de réservation avait été mis à disposition du réseau par l'intermédiaire de l'intranet Balladins ; qu'ainsi, la société Eurotel sera déboutée de l'ensemble de ses demandes;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris, Déboute la société Eurotel de l'ensemble de ses prétentions, y ajoutant, Condamne la société Eurotel aux dépens exposés en appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, La condamne également à payer à la société Dynamique Hôtels Management la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.