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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 8 février 2012, n° 11-06586

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Saint-Jacques Industries (SARL) ; Ferrari (ès qual.)

Défendeur :

Castorama France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avocats :

Mes Klein, Beckelynck, SCP Paul, Joseph Magnan

T. com. Nice, du 24 mars 2011

24 mars 2011

La SARL Saint-Jacques Industries, fabricant de barbecues et de fours à bois était depuis 11 ans un fournisseur de la SAS Castorama France SASU. Elle réalisait 70 % environ de son chiffre d'affaires avec la SASU Castorama France. En début d'année un vice de fabrication a affecté la livraison d'une centaine de barbecues. Le déréférencement de la SARL Saint-Jacques Industries annoncée, le 14 avril 2006, à effet au 1er janvier 2007, a été annulé en septembre 2006. La SAS Castorama France SASU a cessé de s'approvisionner en barbecues à compter du début de l'année 2007 (cet article représentant 70 % du chiffre d'affaires réalisé par la SARL Saint-Jacques Industries). La SARL Saint-Jacques Industries a fait l'objet d'un redressement judiciaire, le 31 mai 2007, converti en liquidation judiciaire, le 5 février 2009, Maître Claude Ferrari étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Maître Claude Ferrari, ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Saint-Jacques Industries a assigné, le 27 novembre 2009, la SAS Castorama France SASU en dommages et intérêts pour brusque rupture sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5 du Code de commerce en réclamant la somme de 500 000 euro.

Par jugement contradictoire en date du 24 mars 2011, le Tribunal de commerce de Nice s'est déclaré territorialement incompétent au profit du Tribunal de commerce de Lille au motif d'une clause attributive de compétence territoriale désignant ce tribunal dans des conditions générales d'achat de la SARL Saint-Jacques Industries.

Maître Claude Ferrari, ès qualités, a régulièrement formé un contredit motivé à l'encontre de ce jugement dans les formes et délais légaux.

Maître Claude Ferrari, ès qualités à l'appui de son argumentation développée oralement, a fait déposer des observations écrites aux termes desquelles *les conditions générales d'achat non signées ne sont pas opposables à la SARL Saint-Jacques Industries, *le préjudice a été subi au lieu du siège social qui se trouve dans le ressort du Tribunal de commerce de Nice et *il avait acquiescé à l'exception d'incompétence soulevée au profit du Tribunal de commerce de Marseille désigné comme juridiction spécialisée par un décret du 11 novembre 2009 dès lors que l'assignation délivrée avant la parution du décret n'a été enrôlée que postérieurement, le 8 décembre 2009.

La SAS Castorama France SASU à l'appui de son argumentation développée oralement, a fait déposer des observations écrites selon lesquelles * Maître Claude Ferrari, ès qualités, continuateur de la SARL Saint-Jacques Industries qui introduit une demande en justice fondée sur un déréférencement ne peut se prévaloir de l'article R. 632-3 du Code de commerce réservé aux actions concernant les seules procédures collectives, * la clause attributive de compétence territoriale visait tout différend né de l'exécution de la convention et donc, de l'éventuelle rupture des relations d'affaires, *le Tribunal de commerce de Nice est matériellement incompétent par application de l'article D. 442-3 du Code de commerce spécialisant certaines juridictions dont le Tribunal de commerce de Lille dans le ressort duquel la défenderesse a son siège social pour connaître de demandes fondées sur la rupture brutale des relations commerciales ;

Attendu que les conditions générales d'achat signées, le 21 décembre 2000, par la SARL Saint-Jacques Industries au début des relations commerciales nouées avec la SAS Castorama France SASU comportaient une " disposition finale " selon laquelle " tout différend, né entre les parties, concernant la validité, l'exécution, l'inexécution ou l'interprétation de l'accord sera, à défaut de règlement amiable entre les parties, soumis aux tribunaux de Lille " ; que l'accord signé par la SARL Saint-Jacques Industries avait pour objet d'organiser les relations commerciales devant se développer entre les deux parties et constituait un " accord-cadre ", applicable indépendamment des contrats de coopération commerciale signés périodiquement (et notamment celui pour la dernière année en cours) qui ne comportaient pas de clause attributive de compétence territoriale, à titre de rappel des conditions générales initialement fixées ;

Attendu que la cessation des relations commerciales encadrées par les conditions générales de vente laisse subsister les stipulations qui organisent précisément les rapports découlant entre les parties de l'inexécution du contrat (y compris de sa rupture à l'initiative d'une partie) ; que la décision de la SAS Castorama France SASU de mettre fin à la relation commerciale ne fait pas obstacle à l'application de la clause attributive de compétence territoriale, qui a été librement choisie par les parties et qui est opposable au liquidateur judiciaire de la SARL Saint-Jacques Industries ;

Attendu que l'action indemnitaire engagée par le liquidateur judiciaire de la SARL Saint-Jacques Industries ne relève pas de la compétence du Tribunal de commerce de Nice, en tant que saisi de la procédure de liquidation judiciaire concernant cette société ; que l'article R. 662-3 du Code de commerce réserve cette compétence exclusive aux actions concernant la liquidation judiciaire ; que le tribunal de commerce n'est pas spécialement compétent pour connaître de l'action intentée par Maître Claude Ferrari, ès qualités, pour des faits de rupture brutale d'une relation commerciale, survenue au surplus avant l'ouverture de la procédure collective ;

Attendu que la clause attributive de compétence territoriale contenue dans les conditions générales d'achat, signées par la SARL Saint-Jacques Industries et visant tout litige résultant de l'exécution ou l'inexécution des accords commerciaux entre les parties est applicable même lorsqu'elle est mise en œuvre à l'occasion d'une action de nature quasi-délictuelle ou délictuelle, fondée sur l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce ; qu'il s'agit d'une clause autonome visant à régler les conditions pour résoudre les différends nés de la rupture des relations commerciales ;

Attendu qu'il s'ensuit que la clause attributive de compétence territoriale désignant les juridictions lilloises doit recevoir application ; que cette désignation ne contredit pas les nouvelles règles de compétence spéciale d'attribution du contentieux fondé sur l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, pour autant que le décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 (entré en vigueur le 1er décembre 2009) énumérant huit tribunaux de commerce (dont ceux de Marseille et de Lille) s'applique à l'instance engagée par un acte délivré, le 27 novembre 2009, et devant comporter, à peine de nullité, l'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée (en l'espèce, la SARL Saint-Jacques Industries avait choisi de porter son affaire devant le Tribunal de commerce de Nice) ; qu'il convient de se placer au moment de la délivrance de l'assignation et non à celui de la remise au greffe de la copie de l'assignation, pour déterminer les règles de compétence que le plaideur doit suivre ;

Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile et d'allouer à la SAS Castorama France SASU la somme de 800 euro au titre des frais exposés ;

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, Déclare recevable le contredit formé par Maître Claude Ferrari, ès qualités. Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et dit qu'il sera fait application de l'article 97 du Code de procédure civile. Y ajoutant, condamne Maître Claude Ferrari, ès qualités, à porter et payer à la SAS Castorama France SASU la somme de 800 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Dit que Maître Claude Ferrari, ès qualités, qui a succombé sur la question de compétence supportera les frais éventuellement afférents au contredit, conformément à l'article 88 du Code de procédure civile.