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Décisions

CA Limoges, ch. civ., 14 février 2012, n° 10-01416

LIMOGES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Indépendance Royale (SAS)

Défendeur :

Fromholz

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dubois

Conseillers :

MM. Baluze, Soury

Avoués :

SCP Chabaud Durand Marquet, SCP Debernard Dauriac

Avocats :

Mes Benoit, Rosas, Grignon-Dumoulin

TGI Limoges, du 7 oct. 2010

7 octobre 2010

LA COUR,

En 2005, la société Indépendance Royale a confié à Monsieur Fromholz, agent commercial, un mandat non exclusif pour la vente de matériel paramédical. Le contrat a été résilié par courrier du 26 février 2010 à l'initiative du mandant, avec effet à la fin du préavis fixé au 1er juin 2010.

Par jugement du 7 octobre 2010, le Tribunal de grande instance de Limoges, considérant qu'en l'absence de faute grave Monsieur Fromholz avait droit à l'indemnité de cessation de contrat, a condamné la société Indépendance Royale à lui payer les sommes suivantes :

- indemnité de cessation de contrat : 136 485 euro

- indemnité de préavis : 17 060 euro

- frais irrépétibles : 1 500 euro

La société Indépendance Royale a régulièrement interjeté appel de cette décision dont elle sollicite l'infirmation. Elle entend voir débouter Monsieur Fromholz de toutes ses demandes et réclame la somme de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur Fromholz conclut à la confirmation du jugement entrepris en son principe mais réclame, outre celles qui lui ont été allouées, les sommes de 3 600 euro HT au titre du droit de suite, 10 000 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et 5 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel.

Motifs

Vu les conclusions reçues au greffe le 27 janvier 2011 pour l'appelante et le 21 juin pour l'intimé.

Aux termes de sa lettre du 26 février 2010, la société Indépendance Royale a rompu le contrat d'agent commercial pour les motifs suivants :

"- insuffisance de résultat. En effet, votre taux moyen de transformation en 2009 est de moins de 33 % et n'atteint pas les 40 % fixés dans le contrat (article III);

- absence de suivi des procédures de la société, notamment :

* rappel des prospects avant le RDV afin de juger vous-même de la qualité du RDV et de décider si vous allez l'honorer ou non;

* compte rendu très succinct sur le suivi de portefeuille dans le but de communiquer le moins possible d'informations au service vente annexes et remise en question du bien-fondé de ce rapport;

* relance nécessaire pour obtenir les informations dans le cadre de l'établissement des devis (exemple: client Matti ou client Perrin 75)

* communication de fausses informations afin que le service ventes annexes ne relance pas les prospects alors qu'il est dans leurs attributions de rappeler tous les RDV non vendus des agents commerciaux et non suivis par eux :

exemple, client Rose où vous avez indiqué "pose impossible" alors que, lors du rappel par le service ventes annexes, la cliente a informé avoir eu une offre de votre part ainsi qu'une confirmation de la faisabilité de l'installation, n'attendant que la sortie de l'hôpital de son mari pour prendre ensemble une décision.

- refus d'honorer certains RDV sur une certaine catégorie de populations dont les noms sont à consonance étrangère...

- attitude permanente arrogante, agressive et négative :

* par exemple la discussion téléphonique orageuse avec la responsable des ventes annexes sur le client Leguay pour un dossier "baignoire à porte" (RDV rappelé de façon exhaustive pour tous les agents commerciaux conformément à l'information envoyée fin 2009); son intervention n'avait pour but que de renseigner le curateur sur les subventions, conformément au rôle de ce service, intervention qui a totalement satisfait cette personne et ne remettant pas du tout en cause la démarche commerciale sur ce prospect

* critique lors de cette conversation sur le fonctionnement de la société mettant en avant le manque de communication et d'information alors que nous devons en permanence vous relancer pour obtenir des informations de votre part ;

* agression verbale d'un employé du service ventes annexes sur le client Mestre : vous aviez eu un RDV en 2007 et, n'ayant pas de nouvelles de votre part depuis le RDV, ce client a rappelé notre société en 2009 pour aller plus avant dans le dossier subventions, ce qui a permis de concrétiser la vente ; vous avez rappelé ce client en décembre 2009 pour le relancer, soit plus de 2 ans après le RDV, et avez alors appris que l'appareil était installé. Cela a déclenché un appel téléphonique agressif de votre part auprès du service ventes annexes, décrétant que l'on vous avait volé le client, disant l'avoir suivi mensuellement et ne voulant plus travailler en binôme avec ce service.

Conformément au contrat, cette résiliation prendra effet après un préavis de trois mois".

L'appelante soutient qu'au contraire de ce qu'a dit le tribunal les griefs énoncés dans la lettre de rupture sont établis par les pièces qu'elle verse aux débats ; elle estime que, pris ensemble ou isolément, ils traduisent de la part de Monsieur Fromholz un comportement constitutif d'une faute grave exclusive du droit à réparation prévu par l'article L. 134-12 du Code de commerce.

En premier lieu cependant, la faute grave étant celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, la société Indépendance Royale ne peut prétendre que les manquements dénoncés dans la lettre de rupture auraient le caractère de faute grave alors qu'elle a jugé elle-même qu'ils n'interdisaient pas le maintien du lien contractuel pendant la durée du préavis.

En second lieu, au terme d'un examen précis et objectif des éléments produits par chacune des parties, le tribunal a considéré à juste titre que les griefs énoncés dans la lettre de rupture n'étaient généralement pas établis et, pour ceux qui l'étaient, qu'ils ne présentaient aucun caractère de gravité suffisant pour exclure le droit à indemnisation de Monsieur Fromholz.

Ainsi l'insuffisance de résultat alléguée par la société Indépendance Royale serait caractérisée uniquement par le non-respect en 2009 d'un quota contractuel de ventes par rapport à un nombre de rendez-vous fournis par l'entreprise, alors que l'appelante n'établit même pas la nature des produits concernés par ce quota, non plus qu'une baisse d'activité de Monsieur Fromholz, dont il n'est pas contesté qu'il a été l'un des meilleurs commerciaux de l'entreprise et dont le chiffre d'affaires a sensiblement augmenté en 2009 comme le démontre la comparaison du montant des commissions des années 2008 et 2009.

S'agissant des reproches concernant le non-respect des procédures internes et l'attitude de Monsieur Fromholz vis-à-vis de certains salariés de la société, le tribunal a souligné avec pertinence qu'aucun reproche ni aucun rappel n'avait été adressé à l'intimé avant la rupture en ce qui concerne des procédures internes qui apparaissent fort contraignantes, alors même qu'il n'existe pas en l'espèce de lien de subordination et que le respect par Monsieur Fromholz de son obligation d'information n'a pas été fondamentalement mis en cause. Les incidents avec le service ventes annexes et la mésentente avec certains de ses membres est indéniable, mais il n'est pas démontré que cette situation ait été imputable à Monsieur Fromholz qui justifie de ses bonnes relations avec les autres services de l'entreprise et contredit par les témoignages de clients certaines allégations de la société Indépendance Royale relatives à son comportement.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a admis le droit de Monsieur Fromholz à l'indemnité de cessation du contrat dont il a exactement fixé le montant.

Il en est de même en ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis puisque bien qu'ayant demandé à Monsieur Fromholz d'exécuter un préavis de trois mois la société Indépendance Royale n'a pas poursuivi au cours de cette période l'exécution loyale du contrat en s'abstenant sans motif légitime de fournir à l'agent commercial des rendez-vous en nombre suffisant comme elle l'avait toujours fait précédemment.

C'est également par de justes motifs que le tribunal a débouté Monsieur Fromholz de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive et au titre du droit de suite.

Il y a lieu, en définitive, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

Enfin, il sera fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant par décision Contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Confirme le jugement entrepris. Y ajoutant, Condamne la société Indépendance Royale à payer à Monsieur Fromholz la somme de 2 500 euro au titre des frais irrépétibles d'appel. La condamne aux dépens, et autorise la SCP Debernard-Dauriac, avoué, à recouvrer directement contre elle eux ceux de ses dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.