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Décisions

CA Grenoble, premier président, 11 janvier 2012, n° 11/02309

GRENOBLE

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Autocars Faure (SAS)

Défendeur :

Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vignal

Avocat :

Me Delaire

TGI Grenoble, JLD, du 15 avr. 2011 ; TGI…

15 avril 2011

Par requête du 13 avril 2011 Mme Virginie Beaumeunier, rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence, a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Grenoble pour être autorisée, sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce, à faire procéder à des opérations de visites et de saisies dans les locaux de diverses sociétés de transport routier de personnes, et parmi elles, la société Cars Faure.

Par ordonnance du 15 avril 2011, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Grenoble a délivré l'autorisation sollicitée afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles 420-1, 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relevés dans le secteur du transport routier de personnes dans la région Rhône-Alpes, notamment dans le département de l'Isère, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée.

Il a en outre donné commission rogatoire au juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Vienne, aux fins de désignation des officiers de police judiciaire chargés d'assister aux opérations se déroulant hors de son ressort de compétence.

La SAS Autocars Faure a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe du Tribunal de grande instance de Grenoble du 9 mai 2011.

Elle sollicite l'annulation de l'ordonnance d'autorisation, l'annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Vienne, l'annulation de l'enquête, la restitution des documents saisis, et la condamnation de l'Autorité de la concurrence à lui payer la somme de 5 000 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Elle fait valoir:

1) sur l'irrecevabilité de la requête de l'Autorité de la concurrence,

- que les actions sont soumises à une procédure préalable de saisine ou d'auto-saisine, prévue par l'article L.462-5 du Code de commerce; que le juge des libertés et de la détention de Grenoble se contente d'établir la recevabilité de la requête de l'Autorité de la concurrence en se fondant sur une demande que celle-ci a faite le 23 mars 2011 ; qu'il ne fait aucune référence à une saisine par le conseil général de l'Isère ;

- que la requête, qui mentionne que "l'enquête a pour origine une plainte déposée par Maître Pintat, agissant pour le compte du conseil général de l'Isère le 1er avril 2010", correspond à une procédure sur saisine du conseil général ; qu'une telle procédure ne répond pas aux mêmes conditions que la procédure d'auto-saisine de l'Autorité de la concurrence, codifiée au III de l'article L. 462-5 ; que la recevabilité de la requête sur saisine de la collectivité territoriale impliquait d'apprécier au préalable de la régularité de la saisine de l'Autorité de la concurrence par le conseil général ; que le juge n'a pas établi la recevabilité de la requête ;

2) sur le caractère irrégulier de la saisine de l'Autorité de la concurrence par le conseil général de l'Isère,

- que l'ordonnance mentionne la date du 1er avril 2010 comme étant celle de la saisine par le conseil général ; que la requête présentée le 13 avril 2011 indique que "l'enquête a pour origine une plainte déposées par Maître Pintat, agissant pour le compte du Conseil général de l'Isère le 1er avril 2010 " ;

- qu'il ne ressort pas du dossier que la saisine de l'Autorité de la concurrence par le cabinet d'avocats ait fait l'objet d'une lettre recommandée, ni qu'elle contenait les éléments nécessaires exigés par l'article R. 463-1 du Code de commerce ; qu'en outre, les conditions dans lesquelles ce cabinet d'avocats a été habilité à agir ne sont pas précisées, pas plus que l'acte par lequel cette collectivité aurait décidé d'une procédure devant l'Autorité de la concurrence ;

- que les conditions dans lesquelles la décision du président du conseil général a été prise et dans lesquelles il s'est prononcé sur la saisine de l'Autorité de la concurrence ne sont pas indiquées ; que la requête devait être rejetée ;

- qu'il ressort de la lettre du cabinet Matharan du 1er avril 2010, que ce cabinet n'a pas entendu effectuer une saisine de l'Autorité de la concurrence ; qu'en estimant que la saisine de l'Autorité de la concurrence avait eu lieu en date du 1er avril, le juge a commis une erreur de fait ;

- que le président du conseil général, seule autorité compétente pour agir, devait être autorisé par le conseil général ; qu'en l'espèce, il n'est fait aucune mention d'une délibération du conseil général ; que dès lors la requête de l'Autorité de la concurrence était irrecevable; qu'il ressort du recueil des actes administratifs que le président du conseil général de l'Isère aurait été habilité par la commission permanente le 21 mai 2010 ; qu'une telle décision ne peut en aucun cas régulariser la procédure de saisine ;

- que la commission permanente était incompétente pour habiliter le président du conseil général à agir ; qu'il était impossible de régulariser par une décision du 21 mai 2010 une saisine antérieure du 18 janvier 2010, dès lors que l'on se situe en matière pénale ;

- que le président du conseil général n'a pu se fonder valablement sur une décision de la commission permanente pour saisir l'Autorité de la concurrence, et la requête de cette dernière doit donc être regardée comme irrecevable ;

- que le défaut d'habilitation ne peut être régularisé ; que l'Autorité de la concurrence est soumise en vertu de l'article L. 450-4 alinéa 6 et alinéa 12 aux règles du Code de procédure pénale ; que l'appartenance des visites domiciliaires à la matière pénale implique des garanties particulières, imposant de ne pas appliquer à la saisine de l'Autorité de la concurrence par une collectivité territoriale la possibilité de régulariser le défaut d'habilitation du président d'un conseil général après la saisine ;

3) sur l'irrégularité des ordonnances des juges des libertés et de la détention,

- que si l'ordonnance rendue sur commission rogatoire ne doit pas détailler les pratiques anticoncurrentielles retenues dans la première ordonnance, elle doit néanmoins en viser les motifs ; qu'en ne visant que des pratiques susceptibles de relever de l'article L. 420-1 2° et 4° sans préciser pour quels motifs la société Faure était concernée, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Vienne est insuffisamment motivée ;

- que le juge doit décrire dans son ordonnance les pièces sur lesquelles il s'est fondé ; qu'en l'espèce, l'ordonnance se contente de préciser la nature des documents fournis et de renvoyer à leur consultation en annexe; qu'il n'est à aucun moment fait mention ni de leur contenu, ni de leur objet ; que faute d'une description suffisante des documents fournis à l'appui de la requête, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Grenoble ne peut être regardée comme ayant régulièrement établi le bien-fondé de la requête qui lui était présentée ;

- que le juge a fondé l'origine apparemment licite des pièces sur le seul fait qu'elles émanaient du conseil général et de sites Internet ; que s'agissant du courrier du 1er avril 2010, le seul fait qu'il soit fourni par le conseil général ne saurait lui donner un caractère licite, ni même "apparemment licite", dès lors que son destinataire n'est pas connu, pas plus que le moyen par lequel le conseil général se l'est procuré dans le cas où il n'aurait pas été le destinataire originel ;

- que le réseau Réunir n'est en aucun cas un groupe dans lequel les entreprises membres sont amenées à trouver des accords, et ne vise qu'une mission de référencement de PME agissant en matière de transports ; que l'entreprise Cars Faure s'est retirée du réseau " Réunir ", ainsi que l'atteste une lettre que les enquêteurs ont refusé de saisir lors de la visite du 28 avril 2011 ;

- qu'eu égard à l'atteinte que représentait la visite et la saisie de documents dans les locaux de la société, le juge aurait dû vérifier que les éléments fournis par l'Autorité de la concurrence à l'appui de sa requête étaient suffisants pour autoriser une telle visite ;

- qu'en l'espèce, le juge des libertés et de la détention se contente d'établir sur la base des éléments fournis par l'Autorité de la concurrence et le conseil général de l'Isère, que "les prix observés, dont le chiffrage peut atteindre 139 % de plus par rapport à l'estimation administrative, semblent révélateurs de telles pratiques", alors qu'il aurait dû aux s'interroger sur l'éventuelle sous-estimation par le conseil général du coût des prestations demandées et que "les agissements des entreprises paraissent coordonnés ; l'ensemble de ces comportements laisse en conséquence présumer l'existence de pratiques concertées au sens du point 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce" ;qu'à aucun moment le juge n'établit la preuve, ni l'existence d'indices suffisants permettant d'établir la présomption d'une telle coordination ;

- que dès lors, l'ordonnance doit être regardée comme insuffisamment fondée sur des éléments de faits permettant d'ordonner une visite et la saisie de documents dans les locaux ;

- que les présomptions présentent un caractère infondé ; que s'agissant de l'entreprise Faure, il résulte de l'ordonnance que celle-ci a proposé pour le lot n° 2, estimé à 9 007 677 euro, un prix de 13 671 976 euro, soit un prix plus élevé de 52 % par rapport à l'estimation administrative, puis un prix de 13 327 754 euro lors de la procédure négociée;

- que du fait du dépassement de l'estimation administrative, la commission d'appel d'offres a déclaré l'ensemble des offres présentées sur les lots 1,2,3,4,7, 8, 10, 11, 12, 13, 14 et 15 inacceptables et a relancé une procédure négociée; que cette procédure n'a pas pu déboucher sur une solution acceptable pour les lots 1, 2, 3,4, 14 et 15 ;

- que les allégations sur l'existence d'une concertation prohibée au sens de l'article L. 420-1 20 et 40 sont infondées, car elles ne résultent d'aucun fait ou indice permettant d'en établir la possible existence ; que site constat que le secteur des transports est en Isère en situation de concurrence déficiente n'est pas contestée, la présomption d'une concertation prohibée ne pouvait être fondée sur une telle constatation et impliquait de faire la preuve de l'existence d'indices établissant que les transporteurs se sont effectivement concertés ;

- qu'il résulte au contraire de l'ordonnance que le conseil général de l'Isère cherchait à diminuer les dépenses de transport dans un contexte d'inflation des postes budgétaires et de diminution des ressources ; que dans le même temps, les coûts afférents à l'activité de transporteur ont augmenté par rapport aux précédents marchés passés en 2008, (carburant, nouvelles exigences du département en matière de perception des recettes et de billettique)

- que l'impossibilité pour les entreprises et le département de l'Isère de parvenir à une réduction suffisante du prix lors de la procédure négociée corrobore d'ailleurs ce constat

- que la différence entre les prix proposés et les estimations administratives résulte de l'écart entre La démarche purement budgétaire du département de l'Isère et la réalité des coûts supportés par les entreprises de transports; qu'il n'y avait donc pas lieu de considérer qu'il existait une potentielle concertation.

4) sur l'irrégularité de la procédure de visite et saisies,

- que la phase d'enquête exige de respecter le principe de loyauté de la preuve, afin d'assurer le respect des garanties figurant à l'article 6§1 de la CEDH; que ce principe implique que ne soient saisis que les documents concernant des pratiques visées par l'autorisation judiciaire;

- que de nombreux documents saisis sont sans rapport avec l'objet de l'enquête : 2 avis d'appel public à concurrence du Sytral, documents relatifs à des lots ou candidatures à des marchés dans les départements du Rhône ou de la Savoie ; qu'il y a donc lieu d'ordonner la restitution de ces documents;

- qu'en revanche, les enquêteurs ont refusé de saisir la lettre attestant que l'entreprise Faure s'était retirée du réseau "Réunir ", alors même qu'au regard de l'ordonnance, une telle pièce constituait un élément important pour disculper l'entreprise Cars Faure d'une entente dans le cadre de la candidature au lot n°4.

L'Autorité de la concurrence conclut à la confirmation des ordonnances.

Elle répond de qu'il suit :

1) sur la recevabilité de la requête:

L'appelante entretient une confusion entre la recevabilité de la saisine de I 'Autorité par le conseil général et la recevabilité de la requête de la rapporteure générale présentée au juge des libertés et de la détention qui obéissent à des règles différentes.

Le juge de l'autorisation a vérifié qu'il y avait dans le dossier une demande d'enquête de la rapporteure générale. L'article L. 450-4 ne fait pas d'autre obligation au magistrat saisi d'une demande d'autorisation que celle de vérifier que cette demande émane du ministre chargé de l'économie ou, comme au cas présent, de la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence.

Le juge a vérifié que cette requête était recevable, en indiquant que Mme Beaumeunier, nommée rapporteur général par arrêté du 3 mars 2009, était habilitée à présenter une telle demande, en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

Au surplus, le juge a fait état de la saisine de l'Autorité de la concurrence par le conseil général de l'Isère le 1er avril 2010. Le juge n'avait pas à s'immiscer dans la procédure suivie par I 'Autorité de la concurrence, ni à vérifier que le conseil général avait établi l'existence de pratiques anticoncurrentielles.

A ce stade de la demande d'autorisation, le rôle du juge se limite à recueillir et analyser les faits utiles afin d'en extraire une ou des présomptions de pratiques anticoncurrentielles, ce qu'il a fait en examinant les 17 pièces produites. La mesure autorisée a pour unique objectif de vérifier que les comportements illicites soupçonnés existent ou non dans le secteur du transport routier de personnes dans la région Rhône-Alpes, notamment dans le département de l'Isère.

L'Autorité de la concurrence n'avait pas à produire des preuves mais seulement des indices qui aboutissent à une ou plusieurs simples présomptions de pratiques prohibées.

Enfin, l'article L. 450-4 alinéa 6 du Code de commerce offre une voie de recours devant le premier Président de la cour d'appel sur la légalité de l'ordonnance d'autorisation. Toute discussion relative à la requête est inopérante dès lors que celle- ci ne constitue qu'une simple demande de l'Autorité de la concurrence qui ne pourrait recevoir aucune suite en l'absence de l'ordonnance d'autorisation.

Le premier alinéa de l'article 11 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui renvoie à l'article 5 alinéas 2 du même texte, permettait la saisine par les collectivités territoriales de l'ancien Conseil de la concurrence.

En l'espèce, l'origine de l'enquête est clairement identifiée ; elle émane de la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence, seule personne habilitée à présenter une requête au juge.

Le juge des libertés et de la détention qui a pris connaissance de la saisine du conseil général du 1er avril 2010, n'avait pas à contrôler la régularité de cette saisine de l'Autorité de la concurrence, ce contrôle revenant à l'Autorité elle-même (article L. 462-8 du Code de commerce).

2) sur le caractère irrégulier de la saisine de I Autorité de la concurrence par le conseil général de l'Isère

Contrairement aux allégations de la société Faure, la saisine du 1er avril 2010, qui précisait son objet et les dispositions du droit national et communautaire sur lesquelles la partie saisissante fonde sa demande, a bien fait l'objet d'une régularisation en 4 exemplaires dans le délai de 2 mois, le 30 avril 2010 puis le 27 mai 2010, conformément à l'article R. 463-1 du Code de commerce, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, tant en ce qui concerne le mandat de représentation donné au cabinet d'avocats que pour les nom et adresse du demandeur, le conseil général de l'lsère.

L'entreprise Faure affirme, à tort, que le courrier du 18 janvier 2010 constitue la date de la saisine de l'Autorité. Or, ce courrier, qui ne précise ni son objet, ni les dispositions de droit national et communautaire sur lesquelles la partie saisissante fonde sa demande et n'était, au surplus, accompagné d'aucune pièce jointe relative aux lots de marché dénoncés, ne pouvait être qualifié de saisine par l'Autorité de la concurrence. Seul le document du 1er avril 2010 est une véritable saisine qui constitue le point de départ de la régularisation demandée par l'Autorité et exécutée par le demandeur dans le délai de deux mois.

S'agissant de l'incompétence du président du conseil général. le Code général des collectivités territoriales dispose qu'il intente les actions au nom du département en vertu de la décision du conseil général et qu'il peut, par délégation, être chargé pour la durée de son mandat d'intenter au nom du département les actions en justice. La saisine de l'Autorité peut être assimilée à une action en justice et les documents produits par l'avocat du conseil général pour la régulariser sont pertinents.

La régularisation postérieure opérée, dans le délai de deux mois, conformément à l'article R. 463-1 du Code de commerce, en produisant les documents précités, est recevable et a permis au président du conseil général de l'Isère de saisir valablement l'Autorité de la concurrence.

3) Sur l'irrégularité des ordonnances rendues par les juges des libertés et de la détention:

L'article L. 450-4 alinéas 6 du Code de commerce ne prévoit la possibilité d'interjeter appel que contre l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention.

L'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Vienne a été rendue par délégation du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Grenoble et ne constitue qu'un simple acte d'exécution. Au surplus, le juge du Tribunal de grande instance de Vienne n'était pas tenu de rappeler dans le détail les agissements anticoncurrentiels.

Le juge des libertés et de la détention de Grenoble, après avoir listé les pièces succinctement décrites une première fois, notamment en précisant leur objet, a repris les pièces une à une dans le corps de son ordonnance pour les décrire, une seconde fois, de manière plus affinée.

Les pièces fournies ont une origine apparemment licite. Le conseil général détient légalement les pièces de marchés ou lots de marché qu'il a lancés et peut les remettre à l'Autorité de la concurrence pour étayer sa plainte et rien n'interdit aux agents de l'Autorité d'aller rechercher sur les sites internet accessibles au public des informations relatives à des entreprises ou à des marchés publics. En l'espèce, ce contrôle a bien été effectué par le magistrat (page 3 de l'ordonnance). Quant à l'annexe n° 16, son origine comme sa détention par le conseil général sont apparemment licites puisqu'il s'agit d'un courrier qui lui a été adressé par la société Faure le 1er avril 2010.

L'appelante feint de confondre le groupement constitué par les Courriers Rhodaniens avec les entreprises Finand et Faure pour soumissionner au lot n° 4 avec le "groupement" dénommé "Réunir ".

Si la constitution de groupements n'est pas illicite en soi, la soumission, sous forme de groupements d'entreprises qui ont les capacités financières, techniques et humaines de candidater seules, peut être révélatrice d'un dysfonctionnement du libre jeu de la concurrence et/ou de possibilités d'échanges d'informations confidentielles illicites, entre les membres du groupement, pour répondre à des mises en compétition semblables.

Cette suspicion de pratiques anticoncurrentielles des membres du groupement se trouve fréquemment renforcée par des candidatures ou des offres dites de "couverture", matérialisées le plus souvent par la présentation d'offres incomplètes, ce qui était le cas, en l'espèce, alors que es 3 entreprises du groupement, sont chacune, prises isolément, des sociétés qui maîtrisent parfaitement les procédures d'appels d'offres.

Quant au réseau " Réunir ", celui-ci n'est pas suspecté de pratiques anticoncurrentielles, mais seulement d'être une structure susceptible de favoriser les échanges d'information confidentielles entre entreprises, sur les prix et la répartition des réponses aux appels d'offres. L'entreprise Faure a appartenu à ce réseau, jusqu'au 1er avril 2010 à tout le moins.

L'appelante prétend, à tort, que les éléments d'information étaient insuffisants pour ordonner une visite et saisie dans ses locaux. Or l'ordonnance d'autorisation était parfaitement motivée par l'analyse des éléments, particulièrement caractérisés, concernant le comportement d'entreprises industrielles et commerciales dont la société Faure.

L'autorisation délivrée concerne des présomptions dans un " secteur " économique et non sur un ou des marchés pertinents dont la délimitation relèvera de l'Autorité de la concurrence et des juridictions éventuellement amenées à statuer ultérieurement sur les résultats de la mesure autorisée, c'est-à-dire les pratiques illicites qui pourraient être relevées.

La visite et saisie ont pour but de vérifier si dans un secteur économique donné, les règles de la concurrence jouent pleinement Aucune accusation n'est portée à l'encontre de Faure de mise en œuvre de comportements prohibés sur un marché pertinent.

Au demeurant, les éléments d'information produits par l'Autorité de la concurrence, pour demander l'autorisation, ne pouvaient être que des illustrations de pratiques prohibées présumées beaucoup plus larges notamment géographiquement.

Par ailleurs, la jurisprudence valide la saisie de documents, le cas échéant, concernant d'autres appels d'offres ou marchés que ceux expressément visés dans l'ordonnance d'autorisation, dès lors qu'ils entrent dans le cadre du secteur économique concerné par les investigations.

Si l'appelante critique également la possibilité de rééquilibrage des attributions entre les soumissionnaires, c'est vraisemblablement qu'elle veut ignorer que dans le cadre des marchés publics, il n'est pas rare de constater des compensations réciproques entre les mêmes sociétés, à la même époque, sur différents marchés individualisés.

En tout état de cause, les pratiques prohibées suspectées relevées par le juge de l'autorisation pouvaient donner l'apparence d'une concurrence normale sur le marché mais étaient susceptibles de tromper le maître d'ouvrage.

Ensuite, la société Faure ne soutient pas qu'elle est inactive dans le secteur du transport roulier de personnes dans la région Rhône-Alpes, notamment dans le département de l'Isère.

Enfin, au stade de la demande d'autorisation, le rôle du juge se limite à recueillir et analyser les faits utiles afin d'en extraire une ou des présomptions de pratiques anticoncurrentielles, ce qu'il a fait en examinant de manière détaillée les pièces, dont la concordance, en fonction des agissements reprochés, lui a permis de suspecter les entreprises visées de pratiques prohibées.

Conformément à l'alinéa 2 de l'article L. 450-4, la décision d'autorisation a été rendue sur le fondement des seules pièces annexées à la requête du 13 avril 2011.

D'une part, le juge des libertés et de la détention de Grenoble a rempli sa mission et satisfait aux exigences de l'article L. 450-4 du Code de commerce en appréciant souverainement que l'ensemble des informations utiles communiquées par l'Autorité de la concurrence permettait de présumer l'existence d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée.

D'autre part, il a vérifié qu'il y avait dans le dossier une demande d'enquête de la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence, seule pièce obligatoire, lors d'une demande d'autorisation en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles.

En ce qui concerne la contestation des éléments d'information figurant dans la motivation de l'ordonnance, le fait d'analyser les indices un à un, comme le fait la requérante, notamment ceux la concernant, pour en tirer la conclusion que le juge n'avait rien dans le dossier lui permettant d'autoriser la visite, n'a pas de sens. Seul le résultat de l'analyse de l'ensemble des faits portés à la connaissance du magistrat est révélateur d'une ou plusieurs présomptions de pratiques anticoncurrentielles. Les agissements présumés de Faure sont examinés par le juge de l'autorisation à la lumière des comportements des autres acteurs du secteur économique concerne (ce que ne conteste d'ailleurs pas l'appelante à la page 20 de ses écritures en considérant que "le secteur des transports est en Isère en situation de concurrence déficiente ") car l'entente soupçonnée nécessite la mise au point de stratégies et tactiques communes, le plus souvent quasi identiques, par les auteurs suspectés.

Le juge de l'autorisation, après description et analyse de 17 pièces annexées à la requête, dont 9 mentionnaient Faure (annexes 1, 3, 4, 5, 8, 9, 11, 12 et 16), a relevé l'existence possible d'une stratégie d'entente (pages 7 à 10 de son ordonnance).

Il est vainement prétendu qu'aucun des faits visés dans l'ordonnance n'est de nature à constituer un indice d'une implication personnelle de la requérante dans les pratiques prohibées présumées. Il suffit que la société Cars Faure paraisse impliquée dans l'un des agissements frauduleux suspectés dont la preuve est recherchée pour que la mesure d'autorisation soit justifiée (2 indices semblaient mêler directement l'entreprise Faure aux pratiques prohibées présumées, celui relatif à sa dernière offre supérieure de 48 à l'estimation administrative pour le lot 2 et celui concernant son offre en groupement, avec deux autres protagonistes pour le lot 4).

Ainsi, la motivation même de l'ordonnance est suffisante et pertinente, et permet d'écarter les critiques de Faure et de justifier l'autorisation de visiter ses locaux.

4) sur l'irrégularité de la procédure de visite et de saisie:

La SAS Autocars Faure n'a déposé aucun recours pour contester le déroulement des opérations de visite et saisie, conformément à l'article L. 450-4 alinéa 12 du Code de commerce. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'appelante a également déposé un recours au greffe du Tribunal de grande instance de Grenoble contre le déroulement des opérations de visite et saisie. Par conséquent, la juridiction du premier président ne pourra que prononcer l'irrecevabilité des conclusions de la société Faure concernant l'irrégularité de la procédure de visite et saisie.

La procédure a été régulièrement communiquée au ministère public le 5 octobre 2011.

Mme la procureure générale a conclu à la confirmation de l'ordonnance déférée.

SUR CE :

Attendu que par ordonnance du 15 avril 2011, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Grenoble a autorisé l'Autorité de la concurrence à faire procéder à des visites et saisies dans les locaux de la société Cars Faure situés à Valencin, afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles L. 420-1, 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relevés dans le secteur du transport routier de personnes dans la région Rhône-Alpes, notamment dans le département de l'Isère, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée ;

Que le juge a donné commission rogatoire au juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Vienne aux fins de désignation des chefs de service de police ou de gendarmerie territorialement compétents pour nommer les officiers de police judiciaire qui assisteront aux opérations de visite et de saisie ; que les deux ordonnances ont été notifiées le 28 avril et que les opérations ont été effectuées ce même jour dans les locaux de l'entreprise à Valencin ;

- Sur l'annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Grenoble du 15 avril 2011 :

Attendu que la société Autocars Faure soutient que la requête de l'Autorité de la concurrence est irrecevable en raison de l'absence de précisions sur les modalités de la saisine, en l'absence de contrôle de la saisine de l'Autorité de la concurrence, que la saisine de l'Autorité de la concurrence par le conseil général de l'Isère est irrégulière, et que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Grenoble est irrégulière ;

Attendu que selon les articles L. 462-1 et L. 462-5 du Code de commerce, l'Autorité de la concurrence peut être saisie de toute pratique visée notamment à l'article L. 420-1 dudit Code, ou de faits susceptibles de constituer une telle pratique, par le ministre chargé de l'économie, par les entreprises ou par les collectivités territoriales ;

Attendu que l'article L. 450-4 alinéa 1 du Code de commerce dispose que les agents des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence ne peuvent procéder aux visites et saisies que dans le cadre d'enquêtes demandées par la Commission européenne, le ministre chargé de l'Economie ou le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence, comme en l'espèce, sur autorisation judiciaire ; que cet article précise en son alinéa 2 que le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande d'autorisation de procéder à des visites et saisies de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles, "doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée" ;

Attendu qu'aucune autre obligation n'est mise à la charge du juge de l'autorisation ; qu'en l'espèce cependant, le juge vise dans son ordonnance la demande d'enquête du 23 avril 2011 signée par Mme Beaumeunier, rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence, la note du rapporteur, la requête du 13 avril 2011 et les 17 pièces annexées ; que l'ordonnance mentionne en outre que l'Autorité de la concurrence a été saisie le 1er avril 2010 par le conseil général de l'Isère, l'acte de saisine figurant en annexe 3 ; que la société Autocars Faure ne peut valablement soutenir que la requête manquait de précisions sur les modalités de la saisine ;

Attendu que le juge de l'autorisation n'a pas à effectuer d'autre contrôle que le caractère fondé ou non de la demande ; que ce juge n'a pas à rechercher, à ce stade de la procédure, si le président du conseil général avait été régulièrement habilité à saisir l'Autorité de la concurrence ; que seule celle-ci pouvait vérifier la régularité de sa saisine par la collectivité territoriale, sous le contrôle de la cour d'appel de Paris, en application de l'article L. 464-8 du Code de commerce, en cas de recours contre la décision au fond de l'Autorité de la concurrence ;

Attendu que le conseil général de l'Isère, représenté par la société d'avocats Matharan-Pintat-Raymundie, a adressé le 1er avril 2010 à l' Autorité de la concurrence un courrier ayant pour objet la "Saisine... de l'autorité de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par certains opérateurs de transports publics sur le territoire du département de l'Isère" ; qu' il est précisé dans la lettre que le département de l'Isère a initié en décembre 2009 une procédure de passation d'un marché public de "Services réguliers de transports publics non-urbains de personnes par voie terrestre", marché qui s'adresse potentiellement à l'ensemble des opérateurs de transports ;

Qu'à la suite de la saisine par le conseil général de l'lsère, la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence, au vu de la "note de présentation et d'orientation de l'enquête" établie par un rapporteur, a prescrit le 23 mars 2011 au service d'instruction de cette autorité, d'effectuer une enquête portant sur le "secteur du transport routier de personnes dans la région Rhône-Alpes, notamment dans le département de l'Isère" ;

Attendu que le juge des libertés et de la détention doit vérifier que la demande est fondée ; que la demande doit comporter tous les éléments d'information de nature à justifier la visite ;

Attendu que l'Autorité de la concurrence a annexé à la requête transmise au juge des libertés et de la détention, 17 pièces ; qu'elle a notamment communiqué l'étude du 25 mars 2010 du conseil général de l'Isère sur la concurrence dans les marchés de transport public, le document de présentation du 1er juin 2010, les courriers du président du conseil général des 11 et 18 janvier 2010 (annexe 6), le procès-verbal d'enregistrement des candidatures et des offres lors de la commission d'appel d'offres du 16 décembre 2009 (annexe 8), le rapport de la commission (annexe 9), le courrier du cabinet d'avocats du 5 octobre 2010 (annexe 11), le rapport de la commission d'appel d'offres du 30 juin 2010 (annexe 12), le courrier de l'entreprise Berthelet du 29 janvier 2011 (annexe 14), les extraits du site internet du réseau "Réunir" (annexe 15), le courrier de la société Autocars Faure du 1er avril 2010 (annexe 16);

Attendu que ces pièces ont une origine apparemment licites, qu'elles émanent du plaignant, en l'espèce le conseil général de l'Isère, et de sites internet accessibles au public ; que le courrier du 1er avril 2010 adressé par la société Autocars Faure a une origine apparemment licite qu'il émane de cette société et qu'il a comme destinataire le "conseil général de l'Isère, Direction des transports, à l'attention de Monsieur Pierre Icard" ; qu'il convient de rappeler que c'est cette collectivité territoriale qui a saisi I'Autorité de la concurrence ;

Attendu que le juge des libertés et de la détention s'est référé aux documents transmis par l'Autorité de la concurrence qu'il a détaillé le contenu des annexes (du milieu de la page 3 jusqu'au début de la page 7 de l'ordonnance), par exemple, les documents concernant l'organisation du service public de transport de personnes dans le département de l'Isère, les moyens matériels et financiers consacrés au réseau "Transisère", les recherches pour diminuer les coûts, les efforts pour stimuler la concurrence entre les transporteurs (annexe 6), l'avis d'appel d'offres, le tableau des réponses faisant apparaître les entreprises soumissionnaires et les offres concurrentes (lorsqu'il y en a), les prix proposés et les dépassements par rapport aux estimations administratives, le résultat de la commission d'appel d'offres, le résultat de la seconde procédure négociée (annexes 5, 8, 9, 10 11, 12, 13) ;

Attendu que le juge a procédé à l'analyse de l'ensemble des documents transmis (de la page 7 à la page il de l'ordonnance) ;

Attendu que le juge des libertés et de la détention a relevé qu'au vu des éléments communiqués, "il peut être constaté une situation de concurrence déficiente lors de ces consultations marquées à la fois, par des présomptions d'échanges d'informations entre soumissionnaires pour favoriser l'un d'eux sur les différents lots en limitant le nombre de soumission et/ou les possibilités de négociation, et par la possibilité d'envisager l'hypothèse d'un rééquilibrage des attributions entre eux sur d'autres marché du secteur du transport routier de personnes dans la région Rhône-Alpes, notamment dans le département de l'Isère" ;

Que le juge a procédé à l'analyse des offres ; qu'il a relevé par exemple,

- que le conseil général, "tirant les leçons de l'échec d'une première consultation n'a pas hésité à relancer la procédure afin d'attirer de nouvelles entreprises ou de nouvelles offres" ; que l'estimation administrative pour 7 lots était supérieure à 3 millions d'euros ;

- que pour les lots les plus intéressants financièrement, une entreprise, titulaire sortante sur 2 lots, et seule soumissionnaire, a fait une offre sur chacun des lots supérieure de 71 % et de 139 % à l'estimation administrative ;

- que pour le lot n° 2, une autre entreprise, titulaire sortante et seule soumissionnaire, la société Autocars Faure, a proposé une offre supérieure de 48 % à l'estimation administrative à 13 327 754 euro; qu'il en était de même pour les lots 3, 4, 7 pour lesquels les offres d'autres entreprises de transport étaient supérieures de 40 %, 22 % et 20 % aux estimations administratives:

- qu'une autre entreprise a été la seule à proposer une offre pour les lots 8, 11 12 13 ; que pour le lot 13, l'offre a été supérieure de 18 % à l'estimation administrative ;

Que le juge a considéré que les agissements présumés ont eu des effets négatifs sur les prix de certains lots ; qu'il a noté que ces prix sont supérieurs aux estimations administratives des services du département alors que celles-ci, fixées en baisse par rapport aux prix des marchés précédents, n'étaient pas irréalistes d'un point de vue économique puisque les entreprises qui ont emporté les lots ont fini par faire des propositions proches de ces estimations;

Qu'il a relevé que les documents transmis par le département à la commission d'appel d'offres que certains candidats (5 entreprises) ne parvenaient pas à justifier, ou justifiaient de manière ambiguë, ou refusaient de justifier certains coûts comme le montant des prix, la valeur des véhicules, l'ampleur des frais d'entretien et de structure, les coûts induits par la qualification des heures de travail des conducteurs (annexe 12);

Que le juge a ajouté que ces attitudes pourraient indiquer que les prix proposés ne sont pas orientés en fonction des coûts réellement supportés et se situeraient à des niveaux supra compétitifs consécutifs à une pratique anticoncurrentielle ; que les documents produits mettent en exergue l'absence totale de concurrence par les prix, et que les indices présentés aboutissent à une présomption paraissant conforter l'hypothèse d'une entente pour annihiler toute velléité de concurrence ;

Attendu que s'agissant de la pratique prohibée de répartition des marchés, le juge a estimé que le conseil général de l'Isère n'avait pu disposer d'offres concurrentes que pour 5 lots alors que les lots à attribuer étaient au nombre de 16; que sur la totalité des lots, les entreprises titulaires ont toutes remis une offre sur les lots qu'elles détenaient, qu'elles ont été les seules à remettre une offre sur 11 lots; qu'elles n'ont subi une concurrence que sur 5 lots ; qu'en outre, les rares offres concurrentes présentées par les titulaires d'autres lots (Les Courriers rhodaniens, Train bleu, Véolia), en raison de l'écart de prix significatif avec les offres des sortants, pourraient n'être que des "offres de couverture" destinées à tromper le conseil général sur l'existence d'une concurrence, notamment pour les lots n° 4, 5 10 ; que pour le lot n° 9, le nouveau concurrent non sortant (Bertolami) se met dans l'impossibilité d'inquiéter le sortant avec une offre supérieure de 17 % à l'estimation administrative ;

Attendu que le juge a en outre mentionné qu'un groupement d'entreprises de transport s'est constitué pour présenter une offre sur le lot n° 4 alors que l'entreprise Les Courriers Rhodaniens disposait d'une envergure suffisante pour se porter seule candidate et aurait pu présenter une offre beaucoup plus attractive pour le conseil général ; que la constitution de ce groupement ne paraît pas justifiée par des considérations techniques ou économiques et pourrait conduire à assécher la concurrence ;

Attendu que s'agissant du réseau "Réunir" auquel la société Autocars Faure a cessé d'appartenir début 2010, l'Autorité de la concurrence ne le suspecte pas de pratiques anticoncurrentielles : que cette autorité a entendu communiquer au juge un indice supplémentaire concernant un groupement qui a pu favoriser un échange d'informations entre les entreprises participantes sur les prix et la répartition des réponses aux appels d'offres ; qu'il convient de rappeler que la société Autocars Faure a été membre fondateur, et adhérent pendant 10 ans de ce réseau, et que la lettre adressée au conseil général le 1er avril 2010 fait référence à ce réseau ;

Attendu que le premier juge a justement considéré que les agissements des différentes entreprises paraissent coordonnées, comportements qui laissent présumer l'existence de pratiques concertées au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce (page 10);

Attendu que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Grenoble, qui s'est référée en les analysant aux éléments d'information soumis par l'Autorité de la concurrence, a justement apprécié l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles ; que les griefs d'insuffisance d'analyse des pièces, d'appréciation infondée d'indices, et de motivation insuffisante de l'ordonnance ne sont pas fondés ;

Que la demande d'annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Grenoble du 15 avril 2011 sera rejetée ;

- Sur l'irrégularité de l'ordonnance du juge des Libertés et de la détention de Vienne :

Attendu qu'il résulte de la déclaration d'appel remise au greffe du Tribunal de grande instance de Grenoble que la société Autocars Faure a interjeté appel d'une part, de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Grenoble ayant autorisé l'Autorité de la concurrence à faire procéder dans les locaux de la société aux visites et saisies de documents et d'autre part, de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Vienne du 19 avril 2011;

Attendu que selon l'article L. 450-4 alinéa 6 du Code de commerce, l'ordonnance autorisant les visites et saisies peut faire l'objet d'un appel devant le premier Président de la cour d'appel ; qu'aucune disposition ne prévoit la possibilité d'interjeter appel de l'ordonnance rendue sur commission rogatoire; qu'aux termes de l'article L. 450-6 alinéa 12, seul le déroulement des opérations de visite et saisie peut faire l'objet d'un appel ; qu'en conséquence, l'appel de l'ordonnance prise sur commission rogatoire doit être déclaré irrecevable; que le sort de cette ordonnance suivra celui de l'ordonnance d'autorisation ;

- Sur l'irrégularité des opérations de visite et saisies :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 450-6 alinéa 12 du Code de commerce, le déroulement des opérations de visite et saisie peut faire l'objet d'un recours devant le premier Président de la cour d'appel ; que ce recours doit être formalisé par déclaration au greffe du Tribunal de grande instance ; qu'il n'est pas contesté par la société Autocars Faure qu'aucun appel n'a été interjeté dans les formes légales à l'encontre du déroulement des opérations de visite et saisie ; que la demande formée par la société Autocars Faure dans ses conclusions sera déclarée irrecevable ;

Par ces motifs : Nous, Jean-Pierre Vignal, conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel de Grenoble, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort. Rejetons la demande d'annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Grenoble ayant autorisé les mesures de visite et saisies à l'encontre de la société Autocars Faure, Déclarons irrecevable l'appel formé à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Vienne prise sur commission rogatoire, Déclarons irrecevable l'appel formé par conclusions à l'encontre de la procédure de visites et saisies, Laissons les dépens à la charge de la société Autocars Faure.