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Décisions

Cass. soc., 7 mars 2012, n° 09-71.612

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Straub

Défendeur :

Luxottica France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Rapporteur :

M. Flores

Avocats :

SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, SCP Gatineau, Fattaccini

Colmar, ch. soc. A, du 1er oct. 2009

1 octobre 2009

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Straub a été engagé, le 18 octobre 1999, par la société Luxoticca France, en qualité de VRP, chargé d'assurer la représentation de la ligne de lunettes Chanel ; que des avenants successifs ont modifié le secteur géographique et étendu la représentation au réseau de la marque Afflelou ; que, contestant notamment un avertissement qui lui avait été infligé, le salarié a, le 23 février 2004, saisi la juridiction prud'homale ; que, par lettre du 26 novembre 2004, l'employeur a procédé à son licenciement ;

Sur les premier, deuxième, cinquième et sixième moyens : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur les troisième et quatrième moyens réunis : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer sans objet la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, alors, selon le moyen : 1°) que lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation est justifiée, peu important que cette demande n'ait été oralement soutenue que postérieurement au licenciement ; que c'est seulement s'il ne l'estime pas fondée que le juge doit statuer sur le licenciement ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que le salarié a sollicité la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur par un écrit reçu le 5 juillet 2004 au greffe du conseil de prud'hommes, soit antérieurement au licenciement prononcé le 26 novembre 2004 ; qu'en déclarant cette demande sans objet au prétexte qu'elle n'avait été soutenue oralement qu'à l'audience du conseil de prud'hommes du 31 mars 2005, soit postérieurement au licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du Code du travail ; 2°) que le juge ne peut modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les conclusions des parties ; que l'employeur admettait lui-même que la cour d'appel devait s'interroger sur le caractère justifié ou non de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail avant d'examiner le bien-fondé du licenciement ; qu'en déclarant néanmoins cette demande sans objet, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 3°) que la contradiction entre les motifs et le chef de dispositif équivaut à une absence de motifs ; que dans ses motifs, la cour d'appel a indiqué que le jugement entrepris devait être infirmé en ce qu'il l'avait débouté de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et que, statuant de nouveau sur ce sujet, cette demande devait être déclarée sans objet ; qu'en confirmant cependant, dans son dispositif, le jugement en toutes ses dispositions et notamment donc en celle ayant rejeté au fond la demande de résiliation judiciaire, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que, dans une procédure orale, les écrits auxquels se réfère une partie ont nécessairement pour date celle de l'audience ;

Et attendu qu'ayant constaté que la demande de résiliation judiciaire avait été formulée dans des conclusions écrites qui n'avaient été soutenues oralement que lors de l'audience du 31 mars 2005 et postérieurement au licenciement intervenu le 26 novembre 2004, la cour d'appel, en dépit de l'erreur de plume du dispositif "confirmant le jugement en toutes ses dispositions", a exactement décidé que cette demande était devenue sans objet, et, tenant compte des grief invoqués par le salarié à l'appui de cette demande, s'est prononcé sur le licenciement ; d'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur le huitième moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité de clientèle, alors, selon le moyen : 1°) que l'article 5.1 du contrat de travail stipule qu'"en rémunération de ses services le représentant percevra sur toutes les affaires faites par son intermédiaire dans le secteur concédé (...) une commission de 12 %, une surcommission de 2 % mensuelle constituant un versement anticipé sur l'indemnité de clientèle future qui pourrait être due à M. Straub en cas de rupture du présent contrat à l'initiative de Luxottica..." ; que le contrat de travail, qualifiant tour à tour la surcommission de rémunération des services puis d'avance sur indemnité de clientèle, était donc ambigu ; qu'en affirmant que cette stipulation était claire, et en refusant ainsi de l'interpréter, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que l'indemnité de clientèle a pour objet de réparer le préjudice causé au représentant par la perte de la clientèle qu'il avait créée, apportée ou développée au profit de son ancien employeur ; qu'en conséquence, ne peuvent être déduits de cette indemnité des salaires que le VRP a perçus pendant l'exécution de son contrat de travail, quelle que soit la qualification que leur donne le contrat ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 7313-13 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le contrat de travail stipulait que les sur-commissions de 2 % mensuelles constituaient un versement anticipé sur l'indemnité de clientèle future, a exactement décidé, sans encourir les griefs du moyen, qu'elles devaient venir en déduction pour le calcul du montant de l'indemnité de clientèle due au moment de la rupture ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais, sur le septième moyen : - Vu les articles 1315 du Code civil et L. 7313-11 du Code du travail ; - Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes en paiement des commissions de retours sur échantillonnages, l'arrêt retient que si l'activité accomplie par le représentant jusqu'à son terme et notamment pendant le préavis, a nécessairement généré des commandes qui ne se sont concrétisées qu'après son départ, les éléments produits par les parties ne permettent pas de liquider le montant de l'indemnité à laquelle il a droit à ce titre ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le VRP a droit au paiement des commissions sur les ordres non encore transmis à la date de départ de l'entreprise qui sont la suite directe des échantillonnages et des prix faits, antérieurs à l'expiration du contrat, et qu'il appartient à l'employeur de fournir les justificatifs des ordres ainsi passés et le chiffre d'affaires en résultant, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande de rappel de commissions au titre des retours sur échantillonnages, l'arrêt rendu le 1er octobre 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nancy.