CA Douai, 2e ch. sect. 2, 31 janvier 2012, n° 11-00720
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Charente Aquitaine Restauration (SARL)
Défendeur :
AB INBEV France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Lamoine, Valay-Brière
Avoués :
SCP Carlier Regnier, SCP Deleforge, Franchi
Avocats :
Mes Bordas, Nowak
Se prévalant de ce que la SARL Charente Aquitaine Restauration ne respectait pas son engagement d'approvisionnement exclusif en bière auprès d'elle, la SAS AB INBEV France l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Lille qui, par jugement rendu le 17 novembre 2010, a débouté Charente Aquitaine Restauration de son exception d'incompétence territoriale, l'a condamnée au paiement des sommes de 11 730 euro à titre d'indemnité de rupture, avec intérêts légaux à compter du 3 juin 2008, et de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, a débouté AB INBEV France de sa demande de paiement de la somme de 2 307,14 euro au titre des échéances impayées et de 2 000 euro de dommages et intérêts et a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
La société Charente Aquitaine Restauration a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions déposées le 28 avril 2011, elle demande à titre principal de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour d'appel de Bordeaux, saisie d'un litige de même nature, statue, subsidiairement de prononcer la résiliation du contrat d'approvisionnement sans pénalité en raison de la force majeure, à titre très subsidiaire de prononcer la nullité du contrat pour indétermination du prix, à titre infiniment subsidiaire de lui accorder les plus larges délais de paiement, et, en toute hypothèse, de condamner AB INBEV France au paiement de la somme de 2 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 11 juillet 2011, la société AB INBEV France conclut à la confirmation du jugement sur l'indemnité de rupture, l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens, et, le réformant, de condamner Charente Aquitaine au paiement des sommes de 6 520,46 euro au titre des échéances du prêt dont elle a assuré le remboursement en sa qualité de caution, de 1 000 euro de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Discussion
Attendu qu'il est constant que, par contrat du 29 août 2005, la société Charente Aquitaine Restauration, exploitant un débit de boissons à Vignolles (Charente), a souscrit auprès de la Société Générale un prêt au remboursement duquel la société AB INBEV France s'est portée caution ; qu'en contrepartie, Charente Aquitaine s'est engagée à s'approvisionner exclusivement auprès de AB INBEV France à hauteur de 50 hectolitres de bière par an pendant cinq ans ; que Charente Aquitaine ne conteste pas avoir cessé son approvisionnement à compter de 2007 ;
Attendu que Charente Aquitaine sera déboutée de sa demande de sursis à statuer, la présente procédure n'étant pas conditionnée par l'issue de l'instance civile opposant Charente Aquitaine à la SAS Saint Yrieix Boissons, pendante devant la Cour d'appel de Bordeaux, qui, nonobstant la similitude de moyen de droit, ne concerne pas les mêmes parties ;
Attendu, par ailleurs, que c'est en vain que Charente Aquitaine invoque, au visa de l'article 1148 du Code civil, la force majeure constituée par la création d'une portion de route à quatre voies dont elle indique qu'elle a entraîné la déviation du trafic routier de sa zone d'implantation et l'impossibilité d'exploiter son fonds de commerce; qu'en effet, l'opération, dans le département de la Charente, de mise en 2 x 2 voies de la RN 10, projet ancien et engagé, en Charente, dès les années 90 par tronçons successifs, n'était nullement imprévisible ni à la date à laquelle Charente Aquitaine s'est engagée, ni en 2007 et 2008, date à laquelle Charente Aquitaine a poursuivi son activité en s'approvisionnant chez un concurrent de AB INBEV France ;
Attendu que Charente Aquitaine sera également déboutée de sa demande tendant au prononcer de la nullité du contrat d'approvisionnement exclusif pour indétermination du prix, le prix étant déterminé et déterminable par la convention de fourniture insérée dans l'acte de prêt qui renvoie au "tarif pratiqué ce jour par l'entrepositaire" et, pour les futurs tarifs, aux "nouveaux tarifs" présentés par l'entrepositaire réputés acceptés par le client en l'absence d'un refus notifié dans les quinze jours ;
Attendu que Charente Aquitaine ne contestant devant la cour ni le prononcé de la résiliation, à ses torts, du contrat d'approvisionnement, ni le montant de l'indemnité de rupture fixée par le tribunal, le jugement sera confirmé sur ces points ;
Attendu, sur la demande de condamnation de Charente Aquitaine au titre des échéances du prêt dont AB INBEV France a assuré le remboursement en sa qualité de caution, que AB INBEV France justifie, par la production de la quittance établie le 27 août 2010 par la Société Générale, avoir payé à la banque la somme de 6 520,46 euro pour apurement du solde du prêt consenti à Charente Aquitaine et être subrogée dans les droits du débiteur principal ; que la cour, infirmant sur ce point le jugement entrepris, condamnera Charente Aquitaine à payer à AB INBEV France la somme de 6 520,46 euro ;
Attendu que Charente Aquitaine, qui n'apporte aucune précision sur sa situation et qui a, à l'évidence, déjà disposé de délais importants depuis la mise en demeure dont elle a fait l'objet le 3 juin 2008, sera déboutée de sa demande de délais de paiement ;
Attendu que le jugement sera confirmé sur le rejet de la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, la preuve ni d'un comportement fautif, ni, en tout état de cause, d'un préjudice autre que celui indemnisable au titre de l'article 700 du Code de procédure civile n'étant en l'espèce rapportée ; que l'équité commande de condamner à payer à la somme de 1 000 euro au titre des frais hors dépens exposés en cause d'appel ;
Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris, sauf sur la demande de condamnation au titre des échéances du prêt, Statuant à nouveau de ce chef, Condamne la SARL Charente Aquitaine Restauration à payer à la SAS AB INBEV France la somme de 6 520,46 euro, Condamne la SARL Charente Aquitaine Restauration à payer à la SAS AB INBEV France la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Condamne la SARL Charente Aquitaine Restauration aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.