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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 22 mars 2012, n° 10-05492

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Land (SARL)

Défendeur :

Chanel (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Le Bail

Conseillers :

Mme Le Brun, M. Mathieu

Avocats :

SCP Bazille, SCP Gauvain-Demidoff, Mes Breger, Meslay Caloni

TGI Brest, du 5 déc. 2007

5 décembre 2007

La société Chanel, propriétaire de la marque, sous laquelle elle distribue des produits de beauté et de parfumerie au travers d'un réseau de distribution sélective, a fait constater, par procès-verbaux en date des 16 et 22 février 2005 pour la société Land à Landerneau (29), que la société Land, qui exploite commerce de solderie sous l'enseigne Noz, à Landerneau, diffusait ses produits sans son autorisation ;

La société Chanel a fait assigner cette société en contrefaçon d'usage et de marque, ainsi qu'en violation de l'interdiction de revente hors réseau et en concurrence déloyale, devant le Tribunal de grande instance de Brest ;

Le Tribunal de grande instance de Brest, par jugement rendu le 5 décembre 2007, a :

- Condamné la SARL Land à payer à la SAS Chanel la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'usage illicite des marques appartenant à la société Chanel ;

- Condamné la SARL Land à payer à la SAS Chanel la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitisme commis par la société Land ;

- Fait interdiction à la SARL Land de détenir, acheter ou vendre des produits Chanel, sous astreinte de 100 euro par produit infractionnel, à compter de la signification du présent jugement ;

- Ordonné la publication du présent jugement dans deux journaux au choix de la société Chanel et aux frais de la SARL Land, sans que le coût de chaque insertion n'excède 3 000 euro hors taxes ;

- Condamné la SARL Land à payer à la SAS Chanel la somme de 1 668,89 euro en paiement des frais engagés par cette dernière pour faire constater les agissements illicites faisant l'objet de la présente procédure ;

- Condamné la SARL Land à payer à la SAS Chanel la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- Condamné la SARL Land aux dépens ;

Sur appel interjeté par la société Land, la Cour d'appel de Rennes, par arrêts du 20 janvier 2009, a :

- Confirmé le jugement rendu le 5 décembre 2007 par le Tribunal de grande instance de Brest en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne sa publication ;

- Ordonné la publication du présent arrêt dans deux journaux au choix de la société Chanel et aux frais de la société Land sans que le coût de ces publications excède 4 000 euro hors taxe ;

- Condamné la société Land à payer à la société Chanel une somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Débouté les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ;

- Condamné la société Land aux dépens d'appel ;

Sur pourvoi formé par la société Land, la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Land à payer à la société Chanel une somme de 5 000 euro en réparation du préjudice subi du fait d'actes de concurrence déloyale et parasitisme, l'arrêt rendu le 20 janvier 2009, entre les parties, par la Cour d'appel de Rennes ; remis, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, les renvoyant, pour être fait droit, devant la Cour d'appel de Rennes, autrement composée et condamnant la société Chanel aux dépens ;

La cour a statué aux motifs suivants :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que pour dire que la société Land avait commis des agissements parasitaires au préjudice de la société Chanel et la condamner au paiement de la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts, l'arrêt relève qu'en placardant dans son point de vente des affiches reproduisant la marque Chanel, alors qu'elle ne disposait que d'une quantité limitée de produits de cette marque et que l'étanchéité du réseau de distribution sélective lui interdisait de se réapprovisionner, la société Land a utilisé cette marque comme marque d'appel dans le seul but de profiter de son attrait auprès de la clientèle et de tenter de vendre d'autres articles que ceux annoncés ; que l'arrêt retient encore que ces agissements visant à bénéficier du pouvoir attractif de la marque ont permis à la société Land de tirer profit de l'image et du prestige de la marque sans avoir à se soumettre aux contraintes pesant sur les distributeurs agréés ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser des faits distincts de ceux retenus pour justifier l'absence d'épuisement du droit sur la marque Chanel et la condamnation de la société Land pour usage illicite de cette marque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Vu la déclaration afin de saisine après renvoi de cassation déposée le 6 juillet 2010 au greffe de la présente cour à la requête de la société Land ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 3 novembre 2011 par la société Land qui demande à la cour de :

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamnée à payer à la SAS Chanel la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'actes de concurrence déloyale et parasitisme, de constater qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ni de parasitisme et de débouter en conséquence la société Chanel de toutes ses demandes,

Y ajoutant,

- Condamner la société Chanel à lui payer la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la société Chanel aux dépens ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 13 décembre 2011 par la société Chanel SAS qui demande à la cour, statuant sur son appel incident, de dire que la société Land a participé indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau en violation de l'article L. 442-6-I 6° du Code de commerce, qu'elle s'est approvisionnée dans des conditions anormales, en violation d'un réseau de distribution sélective, qu'elle a mis en vente des produits Chanel sans être soumise aux contraintes des distributeurs agréés, tout en bénéficiant de la valeur publicitaire de la marque, qu'elle a utilisé les marques Chanel et en double C sur des affiches publicitaires comme "marque d'appel" et qu'elle a ainsi porté atteinte à la cohésion du réseau de distribution sélective de la société Chanel, en conséquence :

- Dire que la SARL Land a engagé sa responsabilité quasi délictuelle sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,

- Condamner la SARL Land à payer à la société Chanel la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- Débouter la SARL Land de toutes ses demandes,

Ajoutant,

- Condamner la SARL Land à payer à la société Chanel la somme de 20 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture de l'instruction intervenue le 19 janvier 2012 ;

Sur ce :

Considérant qu'il convient de rappeler, à titre liminaire, que l'arrêt du 20 janvier 2009 est définitif en ce qu'il a confirmé le jugement du Tribunal de grande instance de Brest du 5 décembre 2007 en ce qu'il a, notamment, condamné la société Land à payer à la société Chanel la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'usage illicite des marques appartenant à la société Chanel ;

Que la seule question qui demeure en litige est de savoir s'il est rapporté la preuve de faits de concurrence déloyale ou de parasitisme, distincts des faits retenus pour caractériser l'usage illicite de marque ainsi retenu par le premier juge, et justifiant une indemnisation distincte ;

Considérant que la société Chanel rappelle l'ensemble des éléments de la cause et fait spécialement valoir, à l'appui de sa demande de dommages et intérêts, que la société Land s'est approvisionnée dans des conditions anormales, en violation d'un réseau de distribution sélective, qu'elle a mis en vente des produits Chanel sans être soumise aux contraintes des distributeurs agréés, tout en bénéficiant de la valeur publicitaire de la marque, qu'elle a utilisé les marques Chanel et en double C sur des affiches publicitaires comme "marque d'appel" et qu'elle a ainsi porté atteinte à la cohésion du réseau de distribution sélective de la société Chanel ;

Considérant qu'il n'est toutefois pas démontré de faits distincts de ceux retenus au titre de la violation d'un réseau de distribution sélective et de la contrefaçon par usage illicite de marque, et susceptibles de caractériser des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme ;

Considérant en effet que l'acquisition des produits litigieux hors réseau et la mise en vente de ces produits dans des conditions non agréées, avec par voie de conséquence la désorganisation du réseau sélectif de Chanel et l'atteinte à la marque, ainsi que l'utilisation d'encarts publicitaires et d'affiches faisant apparaître de manière très visible la marque Chanel et son double C sont au nombre des éléments qui ont servi tant au premier juge qu'à la cour d'appel à caractériser les faits de violation d'un réseau de distribution sélective et de contrefaçon par usage illicite de marque ; qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun autre comportement fautif de la société Land susceptible de fonder l'action en concurrence déloyale et parasitisme exercée par la société Chanel ;

Qu'il y a lieu en conséquence, réformant le jugement du Tribunal de grande instance de Brest sur ce point, de débouter la société Chanel de sa demande à ce titre ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en l'espèce ;

Considérant que la société Chanel, qui succombe, supportera les dépens de la présente procédure, ainsi que les dépens de l'arrêt cassé ;

Par ces motifs : LA COUR, Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 23 mars 2010, Statuant dans les limites de la saisine, Réforme le jugement rendu le 5 décembre 2007 par le Tribunal de grande instance de Brest en ce qu'il a condamné la société Land à payer à la société Chanel la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme, Statuant à nouveau sur ce point, Déboute la société Chanel de toutes ses demandes, Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Chanel aux dépens de la présente procédure ainsi qu'aux dépens de l'arrêt cassé qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.