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Décisions

Cass. com., 3 avril 2012, n° 11-16.303

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Lina's boutiques (SARL)

Défendeur :

L & Sud (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

Mme Batut

Avocats :

SCP Ortscheidt, SCP Boré, Salve de Bruneton

T. com. Paris, du 26 mai 2009

26 mai 2009

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2011), que la société L & Sud a conclu avec la société LG & associés, aux droits de laquelle vient la société Lina's boutiques (le franchiseur), un contrat de franchise, comportant une clause d'exclusivité dans plusieurs départements ; que la société L & Sud, reprochant au franchiseur de lui avoir fourni une information pré-contractuelle erronée et d'avoir violé cette clause d'exclusivité, l'a fait assigner en vue d'obtenir à titre principal le paiement de dommages-intérêts et la nullité du contrat sur le fondement du dol ;

Attendu que le franchiseur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la société L & Sud une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) que pour retenir que la société Lina's avait présenté des chiffres prévisionnels d'activité et de bénéfices totalement irréalistes, la cour d'appel a retenu que le contrat litigieux souscrit le 28 juin 2000 prévoyait expressément que pendant la phase préliminaire le franchiseur "après avoir visité le site, donnera son avis sur les possibilités d'exploitation du local. Il étudiera la zone de chalandise, la concurrence, et procédera à une comparaison sur la base des points de vente Lina's sandwiches existants et indiquera la nature des travaux à envisager. Il donnera une estimation sommaire du coût d'aménagement des locaux et du matériel nécessaire afin d'établir les comptes prévisionnels d'exploitation" ; qu'en statuant ainsi, sans relever qu'il s'agissait d'un document annexe et sans se référer aux termes du contrat principal auxquels renvoyait l'annexe et qui stipulait que "le Master franchiseur établira, à titre strictement indicatif, un compte d'exploitation calculé sur la moyenne des chiffres d'affaires des points de vente pilotes du réseau (...). En aucun cas, le Master franchiseur ne pourra être tenu responsable des écarts entre les prévisions et le chiffre d'affaires réalisé par le Master franchisé dans la mesure où ces documents prévisionnels sont établis sur la base d'une moyenne de résultats des points de vente pilotes du Master franchiseur et qu'ils ne doivent servir qu'à aider le Master franchisé à établir son propre compte d'exploitation prévisionnel", la cour d'appel a dénaturé par omission les termes clairs et précis du contrat de franchise, en violation de l'article 1134 du Code civil ; 2°) que le dol n'est une cause de nullité de la convention que lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en se contentant de relever, pour prononcer la nullité du contrat de Master franchise, que la société Lina's se serait rendue coupable d'une dissimulation volontaire constitutive d'une réticence dolosive commise au détriment du franchisé qui se serait engagé sur la foi d'informations fausses et trompeuses, sans jamais caractériser en quoi l'information retenue, à savoir les difficultés rencontrées par l'une des franchises du réseau située à Lyon, aurait dissuadé le franchisé de contracter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil et L. 330-3 du Code de commerce ; 3°) que dans ses dernières conclusions d'appel, la société Lina's contestait l'origine des comptes prévisionnels, soulignant qu'il n'était pas démontré qu'elle en était l'auteur ; qu'en prononçant la nullité du contrat de franchise, sans répondre à ce moyen décisif relatif à l'origine des comptes prévisionnels contestés, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°) que le franchiseur doit seulement renseigner le cocontractant sur l'existence des échecs commerciaux précédemment constatés au sein du réseau sans être tenu de mentionner les difficultés rencontrées par les entreprises faisant encore partie du réseau ; qu'en retenant que la société Lina's s'était rendue coupable de réticence dolosive en s'abstenant de mentionner que la franchise située à Lyon avait rencontré des difficultés et que ses capitaux propres étaient devenus inférieurs dès 1996 à la moitié du capital social, cependant qu'elle n'était pas tenue de mentionner les difficultés rencontrées par les franchises du réseau tant qu'elle n'avait pas constaté une liquidation judiciaire ou un état de cessation des paiements, la cour d'appel a violé les articles L. 330-2, R. 330-1 5° du Code de commerce et 1116 du Code civil ; 5°) que la société Lina's faisait valoir que seuls les frais engagés au titre du contrat de master-franchise, non ré-exploités dans la nouvelle activité du franchisé, devaient donner lieu à restitution, à savoir les frais d'entrée (76 225 euro) et les redevances versées (39 550 euro), précisant que les sommes dépensées au titre de la formation initiale (19 056 euro), de la création de la filiale Café de la Mode by Lina's (19 056 euro) et au titre des intérêts sur emprunt (32 472 euro), ne pouvaient donner lieu à restitution dès lors que la contrepartie perçue avait été exploitée pour la poursuite de l'activité de la société L & Sud en dehors du réseau ; qu'en retenant que la société Lina's devait restituer les sommes engagées par la société L & Sud au titre du contrat de franchise, qui s'élevaient à 389 428 euro, dont concession : 76 224,51 euro, Frais de formation initiale 19 056,12 euro ; Redevances versées : 39 550,31 euro, intérêts sur l'emprunt : 32 472,25 euro, sans répondre au moyen pertinent de la société Lina's, qui suggérait de déduire, du moins en partie, ces sommes, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que les comptes de résultats prévisionnels fournis n'ont pas valeur d'engagement contractuel, que le franchiseur n'est tenu d'aucune obligation de résultat et que l'existence d'un écart entre les prévisions fournies à titre indicatif et les résultats effectifs de l'exploitation ne constitue pas en tant que telle la preuve de l'insincérité ou de l'irréalisme manifeste de ces prévisions, la cour d'appel n'a pas dénaturé les termes du contrat par omission ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant encore relevé que dans le cadre de l'assistance initiale prévue au contrat le franchiseur s'était engagé à fournir les éléments permettant d'établir ces comptes prévisionnels et constaté, par motifs adoptés, que différents courriers faisaient état de la transmission de prévisionnels d'exploitation par le franchiseur, ce dont il résultait une implication personnelle de ce dernier dans l'élaboration des documents litigieux, la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux écritures prétendument délaissées ;

Attendu, en troisième lieu, que l'article L. 330-3 du Code de commerce impose au franchiseur de fournir à l'autre partie un document, donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ; qu'ayant relevé que le franchisé, dont le contrat impliquait l'exploitation de plusieurs points de vente en province, s'était engagé sur la foi des informations fausses et trompeuses communiqués par le franchiseur et retenu que le franchiseur, qui devait fournir un historique de la franchise, avait volontairement déformé la réalité du réseau en occultant sciemment les difficultés de son développement en province, procédant à une rétention d'informations essentielles mettant en cause la viabilité de l'exploitation, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir le caractère déterminant des manœuvres déployées, a fait l'exacte application des articles L. 330-3 du Code de commerce et 1116 du Code civil ;

Et attendu, en dernier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a retenu que les sommes engagées par la société L & Sud au titre du contrat de franchise s'élevaient à 389 428 euro, justifiant l'allocation de dommages-intérêts d'un même montant ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.