Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 février 2012, n° 09-02733

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Lactalis Nestlé Ultra-Frais Marques (LNUF Marques) (SA)

Défendeur :

Andros France (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roche

Conseillers :

Mme Luc, M. Vert

Avoué :

SCP Verdun-Seveno

Avocats :

Mes Teytaud, Pech de Laclause, Destremau

T. com. Paris, du 18 déc. 2008

18 décembre 2008

Vu le jugement rendu le 18 décembre 2008 par le Tribunal de commerce de PARIS ; Vu l'appel de la société Lactalis Nestlé Ultra-Frais Marques (ci-après LNUF Marques) et ses conclusions du 18 novembre 2011 ; Vu les conclusions de la société Andros France du 27 octobre 2011 ;

Considérant que le droit de la concurrence est dans l'intérêt final du consommateur ; que le commerçant qui utilise une présentation ou un étiquetage tendant à induire en erreur le consommateur sur la nature ou la qualité du produit se rend coupable, même en l'absence de textes spéciaux d'une manœuvre de concurrence déloyale qui justifie sa condamnation à des dommages et intérêts à l'égard d'un autre commerçant concurrent; que par ailleurs, le non-respect des règles d'étiquetage, résultant d'une règlementation spéciale et impérative, notamment codifiée au sein du Code de la consommation, procure à son auteur un avantage concurrentiel indu par rapport à ses concurrents respectueux de la même règlementation ouvrant à ces derniers un droit à réparation du préjudice subi de ce chef ;

Considérant, en l'espèce, que la société LNUF Marques, qui commercialise notamment une gamme de yaourts et de desserts lactés sous la marque "La Laitière", reproche à la société Andros France de commettre des actes de concurrence déloyale en commercialisant différents produits voisins de la gamme "Bonne Maman" sous une présentation trompeuse ou en ne respectant pas certaines règles impératives d'étiquetage ;

Considérant, en premier lieu, que la société LNUF Marques reproche à la société Andros France d'avoir commis des actes de concurrence déloyale en commercialisant des produits nommés respectivement sur leur étiquetage "yaourt à la confiture de fraises" et "yaourt à la confiture d'abricots" en violation de l'article 3 du décret n° 88-1203 du 30 décembre 1988, la première soutenant que ces produits comportant moins de 70 % de yaourt ne pouvaient être vendus sous cette appellation ;

Mais considérant que ces produits, à leur examen, se présentaient sous forme de pots en plastique transparents, parfaitement visibles à l'oeil du consommateur en faisant apparaitre très distinctement une couche de yaourt et une couche de confiture, avec la précision en face arrière en pourcentage des proportions respectives de yaourt et de confiture ; que la partie yaourt respectant la composition imposée par le décret susvisé pour recevoir l'appellation yaourt, il importe peu que la partie confiture des produits incriminés ait pu représenter plus de 30 % dès lors que les parties yaourt et confiture se présentaient de manière très distincte à l'oeil du consommateur avec l'indication respective des proportions yaourt et confitures ; qu'il n'est donc pas établi une quelconque violation du décret susvisé ni que le consommateur eût été trompé ou induit en erreur sur la nature des produits incriminés par leur présentation ;

Considérant qu'au regard de ces élément et des motifs des premiers juges que la cour adopte, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société LNUF Marques du chef susvisé ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société LNUF Marques reproche à la société Andros France de commettre des actes de concurrence déloyale en commercialisant les produits "Yaourt nature au lait frais", "Yaourt à la Vanille naturelle", "Yaourt à la Confiture de Fraises", "Yaourt à la Confiture d'Abricots", "Petit Caillé Frais", "Petit Caillé Frais et son pot de confiture de Lait", "œuf au lait", "Petit Pot Café", "Petit Pot Chocolat au Lait", "Petit Pot Chocolat Noir", "Petit Pot à la Confiture de lait", "Riz au lait", "Crème caramel", "Abricot Brioché" et "Crème Brûlée" en alléguant, dans la composition ou l'appellation fantaisie de chacun des produits, qu'ils sont au "lait frais", soutenant qu'Andros utilise ainsi une allégation mensongère et à tout le moins irrégulière ;

Mais considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats, que lors de la fabrication des produits incriminés la société Andros France a utilisé une thermisation basse et sans adjonction d'ingrédients tels que la poudre de lait ou la poudre de protéine ; que les premiers juges, après avoir entendu la DGCCRF en qualité d''amicus curiae", ont pu, par des motifs pertinents que la cour adopte, considérer qu'en procédant ainsi et en étiquetant les produits litigieux avec la mention "au lait frais" ou "lait frais", la société Andros France n'avait commis aucune infraction à une quelconque règlementation en la matière, n' étant pas davantage établi que le consommateur eût été par cette présentation, induit en erreur sur la nature des produits incriminés ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société LNUF Marques de l'ensemble de ses demandes du chef susvisé ;

Considérant, en troisième lieu, que la société LNUF Marques reproche à la société Andros France de commettre des actes de concurrence déloyale en commercialisant (i) le "Yaourt nature au lait frais" sans que soit précisée la quantité de lait dans la composition, (ii) le "Yaourt à la Vanille naturelle", sans que soit précisée la quantité de vanille naturelle dans la composition, (iii) la "Pèche Chantilly "et la "Fraise Chantilly" sans que soit précisée la quantité de crème chantilly dans la composition, (iv) le "Petit Pot Café" sans que soit précisée la quantité de café dans la composition, (v) le "Riz au lait" sans que soit précisée la quantité de lait (vi) et le "Baba au Rhum à la Crème Vanillée" sans que soit précisée la quantité de crème vanillée, Andros se dispensant ainsi d'inscrire des mentions obligatoires sur ses emballages;

Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article R. 112-17 1° et 2° du Code de la consommation que l'étiquetage d'une denrée alimentaire doit comporter l'indication de la quantité d'un ingrédient utilisé dans sa fabrication lorsque celui-ci figure dans la dénomination de vente ou est mis en relief dans l'étiquetage par des mots, des images ou une représentation graphique ; que la société Andros France dans ses conclusions reconnait qu'"En l'occurrence, il s'avère qu'effectivement l'absence de mention de la quantité de certains ingrédients pour 5 d'entre eux, constituait une erreur" ; qu'il s'ensuit qu'il convient de dire que la société Andros France a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société LNUF Marques en commercialisant ces produits sans respecter les règles d'étiquetage, résultant d'une règlementation spéciale et impérative, notamment codifiée au sein du Code de la consommation, se procurant par ce seul fait un avantage concurrentiel indu par rapport à ses concurrents respectueux de la même règlementation, peu important que ce défaut d'étiquetage ait eu ou non une influence significative sur le comportement du consommateur ;

Considérant que si la société Andros France verse aux débats des procès-verbaux de constats d'huissier établissant que cette série de produits est désormais mise en vente conformément à la règlementation en vigueur (rendant ainsi sans objet les demandes de retrait de ces produits du marché sous astreinte), il y a lieu de dire cependant que la société LNUF Marques est en droit de demander réparation du préjudice subi sur la période comprise entre la date où cette série de produits a été mise en vente au mépris de la règlementation susvisée et la date à laquelle la société Andros France a remédié à cette irrégularité ; que compte-tenu de la nature des infractions relevées ci-dessus et des éléments de la cause, la Cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour évaluer ledit préjudice à la somme de 20 000 euro ; que la société Andros France sera donc condamnée à payer cette somme à la société LNUF Marques à titre de dommages et intérêts du chef de ce préjudice ;que les autres demandes formées à ce titre seront rejetées ;

Considérant qu'en quatrième lieu la société LNUF Marques reproche à la société Andros France de commettre des actes de concurrence déloyale en commercialisant les produits "Yaourt à la Confiture de Fraises", "Yaourt à la Confiture d'Abricots", "Petit Caillé Frais et son pot de confiture de Lait", "Pêche Chantilly", "Fraise Chantilly", "Petit Pot Chocolat au Lait", "Petit Pot Chocolat Noir", "Petit Pot à la Confiture de lait", "Fondant au Chocolat", "Baba au Rhum à la Crème Vanillée", "Abricot Brioché" et "Pomme Tatin" sans la mention de la catégorie fonctionnelle de la pectine ou de la lécithine de soja mentionnée dans la composition, soutenant qu' Andros se dispense ainsi d'inscrire une mention obligatoire sur les emballages ;

Considérant que, plus précisément, la société LNUF Marques soutient que la société Andros France aurait violé les dispositions de l'article R. 112-16 2° en commercialisant les produits susvisés dès lors qu'ils indiquent dans leur composition la présence des additifs pectine ou lécithine en omettant de préciser la catégorie fonctionnelle de ces deux additifs ;

Mais considérant que cette omission n'est susceptible de constituer une violation de la règlementation rappelée ci-dessus que dans la mesure où la lécithine et la pectine, dans les produits incriminés, n'auraient pas été employés en tant qu'auxiliaires technologiques utilisées dans la transformation des matières premières ayant une influence sur la qualité du produit fini ; que la société LNUF Marques à qui incombe la charge de la preuve ne versant pas aux débats les éléments suffisants pour permettre à la cour de dire si la pectine et la lécithine ont été employés dans lesdits produits en tant qu'additifs ou en tant qu'auxiliaires technologiques, il y a lieu de considérer que la violation des dispositions susvisées n'est pas établie ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formées de ce chef ;

Considérant qu'en cinquième lieu la société LNUF Marques reproche à la société Andros France de commettre des actes de concurrence déloyale en commercialisant les produits "Pêche Chantilly" et "Fraise Chantilly", sous des dénominations trompeuses et en ne respectant pas la règlementation en vigueur ;

Mais considérant que les premiers juges ont, par des motifs pertinents que la cour adopte, considéré à juste titre que la société Andros France n'avait violé aucune règlementation en la matière lors de la commercialisation de ses produits tant au regard de la désignation de ces produits que de l'absence de la mention de la composition de l'ingrédient chantilly ; que le jugement entrepris sera, dès lors, confirmé sur ce point ;

Considérant enfin que la société LNUF Marques reproche à la société Andros France de commettre des actes de concurrence déloyale en commercialisant les produits "Baba au Rhum à la Crème Vanillée", "Crème Brûlée aux œufs frais", "Abricot Brioché" et "Pomme Tatin" sous des dénominations insuffisamment précises et trompeuses ;

Mais considérant que les premiers juges après un examen minutieux de ces produits ont, par des motifs pertinents que la cour adopte, constaté à juste titre que les dénominations de ces produits étaient suffisamment précises, le consommateur ayant été ainsi mis à même de connaitre la nature des produits incriminés ; que le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point ;

Considérant qu'au regard de la nature de cette affaire il n' y a pas lieu de faire droit à la demande de publication ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile tant pour les frais irrépétibles de première instance que pour ceux d'appel ;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris sauf en ces dispositions afférentes à la demande en dommages et intérêts du chef d'actes de concurrence déloyale pour non-respect des règles d'étiquetage et celles relatives aux frais irrépétibles, L'infirme de ces deux chefs, et statuant de nouveau sur ces chefs, Dit que la société Andros France a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société LNUF Marques en ne respectant pas les règles d'étiquetage dans la commercialisation d'une série de produits et condamne la société Andros France à payer à la société LNUF Marques la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, Rejette toutes demandes plus amples ou contraires, Condamne la société Andros France au paiement des dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile. Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.