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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 4 avril 2012, n° 12-00259

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Iso Confort (SARL)

Défendeur :

Altop (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Parenty

Conseillers :

M. Brunel, Mme Delattre

Avocats :

SCP Deleforge-Franchi, Mes Peulve, Gobbers-Veniel

T. com. Arras, du 23 nov. 2011

23 novembre 2011

Vu le jugement contradictoire du 23 novembre 2011 du Tribunal de commerce d'Arras s'étant déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Lille ;

Vu le contredit déposé au greffe du Tribunal d'Arras le 8 décembre 2011 par la société Iso Confort ;

Vu les conclusions déposées le 6 février 2012 pour la société Altop ;

Vu les conclusions déposées le 5 mars 2012 pour la société Iso Confort ;

La société Iso Confort demande à la cour de dire que c'est le Tribunal de Paris qui est compétent pour statuer sur les demandes formulées par la société Altop, de renvoyer la cause devant lui, de condamner la société Altop à lui payer 3 000 euro sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile; elle plaide que le litige a trait à la rupture de relations commerciales au sens de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, contentieux qui relève depuis le décret du 11.11.09 de juridictions spécialisées listées limitativement, que pour déterminer la juridiction compétente, il convient de faire application des règles ordinaires de compétence de l'article 42 du Code de procédure civile puis de déterminer le ressort de la cour d'appel et d'identifier la juridiction spécialisée dans le ressort de cette cour; elle ajoute qu'aucune clause attributive de compétence ne peut déroger à ces règles impératives et que le tribunal s'est trompé en reconnaissant que le litige relevait de l'article L. 442-6-I-5° et en renvoyant devant le Tribunal de Lille, faisant alors application de la clause attributive de compétence privée d'effet. Pour elle son siège est à Meaux, qui relève de la Cour de Paris et la juridiction compétente est Paris.

La société Altop a interjeté appel aux fins de confirmation de la compétence du Tribunal de commerce de Lille et réclame 1 500 euro sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile; elle plaide que ses demandes ne sont pas fondées sur cet article mais sur les articles 1134 et 1147 du Code civil sur le fondement de la responsabilité contractuelle, laquelle est exclusive de la responsabilité délictuelle. Elle affirme tout d'abord que la société Iso Confort serait irrecevable dans la mesure où elle a sollicité la compétence de Lille en subsidiaire, et ensuite qu'en tous cas la clause attributive demeure valable même dans les litiges relatifs à la rupture brutale des relations commerciales établies.

La société Iso Confort conteste avoir conclu en subsidiaire à la compétence du Tribunal de commerce de Lille, et demande à la cour de rectifier l'erreur commise par le tribunal qui l'a affirmé dans sa décision alors que cette demande subsidiaire a été formulée par la société adverse; ainsi elle s'estime recevable en son contredit et ajoute que même si cette erreur n'avait pas été commise et qu'elle avait vraiment formulé cette demande, elle aurait été recevable puisque sa prétention principale n'a pas été accueillie. Elle fait valoir que son adversaire se contredit également puisqu'elle admet l'inapplicabilité de la clause attributive de compétence mais ensuite approuve le raisonnement des premiers juges qui l'ont utilisée, et produit des jurisprudences qui n'ont rien à voir avec l'affaire puisqu'en relation avec des contrats internationaux.

Sur ce

Sur la recevabilité du contredit

Il ne résulte pas du jeu de conclusions figurant au dossier de première instance que la société Iso Top ait réclamé à titre subsidiaire le renvoi devant la juridiction de Lille, voeu au demeurant contraire à ses arguments; par contre, cette demande subsidiaire figure sur les conclusions de la société Altop; cela dit le jugement en porte mention et l'on sait que la procédure devant le TC reste orale et qu'il est encore possible de développer des arguments pendant l'audience, même si l'exigence persiste de les faire acter, s'ils sont contraires aux écritures, par le greffier. Il n'est pas possible, en l'état, à la cour d'affirmer que cette mention portée sur le jugement qui vaut jusqu'à inscription de faux serait la résultante d'une erreur, puisqu'elle est dans l'ignorance de ce qui s'est dit oralement devant le tribunal; il ne sera donc pas fait droit à la demande de rectification puisque la preuve d'une simple erreur matérielle n'est pas rapportée.

Cela dit, force est de constater qu'il n'a pas été fait droit à l'exception d'incompétence présentée par la société Iso Top et que partant de là, elle demeure recevable à contester le jugement qui ne lui a pas donné satisfaction; son intérêt à agir est indéniable et suffit à considérer son contredit de compétence comme recevable.

Sur son bien fondé

Le 14.05.10, la société Iso Confort a résilié sans préavis le contrat de partenariat qui la liait à la société Altop; celle-ci qui réclamait restitution de son matériel, paiement de redevances et factures, a assigné son ex-partenaire pour obtenir satisfaction mais aussi pour obtenir des dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de résiliation prévue contractuellement.

La cour, si elle se reporte à l'assignation, aux écritures de première instance et au rappel qu'en fait le tribunal, constate que la société Altop a entendu invoquer exclusivement la responsabilité contractuelle. C'est d'ailleurs, ce qu'elle écrit à nouveau devant la cour. Cela étant, elle demande une indemnisation pour résiliation abusive, ouvrant la porte à son adversaire qui s'en emparant invoque les dispositions des articles relatifs aux pratiques restrictives de concurrence, prévues à l'article L. 442-6 du Code de commerce, conscient que la compétence des juridictions spécialisées est une compétence d'ordre public à laquelle aucune clause attributive de juridiction ne saurait déroger.

Or même si la société Altop n'a pas entendu invoquer la responsabilité délictuelle, ce qu'elle précise nettement, il faut et il suffit que ce droit des pratiques anticoncurrentielles soit invoqué comme moyen de défense, même de manière superfétatoire, pour que la compétence spéciale s'applique, écartant d'emblée la clause attributive de compétence.

Le tribunal, tout en reconnaissant que le contentieux relevait des juridictions spécialisées, a tenu compte à tort de la clause attributive de compétence à laquelle l'application du décret du 11.11.09 fait échec et qui désignait le Tribunal d'Arras. Il convient, puisque la clause n'est pas applicable, de revenir aux règles classiques de compétence qui désignent en vertu de l'article 42 du Code de procédure civile la juridiction compétente comme étant le lieu où demeure le défendeur.

Il n'est pas contesté que le siège social de la société Iso Confort est Meaux (77); en conséquence, le tableau de concordance figurant à l'annexe 4-2-1 sous l'article D. 442-3 du Code de commerce désigne le Tribunal de Paris.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent et de l'infirmer sur la juridiction désignée.

Il convient de condamner la société Altop à payer 2 000 euro à la société Iso Confort sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile et de la débouter de l'ensemble de ses demandes.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe, Déclare le contredit recevable ; Rejette la demande de rectification d'erreur matérielle ; Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré l'incompétence du Tribunal d'Arras mais l'infirme sur la juridiction désignée ; Dit au vu de l'article D. 442-3 du Code de commerce que le Tribunal de Paris est compétent pour connaître de la présente instance ; Déboute la société Altop de l'ensemble de ses demandes ; Condamne la société Altop à payer à la société Iso Confort 2 000 euro sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Dit que le dossier sera transmis, conformément à l'article 97 du Code de procédure civile par le greffe au Tribunal de commerce de Paris.