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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 3 avril 2012, n° 10-00197

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Santa Maria AB (Sté), Santa Maria Belgium (Sté), Bruce foods Europe BV (Sté)

Défendeur :

Sélection Diffusion Vente (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bancal

Conseillers :

Mmes Rouger, Faure

Avocats :

Mes Labory Moussie, Le Pen, Absil, Rocaboy, SCP Boyreau

T. com. Angoulême, du 4 janv. 2010

4 janvier 2010

Exposé du litige

La SAS Sélection Diffusion Vente (SDV) a pour activité l'importation, la vente en gros de produits alimentaires américains et asiatiques à destination des consommateurs par la distribution en grandes et moyennes surfaces et des professionnels de la restauration.

La société SDV s'est vue confier en 1985 par la société Bruce Foods Corporation la mission d'implanter et de développer sa gamme de produits Tex Mex vendus sous la marque Casa Fiesta dont cette dernière est propriétaire.

La société de droit néerlandais Bruce Foods Europe BV, filiale européenne du groupe agro-alimentaire américain assure, depuis 1990, la production et la distribution des produits du groupe Bruce Foods. En 1993, elle a accordé à la société SDV l'exclusivité de la distribution des produits de la marque Casa Fiesta.

En 2004, le groupe suédois, la société Santa Maria a racheté la société Bruce Foods Europe.

Par lettre du 3 septembre 2008, la société Santa Maria a informé la société SDV, son distributeur exclusif en France, de la résiliation du contrat de distribution au terme d'une année.

Par lettre du 16 janvier 2009, la société SDV prenait acte de cette résiliation et contestait les motifs de la rupture.

Par requête du 22 juillet 2009, la société SDV a saisi le Tribunal de commerce d'Angoulême en sollicitant la désignation d'un mandataire ad hoc afin de déterminer et chiffrer l'impact financier de la cessation des relations commerciales établies depuis près de vingt ans entre la société SDV et son fournisseur, la société Santa Maria, et aider les parties à fixer contradictoirement la date de cessation définitive de leurs relations commerciales.

Par ordonnance du 22 juillet 2009, Monsieur Nobleaux a été désigné mandataire ad hoc.

Le 27 août 2009, un accord a été trouvé sur l'extension du préavis au 31 décembre 2009, sans accord sur le principe d'une indemnisation de la société SDV du fait de la rupture par la société Santa Maria AB de leurs relations commerciales.

Par acte du 26 octobre 2009, la société SDV a assigné à bref délai la société Santa Maria AB, la société Santa Maria Belgium et la société Bruce Foods Europe BV en réparation de son préjudice.

Par jugement du 4 janvier 2010, le Tribunal de commerce d'Angoulême a :

- dit recevables les demandes formées par la société SDV,

- condamné solidairement les sociétés Santa Maria AB, Bruce Foods Europe et Santa Maria Belgium à verser à la société SDV la somme de 347 231 euro au titre de l'indemnisation de son préjudice commercial,

- condamné solidairement les sociétés Santa Maria AB, Bruce Foods Europe et Santa Maria Belgium à verser à la société SDV la somme de 1 085 000 euro au titre de l'indemnisation de ses préjudices financiers,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision sur la condamnation au paiement de 347 231 euro,

- débouté la société SDV du surplus de ses demandes,

- débouté les sociétés Santa Maria AB, Bruce Foods Europe et Santa Maria Belgium de l'intégralité de leurs demandes,

- condamné solidairement les sociétés Santa Maria AB, Bruce Foods Europe et Santa Maria Belgium à verser à la société SDV la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les sociétés Santa Maria AB, Bruce Foods Europe et Santa Maria Belgium ont interjeté appel le 12 janvier 2010.

Par ordonnance du 25 février 2010, à la requête des sociétés Santa Maria AB, Bruce Foods Europe et Santa Maria Belgium, le délégué du premier président de la Cour d'appel de Bordeaux a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire mais l'a subordonnée à la constitution d'une caution bancaire à hauteur de 347 231 euro par la société SDV et a débouté la société SDV de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les conclusions des sociétés Santa Maria AB, Bruce Foods Europe et Santa Maria Belgium du 18 mars 2011 tendent à :

- voir infirmer le jugement déféré,

statuant à nouveau :

- voir constater que les sociétés Bruce Foods et Santa Maria Belgium n'ont pas de relations commerciales avec la société SDV,

en conséquence :

- voir déclarer irrecevables les demandes de la société SDV à l'égard de la société Bruce Foods et Santa Maria Belgium pour défaut de qualité de ces dernières,

sur le fond :

au visa des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce et la jurisprudence y afférente,

- voir constater que les relations commerciales établies entre les sociétés Santa Maria AB et SDV ont duré quinze ans,

- voir constater que la société Santa Maria AB a rompu ces relations commerciales par lettre du 3 septembre 2008 avec un préavis de douze mois,

- voir constater que dans le cadre du mandat ad hoc, ce préavis a été étendu à seize mois, soit jusqu'au 31 décembre 2009,

- voir constater l'absence de faute de la société Santa Maria AB dans le cadre de la rupture de ses relations commerciales avec la société SDV,

en conséquence :

- voir dire et juger que le préavis dont a bénéficié la société SDV dans le cadre de la rupture par la société Santa Maria AB de leurs relations commerciales a été suffisant,

- voir dire et juger que la société SDV n'a pas subi de préjudice du fait de cette rupture,

surabondamment :

au visa des articles 1149 et suivants du Code civil et 9 et 16 du Code de procédure civile,

- voir constater que la société SDV ne rapporte pas la preuve des préjudices qu'elle invoque,

en tout état de cause :

- voir débouter la société SDV de l'intégralité de ses demandes,

- voir condamner la société SDV à payer à chaque appelante la somme de 20 000 euro pour procédure abusive,

- voir condamner la société SDV à payer la somme globale de 50 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les conclusions de la SAS Sélection Diffusion Vente (SDV) du 20 juin 2011 tendent à :

- voir confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevables les demandes formulées solidairement à l'encontre des sociétés Santa Maria AB, Bruce Foods Europe et Santa Maria Belgium, jugé que la rupture des relations commerciales établies depuis 23 ans entre les parties revêtait un caractère brutal et abusif, condamné solidairement les sociétés Santa Maria AB, Bruce Foods Europe et Santa Maria Belgium à indemniser la société SDV de l'ensemble des préjudices subis du fait de cette rupture brutale et abusive, condamné solidairement les sociétés Santa Maria AB, Bruce Foods Europe et Santa Maria Belgium au paiement de la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- voir infirmer le jugement sur l'évaluation du préjudice subi par la société SDV,

statuant à nouveau :

- voir condamner solidairement les sociétés Santa Maria AB, Bruce Foods Europe et Santa Maria Belgium à verser à la société SDV au titre des gains manqués la somme de 2 407 228 euro selon l'évaluation réalisée par monsieur JJ Paquier,

- voir condamner solidairement les sociétés Santa Maria AB, Bruce Foods Europe et Santa Maria Belgium au paiement de la somme de 75 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 31 janvier 2012.

Motifs

Sur la recevabilité des demandes formées contre la société Santa Maria Belgium et la société Bruce Foods Europe :

Il est constant, et la société SDV le reconnaît même dans ses écritures, que la société Santa Maria AB, groupe suédois a procédé au rachat de la société de droit néerlandais Bruce Foods Europe en 2004.

Le 26 janvier 2007, la société Santa Maria AB a informé l'ensemble des distributeurs de produits Casa Fiesta qu'à compter du 1er mars 2007, tous les clients de la société Bruce Foods Europe devenaient clients de la société Santa Maria AB en Suède.

Il ressort de toutes les correspondances échangées et des facturations que la société Santa Maria AB est devenue l'unique cocontractant de la société SDV. Seule la société Santa Maria AB a procédé à la rupture des relations commerciales avec la société SDV.

Les sociétés Santa Maria Belgium et Bruce Foods Europe n'ont donc pas la qualité de cocontractants dans le présent litige opposant uniquement la société SDV à la société Santa Maria. La société SDV sera donc déclarée irrecevable dans ses demandes formulées contre les sociétés Santa Maria Belgium et Bruce Foods Europe.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat :

L'article L. 442-6 I 5° dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

La société SDV invoque donc deux griefs : une durée insuffisante du préavis et une rupture abusive du contrat en application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.

La relation commerciale est établie entre la société Santa Maria AB et la société SDV, dès lors que la société Santa Maria AB a racheté la société Bruce Foods Europe, laquelle avait concédé l'exclusivité de la revente et de la distribution des produits alimentaires mexicains Casa Fiesta en France le 19 janvier 1993. Par ailleurs, eu égard à l'attestation de Monsieur Steven Green, ancien vice-président de Bruce Foods Europe et de son mail du 25 novembre 2009, les relations commerciales étaient déjà établies depuis 1985.

Lorsque le contrat est à durée indéterminée, chacune des parties peut le dénoncer à tout moment sauf à considérer la rupture comme fautive soit lorsque n'est pas respecté un délai de préavis suffisant conforme aux stipulations du contrat ou aux usages du commerce établis par des accords professionnels, soit lorsqu'elle est intervenue de façon abusive à l'égard du cocontractant.

Par lettre du 3 septembre 2008, la société Santa Maria a informé la société SDV, son distributeur exclusif en France, de la résiliation du contrat de distribution au terme d'une année. Cette lettre comportait les termes suivants : "nous devons mettre fin à notre coopération à compter d'aujourd'hui avec un préavis d'un an. Vous trouverez ci-joint la lettre officielle de résiliation et vous en recevrez également l'original par la Poste. La raison tient aux faibles développements réalisés en France pour la marque Casa Fiesta depuis quelques années. Nous avons subi une perte sur le marché français, ce qui fait que nous ne pouvons plus continuer. Nous avons tenté plusieurs actions dans le passé, notamment augmenter notre niveau d'investissement pour essayer de faire bouger les choses, mais là encore sans succès. Cependant la longue période de préavis vous laissera le temps de mener les négociations annuelles avec vos partenaires commerciaux. Si nous voyons un changement positif en termes de développement dans les prochains mois, nous sommes prêts à discuter d'un contrat de distribution à l'avenir. Sinon, il est encore temps pour vous d'ajuster votre structure des coûts dans votre société à la perte de la gamme Casa Fiesta."

"Nous sommes au regret de vous annoncer que nous avons décidé, à compter de ce jour, de mettre fin à la coopération de distribution entre notre société Santa Maria AB et SDV. La raison de notre décision est notre mécontentement quant au développement des ventes de la marque Casa Fiesta en France au cours des trois dernières années.

Le délai de préavis est de douze mois à compter de ce jour et la coopération prendra fin le 2 septembre 2009 si aucun nouvel accord n'a été trouvé à cette date. Ceci signifie que nous nous attendons à ce que vous gériez notre marque de manière professionnelle pendant les douze derniers mois de coopération.

Nous sommes disposés à reprendre tout stock ou marchandise restante sous réserve qu'ils soient en état d'être commercialisés. En outre, nous estimons que toute demande de remboursement est entièrement dépourvue de sérieux, à la fois d'un point de vue factuel et d'un point de vue légal, et aucun remboursement ne sera effectué."

Cette lettre met fin aux relations commerciales déjà établies entre les deux sociétés et envisage éventuellement la possibilité d'un nouveau contrat de distribution. Cette rupture n'est pas contradictoire avec des relations commerciales nouvelles dans un cadre juridique nouveau prenant la suite de celles à laquelle il a été définitivement mis fin et la perspective d'un nouveau contrat ne peut donc remettre en cause, comme le prétend la société SDV, le principe de la rupture.

Le préavis fixé dans cette lettre est d'un an et devait donc expirer le 2 septembre 2009.

La société SDV a répondu immédiatement par mail du 3 septembre 2008 qu'elle ne pouvait pas prendre position sans consulter un avocat.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 janvier 2009, la société SDV a adressé une réponse à la société Santa Maria en contestant les motifs de la rupture et en opposant que la société Santa Maria AB ne pouvait mettre en avant la diminution des ventes des produits Casa Fiesta pour justifier la cessation de leurs relations commerciales avec SDV, puisqu'une telle diminution était, selon la société SDV, la conséquence directe de la stratégie mise en place par Santa Maria sur le marché français, très largement compensée par l'augmentation dans les ventes des produits de marque propre Poco Loco et assumée financièrement par SVD uniquement qui supporte les principaux investissements financiers liés aux produits Casa Fiesta en France. La société SDV a souligné qu'elle devait mettre un terme aux relations commerciales établies avec les agences de vente. Elle a alors conclu que du fait de ses pertes et préjudices, la société Santa Maria devait prendre en charge leur indemnisation.

Le 22 janvier 2009, la société SDV a adressé un mail à la société Santa Maria en faisant observer que les contrats avaient été renouvelés avec Monoprix et Leclerc pour 2009 et que tous les contrats signés étaient d'une durée d'un an et que "sans remettre en cause votre décision, il semble nécessaire pour nos sociétés respectives que la collaboration se poursuive jusqu'au 31 décembre 2009".

Sur le préavis :

Le préavis doit comporter une durée raisonnable et suffisante pour permettre au cocontractant de prendre les mesures adéquates de nature à compenser les conséquences de la rupture.

Il convient de relever que l'ancienneté des relations commerciales de plus de vingt ans et l'exclusivité de la revente et distribution des produits de marque Casa Fiesta consentie à la société SDV depuis quinze ans sont des paramètres à prendre en considération.

L'activité de distribution auprès des grandes et moyennes surfaces (GMS), seule en cause dans le présent litige représente entre un quart et un peu moins d'un tiers selon les années, du chiffre d'affaires de plus de 22 millions d'euro de la société SDV. La part des produits Casa Fiesta représente 70 % de ce chiffre d'affaires GMS soit, dans le meilleur des cas, un chiffre d'affaires de 4,3 millions d'euro.

La société SDV n'était donc pas dans un état de grande dépendance économique compte tenu de la proportion de ces produits dans son chiffre d'affaires qui ne représentait qu'un cinquième de son chiffre d'affaires total.

La spécificité du marché de la grande distribution, celui auprès des cafés, hôtels, restaurants (CHR) n'étant pas en cause, est déterminante sur le planning de la commercialisation et les négociations avec les enseignes de la grande distribution se déroulent tous les ans de septembre à décembre et les contrats ne sont conclus que d'une année civile sur l'autre soit du 1er janvier au 31 décembre.

Une rupture des contrats avant l'échéance du 31 décembre et notamment avec les grandes enseignes Leclerc et Monoprix qui étaient les principaux clients de la société SDV après la perte de l'enseigne Intermarché en 2005, étaient de nature à provoquer de grosses pénalités et une perte de confiance de leur part pour l'avenir.

La demande de report de délai a été formulée par la société SDV le 22 janvier 2009 puis au cours de la réunion qui a eu lieu le 25 mars 2009 entre les parties. Celle-ci a réitéré cette demande en ajoutant que "cela laissait du temps des deux côtés pour 2010".

La société SDV fait valoir qu'elle n'a pas eu d'autre choix que de créer son propre produit Tex Mex, le marché de ceux-ci étant composé essentiellement des marques Casa Fiesta et Poco Loco appartenant à la société Santa Maria et de la marque concurrente Old El Paso. Cependant, il ressort de la chronologie des faits qu'à l'annonce de la rupture le 3 septembre 2008, elle a mis quatre mois à répondre à cet événement, en contestant les motifs dans un premier temps le 16 janvier 2009, puis en indiquant le 22 janvier 2009 que le préavis devait être prorogé au 31 décembre 2009 en raison des contrats annuels souscrits avec la grande distribution. D'une part, la société SDV n'a jamais invoqué la nécessité d'un préavis au-delà du 31 décembre 2009 pour lui permettre de créer son produit ou rechercher un autre fournisseur et d'autres clients et d'autre part, elle ne démontre pas qu'elle a mis à profit le délai de septembre 2008 à janvier 2009 pour trouver une autre alternative.

À défaut de réponse, la société SDV a alors saisi sur requête le président du tribunal de commerce, aux fins de désignation d'un mandataire ad hoc sur la question du préavis et d'une indemnisation. Elle a justifié une fois de plus la prorogation du préavis afin de respecter ses engagements auprès des enseignes de la grande distribution pour le 4e trimestre 2009.

Un accord est survenu entre les parties le 27 août 2009 devant le mandataire ad hoc pour reporter la date d'effet de la résiliation au 31 décembre 2009.

La demande de report à la date sollicitée par la société SDV a été satisfaite et celle-ci n'a pas eu à rompre de manière anticipée les contrats annuels conclus avec la grande distribution. La demande actuelle de prorogation du préavis jusqu'au 31 décembre 2010 ne constitue donc qu'un ajustement de cause.

La société Santa Maria a respecté son engagement de reprendre les stocks et il n'est pas démontré que la société SDV a subi une perte à ce titre.

La rupture est effectivement intervenue le 31 décembre 2009. Le préavis s'est donc déroulé du 3 septembre 2008 au 31 décembre 2009. Compte tenu des éléments précités et de l'accord intervenu le 27 août 2009 répondant à la demande de la société SDV, cette durée de près de seize mois doit être considérée comme raisonnable et suffisante.

De surcroît, s'il est constant que le lancement de son nouveau produit de marque Amigos dans la catégorie des GMS, marque qui existait déjà dans l'activité réalisée auprès de la branche CHR n'a pu se faire que dans le courant du printemps 2010, la société SDV ne démontre pas que la cessation de la diffusion des produits Casa Fiesta lui a porté préjudice, dès lors que, dans un article du 24 septembre 2010 d'un journal spécialisé Agroalimentation, il est relevé que : "la perte des produits Casa Fiesta représente un sérieux manque à gagner pour l'entreprise qui compte se rattraper sur la restauration... qui représente 80 % du chiffre d'affaires, que le chiffre d'affaires en 2009 s'est élevé à 20 millions d'euro, soit un peu moins que les 23,5 millions d'euro de l'année précédente, du fait de la LME (loi du 4 août 2008) selon Claude Maumont (président de la SDV) et que l'objectif 2010 est de 21 à 22 millions d'euro".

Ainsi la perte de chiffres d'affaires a eu lieu en 2009 pour une cause étrangère à la distribution des produits Casa Fiesta et la société SDV ne produit aucun élément comptable de nature à établir une perte de chiffres d'affaires en 2010 alors que son objectif avec sa reconversion était de progresser dès cette année. Le report d'activité de la GMS à la restauration dans le courant de l'année 2010, en attendant le plein essor de la nouvelle gamme Amigos dans le réseau distribution, a permis de compenser le manque à gagner des produits Casa Fiesta, excluant ainsi un préjudice du fait de la rupture.

Sur la rupture abusive :

La société SDV invoque un comportement abusif et déloyal de la société Santa Maria dans la rupture des relations commerciales.

La société SDV fait état de faits postérieurs à la date annonçant la rupture comme une rupture de communication dans le courant du 4e trimestre 2008, des reproches sur les livraisons formulés dans des mails de janvier et février 2009, un rapport critique sur les ventes de l'année 2008 de février 2009, une tentative de récupération du réseau de distribution de la société SDV et de la liste de ses clients en octobre 2009, une utilisation de la date effective de la cessation des relations pour obtenir un nouveau contrat. Or, ces faits étant postérieurs à la décision de la rupture annoncée à la société SDV, ne constituent pas une faute dans les circonstances de la rupture.

La société SDV reproche également des manquements dans l'exécution des obligations contractuelles de la société Santa Maria avant la survenance de la rupture. Il s'agit notamment d'erreurs dans les commandes, de retards dans les livraisons et des livraisons incomplètes. Ces faits isolés relèvent de la catégorie des aléas de la distribution et ne constituent pas des fautes.

La société SDV ne pouvait prétendre à la poursuite des relations commerciales alors qu'aucun contrat même à durée indéterminée ne peut être perpétuel.

De même, elle ne peut prétendre à une indemnité du seul fait de la rupture dès lors que l'indemnité ne peut avoir pour objet de réparer le préjudice résultant de la rupture elle-même qui est libre et qu'elle ne peut tendre qu'à réparer la brutalité de la rupture.

La société SDV déclare que la société Santa Maria a tenté de lui imposer un nouveau contrat dès 2005 et dans le courant du premier trimestre 2008, et que ces manœuvres ont été employées afin d'anticiper la résiliation à venir de l'accord de distribution exclusif et d'anéantir l'ancienneté des relations commerciales.

La proposition d'un nouveau contrat de distribution ne peut caractériser en soi une faute et la négociation entre professionnels doit permettre de préserver l'équilibre entre les parties d'autant que la réglementation avec les lois successives du 2 août 2005 et 4 août 2008 s'est renforcée dans ces dernières années.

La société SDV ne démontre pas que cette "pression" pour négocier un nouveau contrat était motivée par une intention de nuire de la part de la société Santa Maria caractérisant un abus de droit. Il ressort en revanche des mails échangés et des réunions entre les parties que la société SDV n'a pas reproché un abus de droit dans la rupture intervenue. Sa lettre du 16 janvier 2009 conteste certes les motifs de la rupture sur la baisse des ventes des produits Casa Fiesta mais pour opposer que cette baisse n'est pas imputable à des manquements qui lui seraient propres. Mais surtout, la réunion du 25 mars 2009 a permis une mise au point sur les modalités de communication et les errements passés et le président Claude Maumont a déclaré au cours de cette réunion qu' "il serait plus raisonnable et professionnel de finir l'année civile et de cesser notre partenariat le 31 décembre 2009, s'il n'est pas envisageable de le poursuivre au-delà de 2009" , ne remettant pas en cause le principe d'une rupture mais seulement son échéance. Le mail du 22 janvier 2009 avait déjà en outre annoncé que la société SDV ne remettait pas en cause la décision.

La société SDV ne démontre donc pas un abus dans les conditions de la rupture par la société Santa Maria.

Le délai de préavis étant suffisant et raisonnable et en l'absence d'une rupture abusive, la responsabilité de la société Santa Maria n'est pas engagée au titre de l'article L 442-6 I 5° du Code de commerce.

Le jugement sera donc réformé dans toutes ses dispositions et la société SDV sera déboutée de ses demandes.

La société Santa Maria AB, la société Santa Maria Belgium et la société Bruce Foods Europe ne justifient pas d'un abus dans l'exercice de l'action en justice initiée par la société SDV en première instance, mais intimée en appel et seront donc déboutées de leur demande de dommages et intérêts à ce titre.

L'équité commande d'allouer à la société Santa Maria AB, la société Santa Maria Belgium et la société Bruce Foods Europe une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement déféré, Statuant à nouveau : Déclare irrecevables les demandes de la société Sélection Diffusion Vente formées contre la société Santa Maria Belgium et la société Bruce Foods Europe BV, Déboute la société Sélection Diffusion Vente de ses demandes formées contre la société Santa Maria AB, Déboute la société Santa Maria AB, la société Santa Maria Belgium et la société Bruce Foods Europe de leur demande de dommages et intérêts, Condamne la société Sélection Diffusion Vente à payer à la société Santa Maria AB, la société Santa Maria Belgium et la société Bruce Foods Europe la somme de 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Sélection Diffusions Vente aux dépens de première instance et d'appel dont distraction en application de l'article 699 du Code de procédure civile.