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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 4 avril 2012, n° 10-07779

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Selas Soinne (ès qual.), Moscoufi (Sté), Cheron, Deleens

Défendeur :

ITM Entreprises (SAS), ITM Equipement de la Maison (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Parenty

Conseillers :

M. Brunel, Mme Delattre

Avocats :

SCP Deleforge Franchi, Mes Besson, Carlier, Jonvel

T. com. Boulogne-sur-Mer, du 8 sept. 201…

8 septembre 2010

Vu l'arrêt avant dire droit du 16 novembre 2011 de la présente cour ayant ordonné la réouverture des débats pour justification par la Selas Soinne ès qualité de liquidateur de la société Mouscofi de l'insuffisance d'actif fondant son intérêt à agir, de la justification par monsieur Cheron et madame Deleens de leur qualité et de leur intérêt à agir à l'encontre de la SAS ITM Entreprises et de la SNC ITM Equipement de la Maison et sursis à statuer sur les autres demandes;

Vu les conclusions déposées le 29 décembre 2010 pour la Selas Soinne, Monsieur Cheron et Madame Deleens;

Vu les conclusions déposées le 3 février 2011 pour les sociétés ITM;

Vu l'exposé de la procédure, des faits et des moyens développés dans l'arrêt précédent auquel il convient de se reporter;

Les époux Cheron répondent à la cour que c'est par une maladresse de rédaction qu'ils ont été indiqués comme réclamant l'indemnisation des différents postes repris dans les conclusions, les condamnations ne pouvant être revendiquées qu'au seul profit du liquidateur; ils s'en tiennent à leur préjudice personnel représenté par la perte du fonds et pour lequel ils réclament 100 000 euro et à la réclamation de 3 000 euro sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Selas Soinne fait valoir que le total des actifs se monte à 253 363,39 euro, que le passif définitivement admis est de 1 497 566,14 euro ce qui produit une insuffisance d'actif de 1 244 202,75 euro.

Le sociétés ITM estiment que la Selas Soinne n'a pas satisfait à la demande de la cour puisqu'elle se contente de produire un extrait de la comptabilité qui ne permet pas de déterminer quels actifs ont été réalisés et encore moins s'il en reste, qu'ainsi donc il ne justifie pas de son intérêt à agir, que les époux Cheron ont dû reconnaître qu'ils ne pouvaient revendiquer certaines condamnations mais ils persistent à réclamer 100 000 euro pour la perte du fonds qui a été créée par la société Mouscofi et lui appartenait, qu'ils n'ont donc aucune qualité pour revendiquer ce poste.

Sur ce

Sur l'intérêt à agir

En ce qui concerne les époux Cheron, la cour avait admis qu'ils puissent réclamer le montant de leur préjudice personnel; il n'y a donc pas lieu de revenir sur la réclamation de 100 000 euro, sauf à considérer dans une étude sur le fond qu'il ne s'agirait pas d'un préjudice personnel. Pour le reste, ils ne formulent plus de réclamation.

En ce qui concerne la Selas Soinne, elle produit l'état des créances, l'ordonnance rejetant la déclaration de créance d'ITM Nord, l'ordonnance d'admission de la créance d'ITM Entreprises, l'ordonnance du juge commissaire désignant expert en ce qui concerne la créance déclarée d'ITM Equipement pour 998 115,55 euro, la comptabilité du liquidateur faisant apparaître le produit des réalisations d'actifs, puis un bordereau vendeur du 24 mars 2007 pour 76 815 euro, une lettre du commissaire-priseur faisant état de réalisation d'actifs mobiliers pour 76 615 euro auquel doit s'ajouter le prix de vente d'un véhicule, une lettre de la banque accompagnant le versement d'un chèque de 166 700,93 euro correspondant au solde créditeur du compte commercial de la société Mouscofi; elle en déduit une insuffisance d'actif de 1 244 202,75 euro; la cour s'estime suffisamment éclairée par ces documents qui, s'ils ne sont pas susceptibles d'établir définitivement l'insuffisance d'actif, en déterminent au moins l'existence donc l'intérêt à agir du liquidateur.

Sur la faute reprochée à ITM Entreprises au stade de l'information précontractuelle

Il est admis que le contrat d'enseigne a été signé le 23 janvier 1996 et non contesté que l'assignation est du 27 décembre 2007; par application du régime ancien de la prescription applicable à l'époque (article L. 110-4 du Code de commerce, ancien article 189 bis), plus de 10 ans s'étant écoulés entre les deux, la demande à ce titre est prescrite. Curieusement, les appelants sont totalement muets sur l'argument; ils le sont également sur le deuxième argument d'égale valeur qui exclut l'application de l'article L. 330-3 du Code de commerce de la présente espèce, puisqu'il concerne les obligations d'information des franchiseurs lorsque le contrat comporte une clause d'exclusivité ou de quasi exclusivité pour l'exercice de l'activité, ce qui ne fait pas partie des obligations du franchisé ici, selon le contrat produit aux débats. La cour confirme le jugement sur ce point.

Sur les fautes contractuelles

Sur l'exploitation déficitaire du magasin franchisé

La Selas Soinne et les époux Cheron reprochent aux intimées leur "soutien abusif", n'ayant pas utilisé la possibilité de résilier en cas de mauvaise gestion révélée par plusieurs événements au rang desquelles figurent les incidents de paiement de la redevance et plaident qu'elles auraient eu un intérêt à poursuivre une activité qui aurait dû être abandonnée dès la fin de l'exercice 1997 par la perception des 30 % de marge arrière sur la totalité des achats de leur franchisé, tandis qu'en outre elles étaient garanties par les gérants et par un nantissement sur le fond.

Les intimées font valoir que les marges arrières (qui en l'occurrence concerneraient des impayés) ne concernent que les relations entre le franchiseur et les fournisseurs, que la société ITM Entreprises avait au contraire intérêt à avoir des franchisés dont l'activité est florissante et pour l'image et parce que ses ressources sont basées sur le chiffre d'affaire du franchisé.

Il est patent que la situation de la société Mouscofi a été difficile dès l'année 1997 où un protocole sera signé entre les partenaires pour étaler une dette de 1 208 943,31 F, avec prise de garanties et interdiction de contracter des dettes nouvelles, que cependant cette interdiction a été transgressée puisqu'en 2002 la société Mouscofi recevait des mises en demeure pour de nouvelles sommes dues, de la part de sa co-contractante; elle était par ailleurs interpellée par le commissaire aux comptes sur ses exercices déficitaires. Ainsi si la persistance de l'activité déficitaire ne fait pas de doute, la cour comprend moins le raisonnement des appelants sur le fait que les intimées auraient eu un intérêt à soutenir une exploitation déficitaire; la démonstration n'est pas faite que la société ITM Entreprises aurait envoyé des mises en demeure non pour cesser les relations mais pour baliser un conflit futur, qu'elle aurait gagné à poursuivre des relations avec un mauvais payeur qu'elle ne fournissait visiblement qu'en partie, qu'outre le fait que son image de marque était forcément atteinte par les difficultés de son franchisé, ses ressources étaient d'autant affaiblies que les chiffres d'affaires de ce dernier n'étaient pas bons puisque la redevance mensuelle en vertu de l'article 11 du contrat est proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé, que la poursuite de l'activité s'est concrétisée en connaissance de cause avec l'accord de chacun des partenaires parfaitement informé au même niveau de la situation, étant rappelé qu'elle s'est inscrite dans le cadre du principe de la liberté contractuelle en matière commerciale, ITM Entreprises n'ayant pas détenu plus d'informations que ceux dont elle a recherché la garantie et qui ont aussi bien poursuivi l'activité de leur chef. Si l'on suit le raisonnement des appelants, il faut en déduire que ITM Entreprises a laissé s'accroître une dette "dont elle savait pertinemment que la société Mouscofi ne pourrait jamais la payer" alors qu'elle pouvait faire jouer la clause de résiliation: si ITM Entreprises n'avait pas cru à un possible redressement de nature à la désintéresser, elle n'aurait pas laissé perdurer la relation quitte à aggraver sa créance, nonobstant les garanties prises. En tous cas le risque à continuer a été pris en commun, l'abus attribué à ITM Entreprises n'étant en rien démontré.

Sur l'obstruction du franchiseur à la tentative de cession

Les appelants plaident que la société ITM a entravé le projet de cession du 5 août 2003 mais à l'instar du tribunal et de la thèse développée par les intimées, la cour remarque à travers les pièces produites qu'il s'agissait d'une cession des actions composant le capital du point de vente, à laquelle l'article 13 du contrat d'enseigne est étranger, que la pièce 37 révèle en effet que les appelants étaient opposés à une garantie d'actif et de passif, qui semble avoir été au cœur des discussions entre eux et les repreneurs et entre eux et la société ITM, également candidate à la reprise qui subordonnait en outre la cession à l'avis de la commission de sécurité (qui n'est pas un motif futile ou erroné); en tous cas aucun document ne vient établir l'obstruction plaidée, l'échec des négociations relevant semble-t-il des conditions imposées par la sa Mouscofi dans son courrier du 13 avril 2006, qui n'ont pas été acceptées.

Sur l'abandon du franchisé par le groupement

Les appelants plaident enfin l'abandon d'ITM Entreprises qui a cessé de les livrer et a exigé des paiements comptant; ils produisent un constat d'huissier du 6 septembre 2005 qui établit que certains rayons sont vides et qu'il manque des références; or cela fait suite à un courrier du 2 août 2005 par lequel ITM informe la société Mouscofi qu'à la suite de problèmes de refus de marchandises commandées, faits qui s'étaient déjà produits en 2003 et 2004, les livraisons seraient suspendues et de toute façon soumises à paiement comptant.

En présence de difficultés de paiement et de mises en demeure envoyées à la société Mouscofi en 2002 l'exigence de paiement à la livraison ne parait pas anormale, cela ne pouvant être considéré d'emblée comme un moyen d'accélérer la chute; les refus de livraison, qui ne sont au demeurant pas vraiment niés, comme cela ressort des courriers envoyés par la société Mouscofi qui s'en justifie, ont provoqué plusieurs avertissements la prévenant d'une future et éventuelle suspension des livraisons et ce dès 2003. La société Mouscofi ne peut donc plaider que les difficultés de livraison seraient brutales et nées du seul fait de la société ITM qui aurait provoqué la procédure collective faute d'approvisionnements. Comme le tribunal l'a souligné, la société ITM était autorisée à exiger de sa débitrice le paiement de ses dettes après une patience de plusieurs mois sans que l'on y voit une intention de nuire, que celle-ci ne se déduit pas non plus de la suspension des livraisons, le lien absolu entre la procédure collective et ces difficultés n'étant certes pas établi, même si l'accélération des difficultés relationnelles entre les partenaires commerciaux a participé de l'échec de la société, en redressement judiciaire le 31 mai 2006.

C'est donc un débouté qui s'impose et une confirmation du jugement entrepris.

Il convient de condamner solidairement la Selas Soinne ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Mouscofi et les époux Chéron à verser aux intimées une somme globale de 5 000 euro sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe, Vu l'arrêt avant dire droit du 16 novembre 2011, Déclare les appelants recevables en leur appel mais les déboute de leurs demandes; Confirme le jugement ; Condamne solidairement la Selas Soinne ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Mouscofi et les époux Cheron à payer une somme globale de 5 000 euro aux sociétés ITM Equipement de la maison et ITM Entreprises sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure.