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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 11 avril 2012, n° 10-23620

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lombard

Défendeur :

Atelier des Fées (SARL), Verrechia (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avocats :

SCP Ermeneux-Champly-Levaique, SCP Badie, Simon-Thibaut, Juston, SCP de Saint Ferreol-Touboul, Mes Bordet, Perret, Pietra

T. com. Aix-en-Provence, du 20 déc. 2010

20 décembre 2010

Exposé de l'affaire

La société Atelier des Fées qui a été créée au début de l'année 2006, a pour activité la production, la vente en gros de bijoux fantaisie, d'articles cadeaux, maroquinerie et accessoires pour l'habillement et la chaussure.

Le 24 janvier 2008, elle a confié à Mme Lombard un mandat d'agent commercial afin d'assurer la vente de produits auprès d'une clientèle de détaillants sur le quart sud-est de la France.

Aucun contrat n'a été signé entre les parties.

Le 27 mars 2009, la société Atelier des Fées a adressé un courrier recommandé avec accusé de réception à Mme Lombard par lequel elle faisait part d'une baisse de son chiffre d'affaire, demandait que lui soit restituée la collection été 2009 et les modèles reconduits, et indiquait son intention de lui régler le solde de tout compte demandé.

Mme Lombard a alors réclamé le paiement d'une indemnité compensatrice.

En l'absence de règlement, Mme Lombard a fait assigner la société Atelier des Fées devant le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence pour qu'elle soit condamnée à lui verser la somme de 26 706 euro et à lui remettre sous astreinte l'ensemble des factures émises au cours de l'été 2009 sur la clientèle qu'elle avait prospectée.

La société Atelier des Fées a sollicité le paiement d'une indemnité en raison du préjudice causé par l'attitude de son mandataire.

Par jugement du 20 décembre 2010, le tribunal a rejeté les réclamations présentées par Mme Lombard et celle formulée par la société Atelier des Fées.

Mme Lombard a relevé appel de cette décision.

Elle soutient que le courrier qui lui a été adressé le 27 mars 2009 constitue une lettre de rupture dans laquelle la société Atelier des Fées n'invoque aucune faute grave de son agent. Elle indique que ce n'est que postérieurement à la notification de la rupture que cette société a avancé divers arguments pour s'opposer à son indemnisation. Elle prétend que les manquements allégués ne sont nullement démontrés.

Elle se prévaut d'un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 28 octobre 2010 selon lequel le mandant qui a mis fin au contrat et qui établit une faute grave commise par l'agent après notification de la rupture n'est pas fondé à se prévaloir de cette faute pour priver l'agent de l'indemnité légale.

Elle relève en effet que dans le courrier précité, non seulement aucune faute n'était alléguée à son encontre puisqu'il est indiqué "il n'y a rien contre toi", mais que la société Atelier des Fées lui proposait d'aller honorer ses rendez-vous en Corse, alors que si une faute lui avait été reprochée un tel démarchage lui aurait été interdit.

En outre elle soutient que l'argument soulevé par son mandant et selon lequel elle aurait commis des actes de concurrence n'est pas fondé puisque lorsqu'elle est devenue agent commercial de la société Atelier des Fées elle exerçait déjà une activité d'agent pour la marque Un Jour Mon Prince, ce dont l'intimée avait connaissance.

Mme Lombard indique que le désamour de la clientèle vis-à-vis des produits de la société Atelier des Fées résulte du fait que c'est une marque qui n'est pas concurrentielle en termes de prix et qu'elle ne présente pas des produits et des collections renouvelés.

L'appelante fait aussi valoir qu'aucun argument ne peut être tiré du défaut de remise des collections dans la mesure où la lettre précitée ne contenait pas résiliation expresse de son contrat mais simplement une demande de restitution, étant précisé qu'il lui était demandé de se rendre en Corse.

Dès lors, elle conclut à la réformation du jugement et au paiement d'une somme de 26 706 euro compte tenu du fait qu'elle a exercé son activité pendant un an et demi et du montant des commissions perçues.

Elle demande que la société Atelier des Fées soit aussi condamnée à lui remettre sous astreinte de 200 euro par jour de retard l'ensemble des factures émises au cours de l'été 2009 sur la clientèle qu'elle a prospectée ainsi que 5 000 euro de dommages et intérêts pour résistance abusive et 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Me Verrechia ès qualités de liquidateur à liquidation judiciaire de la société Atelier des Fées est intervenu volontairement aux débats.

Il fait observer que la légitimité de la rupture doit prendre en compte toutes les fautes commises par l'agent dans le cadre de l'exécution du mandat même si celles-ci ont été révélées postérieurement à sa révocation. Il ajoute que l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes invoqué par l'appelante ne fait en aucun cas obligation au mandant de consigner tous ses griefs dans la lettre de rupture et que de surcroît les fautes reprochées existaient avant la rupture du contrat.

À titre principal, il soutient l'existence d'une faute de Mme Lombard du fait qu'elle exerçait une activité parallèle à celle qui lui avait été confiée.

En outre il soutient que dans la lettre du 27 mars 2009 il est déploré l'insuffisance des résultats, qu'il était émis des doutes sur son activité et que la révocation du mandataire était parfaitement légitime.

Me Verrechia ès qualités ajoute que Mme Lombard a commis des fautes lors de l'exécution de son mandat en exerçant une activité clandestine déloyale et en représentant les marques concurrentes suivantes Un Jour Mon Prince, En Plein Coeur, L'avare, et que le mandant n'a jamais été informé en temps utile.

En conséquence, du fait des fautes commises par Mme Lombard, Me Verrechia ès qualités conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les réclamations qu'elle avait présentées. À titre subsidiaire, il conclut à la réduction de la somme réclamée.

Formant appel incident, il demande le paiement d'une somme de 65 000 euro correspondant au préjudice subi résultant :

- de la représentation de marques concurrentes à l'origine de la procédure de liquidation judiciaire,

- d'avoir établi un compte-rendu d'activités mensonger,

- d'avoir pour Mme Lombard abusivement retenu des bijoux de la collection été de 2009 pendant six mois alors qu'elle devait restituer.

Il sollicite en outre la somme de 3 528 euro au titre des bijoux qui n'ont pas été rendus tel que cela résulte d'un procès-verbal dressé par huissier de justice, ainsi que 5 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

Motifs de la décision

Les parties ne contestent pas que la lettre envoyée le 27 mars 2009 à Mme Lombard soit un courrier notifiant une rupture d'un lien contractuel, étant précisé qu'un entretien téléphonique du 25 mars 2009 avait eu lieu entre les parties au cours duquel l'agent avait demandé paiement du solde de tout compte et des commissions à venir que la société Atelier des Fées acceptait de régler.

Aucune disposition n'oblige le mandant auteur de la lettre de rupture à faire état dans celle-ci de l'ensemble des fautes reprochées à son agent.

L'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes invoqué par Mme Lombard et qui, en se fondant sur l'article 18, sous a) de la directive 86-653-CEE du Conseil du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, relève que cette disposition s'oppose à ce qu'un agent commercial indépendant soit privé de son indemnité de clientèle lorsque le commettant établit l'existence d'un manquement de l'agent commercial ayant eu lieu après la notification de la résiliation du contrat moyennant préavis et avant l'échéance de celui-ci, qui était de nature à justifier une résiliation sans délai du contrat en cause, n'est pas applicable au cas d'espèce.

Dans la lettre précitée, même si le mandant proposait à Mme Lombard de se rendre en Corse pour qu'elle puisse terminer sa tournée, il ressort des termes mêmes de ce courrier qu'il lui était reproché une prospection insuffisante.

La société Atelier des Fées doit démontrer que Mme Lombard a commis une faute grave c'est-à-dire une faute portant atteinte à la finalité du mandat et rendant impossible le maintien du lien contractuel, notamment parce que l'agent a manqué à une obligation essentielle découlant du contrat.

Il résulte de l'article L. 134-3 du Code de commerce que si un agent commercial ne commet pas de faute en établissant des relations commerciales avec une entreprise fabriquant des produits différents de celle qu'il représente, en revanche, il se rend coupable de faute grave, dès lors qu'il y a identité de produits entre les entreprises que l'agent commercial représente et qu'il n'informe pas son mandant de multiples représentations.

Me Verrechia ès qualités justifie que Mme Lombard représentait les marques suivantes :

Un Jour Mon Prince, société FGH création

L'avare société Yos Diffusion.

Il ne peut être déduit d'une facture établie le 16 février 2009 par la société FGH création à la société Atelier des Fées au titre de sa participation à "un show room hôtel" de janvier 2009 que cette dernière société était avisée de l'activité concurrente de Mme Lombard avec laquelle elle avait passé un contrat d'agent commercial en janvier 2008 et avait autorisé la représentation d'une autre marque. Il convient d'ajouter que l'attestation de la gérante de la société FGH création apparaît comme de pure complaisance et ne présente aucune valeur probante et que les listings établis par Mme Lombard elle-même ne peuvent valablement être retenus.

Me Verrechia ès qualités démontre aussi qu'à compter de novembre 2008 Mme Lombard exerçait une activité de prospection pour la marque L'avare.

L'appelante ne conteste pas avoir proposé des produits de la marque Plein Cœur.

Mme Lombard n'établit absolument pas que la société Atelier des Fées aurait été avisée et aurait accepté qu'elle propose des produits identiques à ceux de son mandant pour le compte d'autres sociétés dans le secteur concerné.

Il apparaît que Mme Lombard a représenté des produits similaires, offrant des caractéristiques semblables et présentant des utilisations identiques à ceux proposés par la société Atelier des Fées.

Mme Lombard qui a effectué la représentation d'entreprises concurrentes de celle du mandant sans l'avoir avisé et sans son autorisation a manqué à son obligation générale de loyauté, commettant une faute grave qui a pour effet de la priver de l'indemnité compensatrice conformément aux dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce.

L'appelante ne démontre pas que les commissions perçues au titre de l'année 2009 ne correspondraient pas aux commandes qu'elle avait prises et sa demande visant à obtenir sous astreinte communication des factures émises au cours de l'été 2009 sur la clientèle démarchée est rejetée.

En conséquence, Mme Lombard est déboutée les réclamations présentées envers la société Atelier des Fées.

Me Verrechia ès qualités se fonde sur un procès-verbal d'huissier dressé le 16 septembre 2009 pour soutenir que manquaient dans le colis envoyé par Mme Lombard de très nombreux échantillons.

Toutefois l'huissier fait état de produits manquants en se référant aux catalogues émis par la société qui l'a mandaté, et il n'est pas démontré que des échantillons manquants auraient été remis à l'agent commercial.

Me Verrechia ès qualités n'établit aucunement que le fait que Mme Lombard aurait exercé une activité concurrente serait à l'origine de la procédure collective ouverte envers la société Atelier des Fées et lui aurait engendré un préjudice.

Les demandes présentées par Me Verrechia ès qualités sont donc rejetées.

Le jugement attaqué est confirmé en toutes ses dispositions.

Il n'y a lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement attaqué, Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Mme Lombard aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.