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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 6 janvier 2009, n° 08-06982

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Liberté (SAS)

Défendeur :

Socorpi (SCC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Guillanton

Conseillers :

Mme Cocchiello, M. Christien

Avocats :

Mes Lefort, Bensoussan

T. com. Brest, du 19 sept. 2008

19 septembre 2008

EXPOSE DU LITIGE

La société Socorpi exploite un réseau d'agences immobilières sous forme de coopératives utilisant la marque "Orpi-Agences n° 1".

La société Liberté est devenue membre du réseau Orpi-Agences n° 1 le 29 décembre 1994.

Elle a démissionné de ce réseau à compter du 31 décembre 2006.

La société Socorpi estimant qu'elle a commis des fautes, en violant l'interdiction de s'affilier à un réseau concurrent pendant un an à compter de sa démission et n'a pas payé ses cotisations, l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Brest.

Par jugement du 19 septembre 2008, le Tribunal de commerce de Brest :

- s'est déclaré compétent pour se prononcer dans le litige opposant la société Liberté à la société Socorpi,

- renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoiries,

- dit n'y avoir lieu à article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Liberté à supporter les dépens.

La société Liberté a fait contredit, exposant que l'article L. 420-7 du Code de commerce exclut la compétence du Tribunal de commerce de Brest : le litige dont il est saisi a pour objet le caractère anti-concurrentiel de la clause de non-réaffiliation et met en jeu l'application des règles contenues dans les articles L. 420-1 à L. 420-5 du Code de commerce ; il relève donc de la compétence exclusive du Tribunal de commerce de Rennes en application des termes du décret du 30 décembre 2005 auquel renvoie l'article L. 420-7 du Code de commerce.

Elle demande ainsi à la cour de :

- réformer le jugement,

- dire que le Tribunal de commerce de Rennes est compétent pour connaître le litige.

La société Socorpi demande à la cour de :

- déclarer irrecevable le contredit et le dire mal fondé,

- confirmer le jugement,

- condamner la société Liberté à lui payer la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Liberté en tous les dépens.

Elle expose que le litige est étranger au droit de la concurrence, s'agissant du droit d'une clause de non-concurrence, et que les relations entretenues par Socorpi et Liberté n'entrent dans aucune des catégories visées par les article L. 420-1 et suivants du Code de commerce ; elle ajoute que l'article L. 420-7 du Code de commerce doit être interprété restrictivement.

SUR CE

Sur la compétence du tribunal saisi du litige,

Considérant que la société Socorpi a assigné la société Liberté en paiement de cotisations et également pour qu'il soit jugé qu'en ayant adhéré, moins d'un an après sa sortie du réseau Orpi, au réseau Square Habitat, elle a violé une clause de non-réaffiliation stipulée par le règlement intérieur du réseau de franchise Orpi qui lui interdisait de se réaffilier à un réseau concurrent d'Orpi dans l'année de sa sortie du réseau, que la société Socorpi demande sa condamnation à lui payer des dommages-intérêts et à cesser d'utiliser l'enseigne Square Habitat,

Considérant que la société Liberté réplique en invoquant la nullité de la clause de non-réaffiliation au regard des dispositions des article L. 420-1 et L. 420-3 du Code de commerce,

Considérant que l'article L. 420-7 du Code de commerce précise que "les litiges relatifs à l'application des articles L. 420-1 à L. 420-5 (...) ainsi que ceux dans lesquels ces dispositions sont invoquées sont attribués (...) aux tribunaux de commerce dont le siège et le ressort sont fixés par décret en Conseil d'État", que le décret n° 2005-1756 du 30 décembre 2005 a précisé que le Tribunal de commerce de Rennes était compétent pour connaître, en application de l'article L. 420-7 du Code de commerce, des procédures applicables aux personnes qui sont commerçants ou artisans dans le ressort des cours d'appel de Rennes, Angers, Caen et Poitiers,

Considérant que l'article L. 420-7 du Code de commerce est rédigé en termes larges qui englobe les litiges dans lesquels "les dispositions des articles L. 420-1 à L. 420-5 sont invoquées" ; qu'il n' y a donc pas lieu de distinguer si la demande d'application de ces textes est invoquée à l'appui de la demande en justice ou comme moyen de défense, le législateur ayant manifestement voulu concentrer le contentieux né de l'application de ces textes sur quelques juridictions,

Considérant que le Tribunal de commerce de Rennes est compétent pour connaître ce litige, que la décision du Tribunal de commerce de Brest sera réformée,

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Considérant que, succombant en ses prétentions, la société Socorpi supportera les frais du contredit et sera déboutée de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles,

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement déféré, Statuant à nouveau, Dit que le Tribunal de commerce de Rennes est compétent pour connaître du litige opposant la société Socorpi à la société Liberté, Renvoie l'examen de cette affaire devant cette juridiction, Déboute la société Socorpi de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles, Condamne la société Socorpi aux frais du contredit.