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Décisions

Cass. com., 3 mai 2012, n° 11-18.059

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Campus Pro (SAS)

Défendeur :

Afa (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Pezard

Avocat général :

M. Carre-Pierrat

Avocats :

SCP Hémery, Thomas-Raquin, Me Blondel

Douai, du 24 mars 2011

24 mars 2011

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 mars 2011), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 2 février 2010, pourvoi n° E 09 11 018), qu'invoquant des actes de concurrence déloyale commis à son préjudice par la société Afa, la société Agro Form, devenue la société Campus Pro, l'a assignée afin d'obtenir paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que la société Agro Form fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son action en concurrence déloyale formée contre la société Afa alors, selon le moyen : 1°) que caractérise un acte de dénigrement constitutif de concurrence déloyale le fait de répandre auprès de la clientèle le bruit de la fermeture prochaine d'une entreprise concurrente ; que les juges ne peuvent rejeter une demande sans examiner tous les éléments de preuve fournis par les parties ; qu'en omettant de s'expliquer, comme elle y était invitée par les écritures d'appel de la société Campus Pro, sur l'attestation de M. Masclet qui relatait que l'une de ses formatrices au sein de la société Agro Form, formatrice qui figurait parmi le lot de formateurs embauchés par la société Afa, lui avait dit que la société Agro Form allait fermer ses portes, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) qu'en retenant que le grief de dénigrement ne pouvait être retenu, tout en constatant que dans sommation interpellative du 25 juin 2010, M. Falempin, dirigeant de la société Afa, avait répondu à la question "avez-vous été informé des propos dénigrants tenus à l'encontre d'Agro Form par des salariés d'Afa" par "Oui mais c'était la guerre !! Et réciproquement", quand de tels propos valaient précisément reconnaissance, par la société Afa, de l'existence d'actes de dénigrement commis à l'encontre de la société Agro Form, et quand, en toute hypothèse, l'existence d'un climat tendu entre les deux sociétés et la simple allégation selon laquelle la société Agro Form se serait, elle aussi, livrée à des actes de dénigrement, n'étaient nullement de nature à faire disparaître le caractère fautif des faits reprochés à la société Afa, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1382 du Code civil ; 3°) qu'en relevant, pour juger que la société Afa n'aurait commis aucune manœuvre déloyale en vue de débaucher les salariés de la société Agro Form, que le départ de ces salariés avait été "consécutif à une dégradation du climat social au sein de la société Agro Form devenue Campus Pro", cependant que la société Afa, qui se bornait uniquement à contester le caractère massif du débauchage, ne soulevait aucun moyen en ce sens, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ; 4°) qu'en s'abstenant de provoquer les explications des parties avant de retenir que "le départ des salariés a été consécutif à une dégradation du climat social au sein de la société Agro Form devenue Campus Pro", la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire, en violation de l'article 16 du Code de procédure civile ; 5°) qu'en se bornant à relever, pour retenir qu'il ne serait pas démontré que le recrutement massif d'anciens salariés de la société Agro Form par la société Afa ait entraîné une désorganisation, qu'une partie des formations avait pu être maintenue sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces débauchages, représentant 20 salariés sur un effectif de 72 personnes, intervenus dans un laps de temps très court, juste après le départ brutal de ces salariés, ne s'étaient pas traduits par une perte importante d'effectifs de stagiaires et par une perte d'activité commerciale pour la société Campus Pro, et si cette situation n'avait pas entraîné une désorganisation de cette société, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 6°) que la concurrence déloyale est un ensemble de faits constitutifs d'une seule faute ; que le comportement d'un opérateur économique doit dès lors s'apprécier de manière globale, à la lumière de l'ensemble des facteurs pertinents du cas d'espèce et en prenant en compte l'ensemble des faits qui lui sont reprochés ; qu'en déboutant la société Agro Form au terme d'un examen isolé de chacun des éléments invoqués par celle-ci, sans rechercher, en appréciant ensemble tous ces éléments, si en se créant, à la suite d'une grève dont la société Agro Form est sortie largement fragilisée, en exerçant la même activité que celle-ci, avec des établissements exploités sur les mêmes secteurs stratégiques de la région, et en procédant, sans pouvoir ignorer la situation dans laquelle se trouvait la société Agro Form, à un recrutement massif d'anciens salariés de celle-ci, pour proposer, dès les premiers mois suivant sa création, les mêmes formations spécifiques dispensées, de longue date, par la société Agro Form, la société Afa ne s'était pas rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Agro Form et n'avait pas capté indûment la clientèle de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain et sans être tenue de s'expliquer sur une attestation qu'elle décidait d'écarter que la cour d'appel a estimé que les faits de dénigrement allégués ne pouvaient être retenus ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient qu'il ressort du document, intitulé synthèse des départs sur les sites de Lille-Hellemmes et Teteghem, dans lesquels en 2007 la société Campus Pro employait 72 personnes, qu'après la grève de la même année, 37 salariés ont quitté les sociétés Acde et Campus Pro (soit 5 licenciements, 20 démissions et 12 fins de contrat ou Fongecif) et que si la société Campus Pro soutient qu'entre le 1er juillet 2007 et le 3 septembre 2007, 17 d'entre eux ont été embauchés par la société Afa suivis de trois autres, elle ne précise pas le nombre de démissionnaires et de licenciés parmi eux, tandis que la société Afa indique avoir recruté 14 démissionnaires dont neuf étaient formateurs ; qu'il retient encore que deux lettres datées du 30 mars 2006 et du 29 décembre 2006, soit bien antérieures à la grève, adressées par des salariés de la société Agro Form, parmi lesquels son dirigeant, révèlent des retards de paiement dans les salaires ainsi qu'un litige relatif au rôle et au statut d'un salarié parisien ; qu'il relève que le rapport de gestion sur les opérations de l'exercice clos en décembre 2006 mentionne que la société Agro Form rencontrait des difficultés concernant son management et envisageait une restructuration au sein de l'équipe de management ; qu'il relève encore que les attestations de plusieurs autres salariés démontrent qu'à la suite de la grève, l'ambiance de travail au sein de la société Agro Form était devenue déplorable ; qu'il relève enfin qu' il n'est pas établi que les salariés aient fait l'objet d'offres particulières pour rejoindre la société Afa et que le document de synthèse susvisé indique que la quasi-totalité de toutes les formations ont été maintenues quel que soit l'effectif en stagiaires ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations des éléments entrés dans le débat, qui font ressortir que les départs des salariés de la société Agro Form qui n'ont pas entraîné de désorganisation de cette société étaient dus à une dégradation du climat au sein de la société et non pas à des manœuvres déloyales de la société Afa, la cour d'appel, qui n'a méconnu ni le principe de la contradiction, ni l'objet du litige et qui a procédé aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision ; - D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.