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Décisions

Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-15.573

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Haouy (Epoux), Maigrot (ès qual.), Beostat (SARL)

Défendeur :

Geneviève Lethu (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler, Me Foussard

Poitiers, 2e ch., du 21 sept. 2010

21 septembre 2010

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 21 septembre 2010), que M. Haouy a conclu avec la société Geneviève Lethu (le franchiseur) un contrat de franchise en vue de l'exploitation d'un magasin sous l'enseigne de cette dernière, à Troyes ; qu'il a été convenu par avenant que le magasin serait géré par la société Beostat, dont M. Haouy et son épouse sont les seuls associés ; qu'estimant que le franchiseur avait manqué à ses obligations d'information précontractuelle et que le consentement de la société Beostat s'en était trouvé vicié, M. et Mme Haouy et la société Beostat l'ont fait assigner, à titre principal, en nullité du contrat et réparation des préjudices subis et, à titre subsidiaire, en résiliation aux torts exclusifs du franchiseur et remboursement de diverses sommes ; que la société Beostat ayant été mise en liquidation judiciaire, M. Maigrot a été désigné en qualité de liquidateur ;

Sur le premier moyen, après avis délivré aux parties : - Attendu que M. et Mme Haouy et le mandataire-liquidateur de la société Beostat font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de nullité du contrat de franchise, d'avoir prononcé la résiliation de ce contrat aux torts exclusifs de la société Beostat, d'avoir condamné cette dernière à exécuter sous astreinte certaines obligations, d'avoir condamné solidairement la société Beostat et M. Haouy au paiement de 25 322 euro, d'avoir fixé la créance du franchiseur au passif de la société Beostat à cette même somme et d'avoir condamné la société Beostat et M. Haouy à payer la somme de 1 euro au franchiseur à titre d'indemnité forfaitaire, alors, selon le moyen : 1°) que lorsqu'un futur franchisé soumet au franchiseur un compte prévisionnel pour vérification, le franchiseur a l'obligation de faire preuve de sérieux et de prudence lorsqu'il valide les chiffres qui lui sont soumis ; qu'à défaut, la faute qu'il commet en manquant par là même à son obligation précontractuelle d'information, peut vicier le consentement du futur franchisé et entraîner la nullité du contrat ; qu'en l'espèce, la société Beostat et les époux Haouy faisaient valoir que les chiffres d'affaires réalisés s'étaient avérés inférieurs de 30 à 50 % au compte prévisionnel validé par le franchiseur ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté qu'aucun reproche ne pouvait être fait aux époux Haouy quant à la tenue du magasin, et que le franchisé coopérait particulièrement bien, se soumettant aux instructions reçues et suivant les préconisations fournies ; que dans ces conditions, en retenant que rien ne permettait de reprocher au franchiseur un manque de prudence et de sérieux dans la validation des comptes proposés, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si l'écart très important entre le prévisionnel et les chiffres réalisés ne révélait pas que le franchiseur avait commis une faute en validant un prévisionnel dont les chiffres n'étaient pas raisonnables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1382 du Code civil, ensemble l'article L. 330-3 du Code de commerce ; 2°) que la société Beostat et les époux Haouy soulignaient qu'au cours des quatre ans qui s'étaient écoulés entre la fermeture du précédent magasin Geneviève Lethu à Troyes et l'ouverture du nouveau magasin, les chiffres de nombreux établissements Geneviève Lethu s'étaient dégradés, certains magasins ayant même dû fermer ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher au regard de cette évolution défavorable si les chiffres de l'ancien magasin communiqués au franchisé, sur lesquels le franchiseur s'était fondé pour valider les prévisions du franchisé, constituaient une base raisonnable, et si le franchiseur n'avait pas commis une faute en se bornant à réactualiser ces chiffres au coût de la vie courante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1382 du Code civil, ensemble l'article L. 330-3 du Code de commerce ; 3°) que la société Beostat et les époux Haouy soutenaient que l'écart de 30 à 50 % entre le chiffre d'affaires de l'ancien magasin de Troyes et le chiffre d'affaires réalisé par la société Beostat tenait notamment à ce que l'ancien magasin vendait des produits non référencés Geneviève Lethu ; que la cour d'appel était tenue de rechercher si cette différence s'expliquait par la proportion réelle d'objets non référencés vendus par l'ancien magasin ; qu'en retenant que les produits non référencés vendus par l'ancien magasin ne représentaient qu'une très faible part de son chiffre d'affaires dans la mesure où le contrat de franchise ne l'autorisait à en vendre qu'à hauteur de 5 %, sans rechercher si l'ancien magasin avait effectivement respecté cette limite de 5 %, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1382 du Code civil, ensemble l'article L. 330-3 du Code de commerce ; 4°) que les juges du fond ont l'interdiction de dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société Beostat et les époux Haouy faisaient valoir que le franchiseur avait "valid[é] un compte d'exploitation prévisionnel dont il savait, dès le départ, qu'il était irréalisable, (...) dans le but d'amener un candidat à s'engager" ; que dès lors, en retenant que les demanderesses ne prétendaient pas avoir été intentionnellement trompées, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions précitées et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions qu'il ait été soutenu devant la cour d'appel que la part de produits non référencés vendus par l'ancien franchisé excédait le quota prévu au contrat ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé, par motifs propres, que l'historique communiqué par le franchiseur relatif au chiffre d'affaires réalisé par l'ancien franchisé implanté à Troyes de 1992 à 2002 constituait le document le plus utile et le plus pertinent pour permettre au franchisé d'effectuer un prévisionnel et, par motifs adoptés, que ces chiffres avaient été réactualisés au regard du coût de la vie courante, de sorte qu'aucune manœuvre dolosive du franchiseur n'était établie, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que les comptes prévisionnels validés par le franchiseur n'étaient pas dépourvus de toute base raisonnable et qui a procédé à la recherche prétendument omise, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la quatrième branche, légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, qui est irrecevable en sa troisième branche et ne peut être accueilli en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que M. et Mme Haouy et le mandataire-liquidateur de la société Beostat font grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Beostat et M. Haouy à payer la somme de 1 euro au franchiseur à titre d'indemnité forfaitaire due en vertu de l'article 13 du contrat, alors, selon le moyen, qu'une clause pénale n'est due que si les conditions de son application prévues au contrat sont réunies ; qu'en l'espèce, la cour d'appel constatait elle-même que la clause pénale n'était due qu'"en raison de l'atteinte portée à l'image du réseau" ; qu'elle constatait par ailleurs qu'aucun élément du dossier ne permettait de caractériser quelque atteinte que ce soit en terme d'image ; que dès lors, en condamnant le franchisé à verser un euro au titre de la clause pénale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que la clause pénale, sanction du manquement d'une partie à ses obligations, s'applique du seul fait de cette inexécution ; qu'ayant retenu que la résiliation anticipée du contrat de franchise devait être prononcée aux torts exclusifs du franchisé, ce qui justifiait l'application de l'article 13 du contrat, et fait ressortir que la peine prévue par cet article était manifestement excessive, c'est sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations et appréciations que la cour d'appel s'est prononcée comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le deuxième moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.