Cass. crim., 15 décembre 2009, n° 09-83.059
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pelletier
Rapporteur :
M. Delbano
Avocat général :
M. Davenas
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par Y, la société X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 23 mars 2009, qui, pour publicité de nature à induire en erreur et infractions aux règles relatives aux ventes à distance, a condamné le premier à quatre mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à trois amendes, l'une de 35 000 euro, les autres de 800 euro chacune, la seconde à trois amendes, l'une de 100 000 euro, les autres de 4 000 euro chacune, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 120-1 et L. 121-1 du Code de la consommation dans sa rédaction issue de l'article 9 de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y et la société X coupables de publicité de nature à induire en erreur, en répression a condamné Y à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 35 000 euro d'amende et la société X à 100 000 euro d'amende et a condamné les prévenus à une mesure de publication ;
"alors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 120-1 du Code de la consommation telles qu'elles résultent de l'article 39 de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs que pour pouvoir retenir le délit de publicité de nature à induire en erreur, les juges doivent expressément constater dans leur décision d'une part que les mentions incriminées étaient contraires aux exigences de la diligence professionnelle et d'autre part qu'elles ont altéré ou ont été susceptibles d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard du bien ou du service qui lui était offert, et qu'en omettant de s'expliquer sur la consistance des obligations professionnelles en matière de services téléphoniques par référence à ce qui est d'usage et en ne constatant pas que le consentement des consommateurs avait été altéré de manière substantielle par les mentions inexactes des messages publicitaires qui leur avaient été transmis, la cour d'appel n'a pas, abstraction faite de motifs insuffisants, caractérisé l'élément matériel du délit de publicité de nature à induire en erreur" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure, que la société X et son dirigeant, Y, ont été cités devant le tribunal correctionnel sous la prévention de publicité de nature à induire en erreur et d'infractions aux règles relatives à la vente à distance à l'issue de l'enquête conduite sur de nombreuses plaintes, déposées par d'anciens clients, souvent âgés, de France Télécom, qui s'étaient trouvés engagés par contrat auprès de ce nouvel opérateur téléphonique à la suite d'un démarchage et d'une vente qui leur paraissaient irréguliers ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré les prévenus coupables de ces délits et tenus solidairement d'indemniser chacune des parties civiles, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que, pour convaincre les consommateurs prospectés par téléphone de changer d'opérateur téléphonique, les agents commerciaux mandatés par la société X développaient au téléphone un argumentaire relatif aux tarifs des communications à la seconde ne comportant de précision ni sur le coût de chaque connexion, ni sur celui des paiements par chèque et sur le montant mensuel minimum de la facturation ;
Que les juges relèvent en outre que les plaquettes publicitaires envoyées par courrier aux personnes démarchées, qui ne précisaient ni l'adresse du siège de la société et la durée de validité des offres, ni l'existence du droit de rétractation, fournissaient aux consommateurs une information parcellaire sur les tarifs réellement pratiqués, et comportaient des précisions difficiles à trouver, en raison de leur localisation et de la police de caractères employée, sur la nature exacte des engagements des parties ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les prévenus ont, en trompant les consommateurs sur les caractéristiques essentielles des prestations téléphoniques proposées et en ne leur permettant pas d'exercer la faculté de s'informer et de se rétracter à l'occasion de la vente de prestations de services à distance, commis les délits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-18 et L. 121-19 du Code de la consommation, applicables à la date des faits et constitutifs de pratiques commerciales, les unes déloyales, les autres agressives au sens de l'article L. 120-1 du Code de la consommation dans la rédaction résultant de la loi du 4 août 2008, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'Homme, L. 121-1 du Code de la consommation, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y coupable de publicité de nature à induire en erreur et en répression l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 35 000 euro d'amende ainsi qu'à une mesure de publication ;
"au motif que Y qui est le président de la société depuis sa création, ne pouvait ignorer les obligations d'information du consommateur sur les tarifs de prestations proposées, ni le caractère mensonger de ces publicités ;
"alors que par ce seul motif, qui implique un renversement de la charge de la preuve, la cour d'appel n'a pas caractérisé à l'encontre de Y l'élément moral du délit de publicité de nature à induire en erreur" ;
Attendu que, pour retenir l'élément moral des infractions reprochées à l'encontre de Y, l'arrêt prononce par le motif repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu n'a pas pris toutes les précautions propres à assurer la véracité des messages publicitaires, et dès lors que la seule constatation de la violation, en connaissance de cause, d'une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er, du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2 du Code pénal, L. 121-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X coupable de publicité de nature à induire en erreur et en répression l'a condamnée à 100 000 euro d'amende ainsi qu'à une mesure de publication ;
"alors que la condamnation pénale d'une personne morale ne peut être prononcée qu'autant qu'a été préalablement caractérisé de manière suffisante l'élément moral de l'infraction commise pour son compte par ses organes ou représentants dans la personne de ceux-ci, et que l'élément moral du délit de publicité de nature à induire en erreur n'ayant été caractérisé par la cour d'appel que par des motifs insuffisants impliquant un renversement de la charge de la preuve à l'encontre de son président, la condamnation de la société X du chef de publicité de nature à induire en erreur n'est pas légalement justifiée" ;
Attendu qu'en l'état du rejet du deuxième moyen, le troisième manque par le fait sur lequel il prétend se fonder ;
Sur le quatrième moyen, pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a fait droit aux demandes des parties civiles sans constater l'existence d'un lien de causalité entre l'infraction reprochée aux prévenus et leur préjudice en sorte que la cassation sur l'action civile est encourue pour défaut de base légale" ;
Attendu que les prévenus, qui ont limité leur appel aux dispositions pénales, sont sans intérêt à critiquer la décision qui, sur le seul appel des parties civiles, a confirmé le jugement sur les intérêts civils ; d'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.