CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 9 septembre 2009, n° 08-00734
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Media Communication Europe (SARL)
Défendeur :
Logat (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Le Fevre
Conseillers :
MM. Roche, Birolleau
Avoués :
SCP Gerigny-Freneaux, Me Bettinger
Avocats :
Mes Chaline, Joffrin, SCP L, N Prunet
LA COUR,
Vu le jugement du 9 novembre 2007 par lequel le tribunal de commerce de Paris a annulé la convention signée entre la SARL Media Communication Europe (MCE) et l'EURL Logat - Logistique Air Transport (Logat), a débouté la société MCE de ses demandes, a ordonné la restitution à Logat des chèques émis par cette dernière et a condamné la société MCE au paiement de la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu la déclaration d'appel de la société MCE du 10 janvier 2008 et ses conclusions du 9 juin 2009 par lesquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a refusé le sursis à statuer jusqu'à l'issue d'une plainte pénale, de l'infirmer pour le surplus, d'ordonner la mainlevée à l'opposition des chèques tirés par Logat, de condamner Logat à payer la somme de 8 455,72 euro avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 11 juin 2007, et subsidiairement à compter de la date de l'assignation à jour fixe devant le tribunal de commerce, de la condamner à payer les pénalités conventionnelles de retard sur cette somme à hauteur de 1 % par mois de retard, ainsi que les sommes de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts, de 2 500 euro et de 3 000 euro au titre des frais irrépétibles de première instance et en cause d'appel ;
Vu les conclusions du 3 juin 2008 par lesquelles la société Logat demande à la cour de confirmer le jugement, de condamner la société MCE à lui payer les sommes de 15 000 euro de dommages et intérêts et de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que, le 22 mai 2007, la société MCE, spécialisée dans la vente d'emplacements publicitaires sur des protège-annuaires plastifiés distribués gratuitement dans les boîtes à lettres, et la société Logat ont signé un bon de commande tenant lieu de facture, en vue de l'insertion d'une publicité de Logat sur le protège-annuaires de l'Essonne pour un montant de 8 455,72 euro ; que le bon de commande prévoyait la parution d'un double bandeau publicitaire sur 24 mois ; que cinq chèques, d'un montant de 1 691,14 euro chacun, ont été remis par Logat en règlement de la commande ; que, le 26 mai 2007, Logat, se prévalant de ce que son consentement avait été vicié, a renoncé à cette commande et a demandé la restitution des cinq chèques, puis a déposé une plainte pour escroquerie auprès du commissariat de police de Massy et a fait opposition pour perte au paiement des chèques ; que, le 11 juin 2007, MCE a mis en demeure Logat de lever les oppositions au paiement des chèques et, le 27 juin 2007, l'a assigné devant le Tribunal de commerce de Paris en main levée des oppositions et paiement de la somme de 8 455,72 euro ;
Considérant que Logat oppose la nullité du contrat d'une part pour erreur sur la chose, d'autre part pour indétermination de l'objet du contrat, enfin pour absence de cause et engagement de MCE sous une condition potestative ;
Considérant que l'intimée soutient tout d'abord qu'il y a eu erreur sur la chose par le recours à une publicité trompeuse accréditant l'idée que le produit devait être distribué par une filiale de La Poste ; qu'aux termes des articles 1109 et 1110 du Code civil, l'erreur ne rend un contrat annulable que si elle porte sur un élément substantiel de la chose et si elle a vicié le consentement ; que le contrat prévoit que la diffusion des protège-annuaires sera assurée par Médiaposte ("Diffusion gratuite Médiaposte" - entreprise dont il n'est pas contesté qu'il s'agit d'une filiale de La Poste) "ou", aux termes des conditions générales acceptées par Logat,"par un distributeur privé local" ; que ce point ne concerne que les conditions de la distribution du produit, et non la substance de la chose ; qu'au surplus, Logat ne démontre ni que le produit n'aurait finalement pas été distribué par Médiaposte, ni, à supposer que la distribution ait été assurée par un autre opérateur, que cet élément ait été déterminant pour l'expression du consentement ; que c'est à tort que Logat invoque la nullité du contrat à ce titre ;
Considérant par ailleurs sur l'indétermination de la chose, que la convention du 27 mai 2007 porte sur l'insertion d'un double bandeau publicitaire, pour une durée de vingt-quatre mois, sur le département "91", par tranches de mille exemplaires minimum ; que le contrat précise le délai d'exécution de la prestation (au maximum dans les 11 mois à compter de la signature de l'ordre d'insertion), la durée de la publicité (24 mois), la nature de l'insertion (double bandeau), le périmètre de diffusion (le département de l'Essonne) ; que la chose n'est donc ni indéterminée en son espèce, ni indéterminable dans sa quotité, fixée au minimum à mille exemplaires ; que l'intimée n'est, dans ces conditions, pas fondée à invoquer la nullité du contrat sur le fondement de l'article 1129 du Code civil ;
Considérant que Logat ne saurait davantage utilement invoquer la nullité du contrat au motif que son exécution aurait été soumise à une condition potestative dès lors que la convention ne subordonne sa mise en œuvre à aucune condition ; que les éléments dont l'intimée soutient qu'ils étaient laissés à la seule appréciation de MCE concernent les seules modalités d'exécution du contrat et ne constituent pas une condition de l'obligation elle-même ; qu'en conséquence, la cour infirmera le jugement et déboutera Logat de sa demande d'annulation du contrat ;
Sur les demandes de mainlevée de l'opposition au paiement des chèques et de paiement de la prestation
Considérant que l'article 131-35 du Code monétaire et financier limite l'opposition au paiement des chèques aux seuls cas de perte, vol, utilisation frauduleuse du chèque ou de procédure collective concernant le tireur ; que, l'opposition formée par Logat ne relevant d'aucun de ces cas, l'appelante est fondée à demander la mainlevée de l'opposition des chèques tirés sur la Banque populaire par Logat ;
Considérant que, l'intimée ne contestant pas que la convention ait été exécutée, MCE est fondée à demander le paiement de la somme de 8 455,72 euro avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 11 juin 2007 ; qu'elle l'est également à demander l'application de la pénalité de 1 % par mois de retard prévue par les conditions générales de la convention ;
Considérant, sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, que MCE ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui susceptible d'être réparé en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'elle sera déboutée de sa demande de ce chef;
Considérant qu'il est équitable de condamner Logat à payer à MCE la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; que Logat, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;
Par ces motifs : Infirme le jugement entrepris. Statuant à nouveau. Condamne l'EURL Logistique Air Transport à payer à la SARL Media Communication Europe la somme de 8 455,72 euro avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 11 juin 2007. Ordonne la mainlevée de l'opposition au paiement des chèques n° 0000026, 0000027, 0000028, 0000029 et 0000030 tirés sur la Banque populaire-Rives de Paris par l'EURL Logistique Air Transport. Déboute les parties du surplus de leurs conclusions respectives. Condamne l'EURL Logistique Air Transport à payer à la SARL Media Communication Europe la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne l'EURL Logistique Air Transport aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.