CA Aix-en-Provence, 2e ch., 12 février 2009, n° 07-05815
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Pharma Concept (SA)
Défendeur :
Intermed Exportation (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Simon
Conseillers :
MM. Fohlen, Jacquot
Avoués :
SCP de Saint Ferreol-Touboul, SCP Ermeneux-Champly-Levaique
La SA Pharma Concept a vendu à la SARL Intermed Exportation un certain nombre de flacons d'un produit phytothérapique appelé Viralgic FI, destiné à l'exportation, et notamment 13 000 faisant l'objet d'une facture en date du 2 janvier 2003 à hauteur de 117 000 euro net de TVA dont 30 000 euro ont été acquittés par la SARL Intermed Exportation, le solde devant l'être, le 28 février 2003.
Par jugement contradictoire en date du 28 février 2007, le Tribunal de commerce de Toulon, statuant sur opposition à une ordonnance portant injonction de payer, a débouté la SA Pharma Concept de sa demande en paiement de la somme de 87 000 euro représentant le solde sur la facture du 2 janvier 2003, après avoir prononcé la résolution de la vente et a condamné la SA Pharma Concept à payer à la SARL Intermed Exportation la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SA Pharma Concept a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret N° 98-1231 du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et moyens de la SA Pharma Concept dans ses conclusions en date du 30 juillet 2007 tendant à faire juger :
que la décision rendue, le 25 avril 2005, par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, (AFSSPAS) sur laquelle les premiers juges ont fondé leur décision de prononcer la résolution de la vente de produits Viralgic FI, a été annulée par un arrêt du Conseil d'État du 6 décembre 2006, Conseil d'État, ce qui impose la réformation du jugement privé de base légale,
que la demande en paiement du solde de la facture est parfaitement fondée, observation faite que la SARL Intermed Exportation n'a allégué que tardivement la circonstance que le produit ne pouvait être exporté et a d'abord invoqué son impossibilité de faire face à ses dettes ;
Vu les prétentions et moyens de la SARL Intermed Exportation dans ses conclusions en date du 11 juin 2008 tendant à faire juger :
que la portée de l'arrêt du Conseil d'État doit être appréciée en ce qu'il n'a pas annulé dans sa totalité la décision prise, le 25 avril 2005, par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et a maintenu la décision de suspension d'exporter le produit Viralgic FI,
qu'antérieurement à la vente litigieuse, la SA Pharma Concept avait déjà fait l'objet d'une mise en garde de la part de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé sur l'impossibilité de commercialiser le produit en vue de son exportation par la SARL Intermed Exportation,
que la nullité de la vente a justement été prononcée par les premiers juges pour dol ou pour erreur sur la substance de la chose vendue,
que le "parcours et la personnalité" de Monsieur Raveneau sont "édifiants" pour apprécier la "qualité" du Viralgic FI présenté abusivement comme un médicament ayant des propriétés antirétrovirale ;
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 15 décembre 2008.
Attendu que l'arrêt rendu, le 6 décembre 2006, par le Conseil d'État n'a annulé que partiellement la décision rendue le 25 avril 2005 par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, aux termes de laquelle cette Agence avait suspendu "la fabrication, l'exportation du médicament dénommé Viralgic commercialisé par la société Pharma Concept et distribué à l'exportation par la société Intermed jusqu'à sa mise en conformité au regard des dispositions de l'article L. 5121-8 du Code de la Santé Publique" ; que l'arrêt du Conseil d'État a, par une substitution de motifs, validé d'une part, - la décision de suspension de la fabrication en France du produit Viralgic en relevant qu'une telle suspension pouvait être prononcée dès lors que le Viralgic était fabriqué par un établissement qui n'était pas autorisé à cet effet et d'autre part, - la décision de suspension d'exportation du produit Viralgic en relevant qu'une telle suspension pouvait être prononcée dès lors que l'exportation avait été réalisée sans que la déclaration devant comporter "toutes indications pharmacologiques, toxicologiques et cliniques" permettant d'apprécier les risques liés à l'utilisation du produit selon l'article L. 5124-3 dernier alinéa du Code de la Santé Publique, n'avait pas été faite par la SA Pharma Concept; que l'arrêt du Conseil d'État s'est borné, ensuite, a annulé la décision prise en ce qu'elle fixait un terme à la mesure de suspension à savoir : l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché, en relevant que l'exportation du Viralgic ne nécessitait pas une telle autorisation et qu'un terme de cette nature ne pouvait donc être fixé par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé;
Attendu que la SA Pharma Concept avait fait l'objet, le 9 août 2001, d'une mise en garde de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé lui rappelant les conditions légales pour effectuer la mise sur le marché et la publicité d'un médicament et l'informant que le produit Viralgic FI ne pouvait être qualifié de médicament et que, "en l'absence d'une évaluation du rapport bénéfice/risque du Viralgic FI, sa promotion dans une indication thérapeutique majeure présentait un danger pour la santé publique" et qu'il était susceptible de faire l'objet d'une suspension en raison "des risques inhérents à son utilisation" ; que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé indiquait dans cette mise en garde faite à la SA Pharma Concept qu'elle envisageait, à défaut de mise en conformité réglementaire, une suspension de l'utilisation du Viralgic FI, avec une demande de "retrait en tout point où il se trouve sur le territoire français" ; que nonobstant cette mise en garde précise et sévère, la SA Pharma Concept n'a pas procédé à la mise en conformité du produit à la réglementation en vigueur et a vendu à la SARL Intermed Exportation en fin d'année 2002 (à partir du mois de septembre) des solutions buvables en flacon de Viralgic FI (bons de commandes du 10 septembre, du 1er octobre, du 16 octobre 2002 pour 5 000, 6 000 et 40 000 unités) ;
Attendu que la vente d'un produit présenté comme ayant une finalité thérapeutique, dont la diffusion au sens large et l'exportation n'étaient pas légalement possibles, doit être annulée pour erreur sur la substance au sens de l'article 1110 du Code civil ; que la SARL Intermed Exportation avait contracté en vue de la qualité substantielle qu'elle attachait au produit Viralgic FI et qui lui était promise par la SA Pharma Concept à savoir : un produit Viralgic FI susceptible d'être exporté, dont le flacon mentionnait antiviral spécifique des virus VIH 1 et VIH 2 ; que la SA Pharma Concept n'argumente pas sur le caractère éventuellement inexcusable de l'erreur commise par la SARL Intermed Exportation, société spécialisée dans l'exportation de "produits pharmaceutiques", quant à la "qualité" du produit Viralgic FI au regard de la réglementation en matière de médicament ;
Attendu que le jugement mérite confirmation pour les motifs exposés ci-dessus et ceux non contraires des premiers juges ;
Attendu que l'exercice de la voie de recours n'a pas dégénéré en abus dès lors qu'il n'a pas révélé de la part de la partie appelante une intention manifeste de nuire ou qu'il n'a pas procédé d'une erreur grossière équivalente au dol ; que la partie intimée sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts présentée à ce titre ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; que les parties seront déboutées de leur demande faite à ce titre ;
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'appel d'Aix en Provence à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, Reçoit l'appel de la SA Pharma Concept comme régulier en la forme. Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Condamne la SA Pharma Concept aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP d'Avoués associés Agnès Ermeneux-Champly & Laurence Levaique, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.