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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 10 mai 2012, n° 10-04016

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Havana Club International (Sté), Pernod (SA)

Défendeur :

1872 Holdings VOF (Sté), Etablissements Dugas (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Luc, Pomonti

Avocats :

Mes Grappotte-Benetreau, Fabregat, Robertson, Monin, Antoine-Lalance, Baechlin

T. com. Paris, du 19 févr. 2010

19 février 2010

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

La société Pernod SA a pour activité la fabrication et la commercialisation de toutes boissons, alcoolisées ou non et est une filiale de la société Pernod Ricard SA.

Elle est productrice de différentes marques, en particulier d'anisés (Pernod, Pastis 51), d'apéritifs et liqueurs (Suze, Ambassadeur) et le distributeur français de nombreuses marques détenues par d'autres sociétés du groupe Pernod Ricard auquel appartiennent les whiskies Ballantine's, Aberlour ou Paddy, le champagne Mumm ou encore le rhum Havana Club.

La société Pernod SA distribue en France depuis plus de dix ans, la gamme de spiritueux de marque Havana Club.

La société Havana Club International est une entreprise mixte fondée en novembre 1993 par les sociétés cubaines Corporacion Cuba Ron SA, Havana Rl'm et Liquors SA et la société Pernod Ricard SA, dans le but de développer internationalement la marque de rhum Havana Club en s'appuyant sur le réseau de distribution constitué par les filiales du groupe français à travers le monde.

La société 1872 Holdings VOF élabore et exporte des spiritueux sous la marque Matusalem.

La production des rhums a débuté sous l'égide de la famille Alvarez Camp en 1872 à Santiago de Cuba et a perduré jusqu'à la révolution cubaine.

L'ensemble des actifs liés à la production du rhum Matusalem, ainsi que la marque ont été nationalisés en 1960 par le gouvernement castriste.

A la fin des années 50, la famille Alvarez Camp a cessé toute production de rhum à Cuba et a émigré aux Bahamas où elle a progressivement créé de nouvelles distilleries et reconstruit une activité similaire, en reprenant la marque Matusalem.

La société 1872 Holdings VOF, a confié aux Etablissements Dugas la commercialisation sur le territoire français des rhums de marque Matusalem.

Selon les sociétés Pernod SA et Havana Club International les produits de la marque Matusalem sont faussement présentés comme ayant pour origine Cuba et élaborés selon une prétendue " formule originale de Cuba " et ce dans le seul but de capter une clientèle élargie en se plaçant dans le sillage de la société Havana Club International et de la société Pernod SA.

Les sociétés Havana Club International et Pernod SA considérant que ces agissements constituaient une pratique déloyale, contraire aux règles et usages loyaux du commerce, ont fait assigner la société Etablissements Dugas devant le Tribunal de commerce de Paris, par acte extra judiciaire en date du 20 juin 2006, aux fins de la voir condamner au paiement de dommages et intérêts en réparation de faits de publicité mensongère et de concurrence déloyale.

La société Etablissements Dugas, en sa qualité de distributeur des rhums Matusalem en France a fait assigner en intervention forcée la société 1872 Holdings VOF, par acte extra judiciaire en date du 9 janvier 2007, aux fins de la voir condamner à la garantir de l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Par jugement rendu le 19 février 2010, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté les sociétés Pernod SA et Havana Club International de l'intégralité de leurs demandes,

- interdit à la société Pernod SA et à la société Havana Club International de faire figurer sous quelque forme que ce soit, la mention " fundada en 1878 " et toute référence implicite ou explicite à l'ancienne maison Havana Club, sur l'ensemble de leurs conditionnements et supports publicitaires, y compris leurs sites Internet, et ce sous astreinte de 100 euro par infraction constatée passé un délai de trente jours à compter de la signification du jugement,

- condamné les sociétés Pernod SA et Havana Club International à payer, solidairement, à la société Etablissements Dugas et à la société 1872 Holdings VOF la somme de 10 000 euro chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires.

Vu l'appel interjeté le 24 février 2010 par les sociétés Pernod SA et Havana Club International.

Vu les dernières conclusions signifiées le 29 février 2012 par lesquelles les sociétés Pernod SA et Havana Club International demandent à la cour :

- de les déclarer recevables et bien fondées en leur appel,

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour concurrence déloyale et procédure abusive des sociétés Etablissements Dugas et 1872 Holdings VOF sur le fondement de la concurrence déloyale,

- de dire et juger que le tribunal de commerce n'avait pas le pouvoir juridictionnel de juger la demande reconventionnelle formée par la société 1872 Holdings VOF tendant à voir interdire l'usage, sur les étiquettes des bouteilles de rhum Matusalem, de la mention " fundada en 1878 " déposée à titre de marque,

- très subsidiairement, de prendre acte que la société 1872 Holdings VOF ne sollicite pas l'interdiction, pour les sociétés Pernod SA et Havana Club International, d'exploiter les marques n° 1235340, n° 3824505, n° 3824513, n° 3824539, n° 3824562 comprenant toutes la mention " fundada en 1878 " et que ces marques pourront donc continuer à être paisiblement et librement exploitées par elle,

- de juger que la mention " fundada en 1878 " apposée que les étiquettes des bouteilles Havana Club n'est pas trompeuse,

- de juger que les pratiques commerciales des sociétés Etablissements Dugas et 1872 Holdings VOF sont trompeuses,

- de juger que les sociétés Etablissements Dugas et 1872 Holdings VOF ont porté atteinte à l'indication d'origine Cuba,

- de juger que ces actes se traduisent en des actes de concurrence déloyale au préjudice des sociétés Pernod SA et Havana Club International,

En conséquence :

- d'accueillir les sociétés Pernod SA et Havana Club International en leur fin de non recevoir,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que les pratiques commerciales des sociétés Etablissements Dugas et 1872 Holdings VOF n'étaient pas trompeuses,

- de faire interdiction aux sociétés Etablissements Dugas et 1872 Holding VOF d'apposer, directement ou indirectement, les mentions " Cuban Tradition " ou " Cuba Style " ou toute mention similaire, sur les conditionnements, étiquettes, plaquettes de présentation et tout document commercial ou publicitaire, y compris sur des sites Internet, se rapportant aux produits Matusalem, sous astreinte de 1 500 euro par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

- de faire interdiction aux sociétés Etablissements Dugas et 1872 Holding VOF d'apposer, directement ou indirectement, la mention " Santiago de Cuba " sur les fonds des bouteilles Matusalem sous astreinte de 1 500 euro par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

- de faire interdiction aux sociétés Etablissements Dugas et 1872 Holding VOF d'apposer, directement ou indirectement, tout sceau ou vignette susceptible de prêter à confusion avec le sceau de garantie de la République de Cuba, sur les conditionnements, étiquettes, plaquettes de présentation et tout document commercial ou publicitaire, y compris sur des sites Internet, se rapportant aux produits Matusalem, sous astreinte de 1 500 euro par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

- de faire interdiction aux sociétés Etablissements Dugas et 1872 Holding VOF d'apposer, directement ou indirectement, les mentions " original Cuba formula " ou " formula original de Cuba " ou toute mention similaire, sur les conditionnements, étiquettes, plaquettes de présentation et tout document commercial ou publicitaire, y compris sur des sites Internet, se rapportant aux produits Matusalem, sous astreinte de 1 500 euro par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

- de faire interdiction aux sociétés Etablissements Dugas et 1872 Holding VOF d'apposer, directement ou indirectement, la mention " Spirit of Cuba ",sur les conditionnements (y compris sur la bouteille en verre), étiquettes, plaquettes de présentation et tout document commercial ou publicitaire, y compris sur des sites Internet, se rapportant aux produits Matusalem, sous astreinte de 1 500 euro par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

- de faire interdiction aux sociétés Etablissements Dugas et 1872 Holding VOF d'apposer, directement ou indirectement, toute mention à l'indication géographique Cuba, sur les conditionnements (y compris sur la bouteille en verre), étiquettes, plaquettes de présentation et tout document commercial ou publicitaire, y compris sur des sites Internet, se rapportant aux produits Matusalem, sauf si cette mention s'inscrit dans un texte rappelant l'histoire de la fondation du rhum Matusalem en 1872 à Santiago de Cuba, sous astreinte de 1 500 euro par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

- à titre subsidiaire, si la fin de non recevoir était rejetée par la cour, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que les pratiques commerciales des sociétés Pernod SA et Havana Club International étaient trompeuses,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que les sociétés Pernod SA et Havana Club International n'ont commis aucun acte de concurrence déloyale et que les sociétés Etablissement Dugas et 1872 Holdings VOF n'ont subi aucun préjudice,

- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, en totalité ou par extrait, dans cinq périodiques (spécialisés ou généralistes) ou sur tout site Internet au choix des sociétés Pernod SA et Havana Club International dans la limite de 5 000 euro HT par publication et étant précisé que les sociétés Pernod SA et Havana Club International pourront avancer ces sommes en cas de besoin,

- d'ordonner, pendant un délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir, la publication, en français et/ou anglais, par extraits du jugement sur la page d'accueil du site Internet http://www.matusalem.com/ de la société 1872 Holdings VOF, de telle sorte que cette publication occupe un espace au moins égal au quart de cette page web et ce, au besoin à titre de dommages et intérêts complémentaires,

- de condamner solidairement les sociétés Etablissements Dugas et 1872 Holdings VOF à verser aux sociétés Pernod SA et Havana Club International la somme de 15 000 euro en réparation du préjudice qu'elles ont subi,

- de condamner solidairement les sociétés Etablissements Dugas et 1872 Holdings VOF à verser aux sociétés Pernod SA et Havana Club International la somme de 150.000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, en ce compris les honoraires d'avocats et les frais de constat de Maître Robert et Maître Crussard, huissiers de justice à Paris, les frais liés aux sondages Ipsos et Ifop et aux traductions.

Les sociétés Pernod SA et Havana Club International estiment avoir incontestablement démontré :

- qu'il existe bien une continuité entre le rhum Havana Club de la famille Arechabala tel qu'il a été produit et vendu jusqu'à la nationalisation de la distillerie Arechabala et celui élaboré et commercialisé par ses soins,

- que la mention " fundada en 1878 " apposée sur les étiquettes des bouteilles de rhum est parfaitement légitime et ne saurait dans ces conditions constituer une pratique déloyale trompeuse,

- que l'indication du pays, où le rhum est élaboré est indiscutablement une qualité essentielle du produit et déterminante de l'acte d'achat,

- que la multiplication de mentions incluant le mot " Cuba " sur les différents supports de communication liés au rhum Matusalem (étiquettes de bouteilles, site Internet), alors que ce rhum provient de la République Dominicaine, est de nature à induire le consommateur en erreur sur l'origine du produit, c'est à dire qu'elle est susceptible de l'influencer dans son achat,

- que les nombreuses erreurs réalisées par les professionnels du secteur, comme le caviste Nicolas, qui ont attribué une origine cubaine au rhum Matusalem démontrent que la confusion est avérée, malgré la présence concomitante, sur les étiquettes des bouteilles Matusalem, de la mention " produit de République Dominicaine ".

Vu les dernières conclusions signifiées le 16 février 2012 par lesquelles la société 1872 Holdings VOF demande à la cour :

- de dire et juger la société 1872 Holdings VOF recevable et fondée en ses conclusions, fins et moyens,

Y faisant droit,

- d'annuler le procès-verbal de constat dressé les 2 et 14 juin 2010 et l'écarter des débats.

- de dire et juger les sociétés Pernod SA et Havana Club International irrecevables en leurs demandes relatives à l'indication géographique " Cuba ",

- de dire et juger les sociétés Pernod SA et Havana Club International irrecevables en leurs demandes relatives aux mentions " Cuban style " et " Cuban Tradition " et à la " carte géographique de Cuba ",

- de dire et juger les sociétés Pernod SA et Havana Club International irrecevables en leurs demandes relatives aux produits Solera 7, Platino et Gran Reserva 23 ans,

- de dire et juger les sociétés Pernod SA et Havana Club International irrecevables en leurs demandes relatives à l'indication géographique " Cuba ",

- de dire et juger les sociétés Pernod SA et Havana Club International mal fondées en leur appel à toutes fins qu'il comporte,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés Pernod SA et Havana Club International de l'intégralité de leurs demandes à toutes fins qu'elles comportent,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les sociétés Pernod SA et Havana Club International trompent le consommateur en faisant apparaître la mention " fundada en 1878 " sur les conditionnements et dans leurs publicités,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a interdit en conséquence aux sociétés Pernod SA et Havana Club International de faire figurer, sous quelque forme que ce soit, la mention " fundada en 1878 " et toute référence implicite ou explicite à l'ancienne maison Havana Club, sur l'ensemble de leurs conditionnements et supports publicitaires, y compris leurs sites Internet, et ce sous astreinte de 100 euro par infraction constatée passé un délai de trente jours à compter de la signification du jugement à intervenir,

- d'infirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau :

- de dire et juger que les sociétés Pernod SA et Havana Club International se rendent coupables d'actes de publicité mensongère et de concurrence déloyale au préjudice de la société 1872 Holdings VOF,

- de dire et juger la procédure diligentée par les sociétés Pernod SA et Havana Club International abusive,

- de condamner in solidum les sociétés Pernod SA et Havana Club International à payer à la société 1872 Holdings VOF la somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues,

- de condamner in solidum les sociétés Pernod SA et Havana Club International à payer à la société 1872 Holdings VOF la somme de 150.000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société 1872 Holdings VOF soutient que les sociétés Pernod SA et Havana Club International sont des sociétés qui utilisent la mention " fundada en 1878 " sur leur rhum Havana Club alors que la société Pernod SA n'est pas cubaine et que ni l'une ni l'autre n'a le moindre lien avec les propriétaires et fabricants d'origine du Rhum Havana Club à Cuba.

Elle affirme que la revendication des appelantes sur la marque Havana Club ne remonte pas avant 1994, date à laquelle la société Pernod SA est entrée en relation commerciale avec le gouvernement cubain.

En outre, selon elle, il a été établi à cette époque, que le rhum Havana Club était fabriqué avec des quantités infimes d'alcool cubain et provenait davantage de Panama, de telle façon que ce n'était pas un rhum " cubain " .

Enfin, elle précise que la recette utilisée par les appelantes n'est pas celle du rhum Havana Club établie en 1878 et poursuivie à Cuba jusqu'à ce que le gouvernement cubain exproprie par la force les fabricants de rhum.

La société 1872 Holdings VOF fait valoir que le rhum Matusalem est toujours produit suivant la recette qui était déjà utilisée à Cuba par la même famille qui détenait la marque et la fabrique à Cuba, marque et fabrique indûment accaparées par la force par le gouvernement cubain.

Elle ajoute que Ron Matusalem indique clairement que son rhum provient de République Dominicaine et prend soin d'expliquer sur ses étiquettes, emballages, sites web, la nature exacte de ses liens avec Cuba et de ses racines cubaines qui font son histoire

En toute hypothèse, elle observe que l'origine du rhum Matusalem est clairement exprimée et toutes les indications sur la date et le lieu de fondation de l'entreprise sont authentiques, comme il est vrai que le rhum Matusalem est fabriqué aujourd'hui par l'entreprise qui le fabriquait déjà à Cuba en 1872.

Vu les dernières conclusions signifiées le 14 septembre 2011 par lesquelles la société Etablissements Dugas demande à la cour :

- A titre principal de dire et juger irrecevables les demandes nouvelles formulées par les sociétés Pernod SA et Havana Club International s'agissant des conditionnements suivants : bouteilles de rhum Matusalem Platino, coffret découverte 5 olfacteurs et la bouteille de rhum Matusalem Gran Reserva 23,

- En toute hypothèse, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- de dire et juger mal fondées les demandes des sociétés Pernod SA et Havana Club International,

- de constater la carence des sociétés Pernod SA et Havana Club International dans l'administration de la preuve,

- de constater qu'aucune faute imputable aux Etablissements Dugas et susceptible d'engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civile n'a été commise,

- de constater qu'aucune pratique commerciale trompeuse n'a été commise par les Etablissements Dugas,

- de constater qu'aucune atteinte à une indication géographique cubaine n'a été commise par les Etablissements Dugas,

- de constater qu'aucun acte de concurrence déloyale n'a été commis par les Etablissements Dugas,

En conséquence :

- de débouter les sociétés Pernod SA et Havana Club International de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour devait considérer que des actes de pratiques commerciales trompeuses seraient démontrées par les appelantes

- de constater en tout état de cause, que les sociétés Pernod Sa et Havana Club International ne justifient ni du principe, ni du chiffrage de leur prétendu préjudice,

- en conséquence, de débouter les sociétés Pernod Sa et Havana Club International de l'intégralité de leurs demandes,

- A titre encore plus subsidiaire, de constater que les faits reprochés aux Etablissements Dugas ne lui sont aucunement imputables,

- en conséquence, dire et juger que la société 1872 Holding VOF doit garantir les Etablissements Dugas de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, au bénéfice des appelants en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais, dépens et article 700 du Code de procédure civile,

- En toute hypothèse, de condamner les sociétés Pernod SA et Havana Club International à payer chacune et solidairement, aux Etalissements Dugas la somme de 40 000 euro, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,

- de condamner les sociétés Pernod SA et Havana Club International à payer, chacune et solidairement, aux Etablissements Dugas la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Etablissements Dugas estime que les nouvelles pièces produites en cause d'appel par les sociétés Pernod SA et Havana Club International portant sur les conditionnements Matusalem Platino, le coffret découverte 5 olfacteurs et la bouteille Matusalem Gran Reserva 23 doivent être rejétées.

Elle affirme qu'elle n'a commis aucune faute car les bouteilles incriminées ne constituent pas de fausses présentations et indications visant Cuba, n'ont aucunement pour objet de tromper le consommateur sur l'origine du produit, ne constituent pas des pratiques commerciales trompeuses et ne portent pas non plus atteinte à une indication géographique cubaine qui serait protégée et valable en France.

Elle ajoute qu'en toute hypothèse, aucune concurrence déloyale ne découle des demandes des appelantes, lesquelles sont dans l'incapacité totale de démontrer un quelconque préjudice.

Elle soutient enfin, qu'en tout état de cause, même si la commercialisation desdites bouteilles devait être considérée comme constitutive de pratiques commerciales trompeuses, les Etablissements Dugas, qui n'ont aucune mainmise quant au processus d'étiquetage et de conditionnement des dites bouteilles, ne sauraient en être tenus pour responsables car agissant en qualité de simple distributeur, de sorte que la société 1872 Holdings VOF devra la garantir des éventuelles condamnations prononcées à leur encontre.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur la demande de rejet des conclusions signifiées le 29 février 2012 par les sociétés Pernod et Havana Club International :

Par mémoire signifié le 7 mars 2012, la société 1872 Holdings VOF reproche aux sociétés Pernod et Havana Club International d'avoir signifié des conclusions et communiqué de nouvelles pièces la veille de la clôture et à huit jours des plaidoiries, portant ainsi atteinte aux droits de la défense et au principe de l'égalité des armes et violant le principe de la contradiction.

Par mémoire signifié le 8 mars 2012, les sociétés Pernod et Havana Club International se sont opposées à cette demande.

Les dernières conclusions des sociétés Pernod et Havana Club International ont été effectivement déposées le 29 février 2012 alors que la clôture a été prononcée le 1er mars 2012 et que la date des plaidoiries était fixée au 8 mars 2012.

Cependant, il y a lieu d'observer que ces conclusions ne sont que la réponse aux conclusions de la société 1872 Holdings VOF signifiées le 16 février 2012, elles-mêmes répondant à des conclusions des appelantes du 27 décembre 2011, et que les sociétés Pernod et Havana Club International n'ont en conséquence méconnu ni le principe du contradictoire, ni la loyauté des débats.

Il ne peut pas plus être reproché aux appelantes un comportement dilatoire dans le déroulement des échanges d'écriture entre les parties.

Enfin, le fait que la société 1872 Holdings VOF soit de langue anglaise n'est pas de nature à modifier l'appréhension du principe du contradictoire, la société Havana Club International partageant cet élément d'extranéité, les deux sociétés devant donc procéder de la même manière à la traduction de l'ensemble des documents produits.

Il n'y a donc pas lieu à rejet des conclusions signifiées le 29 février 2012 par les sociétés Pernod et Havana Club International.

Par contre, les pièces communiquées à la même date auraient pu l'être bien plus tôt, de sorte qu'elles ne respectent effectivement pas le principe du contradictoire.

Il convient donc d'écarter des débats les pièces n° 20-5, 26-6, 47 bis n° 18, 54 bis-4, 5, 6 et 7, 54 ter, 56 bis, 72 bis, 87 à 93.

- Sur la demande d'annulation du procès-verbal de constat dressé les 2 et 14 juin 2010:

La société 1872 Holdings VOF demande l'annulation du procès-verbal de constat dressé les 2 et 14 juin 2010 et à ce qu'il soit écarté des débats au motif que l'huissier de justice aurait outrepassé les limites d'un simple constat d'achat et aurait procédé à l'achat des bouteilles par l'intermédiaire d'un prête-nom avant d'en effectuer une description détaillée et orientée, se livrant ainsi à un certain nombre d'opérations dépassant le cadre de simples constatations matérielles et qui s'apparentent à de véritables investigations non autorisées.

Cependant, il apparaît à la lecture du procès verbal litigieux que l'huissier instrumentaire a constaté l'achat des produits en cause par un tiers sur Internet, comme il l'aurait fait à l'issue d'un achat effectué dans un magasin.

Il n'a procédé qu'à une description du processus d'achat sur Internet, puis à la réception des produits achetés en son étude suivie de la description du contenu de la livraison avec réalisation de photographies et de captures d'écran, reproduites dans le procès verbal.

Il s'agit donc bien de simples constatations matérielles et non d'investigations non autorisées, de sorte que le procès-verbal de constat dressé les 2 et 14 juin 2010 est parfaitement valable et constitue un élément de preuve de l'aspect des conditionnements en cause et des mentions y figurant.

Le fait que les bouteilles de rhum ayant fait l'objet de ces constatations aient été volées en l'étude d'huissier dans la nuit du 31 juillet au 1er août 2010 est sans emport, dès lors que les photographies et captures d'écran des conditionnements ont été reproduites dans le procès-verbal et permettent d'en prendre connaissance sans difficulté.

Il convient donc de rejeter la demande présentée par la société 1872 Holdings VOF tendant à l'annulation du procès-verbal de constat dressé les 2 et 14 juin 2010, qui n'a pas à être écarté des débats.

- Sur la recevabilité des demandes formées par les sociétés Pernod et Havana Club International qui sont considérées par les sociétés 1872 Holdings VOF et Etablissements Dugas comme des demandes nouvelles :

La société 1872 Holdings VOF et la société Etablissements Dugas reprochent aux sociétés Pernod et Havana Club International de demander à la cour de statuer sur des faits et pièces dont le tribunal n'a pas connu et sur lesquels il n'a pas pu se prononcer de sorte qu'il s'agirait de demandes nouvelles, irrecevables en appel.

Elles considèrent que la demande tendant à ce qu'il soit "jugé que les Etablissements Dugas et 1872 Holdings ont porté atteinte à l'indication d'origine Cuba" et, qu'il leur soit fait "interdiction d'apposer, directement ou indirectement, toute mention relative à l'indication géographique Cuba sur les conditionnements (y compris sur la bouteille en verre), étiquettes, plaquettes de présentation, et tout documents commercial ou publicitaire y compris sur des sites Internet, se rapportant aux produits Matusalem, sauf si cette mention s'inscrit dans un texte rappelant l'histoire de la fondation du rhum Matusalem en 1872 à Santiago de Cuba..." est une demande nouvelle en appel qui est donc irrecevable.

Selon les intimées, la société étatique cubaine Cuba Ron SA, principale actionnaire de l'une des appelantes, aurait demandé et obtenu postérieurement au jugement du 19 février 2010 au Bureau cubain de la propriété intellectuelle l'enregistrement de l'indication géographique Cuba pour des rhums. Elles reprochent aux appelantes de s'en prévaloir devant la cour, ce qui constituerait une demande nouvelle.

Il résulte cependant des pièces 37 et 37 bis produites par les appelantes que cette demande a été faite le 27 mars 2009, soit bien avant l'intervention du jugement du 19 février 2010, même si l'enregistrement n'a effectivement été obtenu que le 2 avril 2010, soit juste après le prononcé du jugement. Il en ressort que les intimées font une présentation inexacte de la situation.

Quoiqu'il en soit, devant le tribunal de commerce, les sociétés Pernod et Havana Club International demandaient déjà qu'il soit "ordonné aux Etablissements Dugas et 1872 Holdings VOF de cesser, directement ou indirectement, toute commercialisation et distribution des rhums de marque Matusalem comportant toute référence à Cuba, à une origine cubaine ou toutes mentions susceptibles de l'évoquer..." et de "cesser sans délai, directement ou indirectement toute diffusion publicitaire et toute distribution de documents publicitaires, toute insertion publicitaire sur tous réseaux de communication et sites Internet, relatives aux rhum de marque Matusalem portant mention de la dénomination Cuba ou d'une origine de Cuba ou toute mention susceptible de l'évoquer..."

Les demandes en cause ne sont donc pas des demandes nouvelles au sens de l'article 564 du Code de procédure civile et ce d'autant plus que l'article 565 du même Code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, ce qui est manifestement le cas, même si leur fondement juridique est différent.

Au demeurant, les demandes des sociétés Pernod et Havana Club International ne sont pas formées, comme voudraient le soutenir les intimées, sur "l'atteinte à un droit exclusif tout comme l'action en contrefaçon", mais le sont toujours sur le fondement, à la fois de pratiques commerciales trompeuses au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation et de l'article 1382 du Code civil au titre de la concurrence déloyale, comme en première instance.

La société 1872 Holdings VOF et la société Etablissements Dugas font également valoir que les sociétés Pernod et Havana Club International incriminent de nouveaux conditionnements ou de nouvelles mentions non soumises aux premiers juges.

S'agissant des nouveaux conditionnements, la société 1872 Holdings VOF vise Solera 7, Platino et Gran Reserva 23 et la société Etablissements Dugas vise Platino, Gran Reserva 23 et le coffret découverte 5 olfacteurs.

En réalité, en appel comme en première instance, les demandes des sociétés Pernod et Havana Club International concernent tous les rhums, tous les conditionnements, d'une manière générale tous les produits de marque Matusalem.

En conséquence, le fait que dans les motifs de leurs conclusions, les appelantes puissent analyser des produits qui ne l'étaient pas en première instance, est sans incidence dans le cadre d'une procédure en concurrence déloyale qui ne se confond pas avec une instance en contrefaçon.

Les intimées estiment que les appelantes demandent en appel l'interdiction d'apposition des mentions "Cuban Style" et "Cuban Tradition" et de la "carte géographique de Cuba", interdictions qui n'étaient pas sollicitées en première instance.

Devant le tribunal de commerce, les sociétés Pernod et Havana Club International demandaient qu'il soit fait 'interdiction aux Etablissements Dugas et 1872 Holdings VOF d'apposer, directement ou indirectement, par toute entité interposée ou filiale, tout usage, de quelque manière qu'il soit, les mentions "Original Cuba Formula" ou "Formula Originale de Cuba" ou toute mention similaire comportant référence à Cuba, sur les conditionnements, étiquettes, plaquettes de présentation et tout document commercial et publicitaire se rapportant aux produits Matusalem....'

Cette demande ne concernait donc pas seulement les deux mentions expressément visées mais également toute mention qui pourrait faire référence à Cuba et donc créer une confusion dans l'esprit du consommateur quant à l'origine du produit.

En conséquence, la demande d'interdiction d'apposition des mentions "Cuban Style" et "Cuban Tradition" et de la "carte géographique de Cuba" entre incontestablement dans le cadre de celle qui était formulée en première instance et ne constitue pas une demande nouvelle.

Surabondamment, ces prétentions tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges et ne sont donc pas nouvelles en application des dispositions de l'article 565 du Code de procédure civile.

Enfin, les sociétés 1872 Holdings VOF et Etablissements Dugas reprochent aux sociétés Pernod et Havana Club International de communiquer de nouvelles pièces pour donner un nouvel éclairage au dossier.

Cependant, l'article 563 du Code de procédure civile dispose que "pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves".

Dès lors, les nouvelles pièces produites en appel sont parfaitement recevables, les intimées confondant manifestement recevabilité et valeur probante, cette dernière devant être étudiée dans le cadre de l'examen au fond des demandes des appelantes.

- Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du Tribunal de commerce de Paris pour statuer sur la demande reconventionnelle formée en première instance par la société 1872 Holdings VOF :

Les sociétés Pernod et Havana Club International soutiennent que le Tribunal de commerce de Paris n'aurait pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur la demande de la société 1872 Holdings VOF tendant à voir interdire l'usage, sur les étiquettes des bouteilles de rhum Havana Club, la mention "Fundada en 1878" déposée à titre de marque.

Elles considèrent en effet que cette demande reconventionnelle aboutirait, s'il y était fait droit, à leur interdire de faire usage d'un certain nombre de marques de sorte qu'elle relèverait de la compétence exclusive du tribunal de grande instance, ce défaut de pouvoir juridictionnel constituant une fin de non-recevoir pouvant être invoquée en tout état de cause, notamment pour la première fois devant la cour.

Cependant, si l'article L. 716-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose que les actions civiles et les demandes relatives aux marques sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance, y compris lorsqu'elles portent à la fois sur une question de marques et sur une question connexe de concurrence déloyale, le tribunal de commerce n'a jamais été saisi d'une demande relative à une question de marque, même de manière indirecte.

La société 1872 Holdings VOF a en effet critiqué l'apposition de la mention littéraire "Fundada en 1878" sur différents supports publicitaires et conditionnements, estimant qu'il s'agissait d'une concurrence déloyale dans la mesure où une telle mention était de nature à tromper le consommateur sur l'existence d'un rapport entre le rhum Havana Club commercialisé depuis 1994 et celui du même nom distillé en 1878 à Cuba.

En outre, les appelantes ne peuvent arguer de ce que la mention "Fundada en 1878" et les étiquettes des produits Havana Club qui comprennent cette mention seraient déposées à titre de marques françaises et communautaires par la société de droit luxembourgeois Havana Club Holding, non partie à la procédure, dont la société Havana Club International ne démontre pas qu'elle est la licenciée.

En conséquence, la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Paris pour statuer sur la demande reconventionnelle formée en première instance par la société 1872 Holdings VOF doit être rejetée.

- Sur les demandes des sociétés Pernod et Havana Club International dirigées contre les sociétés 1872 Holdings VOF et Etablissements Dugas :

Selon les sociétés Pernod et Havana Club International, les sociétés 1872 Holdings VOF et Etablissements Dugas se rendent coupables de concurrence déloyale à leur encontre en raison des références "Cuba" qu'elles multiplient sur les conditionnements de rhum Matusalem et au sein de leurs sites, occultant ainsi l'origine dominicaine de leur rhum.

Elles leur reprochent des pratiques commerciales trompeuses au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation et de s'arroger un avantage concurrentiel indu constituant une concurrence déloyale engageant la responsabilité de ses auteurs sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

Les sociétés Pernod et Havana Club International considèrent tout d'abord que les sociétés 1872 Holdings VOF et Etablissements Dugas ont adopté une communication insidieuse qui, sans affirmer explicitement que le rhum Matusalem provient de Cuba, multiplient indûment les références à Cuba sur leurs sites Internet, de manière à créer un univers incontestablement cubain autour dudit rhum.

Elles estiment que, de la même manière, il existe sur l'ensemble des bouteilles et conditionnements de la marque Matusalem commercialisée par la société 1872 Holdings VOF et distribuée par la société Etablissements Dugas des références trompeuses à Cuba de nature en induire le public en erreur sur l'origine du rhum, alors que la provenance du produit est un critère déterminant du comportement du consommateur.

Elles ajoutent que l'indication géographique "Cuba" est protégée à Cuba et au niveau international, y compris en France, et que les intimées ont porté atteinte à cette indication géographique.

Selon les intimées, l'importance du terroir cubain de même que la spécificité du rhum cubain ne sont pas démontrées. C'est essentiellement le savoir-faire utilisé pour sa fabrication qui détermine le goût du rhum.

Elles contestent l'existence de pratiques commerciales trompeuses, tant pour les mentions incriminées sur Internet, que pour l'étiquetage des rhums Matusalem vendus en France. Elles ajoutent l'absence d'indications de nature à altérer le comportement économique du consommateur.

Elles insistent également sur le mal fondé des demandes au titre de l'indication géographique "Cuba", aucun des textes internationaux invoqués n'étant applicable au présent litige.

L'article L. 120-1 du Code de la consommation édicte que les pratiques commerciales déloyales sont interdites et que constituent en particulier de telles pratiques, les pratiques commerciales trompeuses définies à l'article L. 121-1 du même Code, ces deux articles étant issus de la transposition de la directive 2005-29-CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur.

L'appréciation du caractère trompeur d'une pratique doit se faire au regard de la perception globale que peut avoir d'une publicité ou d'une présentation un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, l'amenant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.

La question est de savoir si la présence de mentions incluant le mot "Cuba" sur les différents supports de communication liés au rhum Matusalem, alors que ce rhum provient de la République Dominicaine, est de nature à induire le consommateur en erreur sur l'origine du produit et donc d'influencer son achat.

Il résulte des procès-verbaux de constat des 2 juin 2010 et 15 avril 2011 que le site de la société 1872 Holdings VOF www.matusalem.com est celui auquel on accède immédiatement à partir du moteur de recherche Google.

Des références à Cuba sont présentes sur toutes les pages du site, notamment au travers des mentions "The Spirit of Cuba", "Santiago de Cuba", "Our Spirit of Cuba" ou "Cuba", et ceci dans diverses polices de caractère, couleurs et tailles remarquables.

A l'inverse, si la mention de la fabrication du produit en République Dominicaine existe, elle figure en bas de page, à un endroit où l'attention du consommateur n'est pas attirée, de surcroît dans une police de caractère particulièrement petite.

La société 1872 Holdings VOF soutient qu'en tout état de cause la mention "Spirit of Cuba" ne figurerait pas sur les conditionnements du rhum Matusalem vendu en France, ce qui est totalement faux, comme cela sera étudié ci-après dans le cadre de l'analyse des différentes bouteilles de rhum.

Ce site est le principal moyen pour la société 1872 Holdings VOF de communiquer, tant avec les consommateurs, qu'avec les professionnels de la vente de rhum puisque, comme elle le soutient elle-même dans ses conclusions (p. 36), "elle ne diffuse en France aucun catalogue, PLV ou autres documents promotionnels et ne réalise aucune publicité institutionnelle".

Par ailleurs, la société 1872 Holdings VOF ne saurait sérieusement soutenir qu'il s'agirait d'un site global, non destiné au public français, alors qu'il s'agit de son unique site Internet, qu'il propose la France comme pays d'origine de l'internaute, que la France fait partie des neuf pays présélectionnés et qu'il s'agit d'un site en ".com" qui n'est pas rattaché à un public déterminé.

S'agissant de la société Etablissements Dugas, elle disposait d'un site www.firstspirits.com qui, dans la rubrique relative au rhum, n'hésitait pas à affirmer "A Cuba, Matusalem vieillit ses rhums selon la méthode des soleras venus d'Espagne, qui lui assure un bouquet unique" (capture d'écran du 16 juillet 2003, pièce n° 7 et 7 bis des appelantes).

Ce site a été fermé suite à l'introduction de la procédure et la société Etablissements Dugas a procédé à l'ouverture d'un nouveau site www.dugas.fr qui ne présente plus de mentions telles que celle reproduite ci-dessus, affirmant purement et simplement la provenance cubaine du rhum Matusalem, mais présente la maison Matusalem comme la gardienne d'un "esprit cubain", ce qui n'est pas critiquable.

S'agissant des conditionnements des produits Matusalem, force est de constater que l'ensemble des produits de la gamme est revêtu d'une ou plusieurs des mentions litigieuses.

Les mentions incriminées sont "Cuban Style" et "Cuban Tradition" dans le cadre des communications des sociétés intimées, la carte géographique de Cuba sur les étiquettes des bouteilles Solera, Gran Reserva et Clasico, la mention "Est. Cuba 1872" gravée sur le verre de la face avant des bouteilles Clasico et Platino et de la face arrière de la bouteille Solera et apposée sur les étiquettes de toutes les bouteilles, la mention "Spirit of Cuba" gravée sur le verre de la face avant de la bouteille Platino, l'indication "Santiago de Cuba" gravée sur le fond des bouteilles Gran Reserva 15 ans et Solera, les mentions "Matanzas, Cuba" et "La Habana, Cuba" sur le bas des étiquettes des bouteilles Solera et Gran Reserva, la mention "Formula original de Cuba" et "Original Cuba Formula" apposée sur les étiquettes des bouteilles Gran Reserva, Clasico et Platino et la présence d'un "sceau" sur la bouteille Solera évoquant le sceau de garantie cubain.

Les mentions "Cuban Style" et "Cuban Tradition" ne figurent, ni sur les sites Internet des intimées, ni sur les étiquettes et conditionnements du rhum Matusalem.

A l'exception de ces deux mentions, l'examen des conditionnements versés en original, en annexes aux procès-verbaux de constat des 7 mars 2008, 2 et 14 juin 2010 et 8 mars 2011 (pièces n° 9, 9 bis et 9 ter des appelantes) fait effectivement apparaître ces différentes mentions incluant le terme "Cuba" ou suggérant la provenance cubaine (carte géographique, sceau) :

- la bouteille Matusalem Gran Reserva 15 ans :

* il y a sept références très apparentes à Cuba sur la bouteille, dont quatre sur la face avant, alors qu'il n'y a que deux mentions en petits caractères relatives à la provenance de République Dominicaine;

* il faut relever que sur les sites Internet proposant à la vente ce rhum, seule la face avant de la bouteille est reproduite;

* si, comme le relève les intimées, le rhum Gran Reserva 15 ans est mis en vente dans un emballage cartonné sur lequel figure de manière apparente la mention "Product Of Dominican Republic", il n'est pas d'usage de présenter à la vente les bouteilles dans leur emballage carton, la bouteille n'étant insérée par le caviste dans son emballage qu'après la vente; en outre, certains de ces emballages sont revêtus de la mention "Spirit of Cuba".

- la bouteille Clasico 10 ans :

* il y a cinq références à Cuba sur la bouteille qui sont mises en avant par leur insertion dans un bandeau rouge ou par un effet de gravure alors qu'il n'y a que deux mentions minorées indiquant la provenance dominicaine;

- la bouteille Matusalem Platino :

* la bouteille qui aurait été achetée le 4 juin 2010 dans la boutique spécialisée Christian de Montaguère ne peut servir de référence faute de l'avoir été dans le cadre d'un procès-verbal de constat, même si la réalité de la commercialisation de ce produit en France ne peut être contestée dès lors qu'y est apposée une étiquette portant la mention "Distribué par : société Dugas, Paris, France";

* par contre, on retrouve cette bouteille revêtue de la mention gravée dans le verre "Spirit of Cuba" sur plusieurs sites français (www.lacompagniedurhum.com, www.cote-aperitif.com et www.vins-et-delices.com);

* par ailleurs une bouteille Matusalem Platino a été achetée à l'occasion du procès-verbal de constat des 2 et 14 juin;

* sur la face avant sont présentes une référence à Cuba mise en exergue dans un bandeau rouge et une mention relative à la provenance dominicaine, en petits caractères;

* sur l'arrière de la bouteille figure la mention "Produit de la République Dominicaine";

* cette bouteille comporte en gravure sur la face avant un oiseau stylisé avec la mention en caractères majuscules de grande taille "Est Cuba 1872".

- la bouteille Matusalem Solera 7 ans :

*sur cette bouteille figurent huit références à Cuba très apparentes, cinq à l'avant et deux à l'arrière, contre seulement trois mentions en petits caractères indiquant la provenance dominicaine, une à l'avant et deux à l'arrière;

* sur le fond de la bouteille apparaît la mention "Est. 1872 Matusalem Santiago de Cuba";

* sur l'emballage cartonné de cette bouteille, seule la mention "Est Cuba 1872" figure.

- la bouteille Matusalem Gran Reserva 15 ans :

* sur la face avant de la bouteille figurent trois références à Cuba particulièrement mises en exergue alors qu'il n'y a aucune mention relative à la provenance dominicaine du produit;

* sur la face arrière de la bouteille apparaît la mention "Product Of Dominican Republic".

La combinaison de ces multiples références à Cuba, tant sur le site Internet de la société 1872 Holdings VOF que sur les conditionnements du rhum Matusalem, qui sont au demeurant pour beaucoup d'entre elles inexactes, génèrent une impression d'ensemble qui amène inévitablement le consommateur à croire à l'origine cubaine du rhum, nonobstant la mention indiquant la provenance dominicaine du produit.

Ce n'est pas la référence par la société 1872 Holdings VOF à son héritage ou son passé cubain qui est critiqué par les sociétés Pernod et Havana Club International. Elles ne contestent la présence au dos des bouteilles Matusalem d'un texte contenant un rappel historique de l'histoire de la création du rhum Matusalem à Santiago de Cuba en 1872. Ce qui est reproché, à juste titre, à la société 1872 Holdings VOF c'est de multiplier artificiellement des références trompeuses à Cuba, lui permettant ainsi d'entretenir la confusion sur la provenance réelle de son rhum.

Les mentions "Formula original de Cuba" et "Original Cuba Formula" tendant à démontrer que les produits Matusalem seraient élaborés selon une formule ou une recette spécifique à Cuba n'est justifiée par aucune pièce et ne correspond pas à la réalité puisque les fondateurs du rhum Matusalem ont simplement transposé à leur produit une technique de vieillissement spécifique "la Solera" née en Espagne, technique qui a également été utilisée pour des rhums élaborés en Amérique Latine ou qui est aujourd'hui utilisée pour d'autres produits (vins, vinaigres, brandys et rhums), de sorte que la formule n'a rien d'original.

Les mentions "Cuban Style" et "Cuban Tradition" ne figurent, ni sur les sites Internet des intimées, ni sur les étiquettes et conditionnements du rhum Matusalem, de sorte que les appelantes ne peuvent se prévaloir de leur fausseté.

L'indication "Santiago de Cuba" gravée sur le fond des bouteilles Matusalem est fausse dans la mesure où les éléments figurant sur le fond des bouteilles sont destinés à fournir des informations importantes sur le lieu de fabrication du produit et qu'il est constant que le rhum en cause n'est pas élaboré à Santiago de Cuba mais en République Dominicaine. Par contre, si cette mention est intégrée dans un texte faisant référence à l'histoire du rhum Matusalem, comme par exemple "Casa fundada en Santiago de Cuba 1872" ou "Ron Matusalem since 1872 Fundado en Santiago de Cuba", il s'agit d'un fait avéré, non critiquable.

La mention "Spirit of Cuba" gravée en larges majuscules sur la face de certaines bouteilles de rhum Matusalem et figurant sur toutes les pages du site www.matusalem.com est trompeuse dans la mesure où elle peut être lue comme se rapportant à l'âme ou l'esprit de Cuba mais également comme faisant référence à un "spiritueux de Cuba" ou un "alcool de Cuba", ce qui n'est pas le cas s'agissant du rhum Matusalem.

Enfin, on peut noter la présence d'un "sceau" contenant la mention "République Dominicaine" mais ne correspondant à aucun emblème d'Etat sur la bouteille Solera.

Ce sceau dépourvu de toute signification évoque de manière trompeuse le sceau de garantie cubain dont il se rapproche étrangement par son format rectangulaire, par des couleurs proches, à savoir inscriptions en blanc sur un fond vert, par des motifs de style gravure à connotation ancienne et par un liseré extérieur blanc.

En outre, il est apposé au même endroit que le sceau de garantie de l'Etat cubain, c'est-à-dire sur la partie inférieure de la face avant des bouteilles.

Un tel sceau, de surcroît couplé avec de nombreuses références à Cuba, ne peut qu'inciter le consommateur à croire, à tort, qu'il est en présence du sceau de garantie de l'Etat cubain alors qu'il aurait suffit de mentionner l'origine dominicaine du rhum sur le logo approprié dénommé "Authentic Caribbean Rum".

Au demeurant, l'ensemble des mentions faisant référence à Cuba qui ont été décrites ci-dessus sont systématiquement mises en exergue sur les différents conditionnements, par leur nombre et par les effets visuels qui sont utilisés, alors qu'au contraire les indications relatives à la République Dominicaine sont très discrètes. Ainsi tout consommateur risque d'être induit en erreur sur la provenance du rhum Matusalem.

D'ailleurs, les sociétés Pernod et Havana Club International démontrent qu'il y a bien eu une confusion commise, non seulement par les consommateurs mais également par bon nombre de cavistes professionnels.

C'est ainsi que de nombreux sites professionnels classent le rhum Matusalem dans la catégorie "rhum cubain" (pièces n° 7, 13, 25, 47, 47 bis - à l'exception de la 47 bis - 18 écartée des débats-et 81 des appelantes).

C'est notamment le cas de la société Nicolas, la chaîne de magasins spécialisés dans la vente de vins et d'alcools la plus importante et la plus connue, et de la maison Augé spécialisée dans les vins fins et ayant une grande renommée à Paris.

Le fait que la société 1872 Holdings VOF produise en pièce n° 42 quelques exemples de cavistes qui indiquent que le rhum Matusalem est produit en République Dominicaine n'enlève rien à l'observation précédente. Il ne s'agit pas pour les appelantes de démontrer que tous les cavistes se trompent sur l'origine du rhum Matusalem mais qu'il existe, même pour des professionnels, un risque important de confusion généré par les références trompeuses à Cuba.

Or, si les cavistes se trompent sur l'origine du rhum Matusalem, leurs clients sont à leur tour trompés. Si les professionnels les plus avertis, particulièrement sensibles aux origines géographiques et au savoir-faire, sont induits en erreur et ne sont donc pas en mesure de renseigner utilement leurs clients, a fortiori un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, sera nécessairement trompé et amené à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.

La société 1872 Holdings VOF soutient à tort que les pièces énumérées ci-dessus seraient illisibles, ce qui n'est pas le cas. Le fait qu'elles proviennent de tiers étrangers démontre justement que même des professionnels, par définition informés, sont trompés sur la provenance réelle du rhum Matusalem, précisément par les mentions apposées sur les conditionnements du rhum Matusalem et la communication de la société 1872 Holdings VOF et de son distributeur, la société Etablissements Dugas.

Surabondamment, les sociétés Pernod et Havana Club International versent aux débats des sondages qu'elles ont fait réaliser par des sociétés spécialisées :

- sondage Ipsos du 20 mai 2009 :

* 87 % des sondés attribuent une origine cubaine au rhum Matusalem Gran Reserva 15 ans

* 72 % des sondés attribuent une origine cubaine au rhum Matusalem Clasico.

- sondage Ifop de juin 2010 réalisé auprès de 480 consommateurs de rhum (public averti, 240 personnes pour les produits Matusalem et 240 pour les produits Havana Club) :

* des photos de la gamme Matusalem dans son ensemble puis de chacune des bouteilles sous toutes leurs faces, avec leurs boîtes en carton le cas échéant, ont été soumises aux sondés qui ont également eu la possibilité de "zoomer" afin de lire en détail les inscriptions y figurant. A la question "quel est, selon vous, le pays de production/provenance de chacune des bouteilles de rhum Matusalem" :

* 58 % des sondés ont répondu Cuba

* 23 % des sondés ont répondu la République Dominicaine.

Il est inutile de faire état du sondage Doxa qui a été réalisé en Italie et dont les résultats ne sont pas transposables au consommateur français.

Il est donc démontré que, tant les professionnels, qu'un bon nombre de consommateurs, même s'agissant d'un public averti, sont trompés sur la provenance réelle du rhum Matusalem.

Or, la provenance du produit est un critère déterminant du comportement du consommateur. Dans le sondage Ifop déjà mentionné 90 % des consommateurs estiment qu'il s'agit d'un critère important et 46 % d'un critère très important. La forte notoriété dont Cuba jouit depuis la fin du XIXe siècle est incontestable. Toujours dans le sondage Ifop, 71 à 72 % des sondés ont une bonne opinion des rhums cubains contre seulement 42 à 45 % des rhums dominicains.

La société 1872 Holdings VOF considère elle-même que l'origine géographique cubaine du rhum Matusalem est décisive aux yeux du consommateur, ses dirigeants reconnaissant que leur objectif est "à terme de parvenir à une association de l'image de la marque avec son pays d'origine" (cf pièce n° 12 de la société 1872 Holdings VOF).

Il résulte des éléments développés ci-dessus que les pratiques commerciales de la société 1872 Holdings VOF reposent sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et que les personnes induites en erreur sont, tant les consommateurs moyens, que les consommateurs habituels de rhum et les professionnels plus aguerris.

Ces agissements constituent des pratiques commerciales trompeuses réprimées par l'article L. 121-1 du Code de la consommation.

Elles constituent également des actes de concurrence déloyale sanctionnés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, à condition que les parties soient en situation de concurrence et que les actes commis soient déloyaux.

Or, il est constant que la société 1872 Holdings VOF exerce une activité directement concurrente à celle des sociétés Pernod et Havana Club International, les produits en cause étant identiques et visant une clientèle identique, puisqu'il s'agit dans les deux cas d'un positionnement haut de gamme pour des spiritueux "Premium".

S'agissant des circuits de distribution, si le rhum Havana Club est disponible en grande distribution ce qui n'est pas le cas du rhum Matusalem, il n'en demeure pas moins que les deux rhums sont présents et concurrents chez les cavistes, tels que la Grande Epicerie de Paris, la cave Christian de Montaguère, les enseignes Nicolas ou Lavinia.

De même, sur les sites Internet, ils sont dans l'immense majorité des cas présentés côte à côte.

S'agissant du positionnement prix, la gamme est identique, à l'exception du Matusalem Gran Reserva 23 ans d'âge, qui constitue le haut de gamme de la marque et est vendu aux alentours de 70 euro la bouteille. Les autres rhums, Matusalem ou Havana Club, sont proposés à la vente entre 22 euro et 40 euro la bouteille en fonction de la gamme.

La société 1872 Holdings VOF ne peut donc soutenir que les produits ne seraient pas en concurrence, le rhum Matusalem s'adressant à "un public d'initiés". Au demeurant, elle ne démontre pas être la société artisanale qu'elle prétend être alors qu'il est établi que la marque Matusalem est enregistrée dans plus de 80 pays (pièce n° 22 de l'intimée).

Les actes commis sont incontestablement déloyaux puisqu'ils ont généré non seulement un risque de confusion sur l'origine du rhum Matusalem mais également une confusion avérée, la seule présence de la mention "Product of Dominican Republic" sur les produits et le site Internet www.matusalem.com, dans les conditions indiquées dans les motifs ci-dessus, étant insuffisante à dégager la responsabilité des intimées, car elle n'écarte nullement le risque de confusion.

La société 1872 Holdings VOF entretient volontairement une confusion sur le lieu de fabrication de ses rhums dans le but de se placer dans le sillage des appelantes, de détourner l'image de marque et la notoriété attachées aux rhum cubains et de profiter des investissements réalisés par celles-ci.

En effet, l'arrivée en 1993 du groupe Pernot Ricard sur le marché du rhum via la joint venture HCI et le succès grandissant de la marque Havana Club, faisant suite à des campagnes de publicité tournées vers le rhum et Cuba, ont manifestement attiré l'attention de ses concurrents, principalement la société Bacardi suivie par la société 1872 Holdings VOF, dont les rhums ne sont pas élaborés sur le sol cubain.

En conséquence, la société 1872 Holdings VOF a bien commis des actes de concurrence déloyale susceptibles de causer un préjudice aux appelantes.

Les sociétés Pernod et Havana Club International considèrent encore que les sociétés 1872 Holdings VOF et Etablissements Dugas se sont arrogées un avantage concurrentiel indu tiré de l'usurpation de la notoriété attachée à l'indication géographique Cuba et demandent qu'il soit jugé que les intimées ont porté atteinte à l'indication d'origine "Cuba".

Il est exact que depuis le 2 avril 2010, l'Office cubain de la propriété industrielle a octroyé à tous les producteurs de rhum cubain une dénomination d'origine "Cuba".

Les sociétés Pernod et Havana Club International estiment que cette indication d'origine est également protégée au niveau international en application des règles et traités internationaux applicables en la matière.

Elles se fondent sur l'article 23 alinéa 1 de l'accord sur les ADPIC qui, selon elles, assure une protection internationale des indications géographiques pour les vins et spiritueux, sur la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883, ratifiée par la France et par Cuba, et sur l'arrangement de Madrid concernant la répression des indications de provenance fausses ou fallacieuses sur les produits du 14 avril 1891 auxquels la France et Cuba ont adhéré.

Elles affirment que la cour doit faire application de ces dispositions internationales impératives pour s'opposer en France à tout détournement de la valeur attachée à l'indication géographique "Cuba".

Cependant, la société 1872 Holdings VOF fait valoir à juste titre que les dispositions de l'accord sur les ADPIC sont dénuées d'effet direct et qu'elles ne sont pas de nature à créer pour les particuliers des droits dont ceux-ci peuvent se prévaloir directement devant les juridictions nationales.

Par ailleurs, les appelantes ne peuvent se prévaloir de la convention de Paris du 20 mars 1883 dont l'article 10 ne prévoit que le cas "d'utilisation directe ou indirecte d'une indication fausse concernant la provenance du produit" pour obtenir une interdiction générale relative à l'indication géographique "Cuba".

En l'espèce, il est indéniable que la véritable provenance du rhum Matusalem a été renseignée. Il est seulement reproché aux intimées de multiplier artificiellement des références trompeuses à Cuba, leur permettant ainsi d'entretenir la confusion sur la provenance réelle du rhum.

En outre, les sociétés Pernod et Havana Club International n'indiquent pas quelles dispositions de l'arrangement de Madrid du 14 avril 1891 seraient applicables à la présente espèce.

Enfin, l'indication géographique "Cuba" pour le rhum n'a pas fait l'objet d'un enregistrement international auprès du BIRPI, devenu l'OMPI.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si l'usage indu d'une indication géographique, permettant à un tiers de tirer profit de manière illégitime de la renommée attachée à cette indication, constitue un acte de concurrence déloyale, il ne permet pas pour autant aux appelantes de demander qu'il soit jugé que les intimées ont porté atteinte à l'indication d'origine "Cuba", de sorte qu'elles doivent être déboutées de leur demande à ce titre.

L'ensemble des demandes des sociétés Pernod et Havana Club International est dirigé à la fois contre la société 1872 Holdings VOF et la société Etablissements Dugas.

Or, il convient de rappeler que l'ancien site Internet des Etablissements Dugas, www.firstspirits.com, qui contenait des indications fausses sur l'origine du rhum Matusalem, n'existe plus depuis cinq ans. L'actuel site www.dugas.fr ne comporte aucune indication de nature à induire en erreur le consommateur sur l'origine du rhum Matusalem.

Par ailleurs, la société Etablissements Dugas ne peut être tenue pour responsable des indications erronées ou de nature à induire en erreur le consommateur sur l'origine du rhum Matusalem figurant sur le site de la société 1872 Holdings VOF, qui lui est totalement étranger puisqu'elle n'en est pas l'éditeur.

S'agissant des bouteilles, des étiquettes, des emballages et d'une manière générale des conditionnements des rhums Matusalem, les fautes reprochées par les appelantes ne sont pas imputables à la société Etablissements Dugas alors que seule la société 1872 Holdings VOF est à l'origine de leur fabrication, la société Etablissements Dugas n'étant que le distributeur du rhum Matusalem en France et n'ayant aucune maîtrise sur les produits incriminés.

Elle ne peut donc être tenue pour responsable, ni des pratiques commerciales trompeuses, ni des actes de concurrence déloyale, qui ont été retenus ci-dessus.

D'ailleurs, les sociétés Pernod et Havana Club International ne qualifient nullement des faits distincts de ceux reprochés à la société 1872 Holdings VOF commis par la société Etablissements Dugas démontrant qu'elle aurait volontairement entretenu une confusion pour faire croire au public que les rhums Matusalem seraient produits à Cuba.

Dès lors, la société Etablissements Dugas doit être purement et simplement mise hors de cause et les sociétés Pernod et Havana Club International doivent être déboutées de leurs demandes dirigées contre cette dernière.

Les sociétés Pernod et Havana Club International demandent à bon droit qu'il soit mis fin aux pratiques commerciales trompeuses par des mesures d'interdiction portant sur les mentions incriminées.

La société 1872 Holdings VOF ne saurait, pour s'opposer à ces demandes légitimes, se prévaloir de l'article 5 du Code civil qui interdit au juge de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui lui sont soumises, les mesures d'interdiction sollicitées ayant une portée limitée aux seules mentions trompeuses et aux seuls conditionnements, documents et sites Internet se rapportant aux produits Matusalem.

Il n'y a pas lieu de faire interdiction à la société 1872 Holding VOF d'apposer les mentions " Cuban Tradition " ou " Cuba Style ", dont la présence n'a pas été relevée dans l'analyse des produits Matusalem soumis à la présente juridiction et du site Internet de la société 1872 Holding VOF.

Il convient par contre de faire droit aux demandes tendant à ce qu'il soit fait interdiction à la société 1872 Holding VOF d'apposer, directement ou indirectement :

- la mention " Santiago de Cuba " sur les fonds des bouteilles Matusalem

- tout sceau ou vignette susceptible de prêter à confusion avec le sceau de garantie de la République de Cuba, sur les conditionnements, étiquettes, plaquettes de présentation et tout document commercial ou publicitaire, y compris sur des sites Internet, se rapportant aux produits Matusalem,

- les mentions " original Cuba formula " ou " formula original de Cuba " ou toute mention similaire, sur les conditionnements, étiquettes, plaquettes de présentation et tout document commercial ou publicitaire, y compris sur des sites Internet, se rapportant aux produits Matusalem

- la mention " Spirit of Cuba ", sur les conditionnements (y compris sur la bouteille en verre), étiquettes, plaquettes de présentation et tout document commercial ou publicitaire, y compris sur des sites Internet, se rapportant aux produits Matusalem.

Il convient également de faire droit aux demandes tendant à ce qu'il soit fait interdiction à la société 1872 Holding VOF d'apposer, directement ou indirectement :

- la mention " Santiago de Cuba " sur les fonds des bouteilles Matusalem,

- toute mention à l'indication géographique Cuba, sur les conditionnements (y compris sur la bouteille en verre), étiquettes, plaquettes de présentation et tout document commercial ou publicitaire, y compris sur des sites Internet, se rapportant aux produits Matusalem, sauf si ces mentions s'inscrivent dans un texte rappelant l'histoire de la fondation du rhum Matusalem en 1872 à Santiago de Cuba.

Pour en assurer l'efficacité, ces interdictions doivent être faites sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la signification de l'arrêt.

Les sociétés Pernod et Havana Club International demandent également la somme de 15 000 euro de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant pour elles des actes de concurrence déloyale commis par la société 1872 Holdings VOF.

Elles font valoir que les actes de la société 1872 Holdings VOF ont eu pour seul objectif de capter de manière déloyale le caractère attractif lié à l'origine cubaine du rhum Havana Club et de bénéficier des investissements importants réalisés par elles ainsi que de sa stratégie de communication mise en œuvre depuis plusieurs années afin de promouvoir le rhum cubain.

Cependant, les sociétés Pernod et Havana Club International ne peuvent se contenter d'affirmer, pour établir leur préjudice, que "les produits Havana Club, authentiquement cubains, subissent un affaiblissement important de leur valeur et de leur pouvoir attractif auprès du public".

Il leur aurait appartenu de caractériser leur préjudice par des éléments chiffrés, permettant d'évaluer l'importance du détournement de clientèle et du fléchissement de leurs ventes sur le marché français, liés aux actes de concurrence déloyale commis par la société 1872 Holdings VOF, ce qu'elles ne font pas.

Dès lors, elles doivent être déboutées de leur demande en réparation du préjudice résultant pour elles des actes de concurrence déloyale commis par la société 1872 Holdings VOF.

- Sur la demande reconventionnelle de la société 1872 Holdings VOF dirigée contre les sociétés Pernod et Havana Club International :

La société 1872 Holdings VOF fait valoir que toutes les bouteilles de rhum Havana Club comportent une mention "Fundada en 1878", ce qui n'est pas contesté par les appelantes, qui est objectivement fausse, puisque si un rhum Havana Club a bien été créé en 1878 à Cuba, il est sans aucun rapport avec celui commercialisé sous cette marque par les sociétés Pernod et Havana Club International depuis 1994.

Elle demande donc, au visa de l'article L. 121-1 du Code de la consommation déjà cité, qui interdit les pratiques commerciales trompeuses, qu'il soit fait interdiction aux sociétés Pernod et Havana Club International de faire figurer, sous quelque forme que ce soit, la mention "Fundada en 1878" et toute référence implicite ou explicite à l'ancienne maison Havana Club, sur l'ensemble de leurs conditionnements et supports publicitaires, y compris leurs sites Internet.

La question est de déterminer si la mention "Fundada en 1878" est trompeuse et si sa présence sur les bouteilles de rhum Havana Club est susceptible d'induire le consommateur en erreur "sur l'ancienneté du produit et des sociétés qui les commercialisent" et donc d'influencer son achat.

Il convient tout d'abord de relever que les développements de la société 1872 Holdings VOF sur la recette du rhum actuellement utilisée qui n'aurait pas de rapport avec celle propre à la famille Arechabala sont sans lien avec le présent litige dès lors que la mention "Fundada en 1878" se réfère à la distillerie Arechabala fondée en 1878 et non au rhum Havana Club lui-même.

De même, les litiges sur la titularité des droits sur la marque Havana Club qui opposent la société Bacardi aux appelantes sont sans incidence sur la solution du présent litige.

Il est constant que la mention "Fundada en 1878" signifie et est perçue comme "fondée en 1878" et se réfère à la distillerie José Arechabala fondée en 1878, qui est à l'origine de la création du rhum Havana Club et veut signifier que la société Havana Club est une entreprise ancienne ayant une légitimité et une notoriété de plus de 130 ans.

Le rhum Havana Club a bien été créé en 1878 à Cuba, ce que la société 1872 Holdings VOF ne conteste pas, la mention "fundada en 1878" ayant été utilisée dès la création du rhum Havana Club pour accompagner sa promotion.

Les parties sont d'accord pour dire que la société José Arechabala a été nationalisée par une loi n° 890 de 1960 et que ses actifs industriels ont alors été transférés à l'Etat cubain.

Il résulte des propres écrits des sociétés Pernod et Havana Club International que l'activité de production a été confiée en 1962 à une entreprise d'Etat, ce qui implique qu'il y a eu rupture entre 1960 et 1962 dans la production du rhum Havana Club, qui a en réalité cessé en 1960.

Outre le fait que la valeur probante des attestations produites par les appelantes est contestable compte tenu de la position de subordination de leurs auteurs, celle de Don José Navarro Campa, maître rhumier ne fait que confirmer une "continuité historique" et celle de Monsieur Noël Adrian se contente de donner un simple avis.

Force est de constater que les appelantes, qui supportent la charge de la preuve, procèdent par pure affirmation lorsqu'elles soutiennent qu'il y a eu transmission sans discontinuité entre les sociétés qui se sont succédées de la société José Arechabala à la société Havana Club International et que le rhum Havana Club a été, sans rupture, toujours élaboré selon le même procédé de 1878 à nos jours.

En réalité, la société Havana Club International ne peut se prévaloir d'être l'héritière et la gardienne des traditions cubaines, comme peut le laisser penser l'apposition de la mention "Fundada en 1878" sur ses produits, alors qu'il s'agit d'une joint venture créée en 1993 par le gouvernement castriste de l'Etat cubain, qui n'a aucun lien avec la société José Arechabala et qui possède aujourd'hui un monopole sur la totalité de la production de rhum cubain.

La société Havana Club International tente donc, de manière trompeuse d'apparaître aux yeux du public avec une ancienneté qu'elle n'a pas. Quant à la société Pernod, elle n'est même pas cubaine et n'a, pas plus que la société Havana Club International de lien avec les propriétaires et fabricants d'origine du rhum Havana Club.

Il est incontestable que la présence de la mention "Fundada en 1878" sur les bouteilles de rhum Havana Club est susceptible d'induire le consommateur en erreur "sur l'ancienneté du produit et sur les sociétés qui les commercialisent" et donc d'influencer son achat.

Elle indique en effet au consommateur que la société Havana Club est une entreprise ancienne ayant une légitimité et une notoriété de plus de 130 ans, avec une volonté évidente des appelantes d'associer dans l'esprit du public cette ancienneté avec la qualité du rhum Havana Club.

Ainsi le site Internet de la société Pernod, www.pernod.fr indique : "créée en 1878, la marque doit son nom au célèbre bar de la Havane, le Havana Club. Authentique et festif, ce "ron" au caractère intense est élaboré à partir des meilleures cannes à sucre cubaines, selon les méthodes traditionnelles des maître rhumiers. Une référence internationale du rhum cubain".

Les appelantes ne peuvent sérieusement fonder l'affirmation contraire sur les seuls résultats du sondage Ifop qu'elles ont fait réaliser et qui révélerait que "le critère de la date de fondation de la distillerie est un critère accessoire, secondaire dans l'acte d'achat du rhum".

S'il est évident que le goût et la provenance du rhum sont des critères essentiels et, qu'en tant que telle, la date de fondation de la distillerie n'est pas un critère déterminant du choix du consommateur, par contre, l'association formée dans l'esprit du consommateur entre la légitimité et la notoriété d'une entreprise ancienne et la qualité du rhum produit va inévitablement le pousser à porter son choix sur ce produit.

En conséquence, les sociétés Pernod et Havana Club International se sont bien livrées à une pratique commerciale trompeuse justifiant qu'il leur soit fait interdiction de faire figurer, sous quelque forme que ce soit, la mention "Fundada en 1878" et toute référence implicite ou explicite à l'ancienne maison Havana Club, sur l'ensemble de leurs conditionnements et supports publicitaires, y compris leurs sites Internet.

Pour en assurer l'efficacité, cette interdiction doit être faite sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la signification de l'arrêt.

La société 1872 Holdings VOF ne limite pas sa demande d'interdiction à certains produits de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande des sociétés Pernod et Havana Club International d'exploiter librement et paisiblement les marques n° 1235340, n° 3824505, n° 3824513, n° 3824539 et n° 3824562 comprenant toutes la mention "Fundada en 1878".

La société 1872 Holdings VOF réclame également aux sociétés Pernod et Havana Club International la somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues.

Elle fait état d'une déloyauté de leur part à l'égard des expropriés cubains dont elle n'est pourtant, ni la mandataire, ni la même la représentante, dès lors que ces expropriés ne l'ont pas chargée de défendre leurs intérêts.

S'agissant d'actes de concurrence déloyale qui auraient été commis par les appelantes à son égard, il est pour le moins contradictoire de la part de la société 1872 Holdings VOF de soutenir, dans le cadre de la demande principale, que les sociétés ne seraient pas en situation de concurrence, et dans le cadre de sa demande reconventionnelle, de faire état d'une concurrence déloyale des sociétés Pernod et Havana Club International.

Quoiqu'il en soit, même si le fait pour les sociétés Pernod et Havana Club International de se livrer à une pratique commerciale trompeuse en apposant sur leurs produits et en faisant référence sur leurs sites Internet à une ancienneté qu'elles n'ont pas, constitue une pratique de concurrence déloyale, il aurait appartenu à la société 1872 Holdings VOF de caractériser son préjudice par des éléments chiffrés, permettant d'évaluer l'importance du détournement de clientèle et du fléchissement de leurs ventes sur le marché français, liés aux actes de concurrence déloyale commis par les appelantes, ce qu'elle ne fait pas.

La demande des sociétés Pernod et Havana Club International ayant été jugée fondée, elle ne saurait être considérée comme abusive.

Dès lors, la société 1872 Holdings VOF doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues.

- Sur les autres demandes :

Les sociétés Pernod et Havana Club International demandent la publication de l'arrêt à intervenir, en totalité ou par extrait, dans cinq périodiques (spécialisés ou généralistes) ou sur tout site Internet au choix des sociétés Pernod SA et Havana Club International dans la limite de 5 000 euro HT par publication et étant précisé que les sociétés Pernod SA et Havana Club International pourront avancer ces sommes en cas de besoin,

- d'ordonner, pendant un délai de trois mois à compter de la signification de la décision à intervenir, la publication, en français et/ou anglais, par extraits du jugement sur la page d'accueil du site Internet http://www.matusalem.com/ de la société 1872 Holdings VOF, de telle sorte que cette publication occupe un espace au moins égal au quart de cette page web et ce, au besoin à titre de dommages et intérêts complémentaires,

S'agissant de la première demande, les sociétés Pernod et Havana Club International sollicitent la publication de l'arrêt sans préciser, ni dans les motifs, ni dans le dispositif de leurs conclusions, à la charge de quelle partie les frais de la publication devraient être mis, tout en proposant de faire l'avance des frais. Dans ces conditions il n'est pas possible de faire droit à cette demande.

S'agissant de la deuxième demande, une telle mesure (concernant l'arrêt) ne serait équitable que si la publication intervenait parallèlement sur la page d'accueil des sites Internet des sociétés Pernod et Havana Club International.

Or, une telle mesure n'est pas demandée par la société 1872 Holdings VOF de sorte que pour respecter l'égalité entre les parties, il y a lieu de rejeter cette demande.

Dans la mesure où il est fait partiellement droit aux demandes de chacune des parties, respectivement les sociétés Pernod et Havana Club International et la société 1872 Holdings VOF, il y a lieu de partager par moitié les dépens entre elles.

En outre, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de l'une ou l'autre d'entre elles.

Par contre, l'équité commande de mettre à la charge des sociétés Pernod et Havana Club International in solidum les frais irrépétibles exposés par la société Etablissements Dugas qui a été mise hors de cause, et ce à hauteur de 20 000 euro.

Par ces motifs, Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Rejette la demande de la société 1872 Holdings VOF tendant au rejet des conclusions signifiées le 29 février 2012 par les sociétés Pernod et Havana Club International, Ordonne le rejet des débats des pièces n° 20-5, 26-6, 47 bis n° 18, 54 bis-4, 5, 6 et 7, 54 ter, 56 bis, 72 bis, 87 à 93 produites par les sociétés Pernod et Havana Club International, Rejette la demande de la société 1872 Holdings VOF tendant à l'annulation du procès-verbal de constat dressé les 2 et 14 juin 2010 et à ce qu'il soit écarté des débats, Rejette l'ensemble des fins de non-recevoir présentées par les parties, Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a interdit aux sociétés Pernod et Havana Club International de faire figurer, sous quelque forme que ce soit, la mention "Fundada en 1878" et toute référence implicite ou explicite à l'ancienne maison Havana Club, sur l'ensemble de leurs conditionnements et supports publicitaires, y compris leurs sites Internet, le montant de l'astreinte étant cependant modifié, Statuant à nouveau : Déboute les sociétés Pernod et Havana Club International de leurs demandes dirigées contre la société Etablissements Dugas, Dit que la société 1872 Holding VOF s'est rendue coupable d'actes de publicité mensongère et de concurrence déloyale au préjudice des sociétés Pernod et Havana Club International, Dit que les sociétés Pernod et Havana Club International se sont rendues coupables d'actes de publicité mensongère et de concurrence déloyale au préjudice de la société 1872 Holding VOF, En conséquence, Fait interdiction à la société 1872 Holding VOF d'apposer, directement ou indirectement :

- la mention " Santiago de Cuba " sur les fonds des bouteilles Matusalem

- tout sceau ou vignette susceptible de prêter à confusion avec le sceau de garantie de la République de Cuba, sur les conditionnements, étiquettes, plaquettes de présentation et tout document commercial ou publicitaire, y compris sur des sites Internet, se rapportant aux produits Matusalem,

- les mentions " original Cuba formula " ou " formula original de Cuba " ou toute mention similaire, sur les conditionnements, étiquettes, plaquettes de présentation et tout document commercial ou publicitaire, y compris sur des sites Internet, se rapportant aux produits Matusalem

- la mention " Spirit of Cuba ", sur les conditionnements (y compris sur la bouteille en verre), étiquettes, plaquettes de présentation et tout document commercial ou publicitaire, y compris sur des sites Internet, se rapportant aux produits Matusalem,

Fait interdiction à la société 1872 Holding VOF d'apposer, directement ou indirectement la mention " Santiago de Cuba " sur les fonds des bouteilles Matusalem et toute mention à l'indication géographique Cuba, sur les conditionnements (y compris sur la bouteille en verre), étiquettes, plaquettes de présentation et tout document commercial ou publicitaire, y compris sur des sites Internet, se rapportant aux produits Matusalem, sauf si ces mentions s'inscrivent dans un texte rappelant l'histoire de la fondation du rhum Matusalem en 1872 à Santiago de Cuba, Dit que ces interdictions sont assorties d'une astreinte de 500 euro par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la signification de l'arrêt, Dit que l'interdiction faite aux sociétés Pernod et Havana Club International de faire figurer, sous quelque forme que ce soit, la mention 'Fundada en 1878" et toute référence implicite ou explicite à l'ancienne maison Havana Club, sur l'ensemble de leurs conditionnements et supports publicitaires, y compris leurs sites Internet, est assortie d'une astreinte de 500 euro par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la signification de l'arrêt, Deboute les parties de leurs plus amples demandes, Condamne les sociétés Pernod et Havana Club International in solidum à payer à la société Etablissements Dugas la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice des sociétés Pernod et Havana Club International d'une part et la société 1872 Holdings VOF d'autre part, Fait masse des dépens de première instance et d'appel, les Partage par moitié entre les sociétés Pernod et Havana Club International d'une part et la société 1872 Holdings VOF d'autre part et Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.