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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ. B, 10 mai 2012, n° 10-06398

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ménard (Epoux)

Défendeur :

Pessac Automobiles (SARL), VPN France (SAS); Bechemin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cheminade

Conseillers :

Crabol, Boinot

Avocats :

SCP Combeaud, SCP Casteja-Clermontel, SCP Touton-Pineau, Figerou Mes Joseph, Frezouls, Danglade

TGI Bordeaux 5e ch. civ, du 13 juill. 20…

13 juillet 2010

Il est constant que Benoît Bechemin a acquis le 31 mars 2006 un véhicule Renault Scenic numéro 4010 SV 33 grâce à un prêt consenti par la SA Diac.

Le certificat de situation de la Préfecture en date du 25 avril 2006, valable un mois, mentionne que le véhicule est " non gagé ".

Deux jours plus tard, le 27 avril 2006, la SA Diac a inscrit son gage.

Après avoir acquis le 9 mai 2006 le véhicule vendu par Benoît Bechemin, la SAS Véhicules Pratiquement Neufs France (SAS VPN) à l'enseigne Rive Droite Automobile Diffusion le revendait le 10 mai 2006 aux époux Menard qui obtenaient la délivrance de la carte grise en date du 15 juin 2006.

Contre la reprise de leur ancien véhicule Renault Scenic, objet d'un certificat de cession en date du 26 juin 2008 dans lequel ils certifiaient que le véhicule n'était pas gagé, les époux Menard achetaient à la SARL Pessac Automobiles un véhicule Suzuki, Grand Vitara, au prix de 20.203,00 euro suivant la facture en date du même jour 26 juin 2008, mentionnant une valeur de reprise du véhicule Renault Scenic de 14.400,00 euro.

L'impossibilité en raison de la révélation du gage de faire immatriculer le véhicule Renault Scenic par un nouvel acquéreur, entraînait une mise en demeure de la SARL Pessac Automobiles adressée à Patrick Menard en date du 4 novembre 2008 d'avoir à lui restituer la somme de 14.400,00 euro.

Saisi :

- suivant assignation enrôlée le 15 décembre 2008, par la SARL Pessac Automobiles contre les époux Menard d'une action résolutoire de la vente de la voiture Renault Scenic,

- suivant assignation enrôlée le 18 février 2009, par les époux Menard contre la SARL Véhicules Pratiquement Neufs d'une action en résolution de la vente du même véhicule,

- suivant assignation enrôlée le 31 décembre 2006 par la SARL Véhicules Pratiquement Neufs contre Benoît Bechemin d'une action en résolution de la vente de ce véhicule,

le tribunal de grande instance de Bordeaux, par jugement en date du 13 juillet 2010, après jonction des procédures à la mise en état des causes, a prononcé la nullité de la vente du 26 mars 2008 entre la SARL Pessac Automobiles et les époux Menard, avec restitution réciproque du prix et du véhicule, a rejeté les autres demandes et a condamné les époux Menard à verser une indemnité de procédure à la SARL Pessac Automobiles et la SAS VPN France et aux entiers dépens.

Dans leurs dernières écritures déposées le 9 mai 2011 au soutien de leur appel, les époux Menard font grief au jugement déféré d'avoir modifié le fondement de la demande en substituant le dol dont il n'était pas saisi au défaut de délivrance dont il était saisi, soutiennent leur bonne foi, et demandent la nullité du contrat du 10 mai 2006 avec la SAS VPN France pour erreur sur la substance, avec restitution de la somme de 12.400,00 euro contre restitution du véhicule, la nullité du contrat du 26 juin 2008 avec la S.A.R.L. Pessac Automobiles pour défaut d'objet avec restitution du prix (20.203,00 euro), la condamnation de la SAS VPN France à des dommages et intérêts (1.500,00 euro) pour préjudice moral ; ils réclament aux deux sociétés une indemnité de procédure (2.000,00 euro).

La SARL Pessac Automobiles a conclu le 28 décembre 2010 principalement à la nullité de la vente pour dol subsidiairement à sa résolution ; elle reconnaît que la décision assortie de l'exécution provisoire a été exécutée, elle demande des dommages et intérêts complémentaires (frais de gardiennage de 10.979,00 euro) ; elle conclut à des dommages et intérêts pour appel abusif (1.500,00 euro) et réclame une indemnité de procédure (2.500,00 euro).

La SAS VPN France a conclu le 8 juillet 2011 en invoquant son absence de connaissance du gage inscrit, alors même qu'elle avait eu la prudence de faire établir un certificat de non gage par la préfecture et une attestation du vendeur Benoît Bechemin : elle relève un dysfonctionnement administratif dans la délivrance de la carte grise du 15 juin 2006 alors que le gage était inscrit depuis le 27 avril 2006 ; enfin elle insiste sur la connaissance par les époux Menard de la connaissance du gage révélé par la plainte de la S.A. Diac contre Benoît Bechemin, avant la revente de leur véhicule ; elle demande des dommages et intérêts pour appel abusif (3.500,00 euro) et une indemnité de procédure (5.000,00 euro).

Assigné sous forme de procès-verbal de recherche, Benoît Bechemin n'a pas comparu.

SUR CE :

Sur la vente du 10 mai 2006 entre la SAS VPN France et les époux Menard :

Attendu que l'action en nullité de la vente pour vice du consentement donné par erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, visée par les époux Menard dans leurs écritures d'appel, est ouverte par l'article 1110 du Code civil ;

Qu'en l'espèce à la date de cession du véhicule commandé le 10 mai 2006, suivant le bon de commande de la voiture Renault Scenic produit aux débats, qui est la date de référence pour apprécier l'erreur, le véhicule était nanti du certificat de non gage du 25 avril 2006 en cours de validité et de l'attestation du précédent propriétaire en date du 9 mai 2006 suivant laquelle le véhicule est non gagé ;

Attendu que l'erreur commise par les vendeurs porte sur l'existence d'un gage sur le véhicule, cette sûreté au profit d'un tiers extérieure à la chose vendue qui n'affecte pas ses qualités intrinsèques, le véhicule ayant circulé sans difficulté pendant deux ans, ne peut constituer une cause d'annulation de la vente ;

Que le rejet de la demande d'annulation de la vente du 10 mai 2006 sera donc confirmé ;

Que la demande subséquente de la réparation d'un préjudice moral des époux Menard consécutif à une faute de la Société VPN qui n'est pas établie, sera donc rejetée ;

Sur la vente du 26 juin 2008 entre les époux Menard et la SARL Pessac Automobiles :

Attendu que le manquement à l'obligation de délivrance visé à l'assignation introductive d'instance au soutien de la résolution de la vente est dans le débat, l'article 1615 du Code civil dispose que l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires ;

Qu'en l'espèce en ne remettant pas à l'acheteur le certificat de non gage défini à l'article R. 322-4 alinéa 5 du Code de la route, le vendeur n'a pas satisfait à l'obligation de délivrer un accessoire de la chose ;

Attendu que l'inexécution de cette obligation de délivrance à la charge du vendeur justifie la résolution de la vente entraînant restitution du véhicule et remboursement du prix ;

Que le jugement sera donc confirmé de ce chef par substitution de motifs ;

Sur les dommages et intérêts :

Attendu que la demande en dommages et intérêts présentée par la S.A.R.L. Pessac Automobiles sur le fondement de l'article 1184 du Code civil, supporte une faute dans l'exécution du contrat qui n'est pas établie en l'espèce où les époux Menard, dont la mauvaise foi est insuffisamment caractérisée par une audition de la dame Menard dans le cadre d'une enquête préliminaire pour destruction du gage par le précédent propriétaire Benoît Bechemin, ignoraient, pour avoir eux-mêmes acheté un véhicule non gagé et pour avoir obtenu la délivrance de la carte grise, que le véhicule pouvait s'être trouvé grevé d'un gage inscrit ;

Que la demande en paiement des frais de gardiennage sera donc rejetée ;

Attendu que l'exercice d'une voie de recours ne caractérise pas un abus ouvrant droit à dommages et intérêts au profit de la SARL Pessac Automobiles et de la SAS VPN France ;

Attendu que les époux Menard qui succombent sur leur appel, en supporteront les dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, Emendant, Prononce la résolution de la vente du 26 mai 2008 entre les époux Menard et la SARL Pessac Automobiles, Confirme le jugement déféré, Y ajoutant : Rejette la demande en réparation du préjudice moral présentée par les époux Menard, Rejette la demande de la SARL Pessac Automobiles en paiement de frais de gardiennage, Rejette les demandes de la SARL Pessac Automobiles et de la SARL VPN en dommages et intérêts pour abus de procédure, Dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure civile, Condamne les époux Menard aux entiers dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.