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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 23 mai 2012, n° 10-05591

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gaches Chimie Spécialités (SAS)

Défendeur :

OCV Renforcement (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cousteaux

Conseillers :

MM. Delmotte, Croisille-Cabrol

Avocats :

SCP Dessart Sorel Dessart, Mes Bendayan, de Lamy, Spaeth

T. com. Toulouse, du 23 sept. 2010

23 septembre 2010

Faits et procédure

Dans le monde de la chimie, il existe deux types de distributeurs : les distributeurs de commodités chimiques, c'est-à-dire de produits standardisés et les distributeurs de spécialités.

La SAS Gaches Chimie Spécialités est une société spécialisée dans la distribution de produits chimiques et plus particulièrement dans le commerce des matériaux composites. Depuis les années 1970, elle distribue sur le secteur Aquitaine puis Paca les produits à base de fibre de verre nécessaires à la fabrication de matériaux composite de la SAS OCV Renforcement Vetrotex, venant aux droits de la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement.

Le 29 novembre 2002, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement a signifié à la SAS Gaches Chimie Spécialités sa fin de mettre fin à l'accord de distribution à compter du 1er septembre 2003.

Le 19 avril 2004, la SAS Gaches Chimie Spécialités a fait assigner la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement devant le Tribunal de commerce de Toulouse en réparation des préjudices subis en raison d'une rupture des relations qualifiées de brutales et d'abusives.

Par ordonnance du 2 octobre 2006, la juridiction consulaire a prononcé la radiation de l'affaire pour défaut de diligences.

Après réinscription, le tribunal de commerce s'est déclaré compétent par jugement du 21 juillet 2008. Sur contredit formé par la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement, la Cour d'appel de Toulouse a confirmé cette décision par arrêt du 3 mars 2010. La SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement a formé un pourvoi en cassation dont elle s'est désistée et a sollicité un sursis à statuer avant tout débat au fond.

La SAS Gaches Chimie Spécialités a sollicité la condamnation de la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement à lui payer les sommes de :

- 726 880 euro au titre de la rupture brutale du contrat,

- 305 100 euro au titre de la rupture abusive,

- 40 000 euro au titre des agissements de la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement postérieurs à la rupture du contrat s'apparentant à de la concurrence déloyale,

- une astreinte de 1 000 euro par jour pour communiquer les conditions de remise en fonction du tonnage et des unités d'approvisionnement,

- 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

A titre reconventionnel, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement a sollicité la condamnation de la SAS Gaches Chimie Spécialités au paiement de la somme de 15 000 euro pour procédure abusive et la même somme au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 23 septembre 2010, le Tribunal de commerce de Toulouse a :

- donné acte à la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement de son désistement de sa demande de sursis à statuer,

- débouté la SAS Gaches Chimie Spécialités de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement de sa demande reconventionnelle,

- condamné la SAS Gaches Chimie Spécialités à payer à la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SAS Gaches Chimie Spécialités aux dépens.

La SAS Gaches Chimie Spécialités a interjeté appel le 14 octobre 2010.

La SAS Gaches Chimie Spécialités a déposé ses dernières écritures le 8 février 2012.

La SAS OCV Renforcement a déposé ses dernières écritures le 15 mars 2012.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 mars 2012.

Moyens et prétentions des parties

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles L. 441-2, L. 441-6, L. 442-6 du Code de commerce, et 1134, 1147 et 1382 du Code civil, la SAS Gaches Chimie Spécialités conclut à l'infirmation de la décision de première instance ainsi qu'à la condamnation de la SAS OCV Chambéry International à lui payer la somme de 5 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. La SAS Gaches Chimie Spécialités reprend ses demandes de condamnation de la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement à lui payer les sommes de 726 880 euro au titre du préavis de rupture de 36 mois calculé en multipliant par cette durée le chiffre d'affaires moyen, résultat multiplié par la marge moyenne et nouveau résultant majoré de la TVA, de 305 100 euro au titre de moins-value sur le fonds de commerce ou perturbation durable de marge brute tant pour les fibres de verre que pour les produits complémentaires, de 40 000 euro à titre de dommages et intérêts pour ses agissements déloyaux et constitutifs d'un abus de position dominante et de pratiques discriminatoires de vente.

L'appelante développe les moyens suivants :

- les relations entre les parties ont débuté dans les années 60, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement reconnaissant dans un courrier du 31 juillet 2002 que la qualité et la durée des relations commerciales sont tout à fait remarquables,

- en 1996, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement lui a imposé une nouvelle obligation dite de transparence commerciale, ce qui lui a permis de capter des informations commerciales et concomitamment, elle a évincé plusieurs de ses distributeurs,

- à compter de l'année 2000, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement lui a imposé une politique de prix incohérente et manifestement destinée à la discréditer vis-à-vis de son principal client, la société Zodiac, pratiquant des prix discriminatoires,

- par lettre du 16 juillet 2002, la SAS Gaches Chimie Spécialités a dénoncé des ventes directes sur son territoire par la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement,

- ce n'est que par lettre reçue le 5 décembre 2002 que la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement a annoncé à la SAS Gaches Chimie Spécialités sa décision de mettre fin aux contrats de distribution, sans annonce préalable,

- des relations commerciales ayant duré 40 ans ont été rompues dans des conditions abusives sous un préavis de 9 mois, alors que les recommandations émises par la chambre syndicale des distributeurs de produits chimiques prévoient un préavis en fonction de l'ancienneté des relations qui ne saurait, en tout état de cause, être inférieur à un an lorsque les parties ont collaboré pendant plus de cinq ans,

- la durée des relations, la distribution stratégique de la fibre de verre, l'exclusivité de la relation contractuelle, les investissements réalisés à la demande de la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement, les difficultés pour retrouver un fournisseur justifiaient un préavis de 36 mois, alors de plus que pendant le préavis, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement s'est affranchie de l'exclusivité consentie à la SAS Gaches Chimie Spécialités et de toute obligation de loyauté,

- après le soi-disant préavis et en violation des assurances données, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement a fait obstacle à tout approvisionnement, cette politique constituant une pratique de vente discriminatoire.

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SAS OCV Renforcement sollicite la confirmation du jugement entrepris hormis sur le débouter de la demande pour procédure abusive. Elle sollicite à ce titre la condamnation de La SAS Gaches Chimie Spécialités à lui payer la somme de 30 000 euro. Elle réclame également sa condamnation au paiement d'une somme de même montant sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'intimée développe les moyens suivants :

- la rupture du contrat de distribution est intervenue dans le respect des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

- le préavis écrit d'une durée de neuf mois était suffisant pour permettre à la SAS Gaches Chimie Spécialités de se réorganiser,

- la rupture du contrat n'a pas eu un caractère inattendu pour la SAS Gaches Chimie Spécialités qui avait été informée de son principe dès le mois d'octobre 2001 et durant le courant de l'année 2002 soit par courriers soit lors de réunions,

- la SAS Gaches Chimie Spécialités ne démontre aucune faute qui aurait été commise par la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement lors de la résiliation du contrat de distribution,

- la rupture du contrat de distribution est exclusive de tout caractère abusif,

- la SAS Gaches Chimie Spécialités ne démontre ni la légèreté blâmable ni la captation de clientèle dont elle accuse la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement de s'être rendue coupable ni les conséquences qu'elle prétend avoir subies du fait de cette rupture,

- la SAS Gaches Chimie Spécialités ne démontre pas plus que la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement se soit rendue coupable de pratiques discriminatoires de vente et d'un abus de position dominante ni qu'elle ait refusé de lui communiquer les conditions générales de vente complètes de ses produits.

Motifs de la décision

D'une part, selon l'article L. 442-6 dans sa rédaction applicable à l'espèce, engage notamment la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée des relations commerciales et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Un contrat à durée indéterminée peut être résilié à tout moment à la condition de respecter un préavis prévu ou à défaut d'une clause contractuelle, comme en l'espèce, selon l'usage dans la branche professionnelle, avec un délai suffisant afin que le partenaire évincé puisse avoir le temps de se réorganiser. La durée du préavis doit notamment prendre en compte la durée des relations commerciales, l'existence d'un éventuel état de dépendance économique et l'importance des investissements réalisés à la demande du fournisseur.

La durée du préavis ne doit pas être appréciée à partir de la lettre le notifiant mais à partir du moment où la volonté du fournisseur est clairement exprimée par écrit à son partenaire.

En l'espèce, par lettre du 29 novembre 2002, reçue le 5 décembre 2002, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement a informé "formellement" la SAS Gaches Chimie Spécialités de sa décision de mettre fin à compter du 31 août 2003 aux contrats de distribution signés à partir de 1977, d'après les pièces produites soit après 25 ans de relations.

Dans une correspondance du 31 juillet 2002 adressée à la SAS Gaches Chimie Spécialités, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement fait état d'une réunion tenue en octobre 2001 annonçant la mise en place d'une plate-forme logistique à partir de janvier 2002 dans le but d'élargir son rôle dans la distribution de ses produits.

Le compte rendu d'une réunion tenue le 16 octobre 2002 reprend l'idée de l'élargissement de son rôle et la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement annonce expressément à la SAS Gaches Chimie Spécialités qu'elle envisage de mettre fin aux contrats de distribution qui les lient, en ajoutant que compte tenu des relations commerciales ayant existé, elle propose de donner à la SAS Gaches Chimie Spécialités un préavis supérieur à 6 mois.

Dans une correspondance de la SAS Gaches Chimie Spécialités en date du 4 décembre 2002, faisant suite à la réception du compte-rendu de la réunion du 16 octobre 2002, cette dernière fait état de relations d'une durée de 30 ans.

Une lettre du 14 mars 2003 adressée par la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement fait suite à une rencontre ayant eu lieu le 13 janvier 2003 au cours de laquelle ont été évoquées les modalités de fin de contrat.

Dans une correspondance adressée à la SAS Gaches Chimie Spécialités le 23 juin 2003, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement précise : "nous sommes convenus par conséquent qu'à la suite de la dénonciation le 29 novembre 2002 des contrats de distribution qui liaient nos deux sociétés, aucune indemnité ne serait due par la société Vetrotex à la société Gaches, compte tenu de la longueur du préavis (9 mois) consenti par la société Vetrotex à la société Gaches".

Le 2 juillet 2003, la SAS Gaches Chimie Spécialités indique attendre une confirmation formelle de l'arrêt du contrat de distribution à la fin du mois d'août et demande à connaître les motifs. Le 7 juillet 2003, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement répond que la résiliation a été signifiée le 29 novembre 2002 et que les motifs ont été expliqués au cours de plusieurs réunions dans le courant de l'année 2002. Le 22 juillet 2003, la SAS Gaches Chimie Spécialités qui se réfère à la lettre du 29 novembre 2002, demande à la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement de lui faire connaître ses propositions d'indemnité de rupture compte tenu de l'ancienneté et de la diversité des relations qui ont été entretenues, de la parfaite exécution de ses obligations contractuelles et de la demande d'investissements importants. Le 29 septembre 2003, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement a répondu à la SAS Gaches Chimie Spécialités en lui faisant savoir que s'agissant d'une relation contractuelle à durée indéterminée, il lui était loisible d'y mettre un terme de manière unilatérale et qu'elle avait été informée de ses intentions dès le mois d'octobre 2001.

Il résulte de ces éléments que ce n'est au mieux que dans la rédaction du compte rendu de la réunion du 16 octobre 2002 que la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement a expressément et par écrit annoncé son intention de rompre les relations. Le préavis ainsi donné est d'une durée de 10 mois et demi.

Or, l'ancienneté exceptionnelle des relations, d'une durée d'au moins 25 ans, justifiait un préavis de deux ans, sans avoir à prendre en compte les recommandations émises par la chambre syndicale des distributeurs de produits chimiques.

En revanche, contrairement à ce que tente de soutenir la SAS Gaches Chimie Spécialités la relation contractuelle n'était pas exclusive. En effet, les contrats de 1977 et 1979 ne contiennent pas une telle clause et la charte du distributeur intitulée "qu'est-ce qu'un bon distributeur pour Vetrotex'' qui porte une clause "exclusivité achat fibre de verre Vetrotex sur secteur confié" n'est pas signée par les parties. Dès lors, elle est dépourvue de valeur contractuelle, ne faisant que recenser les préoccupations légitimes mais non impératives de la société Vetrotex. De même, la correspondance du 15 janvier 1996 adressée par la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement à un client de la SAS Gaches Chimie Spécialités employant la formule "notre distributeur étant exclusif dans votre région" ne caractérise pas une relation contractuelle exclusive, étant seulement employée dans l'intérêt de la SAS Gaches Chimie Spécialités par la demande de suppression du logo de la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement sur la façade du commerçant.

De plus, les investissements réalisés en 1996 et 2006 par la SAS Gaches Chimie Spécialités n'ont pas à être pris en considération pour la durée du préavis, en considération du fait que le stockage de la fibre de verre et de ses dérivés est bien plus simple que celui des produits chimiques et qu'il n'est pas justifié que tout ou partie des investissements réalisés pour son développement et invoqués par la SAS Gaches Chimie Spécialités l'aient été à la demande de la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement. Par ailleurs, les efforts de prospection mis en œuvre en 1998 pour la région PACA correspondaient à une exécution normale du contrat de distribution en raison d'une extension de la concession.

De même, la SAS Gaches Chimie Spécialités ne rapporte pas la preuve de l'état de dépendance économique allégué dans la mesure où elle ne justifie pas s'être retirée du marché de distribution de la fibre de verre, même s'il n'est pas contesté qu'elle a connu des difficultés pour trouver un fournisseur de substitution. Il est d'ailleurs établi que depuis fin décembre 2003, la SAS Gaches Chimie Spécialités fait appel à un fournisseur indien et à deux fournisseurs chinois. Lors de la réunion du 16 octobre 2002, la SAS Gaches Chimie Spécialités avait d'ailleurs indiqué avoir reçu des propositions de fournitures de fibres de verre d'autres fabricants, alors au surplus que le marché de la distribution de la fibre de verre n'est pas soumis à des protocoles de qualification lourds. De plus, l'effet de gamme invoqué n'est nullement démontré, les produits verriers pouvant être vendus isolément des produits complémentaires que sont les résines, gels coat, solvants, colles et catalyseurs.

Cette rupture brutale des relations commerciales présente un caractère fautif nécessairement source de préjudice pour la SAS Gaches Chimie Spécialités. Il convient d'infirmer le jugement entrepris sur ce point.

Cependant, pour chiffrer son préjudice, la SAS Gaches Chimie Spécialités multiplie la durée du préavis réclamée, 3 ans, par le chiffre d'affaires moyen multiplié par la marge moyenne, sans aucune autre explication de sa méthode de calcul. Il résulte des données chiffrées communiquées que le chiffre d'affaires moyen est celui de la fibre de verre mais le chiffre pris en compte n'est pas expliqué, pas plus que le pourcentage de marge moyenne retenu.

Si le principe de calcul n'est pas contestable, la SAS Gaches Chimie Spécialités le limitant au chiffre d'affaires réalisé sur la fibre de verre, les chiffres retenus le sont.

Il convient de prendre en considération les données chiffrées sur les années 2001 et 2002, la rupture ayant été annoncée par écrit en octobre 2002. Ainsi, la moyenne du chiffre d'affaires pour la fibre de verre est de 1 320 000 euro (1400K - 1240K) et la moyenne de la marge est de 17,54 % (18,2 % - 16,89 %). Après multiplication du résultat obtenu, et en multipliant par la durée de 2 ans retenue par la cour d'appel, on obtient la somme de 463 056 euro.

Cette somme portera intérêt au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance.

D'autre part, la SAS Gaches Chimie Spécialités sollicite la condamnation de la SAS OCV Renforcement à lui verser la somme de 305 100 euro au titre de moins-value sur le fonds de commerce ou perturbation durable de marge brute tant pour les fibres de verre que pour les produits complémentaires, et celle de 40 000 euro à titre de dommages et intérêts pour ses agissements déloyaux et constitutifs d'un abus de position dominante et de pratiques discriminatoires de vente.

La première demande, dont le calcul n'est nullement explicité en page 30 des écritures de la SAS Gaches Chimie Spécialités, se fonde sur le caractère abusif de la rupture. Elle invoque une légèreté blâmable et une captation de clientèle.

Sur la légèreté qualifiée de blâmable, en invoquant son caractère inattendu, en réalité ce moyen concerne le caractère brutal de la rupture, déjà évoqué.

Sur la captation de clientèle, la SAS Gaches Chimie Spécialités fait valoir qu'au prétexte d'une transparence commerciale, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement a préparé la rupture. Mais, il résulte des pièces produites que dès juillet 1996, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement avait des exigences en cette matière qui ne peuvent dès lors caractériser l'intention de capter la clientèle de nombreuses années plus tard. La SAS Gaches Chimie Spécialités ne démontre pas plus que la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement ait effectué des ventes auprès de ses clients pendant la durée du préavis. En effet, la SAS Gaches Chimie Spécialités soutient que le 10 octobre 2002, soit avant même la notification de la rupture des relations, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement avait adressé une lettre-circulaire à tous ses clients y annonçant la mise en place de son propre réseau commercial. Elle produit à l'appui de son moyen un document adressé à une carrosserie. Mais, force est de relever que ledit document n'est pas daté de 2002 mais de 2003, donc postérieurement à la fin du préavis. Une fois le contrat résilié, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement était libre, par le jeu des règles de la liberté de concurrence, d'offrir à ses clients une gamme de produits ne se limitant pas à la fibre de verre. La SAS Gaches Chimie Spécialités n'établit pas non plus que la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement a tenté de débaucher un de ses salariés.

Concernant la deuxième somme, la SAS Gaches Chimie Spécialités invoque des pratiques discriminatoires et un abus de position dominante.

Sur les conditions de prix pratiquées, les hausses de prix intervenues en 2000 n'avaient pas pour but d'asphyxier la SAS Gaches Chimie Spécialités, étant mises en œuvre à l'échelle européenne. Plus particulièrement concernant le client Zodiac, la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement a consenti à la SAS Gaches Chimie Spécialités un prix particulier en accord avec elle jusqu'à la fin du mois d'août 2003, date du préavis décidé par la SAS Saint-Gobain Vetrotex Renforcement. Ensuite, à partir de la résiliation du contrat, la SAS Gaches Chimie Spécialités ne pouvait plus exiger de bénéficier des tarifs distributeur.

Sur l'abus de position dominante ou état de dépendance économique telles que prévues par l'article L. 420-2 du Code de commerce, il y a déjà été répondu lors de l'appréciation du caractère fautif de la rupture.

La SAS Gaches Chimie Spécialités ne rapportant la preuve d'aucun des griefs allégués, elle doit être déboutée de ses demandes en paiement des sommes de 305 000 euro et 40 000 euro et le jugement doit être confirmé.

Par ailleurs, la SAS Gaches Chimie Spécialités réclame la condamnation sous astreinte de 1 000 euro par jour de la SAS OCV Renforcement à lui communiquer les conditions de remise en fonction du tonnage et des unités d'approvisionnement, en faisant valoir que les premiers juges ont rejeté cette demande sans motivation.

Par l'effet dévolutif de l'appel il appartient à la cour d'appel de statuer, le recours à la procédure prévue par l'article 463 du Code de procédure civile sur l'omission de statuer n'étant pas obligatoire.

Cependant, si par application de l'article L. 441-6 du Code de commerce, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Celles-ci constituent le socle de la négociation commerciale. Elles comprennent :

- les conditions de vente ;

- le barème des prix unitaires ;

- les réductions de prix ;

- les conditions de règlement,

toujours selon la même disposition, les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services. Dans ce cas, l'obligation de communication prescrite au premier alinéa porte sur les conditions générales de vente applicables aux acheteurs de produits ou aux demandeurs de prestation de services d'une même catégorie.

Dès lors, compte tenu de la rupture des relations commerciales, la SAS Gaches Chimie Spécialités est redevenu un client normal, sans qu'elle ait à bénéficier de remises. Il n'y a pas lieu en conséquence d'ordonner la communication sollicitée, étant observé que la SAS Gaches Chimie Spécialités a reçu communication en février 2004 du tarif négoce précisant les conditions d'application pour une quantité maximale, les modalités de livraison, les ristournes, les surcoûts et les remises pour quantité.

De même, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si le demandeur a agi par malice ou de mauvaise foi ou avec une légèreté blâmable. En l'espèce, le simple fait que la procédure soit partiellement injustifiée ne la rend pas abusive. Et, le simple fait que l'appel soit partiellement rejeté ne le rend pas abusif. La SAS OCV Renforcement doit donc être déboutée de sa demande de ce chef et le jugement confirmé.

Enfin, le rejet partiel des prétentions formées par chacune des parties conduit à infirmer le jugement sur l'indemnité pour frais irrépétibles.

Concernant les dépens, aucune des parties n'obtenant entièrement satisfaction, chacune d'elles conservera la charge de ses propres dépens.

Par ces motifs : Confirme le jugement hormis sur le préavis et l'indemnité pour frais irrépétibles, Y ajoutant, Déboute la SAS Gaches Chimie Spécialités de sa demande de communication sous astreinte des conditions de remise en fonction du tonnage et des unités d'approvisionnement, Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés, Condamne la SAS OCV Renforcement à payer à la SAS Gaches Chimie Spécialités la somme de 463 056 euro, qui portera intérêt au taux légal à compter du 19 avril 2004, Déboute la SAS OCV Renforcement de sa demande sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile, Déboute la SAS Gaches Chimie Spécialités et la SAS OCV Renforcement de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que chaque partie conservera ses propres dépens dont distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.