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Décisions

Cass. com., 30 mai 2012, n° 11-18.775

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Les Parfumeries Fragonard (SA)

Défendeur :

MCM (Sté), Courtaux (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Pezard

Avocat général :

M. Carre-Pierrat

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié

Paris, pôle 5, chambre 4, du 16 mars 201…

16 mars 2011

LA COUR: - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2011), que la société Les Parfumeries Fragonard (la société Fragonard), reprochant à la société MCM la reproduction de sa collection de pochons de voyages l'a assignée en paiement de dommages-intérêts et que cette société estimant, à titre reconventionnel, que la société Fragonard avait commis des faits de dénigrement l'a également assignée en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Fragonard fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la société MCM la somme de 50 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du dénigrement alors, selon le moyen : 1°/ que dans ses conclusions devant la cour d'appel, la société Les Parfumeries Fragonard faisait valoir que, comme l'avait jugé le tribunal de commerce, sa lettre à la société Castorama avait pour but non seulement d'identifier le fournisseur de produits litigieux mais aussi d'obtenir des informations sur les quantités écoulées, les prix et les stocks restants ; qu'en se bornant à retenir, pour considérer que la lettre qu'elle avait adressée à la société Castorama était fautive, que la société Les Parfumeries Fragonard connaissait l'identité du fournisseur des produits litigieux, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile; 2°/ qu'une mise en demeure n'est pas fautive si elle tend à la recherche d'informations ; qu'en se bornant à retenir, pour considérer que la lettre qu'elle avait adressée à la société Castorama était fautive, que la société Les Parfumeries Fragonard connaissait l'identité du fournisseur des produits litigieux, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si cette lettre n'avait pas également pour but d'obtenir des informations sur les quantités écoulées, les prix et les stocks restants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°/ que la seule circonstance que la société Les Parfumeries Fragonard avait déjà attrait la société MCM devant le tribunal de commerce à la date de l'envoi litigieux n'établissait pas qu'elle aurait nécessairement connu l'identité du fournisseur des pochons de la société Castorama ; qu'en retenant cette seule circonstance, pour décider que la lettre litigieuse ne tendait pas à la recherche d'informations et en déduire que la société Les Parfumeries Fragonard s'était rendue coupable de dénigrement fautif, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 4°/ qu'en retenant, pour décider que la société Les Parfumeries Fragonard ne défendait pas un intérêt légitime et en déduire qu'elle s'était rendue coupable de dénigrement fautif, que celle-ci n'avait, à aucun moment de la procédure, fondé ses demandes sur la commission d'actes de contrefaçon pourtant reprochés à la société MCM dans son courrier adressé à la société Castorama, quand celle-ci n'avait nullement l'obligation de s'en tenir au fondement juridique invoqué à l'encontre de la société MCM dans le cadre de la procédure judiciaire précédemment engagée, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 5°/ que toute personne a droit à la liberté d'expression, que ce droit comprend la liberté de communiquer des informations sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques, sauf restrictions légitimes, lesquelles sont d'interprétation étroite ; qu'en se bornant à affirmer, pour dire que la société Les Parfumeries Fragonard s'était rendue coupable de dénigrement fautif, que la lettre litigieuse comportait des propos "non mesurés et particulièrement menaçants", sans en exposer le contenu, ni expliquer en quoi les propos en cause excédaient les limites admises en la matière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé qu'à la date du courrier adressé à la société Castorama, la société Fragonard avait déjà fait assigner la société MCM devant le tribunal de commerce, la cour d'appel, qui a répondu en les écartant aux conclusions visées par la première branche et n'avait pas à faire la recherche visée par la deuxième branche, que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que la société Fragonard ne pouvait ignorer l'identité du fournisseur des produits litigieux ;

Et attendu, en second lieu, qu'après avoir constaté le caractère non mesuré et particulièrement menaçant des propos tenus sur la société MCM par la société Fragonard dans le courrier que celle-ci avait adressé à la société Castorama, l'arrêt retient qu'il ne peut être établi que le caractère excessif de ces propos trouvait sa justification dans la défense d'intérêts légitimes ou la recherche d'informations ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont elle a déduit que la société Fragonard s'était rendue coupable d'un acte de dénigrement fautif, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la quatrième branche, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire d'autre recherche, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen : - Attendu que la société Fragonard fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen que la mise en œuvre de la responsabilité civile suppose l'existence d'un dommage certain causé à la victime, quand bien même ce dommage serait constitué par une perte de chance ; que seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; qu'en se fondant sur la seule concomitance de la mise en demeure litigieuse et de la cessation des commandes, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le caractère certain et direct de la perte de chance qu'elle a indemnisée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'aucune commande n'avait été passée à la société MCM par la société Castorama postérieurement à la date du courrier de la société Fragonard, ce dont elle a déduit que l'acte de dénigrement commis par cette dernière avait fait perdre à la société MCM une chance de continuer ses relations commerciales avec la société Castorama, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.