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Décisions

ADLC, 8 mars 2012, n° 12-DCC-28

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif de la société Odéon Développement par la société France Frais

ADLC n° 12-DCC-28

8 mars 2012

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 5 août 2011, déclaré complet le 13 février 2011, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Odéon Développement par la société France Frais, formalisée par un protocole de cession d'actions en date du 18 mai 2011 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. La société France Frais (ci-après "France Frais"), société par actions simplifiée, a été constituée en 2001 pour structurer le réseau de distribution de la société coopérative agricole Les Maîtres Laitiers du Cotentin (ci-après "MLC"), cette dernière ayant pour activité la fabrication de produits laitiers, principalement des fromages frais. La société France Frais, contrôlée exclusivement par la coopérative MLC, est active, à travers environ 70 filiales réparties sur l'ensemble du territoire national, à l'exception de la région Nord-Pas-de-Calais, dans le secteur de la distribution de gros de produits alimentaires frais, de produits surgelés, de produits secs et de boissons auprès des professionnels de la restauration hors foyer (ci-après "RHF"), des commerces de détail à dominante alimentaire et de l'industrie agro-alimentaire. Le groupe MLC est également présent dans le secteur de la production de produits laitiers.

2. Odéon Développement, société contrôlée conjointement par deux personnes physiques, est la société de tête du groupe Odéon Développement (ci-après "Odéon"), dans le secteur des produits laitiers et plus précisément (i) le commerce de gros des produits laitiers sur le MIN de Rungis ; (ii) la crèmerie traditionnelle de détail au sein de ses 20 points de vente situés en région parisienne ; (iii) l'export.

3. L'opération, formalisée par un protocole de cession d'actions du 18 mai 2011, porte sur l'acquisition, par France Frais, de la totalité du capital social d'Odéon Développement. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif d'Odéon Développement par France Frais, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code du commerce.

4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euro (groupe MLC : (...) milliard d'euro pour l'exercice clos au 31 mars 2010 ; Odéon : (...) millions d'euro pour l'exercice clos au 31 décembre 2010). Deux au moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euro (groupe MLC : (...) milliard d'euro pour l'exercice clos au 31 mars 2010 ; Odéon : (...) millions d'euro pour l'exercice clos au 31 décembre 2010). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatives à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les parties à l'opération sont simultanément présentes dans le seul secteur du commerce de gros de produits laitiers. En ce qui concerne leurs approvisionnements, elles interviennent, en amont, en qualité d'acheteurs, sur les marchés de l'approvisionnement en produits alimentaires frais. Il conviendra de délimiter ceux-ci en vue d'une analyse concurrentielle relative à la création ou au renforcement éventuels d'une puissance d'achat de nature à porter atteinte à la concurrence. Par ailleurs, MLC est seul présent sur les marchés de la fabrication de produits laitiers et Odéon est la seule partie présente sur les marchés du commerce de détail à dominante alimentaire. Ces marchés seront pris en compte au titre de l'analyse des effets verticaux.

A. LES MARCHÉS DE LA FABRICATION DE PRODUITS LAITIERS

6. Le groupe MLC fabrique des fromages frais et, de façon plus marginale, de la crème, du beurre, du lait et des fromages à pâte pressée. Au cas d'espèce, la définition des marchés pertinents ne portera que sur les fromages, seul secteur dans lequel les volumes de production des parties sont suffisamment importants pour être susceptibles d'entraîner des effets verticaux. 1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

7. La pratique décisionnelle (1) se réfère à plusieurs critères pour segmenter les marchés de fromages : la famille à laquelle appartient le produit, le canal de distribution, puis, pour les grandes et moyennes surfaces (ci-après "GMS"), le mode de distribution et le positionnement commercial des produits.

Distinction en fonction des familles de fromages

8. La pratique décisionnelle considère que les marchés de fromages peuvent être segmentés suivant la nomenclature produit de l'INSEE, qui comporte sept familles : les fromages frais, les fromages fondus, les pâtes persillées, les fromages de chèvre, les fromages à pâtes molles, les fromages à pâtes pressées cuites et les fromages à pâtes pressées non cuites (2). Le groupe MLC produit essentiellement des fromages frais.

Distinction en fonction du canal de distribution

9. La pratique décisionnelle nationale (3) a envisagé de segmenter les marchés de production de fromages selon le canal de distribution, en distinguant les produits destinés aux commerces de détail à dominante alimentaire (GMS et commerces de proximité), les produits destinés à la restauration hors foyer (ci-après "RHF") et enfin les produits vendus à l'industrie agro-alimentaire (ci-après "IAA"). Cette distinction est notamment justifiée par l'existence de différences en termes de conditionnement, d'emballage, de diversité de gamme et de réseaux de distribution.

10. Le groupe MLC produit essentiellement des fromages frais destinés à l'IAA et à la RHF. Dès lors, il n'est pas utile de définir plus précisément les marchés de fromages destinés aux commerces de détail à dominante alimentaire.

11. En tout état de cause, la question de la délimitation précise de ces marchés peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées, quelles que soient les hypothèses retenues.

2. LES MARCHES GÉOGRAPHIQUES

12. La pratique décisionnelle européenne a relevé que les marchés de production de fromages avaient un "caractère fortement national en raison de l'existence de demandes et d'offres présentant des spécificités nationales très marquées, qui peuvent conduire à définir différents marchés de produits par pays" (4). La pratique décisionnelle nationale a également considéré que ces marchés ont une dimension nationale (5).

13. Au cas d'espèce, il n'y a pas lieu de remettre en cause cette définition des marchés.

B. LES MARCHÉS DE L'APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS ALIMENTAIRES FRAIS

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

14. Les marchés de l'approvisionnement en produits alimentaires correspondent à la vente de ces produits par leurs producteurs ou fabricants à des clients tels que les centrales d'achats des grandes et moyennes surfaces, les grossistes distributeurs ou l'industrie agro-alimentaire. La pratique décisionnelle communautaire (6) et nationale (7) distingue habituellement autant de marchés qu'il existe de familles ou groupes de produits. S'agissant des produits alimentaires frais, les familles de produits suivantes peuvent être notamment distinguées : les produits laitiers (lait, beurre, fromage, produits lactés tels que les yaourts) ; la charcuterie et les produits de traiteur ; les produits de la mer ; les fruits et légumes ; le pain et la pâtisserie fraîche ; les produits carnés.

15. En tout état de cause, la question de la délimitation précise de ces marchés peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle resteront inchangées.

2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

16. La pratique décisionnelle européenne et nationale (8) considère que les marchés de l'approvisionnement en produit alimentaires frais ont une dimension nationale compte tenu des préférences, des goûts et habitudes alimentaires des consommateurs, des différences de prix, des variations des parts de marché détenues par les principaux opérateurs selon les Etats-membres et de la présence de marques de fabricants ou de distributeurs commercialisées uniquement sur un plan national.

C. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION EN GROS DE PRODUITS ALIMENTAIRES FRAIS

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

17. Le secteur de la distribution de produits alimentaires frais, qui regroupe notamment la vente de produits carnés, de produits laitiers, de fruits et légumes, de produits de la mer, fait intervenir plusieurs catégories d'acteurs.

18. Précisément, les producteurs ou les fabricants vendent leurs produits soit directement, à l'industrie agro-alimentaire ou aux centrales d'achats de la grande distribution alimentaire, soit à des grossistes, dont le rôle est de disposer d'une large gamme de produits et de commercialiser ceux-ci auprès de leur clientèle, composée des professionnels de la restauration hors foyer (les restaurants, les collectivités ou les chaînes de restauration) et des commerces de détail à dominante alimentaire ou d'industriels du secteur agro-alimentaire.

19. Servant ainsi d'intermédiaire entre les fournisseurs et les nombreux détaillants, restaurateurs, et industriels, le grossiste a pour mission de répondre à des commandes de gros volumes de marchandises afin de les revendre et les livrer, à partir d'une plateforme régionale ou locale, en petites quantités, dans des délais courts, auprès de ses différents clients.

20. Présent historiquement auprès des commerces à dominante alimentaire, les grossistes distributeurs se sont spécialisés, avec le développement des centrales d'achats de la grande distribution, dans le secteur de la restauration hors foyer. Parallèlement, à côté de ces grossistes traditionnels, se sont développés des libres-services de gros, tels que Metro ou Promocash.

21. Plusieurs segmentations du marché du commerce de gros de produits alimentaires frais ont été envisagées par les autorités de concurrence, en fonction notamment du type de produits, du canal de distribution et du mode de distribution.

a) Distinction en fonction du type de produits

22. La pratique décisionnelle (9) a considéré qu'il convenait d'envisager une segmentation des marchés de distribution en gros de produits alimentaires frais par type de produits. Elles ont distingué un marché du commerce de gros de fruits et légumes (10) et n'ont pas exclu que les produits laitiers et les produits carnés forment également deux marchés distincts (11). Au cas d'espèce, les activités des parties se chevauchent uniquement sur les marchés de commerce de gros de produits laitiers. L'analyse concurrentielle sera donc menée sur ce marché, qui correspond à la segmentation la plus étroite.

23. En tout état de cause, la question de l'existence et d'un marché de la distribution en gros de produits laitiers peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle restant inchangées, quelle que soit l'hypothèse retenue.

b) Distinction en fonction du canal de distribution

24. La pratique décisionnelle (12) nationale et communautaire a retenu, à plusieurs reprises, l'existence d'une segmentation des marchés du commerce de gros de produits frais, et de produits laitiers en particulier, par canal de distribution, en distinguant la distribution en gros de produits destinés (i) aux commerces de détail à dominante alimentaire (qui regroupent à la fois les GMS et les commerces de proximité), (ii) à la RHF, et (iii) à l'IAA. En l'espèce, MLC vend en gros essentiellement des produits laitiers à destination de la RHF (qui représente (80-90) % de son chiffre d'affaires) et accessoirement à des commerces de détail (qui représentent (10-20) % de son chiffre d'affaires). Odéon vend pour sa part principalement des produits laitiers aux commerces de détail à dominante alimentaire, à hauteur de (90-100) % de son chiffre d'affaires, le commerce de gros avec la RHF ne représentant que (0-5) % de son activité de commerce de gros. Aucune des deux parties à l'opération ne distribue en gros de produits à l'IAA.

25. La pratique décisionnelle (13) a par ailleurs envisagé une segmentation des marchés de commerce de gros de produits laitiers à destination de la RHF par type de clients, en distinguant les "grands comptes" (chaînes de restauration, sociétés de restauration collective, certaines collectivités publiques), qui négocient des achats globalisés sur une base nationale, et les clients de taille plus réduite, dont les approvisionnements s'effectuent à moindre échelle et pour une périodicité plus courte. Dans la mesure où les produits commercialisés auprès des grands comptes et des clients de taille plus réduite sont identiques et que les conditions de livraison offertes par les grossistes ne diffèrent pas selon les catégories de clients, il n'y a pas lieu de retenir une telle segmentation, conformément à la pratique décisionnelle récente (14).

c) Distinction en fonction du mode de distribution

26. A côté du commerce de gros dit "traditionnel", des magasins de libre-service de gros, tels que Metro ou Promocash, se sont développés. Comme l'indique l'expression anglaise "cash and carry", utilisée pour désigner ce type d'activité, les clients assurent eux-mêmes le transport et paient les marchandises comptant plutôt qu'à crédit. La pratique décisionnelle (15) considère que les ventes réalisées en libre-service de gros constituent un marché de produits distinct de celui des autres activités du commerce de gros.

27. En l'espèce, MLC est présent uniquement dans le secteur du commerce de gros traditionnel. Odéon est présente dans le secteur du commerce de gros de produits laitiers via les sociétés Odéon SAS, Odéon SCPL et Norvège Produits Frais, qui commercialisent des produits laitiers sur le marché d'intérêt national de Rungis (ci-après "MIN de Rungis").

28. La partie notifiante considère que le MIN de Rungis fait partie du même marché que les libres-services de gros dans la mesure où les grossistes du MIN de Rungis ne fournissent en principe pas de prestations de livraison à leurs clients. Le test de marché tend néanmoins à démontrer que les activités des grossistes présents au MIN de Rungis se rapprochent davantage du commerce de gros traditionnel que des libres-services de gros, au regard de leur offre de produits, dont le conditionnement peut être adapté aux petits comme aux gros clients, de leur offre de services (conseils liés à la connaissance spécifique des produits et des clients, facilités de crédit, livraison (16)). Cependant du fait de l'importance du MIN de Rungis en Ile-de-France et des particularités de l'offre qui y est présente, il est également envisageable que le commerce de gros de produits laitiers au MIN de Rungis constitue un marché distinct des autres marchés de commerce de gros. Toutefois, MLC n'exerçant aucune activité sur le MIN de Rungis, un tel marché ne serait pas affecté par l'opération.

29. L'analyse concurrentielle portera sur les marchés sur les marchés de distribution en gros de produits laitiers et sur le marché de la distribution en gros traditionnel de produits laitiers, incluant le MIN de Rungis et excluant le cash and carry. Du fait de l'absence de problèmes de concurrence soulevés par l'opération sur des marchés ainsi délimités, la question de la définition exacte des marchés de commerce de gros de produits laitiers peut être laissée ouverte.

2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

30. La pratique décisionnelle (17) considère que les marchés de la distribution en gros de produits alimentaires frais revêtent une dimension locale, compte tenu notamment de la nécessité d'organiser les livraisons à partir de plateformes, du coût du transport, de la fréquence des livraisons dans des délais serrés (par exemple livraison une à deux fois par semaine pour les produits laitiers) et de l'existence d'un grand nombre de clients de faible taille. Au cas d'espèce, les activités des parties ne se chevauchent au niveau local que sur la région Ile-de-France.

31. Afin de tenir compte de l'existence de grands comptes en RHF organisant leurs appels d'offres au niveau national ainsi que de la distribution de produits frais aux grandes et moyennes surfaces qui procèdent à des négociations nationales via leurs centrales d'achats, l'analyse a été menée à la fois au niveau national et au niveau local par la pratique décisionnelle récente (18).

32. En conséquence, l'analyse concurrentielle sera menée à la fois au niveau national et au niveau local, dans la région Ile-de-France.

D. LES MARCHÉS DE COMMERCE DE DÉTAIL

33. Odéon est présent dans le secteur du commerce de détail de produits alimentaires, puisqu'il exploite 20 crèmeries situées en région parisienne (19), d'une superficie de moins de 100m² chacune. MLC n'est pas présent sur ces marchés.

34. Les parties considèrent qu'il n'est pas pertinent de distinguer un marché du commerce de détail de produits laitiers au sein du marché global du commerce de détail à dominante alimentaire, dans la mesure où les achats de produits laitiers constituent une partie des achats visant à satisfaire les besoins alimentaires des consommateurs.

35. La pratique décisionnelle (20) considère que les marchés de commerce à dominante alimentaire sont des marchés locaux, dont la taille correspond à des zones de chalandise définies au cas par cas dans le cas de commerces de proximité.

36. En tout état de cause, la définition et la délimitation géographique précise des marchés de commerce de détail de produits laitiers concernés par l'opération peut rester ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition et la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle resteront inchangées.

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

1. LES MARCHÉS DE L'APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS ALIMENTAIRES FRAIS

37. Les activités de MLC et Odéon représentent, cumulativement, une part minime du total des achats effectués sur les marchés de l'approvisionnement en produits alimentaires et sur le segment de l'approvisionnement en produits laitiers. Cette part est inférieure à (0-5) % sur le marché de l'approvisionnement en produits alimentaires et s'élève à (0-5) % du segment des seuls produits laitiers.

38. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, ni sur le marché français de l'approvisionnement en produits alimentaires frais, ni sur le segment de l'approvisionnement en produits laitiers.

2. LES MARCHES DE LA DISTRIBUTION EN GROS DE PRODUITS LAITIERS

39. Les parts de marché des parties au plan national sur les marchés du commerce de gros de produits laitiers et sur les marchés relevant du seul commerce de gros traditionnel de produits laitiers concernés par l'opération sont les suivantes :

<EMPLACEMENT TABLEAU>

41. La part de marché cumulée de MLC et d'Odéon s'élève à (10-20) % sur le marché national et à (10-20) % sur le marché francilien du commerce de gros de produits laitiers tous canaux de distribution confondus. Sur ces marchés, l'opération entraînera une faible addition de parts de marché, inférieure à (0-5) %. Il en est de même sur les marchés du commerce de gros traditionnel de produits laitiers. Sur ces marchés, les parties seront confrontées à la concurrence de très nombreux grossistes, parmi lesquels Pomona, qui détient une part de marché comprise entre (5-10) et (5-10) % sur les marchés précités, mais aussi Metro, Gral, Transgourmet, Promocash et Unifrais, qui détiennent une part de marché comprise entre (0-5) % et (5-10) % sur ces mêmes marchés.

42. La part de marché cumulée des parties est sensiblement plus élevée sur les marchés du commerce de gros de produits laitiers destinés à la RHF ((30-40) % au niveau national et (20-30) % au niveau de l'Ile-de-France sur le marché global du commerce de gros de produits laitiers). A l'issue de l'opération, MLC représentera (30-40) % du marché national du commerce de gros traditionnel de produits laitiers, et (20-30) % du marché francilien. Néanmoins, Odéon ne distribuant que de manière marginale des produits laitiers à destination de la RHF, l'incrément induit par l'opération n'est que de (0-5) % sur les marchés de distribution en gros de produits laitiers à la RHF. De plus, sur ces marchés, la nouvelle entité sera confrontée à la concurrence de très nombreux opérateurs, parmi lesquels notamment Pomona, qui représente (10-20) % du marché de commerce de gros de produits laitiers au niveau national et (5-10) % au niveau de l'Ile-de-France, et Transgourmet qui détient (10-20) % de parts de marché au niveau national et (5-10) % au niveau de l'Ile-de-France.

43. Sur les marchés du commerce de gros de produits laitiers à destination des commerces à dominante alimentaire, sur lesquels Odéon exerce l'essentiel de son activité, MLC représente (0-5) % du marché national et (0-5) % du marché francilien. La part de marché cumulée des parties sera donc de (5-10) % au niveau national et (10-20) % au niveau de l'Ile-de-France. Les parties sont présentes dans des proportions similaires sur le seul commerce de gros traditionnel. L'opération permettra donc à MLC, quasi-absente du marché francilien de la distribution de gros de produits laitiers à destination des commerces de détail à dominante alimentaire d'y être plus présent. Sur ces marchés, la nouvelle entité sera confrontée à la concurrence de plusieurs opérateurs, parmi lesquels Pomona, Gral, Delon, Metro et Promocash notamment.

44. Au vu de ces éléments, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés du commerce de gros de produits laitiers.

B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX

45. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval ou les marchés amont lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux.

46. En l'espèce, les parties sont présentes à trois niveaux : (i) MLC est actif sur les marchés de la production de produits laitiers, (ii) MLC et Odéon sont présents sur les marchés du commerce de gros de produits laitiers, et (iii) Odéon est présent sur les marchés de commerce de détail de produits laitiers, situé en aval des marchés de gros. Il convient donc d'analyser les effets verticaux induits par l'opération sur ces marchés.

Entre les marchés de la production de produits laitiers et les marchés du commerce de gros pour ces produits

47. MLC représente (10-20) % de la production et de la vente de fromages frais en France. Si l'on tient compte d'une segmentation par canaux de distribution, sa part de marché s'élève à (10-20) % sur le segment des fromages frais destinés aux commerces de détail à dominante alimentaire, (40-50) % sur le segment de la RHF, et (0-5) % sur le segment des fromages frais destiné à l'IAA.

48. L'opération n'est cependant pas de nature à créer un risque de verrouillage des intrants, en l'occurrence les fromages frais, sur les marchés de gros de produits laitiers quel que soit le canal de distribution.

49. En effet, la part de marché de MLC en amont, sur le marché de la production de fromages frais à destination des commerces de détail à dominante alimentaire, et la part cumulée des parties sur le marché de la distribution en gros des produits laitiers destinés à ce même canal de distribution, sont toutes deux inférieures à (10-20) %, quelle que soit la segmentation retenue, ce qui rendrait une stratégie de verrouillage de ces marchés non effective et non rentable.

50. En ce qui concerne la RHF, les parties détiennent une part de marché cumulée de (30-40) % sur le marché français du commerce de gros de produits laitiers destinés à la RHF, et de (30-40) % sur le segment du commerce de gros traditionnel pour ces mêmes produits. Cependant, sur ces marchés, l'addition de parts de marché liée à l'opération est limitée à (0-5) % et n'est pas de nature à modifier les incitations de MLC. De plus, Odéon n'exerce son activité de grossiste qu'au MIN de Rungis. Actuellement, seuls (10-20) % des produits de MLC vendus sur le MIN de Rungis le sont par Odéon. La partie notifiante est ainsi en relation avec plus d'une vingtaine de clients grossistes sur le MIN de Rungis et MLC ne représente que (10-20) % des fromages frais destinés à la RHF vendus sur ce marché. La mise en œuvre d'une stratégie de verrouillage par les intrants apparaît donc peu probable, étant donné son impact limité sur le marché.

51. En outre, comme l'Autorité l'avait déjà noté dans la décision 10-DCC-158 précitée, la partie notifiante indique que les fromages frais ne sont pas commandés seuls par la RHF. En effet, les commandes de la RHF en fromages frais sont groupées avec celles de deux autres catégories de produits appartenant à la famille plus large des produits "ultra-frais", à savoir les catégories des yaourts et des desserts lactés. Chaque grossiste distributeur doit ainsi être en mesure de proposer ces trois catégories de produits. Or, les parties ne représentent que (5-10) % de la production de produits ultra-frais en France. Leur part de marché en matière de production de fromages frais à destination de la RHF est donc susceptible d'être remise en cause par des concurrents importants de MLC, qui offrent des produits dans les trois catégories de l'"ultra-frais", tels que Danone (qui représente environ (30-40) % du marché du fromages frais à destination de la RHF ainsi que du marché de la fabrication de produits ultra-frais), Yoplait (plus de (10-20) % du marché français de la production des fromages frais à destination de la RHF et du marché des produits ultra-frais), ainsi que Novandie et Senoble. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à permettre aux parties de verrouiller l'accès des grossistes aux intrants constitués par les fromages frais.

52. En ce qui concerne les risques de verrouillage de l'accès à la clientèle constituée par la RHF pour leurs besoins en produits laitiers, il convient de relever que les clients grands comptes de la RHF négocient de manière croissante leurs achats directement auprès des industriels, en contournant les grossistes dont le rôle se limite alors à une prestation de stockage et de transport. Dès lors, les capacités de verrouillage par MLC de l'accès à cette clientèle sont très limitées. En ce qui concerne les clients de taille plus limitée, l'opération n'a un impact significatif au niveau local qu'en Ile-de-France, région dans laquelle l'existence d'un grand nombre d'offreurs alternatifs rend peu probable un verrouillage du marché par MLC.

Entre les marchés du commerce de gros de produits laitiers et les marchés de la vente au détail de produits laitiers ou à dominante alimentaire

53. D'une part, l'activité d'Odéon en matière de commerce de détail de produits laitiers est très limitée (21) et d'autre part, a part de marché cumulée des parties sur le segment du commerce de gros de produits laitiers à destination des commerces de détail à dominante alimentaire n'excède pas (10-20) %, quelle que soit la délimitation géographique des marchés retenue (22).

54. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par des effets verticaux entre les marchés du commerce de gros et du commerce de détail de produits laitiers.

55. En conséquence, la présente opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux sur les marchés de la production des fromages frais et de la distribution, en gros et au détail de produits laitiers.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 11-145 est autorisée.

Notes :

1 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-110 du 1er septembre 2010 et n° 10-DCC-158 du 22 novembre 2010.

2 Voir par exemple la lettre du ministre n° C2006-102 du 11 décembre 2006 aux conseils du groupe Lactalis ; décision de l'Autorité n° 10-DCC-110 du 1er septembre 2010.

3 Lettre du ministre n° C2005-78 du 28 octobre 2005 ; décision de l'Autorité n° 10-DCC-110 précitée.

4 Décision de la Commission européenne n° COMP-M.4761 Bongrain/Sodiaal/JV du 18 octobre 2007

5 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-158 précitée, ainsi que les lettres du ministre de l'économie n° C2006-102, C2005-78 précitées.

6 Voir par exemple la décision de la Commission européenne n° COMP-M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000.

7 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-50 du 1er octobre 2009, relative à l'acquisition du groupe Team Ouest par la société France Frais.

8 Voir notamment les décisions de la Commission européenne n° COMP-M 2115 précitée ; décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-50 précitée.

9 Voir notamment la lettre du ministre n° C2008-67 du 4 septembre 2008 précitée, et la décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-50 précitée.

10 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP-M.4216, CVC / Bocchi / De Weide Blik, du 30 mai 2006 et la lettre du ministre n° C2008-67 du 4 septembre 2008 au conseil de la société Baninvest

11 Voir notamment la décision n° 10-DCC-158 précitée.

12 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° M.1802 du 08/03/2000 Unilever/ Amora-Maille ; la lettre du ministre n° C2008-67 précitée ; la décision de l'Autorité n° 09-DCC-50 et n° 10-DCC-158 précitées.

13 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-50 du 1er octobre 2009, relative à l'acquisition du groupe Team Ouest par la société France Frais.

14 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence 10-DCC-158 précitée.

15 Vor notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-158 précitée et la décision de la Commission européenne n° IV-M.784 du 20 novembre 1996 Kesko/Tuko.

16 La pratique décisionnelle a relevé récemment (Voir la décision n° 10-DCC-158 de l'Autorité de la concurrence) que 40 % du chiffre d'affaires global du MIN de Rungis était représenté par des ventes avec livraison.

17 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-158 précitée, lettre du ministre n° C2008-119 précitée

18 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-158 précitée.

19 14 de ces crèmeries sont situées à Paris dans le 2ème, 5ème, 7ème, 14ème, 16ème, 17ème et 18ème arrondissement. Les six autres crèmeries exploitées par la société Fromages et détail, filiale d'Odéon, sont situées à Vernon (27), Mantes la Jolie (78, Orléans (45), Neuilly-sur-Seine (92), et Suresnes (92).

20 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° IV-M.991, Promodès/ Casino, et la décision de l'Autorité de la concurrence 10-DCC-25, relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Louis Delhaize par la société H Distribution (groupe Hoio) ; et la décision du Ministre de l'économie n° 2006-15 du 14 avril 2006, relative à une concentration dans le secteur de la grande distribution alimentaire.

21 Les 20 crèmeries exploitées par Odéon ont réalisé en 2010 un chiffre d'affaires cumulé de 10,6 millions d'euro et détiennent de faibles parts de marché sur les marchés de commerce de détail concernés par l'opération, quelle que soit la segmentation retenue. Les parties ont indiqué que ces crèmeries détenaient en tout état de cause une part de marché inférieure à 1 % sur les marchés de commerce de détail alimentaires correspondant à des zones de chalandise de 10 minutes à pied autour de chacune d'entre elles.

22 La part de marché cumulée d'Odéon et France Frais sur le marché de distribution en gros de produits laitiers à destination des commerces de détail à dominante alimentaire est inférieure à 5 %.