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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 30 mai 2012, n° 11-09247

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Séraphin (SAS)

Défendeur :

Louis Vuitton Malletier (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roche

Conseillers :

Mme Luc, M. Vert

Avocats :

Mes Cordeau, Barthomeuf, Fromantin, Jourde

T. com. Paris, du 13 mai 2011

13 mai 2011

Vu le jugement en date du 13 mai 2011 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a, sous le régime de l'exécution provisoire, débouté la société Séraphin de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 17 mai 2011 par la société Séraphin et ses conclusions enregistrées le 12 avril 2012, tendant à faire infirmer le jugement entrepris, fixer à deux ans la durée du préavis pour rupture brutale des relations commerciales, condamner en conséquence la société Louis Vuitton Malletier à lui payer la somme de 1 760 000 euro à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2009, date de l'assignation, dire et juger abusive la rupture intervenue et la condamner à lui payer la somme de 675 000 euro en réparation du préjudice subi, avec intérêts au taux légal, lesdits intérêts échus capitalisés selon les dispositions de l'article 1154 du Code civil, outre celle de 25 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la société Louis Vuitton Malletier enregistrées le 9 mai 2012, tendant à la confirmation du jugement déféré et la condamnation de la société appelante à lui payer la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Séraphin conçoit et fabrique des vêtements de peau de luxe pour hommes, commercialisés sous sa marque ou des marques de prestige.

C'est ainsi qu'elle fournissait la société Louis Vuitton Malletier (ci-après LVM), depuis plusieurs années.

Prétendant que la société LVM avait rompu brutalement les relations commerciales, à compter de mars 2009, la société Séraphin l'a, par acte du 29 septembre 2009, assignée devant le Tribunal de commerce de Paris en paiement d'une somme de 2 435 000 euro à titre de dommages-intérêts, correspondant à un préavis d'une année, avec intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2009.

Retenant que les relations commerciales entre les deux parties, pour être significatives depuis 2001, n'en étaient pas moins fluctuantes et que la société Séraphin ne disposait d'aucune exclusivité auprès de la société LVM, le tribunal a estimé que la société Séraphin avait échoué à démontrer avoir subi une rupture brutale des relations commerciales et l'a déboutée de ses demandes. C'est le jugement entrepris.

SUR LES CONCLUSIONS DE LA SOCIETE SERAPHIN DU 14 MAI 2012

Considérant que les conclusions de la société Séraphin, déposées le jour de la clôture le 14 mai 2012, seront écartées des débats, afin de respecter le principe du contradictoire ;

SUR LA RUPTURE DES RELATIONS ETABLIES

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 442-6- I- 5°, "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels (...)" ;

Considérant que si les parties ne contestent pas l'existence de relations établies entre elles depuis au moins 2001, elles s'opposent sur l'imputabilité de la rupture ;

Considérant que c'est la société qui rompt les relations commerciales qui doit manifester à son partenaire son intention de ne pas les poursuivre dans les conditions antérieures ; que cette manifestation, qui fait courir le délai de préavis, peut être explicite ou découler des circonstances de fait ;

Considérant, en l'espèce, que la société Séraphin impute la rupture à la société LVM qui, bien que n'ayant jamais officiellement mis un terme aux relations entre les deux parties, aurait manifesté sa volonté d'y mettre fin, en cessant de s'approvisionner, de fait, auprès d'elle, à compter de mars 2009 et en ne répondant jamais à ses courriers de mars à fin septembre 2009, moment où est intervenue son assignation ; que son chiffre d'affaires est ainsi tombé de plus de 2 millions d'euro en 2008, à 229 177 euro sur les six premiers mois de 2009 ;

Mais considérant que dans un courrier du 23 septembre 2009, elle fait elle-même état d'une commande du début de l'année 2009 au titre de la saison automne-hiver 2009/2010 ; que la diminution de commandes ne constitue pas une rupture, même partielle, des relations commerciales établies, lorsque cette diminution ne résulte pas d'une stratégie volontaire du donneur d'ordres et s'explique par une baisse d'activité ;

Considérant en premier lieu que la chute des commandes de la saison automne-hiver 2009/2010 résulte du "surstockage" du blouson "Biker", confectionné par la société Séraphin pour la société LVM, après deux années de vente soutenue de ce modèle, sources de revenus exceptionnels pour la société Séraphin en 2008 ; que le niveau de stock s'est élevé, à cette période, à un niveau supérieur à 24 mois de vente du produit ; que la fluctuation des commandes résultait donc de ce facteur conjoncturel ; que, dès les stocks écoulés en novembre 2010, la société LVM a formulé une demande de réassort auprès de la société Séraphin qui a alors décliné, prétendant qu'elle ne disposait plus du personnel qualifié pour y répondre ;

Considérant en second lieu, qu'aucun document écrit ne fait état de la volonté, de la société LVM, de mettre fin aux relations commerciales avec son fournisseur ; que cette volonté ne s'est pas davantage manifestée au cours de réunions avec celui-ci, la société LVM s'étant, au contraire, engagée à faire fabriquer le blouson "Biker" par la société Séraphin ; que ce blouson constituait un modèle permanent de la collection, et donc une source de revenus pérenne pour le fabricant, une fois passé le creux des ventes de 2009 ; que l'accord sur la poursuite de la fabrication du "Biker" par Séraphin a été confirmé, après une réunion du 17 octobre 2008, par un courriel adressé le 23 octobre 2008 à la société Séraphin, qui mentionnait : "Nous continuons a priori et comme discuté entre nous avec le "biker" seulement" ; qu'il n'est pas démontré, contrairement aux allégations de l'appelante, que la société LVM ait confié la réalisation de ces blousons à des fournisseurs concurrents, tels la société Roban's ;

Considérant que, de même, la société LVM a consulté la société Séraphin pour la fabrication de deux modèles de parka de type "Shearling" (mouton retourné), pour la collection automne-hiver 2009/2010 ;

Mais considérant que la société Séraphin, qui n'a pas agi avec la diligence requise et a posé des exigences exorbitantes, en termes de précommandes des articles par le donneur d'ordre, n'a pas emporté le marché, pour des raisons étrangères à la société LVM et tenant à sa seule responsabilité ;

Considérant en définitive, que c'est la société Séraphin qui a décidé de mettre un terme aux relations commerciales en assignant la société LVM et que la rupture n'est pas imputable à la société LVM ;

Considérant que le jugement entrepris sera, en conséquence, confirmé en toutes ses dispositions ;

Par ces motifs : Écarte des débats les conclusions du 14 mai 2012 de la société Séraphin, Confirme le jugement entrepris, Condamne la société Séraphin aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.