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Décisions

Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-18.495

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Coopérative Le Gouessant (Sté), Sofral (Sté)

Défendeur :

Ajinomoto Eurolysine (Sté), Ceva santé animale (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Bénabent, SCP Gadiou, Chevallier

T. com. Paris, du 22 janv. 2008

22 janvier 2008

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2011), qu'après que la Commission européenne eut, par décision du 7 juin 2000 (2001/418/CE), retenu que plusieurs entreprises, dont la société Ajinomoto Eurolysine (la société Ajinomoto), ont, de juillet 1990 à juin 1995, enfreint les dispositions de l'article 81 § 1 CE (devenu 101 du TFUE) en participant à des accords sur les prix, les volumes de vente et l'échange d'informations individuelles sur les volumes de ventes de lysine synthétique, couvrant l'ensemble de l'espace économique européen, les sociétés Coopérative Le Gouessant et Sofral, qui avaient, durant cette période, acquis de la lysine, auprès de la société Ceva santé animale (la société Ceva) qui l'achetait elle-même à la société Ajinomoto, ont fait assigner ces deux sociétés en invoquant le fait que l'entente sanctionnée avait eu pour effet d'augmenter le prix de la lysine et ont demandé la condamnation de la société Ajinomoto à réparer le préjudice résultant pour elles de sa participation à l'entente sur les prix ;

Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés Coopérative Le Gouessant et Sofral font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes tendant à être indemnisées de leur préjudice causé par la faute de la société Ajinomoto, alors, selon le moyen : 1°) qu'en édictant une présomption que les demanderesses avaient répercuté sur leurs clients le surcoût causé par l'entente qu'elles avaient subi, et en leur imputant ainsi la charge de la détruire, quand il lui incombait de rechercher si les demanderesses avaient ou non, en tout ou partie, répercuté le surcoût sur leurs clients, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1382 du Code civil ; 2°) que la charge de la preuve d'un moyen de défense pèse sur le défendeur à l'action qui l'invoque ; qu'en faisant peser la charge de la preuve de l'absence de répercussion en aval du surcoût qu'elles avaient supporté sur les demanderesses, quand il incombait à la défenderesse d'établir cette répercussion aval qu'elle invoquait comme moyen de défense, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 et 1382 du Code civil ; 3°) qu'il incombe au défendeur se prévalant de l'enrichissement sans cause du demandeur de l'établir en apportant la preuve que ce dernier a, en partie ou en totalité, répercuté en aval le surcoût qu'il a subi, faute de quoi le demandeur justifie de son préjudice et doit en être indemnisé ; qu'en faisant peser la charge de la preuve de l'absence de répercussion en aval du surcoût qu'elles avaient supporté sur les demanderesses, quand il incombait à la défenderesse se prévalant de l'enrichissement sans cause des demanderesses d'établir cette répercussion aval, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la preuve du préjudice incombe à la partie qui l'invoque ; que l'arrêt après avoir relevé que la répercussion des coûts est la pratique commerciale habituelle et normale, retient que les sociétés Coopérative Le Gouessant et Sofral ne démontrent pas qu'elles n'avaient pas pu répercuter les effets de la hausse des prix de la lysine sur leurs clients ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont elle déduit que les sociétés Coopérative Le Gouessant et Sofral n'établissent pas avoir subi de préjudice résultant des surcoûts de la lysine provoqués par l'entente, la cour d'appel qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu que les sociétés Coopérative Le Gouessant et Sofral font grief à l'arrêt d'avoir mis hors de cause la société Ceva, alors, selon le moyen : 1°) que les prétentions d'une partie formulées seulement dans les motifs des conclusions et non reprises dans le dispositif n'en doivent pas moins être prises en considération par le juge ; que dans les motifs de leurs conclusions déposées en décembre 2010, les exposantes formulaient expressément des demandes à l'égard de la société Ceva sur le fondement de l'article 10 du Code civil, sollicitant sa condamnation à leur communiquer des pièces et, subsidiairement, à défaut, à réparer leur préjudice solidairement avec la société Ajinomoto ; qu'en jugeant, pour mettre hors de cause la société Ceva, que les exposantes ne lui reprochaient aucune faute et ne formulaient aucune demande à son encontre, refusant ainsi de prendre en considération les demandes formulées sans équivoque dans les motifs des conclusions des exposantes, peu important qu'elles n'avaient pas été reprises dans le dispositif de leurs écritures, la cour d'appel a violé l'article 954 du Code de procédure civile, dans sa version antérieure au décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, applicable en l'espèce ; 2°) qu'en toute hypothèse, en jugeant, pour mettre hors de cause la société Ceva, que les sociétés Coopérative Le Gouessant et Sofral ne lui reprochaient aucune faute et ne formulaient aucune demande à son encontre, quand les exposantes formulaient expressément, dans leurs conclusions d'appel, des demandes à l'égard de la société Ceva sur le fondement de l'article 10 du Code civil, sollicitant sa condamnation à leur communiquer des pièces et, subsidiairement, à défaut, à réparer leur préjudice solidairement avec la société Ajinomoto, la cour d'appel a dénaturé leurs conclusions en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ; 3°) qu'en toute hypothèse, un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement ; qu'en se bornant, pour mettre hors de cause la société Ceva, à relever que les sociétés Coopérative Le Gouessant et Sofral l'avaient intimée sans lui reprocher aucune faute et sans formuler de demande à son encontre, sans s'interroger, comme elle y était invitée, sur l'intérêt pour les exposantes de maintenir la société Ceva dans la cause afin de lui rendre commune la décision rendue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 331 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève que les sociétés Coopérative Le Gouessant et Sofral ne reprochaient aucune faute à la société Ceva et ne formulaient aucune demande à son encontre ; qu'en l'état de ces constatations et des conclusions des sociétés Coopérative Le Gouessant et Sofral, qui ne réclamaient pas que l'arrêt soit déclaré commun à la société Ceva, la cour d'appel a pu retenir, sans dénaturation, que cette société devait être mise hors de cause ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.