Cass. com., 12 juin 2012, n° 11-19.047
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
International esthétique (SAS)
Défendeur :
Benoit (ès qual.), Chrysalide (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Petit
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié, SCP Fabiani, Luc-Thaler
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 23 mars 2011), que la société Chrysalide et la société International esthétique (le franchiseur) ont conclu un contrat de franchise portant sur l'exploitation d'un institut sous l'enseigne Epil center ; que le franchiseur a fait assigner la société Chrysalide en paiement d'arriérés de factures et redevances, en résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Chrysalide et en dommages-intérêts ; que la société Chrysalide ayant été mise en liquidation judiciaire en cours d'instance, M. Benoit, son mandataire liquidateur, a reconventionnellement invoqué la nullité du contrat et sollicité paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen : - Attendu que le franchiseur fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli ces demandes reconventionnelles, alors, selon le moyen : 1°) que la cour d'appel a énoncé, à l'appui de sa décision que "la société Chrysalide verse aux débats un document d'information précontractuelle, daté du 15 mai 2003 qui mentionne en pages 22 et 23 l'investissement préalable à l'ouverture du centre franchisé" ; qu'il ne ressort pas de la liste des pièces produites annexée aux dernières écritures de la société Chrysalide que cette pièce ait été versée aux débats ; qu'en s'appuyant sur une pièce non communiquée, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article 16 du Code de procédure civile ; 2°) qu'en tout état de cause, après avoir retenu qu'aucun document d'information n'avait été remis à la société Chrysalide, la cour d'appel a annulé le contrat en estimant qu'elle avait été induite en erreur par le contenu de ce document ; qu'en annulant le contrat sur le fondement du caractère erroné d'un document d'information dont elle a constaté qu'il n'avait pas été remis à la société Chrysalide, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 330-3 du Code de commerce ensemble l'article 1116 du Code civil ; 3°) qu'en tout état de cause pour retenir que les chiffres prévisionnels communiqués à la société Chrysalide étaient exagérément optimistes, la cour d'appel s'est bornée à constater l'important décalage entre les chiffres annoncés et ceux effectivement réalisés par la société Chrysalide ; que dans ses écritures, la société International esthétique indiquait que les prévisionnels annoncés correspondaient aux résultats réalisés par de nombreux franchisés, dont certains les avaient même dépassés, de sorte qu'ils étaient parfaitement réalistes ; qu'en inférant le caractère erroné des chiffres prévisionnels de ce que les résultats réalisés par la société International esthétique étaient inférieurs, sans rechercher comme elle y était invitée si, au regard des résultats des autres franchisés, les prévisionnels étaient réalistes, la cour d'appel qui s'est déterminée au regard de la seule insuffisance des résultats de la société Chrysalide, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 du Code civil et L. 330-3 du Code de commerce ; 4°) qu'un manquement à l'obligation d'information incombant au franchiseur est impropre en lui-même à caractériser un vice du consentement, seule cause de nullité ; qu'en se bornant à relever, pour retenir que son consentement avait été vicié, que les perspectives de rentabilité qui lui avaient été présentées étaient exagérément optimistes, sans rechercher si ce manquement au devoir d'information était tel que sans lui la franchisée n'aurait pas contracté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 du Code civil et L. 330-3 du Code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'à défaut d'énonciation contraire dans la décision, le document d'information précontractuel, sur lequel les juges du fond se sont successivement appuyés et dont la production n'a donné lieu à aucune contestation devant eux, est réputé, sauf preuve contraire, avoir été régulièrement produit aux débats et soumis à la libre discussion des parties ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé, sans être critiquée sur ce point, que, nonobstant le fait que la remise du moindre élément d'information par écrit ne soit pas établie, le contenu du document d'information précontractuelle daté du 15 mai 2003 avait servi dans l'établissement des relations entre les parties, la cour d'appel a pu, sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations, se référer au contenu de ce document pour statuer comme elle a fait ;
Et attendu, en dernier lieu, qu'ayant retenu que les chiffres prévisionnels contenus dans ce document, fournis par le franchiseur, sont exagérément optimistes au regard de l'écart très important qu'ils présentent avec les chiffres d'affaires réalisés par la société Chrysalide, à laquelle il n'est reproché aucune faute de gestion, et relevé que ces données portent sur la substance même du contrat de franchise, pour lequel l'espérance de gain est déterminante, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche que ces appréciations souveraines rendaient inopérantes, et qui a fait ressortir le caractère déterminant des chiffres communiqués, a caractérisé le vice du consentement qu'elle a retenu pour prononcer l'annulation du contrat ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen : - Attendu que le franchiseur fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions, la société International esthétique faisait valoir qu'elle ne pouvait être tenue de l'intégralité des pertes subies par la société Chrysalide, qui avait fait le choix de poursuivre une exploitation sur des fondements qu'elle prétendait viciés dès l'origine ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de motif et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la réalité des fautes de gestion commises par le franchisé n'était pas établie, la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux écritures prétendument délaissées ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.