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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 25 avril 2012, n° 11-00801

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

C2D (SARL)

Défendeur :

Sintra SRI (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cousteaux

Conseillers :

Mmes Croisille-Cabrol, Salmeron

Avocats :

SCP Boyer & Gorrias, SCP Rives Podesta, Mes Vacarie, Desclozeaux

T. com. Toulouse, du 7 févr. 2011

7 février 2011

FAITS ET PROCÉDURE

Par courrier des 27 janvier et 26 février 2010, la SARL C2D a sollicité de la société Sintra SRI (Système Industriel de Traitement d'Air), société de droit italien, dont elle se prétend l'agent commercial depuis 2006, l'application des dispositions du Code de commerce relatives à ce statut, à la suite de la rupture brutale et unilatérale du mandat qui les liait, le 6 janvier 2010.

Par jugement du 7 février 2011, le Tribunal de commerce de Toulouse :

- s'est déclaré compétent,

- a dit la SARL C2D mal fondée en ses demandes en jugeant que le contrat liant la SARL C2D et la société Sintra SRI est un contrat de mandat d'intérêt général qui ne peut bénéficier des dispositions de l'article L. 134-1 du Code de commerce,

- a condamné la société Sintra SRI à payer à la SARL C2D la somme de 2 208,52 euro à titre de dommages et intérêts majorée des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2010,

- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SARL C2D a interjeté appel le 28 février 2011.

La SARL C2D a déposé ses dernières écritures le 31 janvier 2012.

La société Sintra SRI a déposé des écritures le 2 décembre 2011.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 février 2012.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles 1134 et suivants, ainsi que 1184 du Code civil et des articles L. 134-1 et suivants ainsi que R. 134-1 et suivants du Code de commerce, La SARL C2D conclut à l'infirmation de la décision de première instance. Elle sollicite la condamnation de la société Sintra SRI à lui payer les sommes suivantes :

- 7 507,87 euro à titre d'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat,

- 1 104,28 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 5 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- 3 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'appelante développe les moyens suivants :

- la mission confiée à la SARL C2D et exercée par elle correspondait très précisément à une mission d'agent commercial telle que définie par l'article L. 134-1 du Code de commerce,

- elle était chargée de recevoir les commandes de la clientèle au nom et pour le compte de la société Sintra SRI, son mandant à la suite de contacts directs pris par elle à cet effet,

- il s'agissait d'une mission permanente, le mandat ayant une finalité commune,

- la lettre de rupture des relations du 6 janvier 2010 fait expressément référence à la représentation commerciale des produits,

- l'absence d'immatriculation au registre spécial des agents commerciaux est indifférente,

- aucune faute grave ne peut être reprochée à la SARL C2D alors même que le chiffre d'affaires réalisé pour le compte de la société Sintra SRI n'a cessé d'augmenter, ayant plus que quintuplé en quatre ans,

- l'indemnité de rupture doit correspondre selon la jurisprudence et les usages à 24 mois de commissions,

- l'indemnité de préavis est calculée sur la base des trois mois prévu par l'article L. 134-11 du Code de commerce,

- le caractère abusif et brutal de la rupture et l'absence de réaction de la société Sintra SRI aux courriers justifie l'allocation de dommages et intérêts.

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la société Sintra SRI sollicite à titre principal la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit la SARL C2D mal fondée en ses demandes car le contrat liant les deux sociétés est un contrat de mandat d'intérêt commun qui ne peut bénéficier des dispositions de l'article L. 134-1 du Code de commerce. Elle sollicite également la condamnation de La SARL C2D à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Subsidiairement, la société Sintra SRI demande qu'il soit jugé que :

- le montant des commissions reçues par la SARL C2D sur 4 ans s'est élevé à la somme de 8 534,80 euro, la moyenne annuelle étant donc de 2 133,70 euro,

- il n'est justifié d'aucun préjudice,

- si par impossible la cour confirmait la décision entreprise en fixant le préjudice à six mois de commissions, il serait dû la somme de 1 066,85 euro à titre de dommages et intérêts et l'indemnité de préavis de 3 mois s'élèverait à 533,42 euro.

L'intimée développe les moyens suivants :

- la SARL C2D n'a jamais revendiqué le statut français des agents commerciaux ni la signature d'un contrat d'agent commercial ; elle ne justifie pas s'être immatriculée au registre spécial des agents commerciaux alors qu'elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés en qualité de commerçant pour représentation commerciale, négoce, import, export de matériels et accessoires dans le domaine thermique/hydraulique/aéraulique/climatisation/fluide et process industriel pour tout type de clientèle et plus généralement toute activité pouvant s'y rattacher directement ou indirectement,

- la SARL C2D ne rapporte pas la preuve d'une réelle activité et du caractère permanent de cette activité, elle ne justifie pas de prise de commandes, elle ne justifie pas le pouvoir de négocier et d'un réel volume de commandes passées par son intermédiaire,

- dans sa lettre du 6 janvier 2010, la société Sintra SRI s'interrogeait sur la réalité de l'activité de la SARL C2D qui n'est intervenue que de façon ponctuelle pour 16 opérations concernant 9 clients en trois ans et demi,

- la progression du montant des commissions ne justifie pas une réelle activité commerciale de la SARL C2D pour le compte de la société Sintra SRI, n'ayant jamais dépassé environ 4 500 euro, la moyenne étant de 2 133,70 euro,

- l'absence d'activité permanente et le manque très net d'activité justifiait la rupture des relations.

MOTIFS DE LA DÉCISION

D'une part, selon les dispositions de l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.

L'article L. 134-2 du Code de commerce n'exige aucun écrit.

Il importe peu également que la SARL C2D ne soit pas inscrite au registre spécial des agents commerciaux, s'agissant d'une simple mesure de police professionnelle.

La qualification de la relation contractuelle entre les parties ne dépend pas de la volonté exprimée par les parties mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.

La SARL C2D a la charge de la preuve de ce que les relations entretenues sont celles d'agent commercial.

Force est de constater que pour rapporter la preuve qui lui incombe la SARL C2D produit en tout et pour tout deux pièces utiles : un extrait Kbis et la situation des commissions établie au 23 février 2010 par la société Sintra SRI.

Sur l'extrait Kbis, il est mentionné comme activité du fonds de commerce créée par la SARL C2D le 7 janvier 2005 : représentation commerciale/négoce/import-export de matériels et accessoires dans les domaines thermiques/hydrauliques/aérauliques/climatisations/fluides et process industriels pour tout type de clientèle et plus généralement toutes activités pouvant se rattacher directement ou indirectement. Or, un agent commercial, simple mandataire qui n'a pas de clientèle propre, ne peut être titulaire d'un fonds de commerce et n'a pas la qualité de commerçant.

Le tableau des commissions fait apparaître sur les 16 factures listées, un montant très précis, portant sur des centimes d'euro pour 6 d'entre elles. De la sorte, la SARL C2D ne rapporte pas la preuve des pouvoirs qu'elle aurait eus de négocier pour le compte de son mandant des remises. L'appelante n'établit pas que la fixation des tarifs, les négociations, la conclusion des contrats et la facturation ne relevaient pas exclusivement du cocontractant.

Ainsi, ces deux seuls éléments ne permettent pas à la SARL C2D de rapporter la preuve de la qualité d'agent commercial revendiquée.

D'autre part, seule une inexécution suffisamment grave de ses obligations par une partie, caractérisant l'impossibilité de poursuivre une relation commerciale établie, est susceptible de justifier sa rupture brutale et unilatérale par son cocontractant.

En l'espèce, le seul motif invoqué par la société Sintra SRI dans la lettre du 6 janvier 2010 porte sur la faiblesse de l'activité tout en se référant à un objectif qui aurait été fixé un an plus tôt.

Il convient cependant de relever que l'objectif invoqué n'a pas été mentionné dans une correspondance adressée à la SARL C2D. Il est vrai que les relations commerciales entre les parties n'ont jamais été formalisées par un contrat écrit. De plus, l'activité de la SARL C2D a connu une progression constante pour être passée de 6 300 euro en 2006 à 12 031 euro en 2007, 23 887 euro en 2008 et 34 981 euro en 2009, soit une progression de 455 % entre 2006 et 2009.

Cette rupture unilatérale et brutale justifie dès lors l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice nécessairement subi par la SARL C2D, sans qu'elle ait à en justifier.

Compte tenu de la durée des relations et de la forte progression du chiffre d'affaires, la durée du préavis a été estimée à juste titre à six mois par les premiers juges. Il en est de même pour la période de référence prise comme base de calcul, l'année 2009, soit la seule dernière année et non une moyenne des quatre années comme le demande l'intimée.

Le montant des dommages et intérêts sera en conséquence arrêté à la somme de 2 208,52 euro qui portera intérêts au taux légal à compter du 26 février 2010, date d'envoi d'une lettre réclamant le paiement des indemnités d'agent commercial.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris.

Enfin, la SARL C2D qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

Par ces motifs : Confirme le jugement, Y ajoutant, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la SARL C2D de sa demande de ce chef, Condamne la SARL C2D à payer à la société Sintra SRI la somme de 1 000 euro, Condamne la SARL C2D aux dépens d'appel dont distraction par application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.