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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 31 mai 2012, n° 11-00973

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Société pour l'Expansion des Ventes des Produits Agricoles et Alimentaires (SA)

Défendeur :

Netmeeting (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mmes Pomonti, Luc

Avocats :

Mes Ingold, Asselineau, Teytaud, Haber

T. com. Paris, du 14 déc. 2010

14 décembre 2010

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

La société pour l'expansion des produits agricoles et alimentaires (Sopexa) est spécialisée dans la promotion, au niveau mondial, des produits agricoles et de culture alimentaire français. Elle est fortement implantée à l'international avec un réseau de 26 agences actives dans 28 pays, et exerce une partie de son activité dans le cadre d'une délégation de service public par laquelle elle assure la promotion des produits agroalimentaires français pour le compte du ministère de l'agriculture. A ce titre, elle regroupe les entreprises françaises agro-alimentaires au sein du Pavillon France du salon Gulfood.

La société Netmeeting est une société ayant pour activité la promotion des industries françaises auprès de professionnels étrangers sous la marque Promeeting, qui est aussi le nom d'une société française dont l'activité est la promotion d'espaces de représentation dans les salons. Ces deux sociétés ont un seul et même mandataire social, Monsieur David Bondi.

La société Netmeeting commercialise à ce titre des surfaces du salon Gulfood, un salon international dédié aux professionnels de l'alimentation. La société Sopexa a fait appel à ses services pour les salons organisés en 2007, 2008 et 2009 en lui réservant d'une part des emplacements pour un certain nombre d'entreprises françaises, et d'autre part en faisant appel à certaines de ses prestations techniques. Pour l'édition 2010 du salon, la société Sopexa a souhaité assurer elle-même ces prestations techniques et s'est contenté de réserver un emplacement au sein du pavillon France.

La société Sopexa estime avoir été victime, à la suite de cette limitation des prestations demandées, d'une attitude déloyale de la part de la société Netmeeting, à laquelle elle reproche d'avoir affirmé son intention de commercialiser directement les emplacements du Pavillon France, commis une politique d'affichage déloyale, et refusé de vendre les emplacements nécessaires à l'organisation de l'édition 2011 du salon Gulfood. La société Sopexa a donc initié une procédure devant le Tribunal de commerce de Paris par acte du 15 juin 2010.

Par jugement rendu le 14 décembre 2010, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit qu'il n'y a pas eu rupture abusive des pourparlers entre les sociétés Sopexa et Netmeeting,

- dit que la société Netmeeting n'a pas commis d'actes constitutifs d'agissements déloyaux et parasitaires à l'encontre de la société Sopexa,

- débouté la société Sopexa de l'ensemble de ses demandes formées sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,

- débouté la société Netmeeting de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société Sopexa à verser à la société Netmeeting la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes.

Vu l'appel de ce jugement interjeté par la société Sopexa le 18 janvier 2011.

Vu les dernières conclusions de la société Sopexa signifiées le 16 janvier 2012, par lesquelles elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il déboute la société Netmeeting de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- infirmer le jugement en ce qu'il dit qu'il n'y a pas rupture abusive des pourparlers entre les sociétés Sopexa et Netmeeting et que la société Netmeeting n'a pas commis d'actes constitutifs d'agissements déloyaux et parasitaires à l'encontre de la société Sopexa,

- dire et juger que la société Netmeeting a violé à de multiples reprises les dispositions de l'article 1382 du Code civil,

- en conséquence, condamner la société Netmeeting à payer à la société Sopexa la somme de 12 000 euro au titre du dédommagement de son préjudice matériel du fait de la rupture des pourparlers, condamner la société Netmeeting à payer à la société Sopexa la somme de 100 000 euro au titre du dédommagement de son préjudice moral et d'image du fait de la rupture des pourparlers,

- en tout état de cause, condamner la société Netmeeting à payer à la société Sopexa la somme de 260 000 euro au titre de la rupture brutale des relations commerciales,

- condamner la société Netmeeting à payer à la société Sopexa la somme de 250 000 euro au titre du dédommagement de son préjudice moral et d'image du fait de la rupture abusive de la concurrence déloyale,

- condamner la société Netmeeting à payer à la société Sopexa la somme de 548 000 euro au titre du dédommagement de son préjudice matériel du fait de la concurrence déloyale,

- condamner la société Netmeeting à payer à la société Sopexa la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Sopexa fait valoir que la société Netmeeting a développé des arguments mensongers pour l'évincer du marché afin de justifier son refus de réservation d 'emplacement pour l'année 2011, tels que l'absence de surface disponible, de prétendues obligations en qualité de mandataire ou bien les tarifs pratiqués par Sopexa.

Elle soutient que la société Netmeeting a commis une rupture brutale et abusive des pourparlers, en rompant brutalement une négociation longue, coûteuse, fondée sur des relations d'affaires antérieures, et de surcroît injustifiée.

Elle reproche également à la société Netmeeting une rupture abusive des relations commerciales établies. A ce titre, elle soutient que les relations d'affaires entre les deux sociétés étaient stables, durables, continues depuis 1999 et jusqu'en décembre 2009 et que l'existence d'une négociation en cours ne fait pas obstacle à ce que cette rupture brutale soit retenue, ce qui lui a causé un préjudice résultant des coûts supplémentaires engagés de ce fait, et du gain manqué causé par son éviction brutale du salon Gulfood ainsi qu'un préjudice d'image et un préjudice moral.

La société Sopexa considère également que la société Netmeeting a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, en abusant de sa qualité d'agent chargé de la vente des surfaces d'emplacement du salon et refusant la vente d'emplacements, pour s'approprier la commercialisation du Pavillon France avec pour conséquence la non-participation de la société Sopexa au salon Gulfood 2011.

La société Sopexa affirme qu'elle n'a jamais tenté de court-circuiter la société Netmeeting vis à vis de son mandant et que le report de l'examen par Ubifrance de sa demande de labellisation n'est qu'une conséquence de son comportement déloyal, le détournement de clientèle invoqué par elle n'existant pas.

Vu les dernières conclusions de la société Netmeeting signifiées le 14 juin 2011 par

lesquelles elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Sopexa de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et a condamné la société Sopexa à payer 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- y ajoutant,

- condamner la société Sopexa à payer à la société Netmeeting la somme de 200 000 euro en réparation de son préjudice matériel et financier,

- condamner la société Sopexa à payer à la société Netmeeting la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Netmeeting fait valoir qu'aucune faute n'est susceptible de lui être reprochée, alors qu'elle était tenue par les décisions de son mandataire (DWTC) qui, constatant l'implication de Sopexa dans un salon concurrent, a pris la décision de l'exclure du salon Gulfood.

Au-delà de la position de son mandataire, la société Netmeeting soutient que son refus de réservation est justifié par sa mission d'agent exclusif, seul en charge de l'organisation du Pavillon France du salon Gulfood au titre de l'année 2011, des surfaces n'étant disponibles que pour une location individuelle par des entreprises.

Elle affirme que l'absence de reconduction ne constitue pas à elle seule un abus, et que ce moyen invoqué par Sopexa est incompatible avec la prétendue concurrence déloyale. Elle estime qu'il n'y a pas eu d'accord du fait des positions de Sopexa, de son inflexibilité tarifaire et de son comportement concurrentiel.

En tout état de cause, elle considère que le préjudice ne peut être évalué sur la base des profits résultant du contrat, ni même de la perte de chance de le conclure, mais uniquement des frais de négociation, dont la preuve n'est pas rapportée.

La société Netmeeting rappelle que les relations contractuelles antérieures étaient ponctuelles, et que le contexte et la nature de la relation ne peut constituer une relation commerciale établie et que la rupture ne résulte pas d'une décision unilatérale de Netmeeting, mais d'un échec des négociations.

Selon la société Netmeeting, le prétendu abus de sa qualité d'agent exclusif ne peut constituer un acte de concurrence déloyale alors qu'il n'y a eu aucun détournement de clientèle, ni parasitisme et que cette qualité fait obstacle à ce qu'il y ait une mise en concurrence, de sorte qu'elle ne peut évidemment pas être déloyale.

Elle conteste les actes de parasitisme invoqués, qui consisteraient à entretenir la confusion dans l'esprit du public, affirmant se contenter d'user des vocables et termes les plus appropriés afin que les prestations qu'elle fournit soient identifiées.

La société Netmeeting soutient enfin que la société Sopexa a usé de son influence pour freiner un processus de labellisation de Netmeeting et qu'elle la dénigre auprès de ses clients, commettant ainsi des actes de concurrence déloyale qui ont fait baisser considérablement le taux de participation au salon.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

-Sur les demandes principales de la SA Sopexa :

*sur la rupture des pourparlers :

La société Sopexa reproche à la société Netmeeting une rupture brutale et abusive des pourparlers.

La rupture de négociations n'est critiquable que si elle est effectuée après une longue négociation, de manière brusque et unilatérale, sans raisons sérieuses ou légitimes alors que l'autre partie avait déjà engagé des frais.

Pour déterminer si la société Netmeeting est à l'origine d'une rupture brutale et abusive des pourparlers engagés avec la société Sopexa, il convient de retracer l'historique des relations ayant existé entre les parties.

Il doit tout d'abord être rappelé que la société Sopexa, en sa qualité d'agence de conseil en communication et de marketing alimentaire, est bénéficiaire d'une convention de délégation de service public consentie par le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche dans le cadre d'une délégation de service public.

A ce titre, la société Sopexa bénéficie d'un label étatique et de subventions mais il ne s'agit pas d'une délégation exclusive et elle ne bénéficie pas d'un monopole d'organisation de la représentation d'entreprises françaises dans le cadre de salons internationaux.

Le salon Gulfood, en cause dans le présent litige, est un salon international dédié aux secteurs de l'alimentation et des services alimentaires. Il se déroule chaque année à Dubaï depuis 1987 et est un salon leader sur ce secteur au Moyen-Orient.

Il est la propriété du Dubaï World Trade Center (DWTC), organisme d'Etat de droit des Emirats Arabes Unis qui, par un contrat d'agent exclusif, délègue depuis 1994 les droits exclusifs de commercialisation de surfaces du salon attachées aux entreprises françaises et belges à la société Huanine Fz IIc, qui est représentée en France par la société Netmeeting, exerçant sous l'enseigne Promeeting.

La société Netmeeting intervient donc en qualité de mandataire du DWTC pour le compte duquel elle commercialise les surfaces dédiées aux entreprises françaises du salon Gulfood, sous forme de locations nues ou équipées, soit directement auprès des prestataires et industriels français, soit indirectement par l'entremise d'entités privées ou publiques, bénéficiaires d'une délégation de service public, comme c'est le cas de la société Sopexa, ou des établissements de soutien aux exportations, comme c'est le cas pour la société Ubifrance.

Il est constant que la société Netmeeting a assuré la coordination, la commercialisation et la construction du pavillon France "produits finis" pour les salons Gulfood de 1999 à 2006 inclus.

Le pavillon France se distingue de la totalité des surfaces rattachées aux entreprises françaises en ce qu'il fédère des entreprises qui contractent directement auprès du coordinateur du pavillon et vont bénéficier d'un ensemble de prestations et services rattachés au pavillon ainsi que, le cas échéant, d'un tarif préférentiel.

Ce n'est qu'à compter de l'édition 2007 du salon Gulfood que la société Sopexa a souhaité, aux fins de fédérer un maximum d'entreprises françaises, se positionner en qualité de coordinateur du salon, ce qui a été accepté par la société Netmeeting.

C'est ainsi que par courrier adressé à la société Sopexa le 19 mai 2006, la société Netmeeting écrit :

"Suite à notre réunion, nous avons bien noté votre demande de prendre désormais en charge la commercialisation du Pavillon France sur le prochain Gulfood 07"

Suite à notre réflexion commune, nous sommes arrivés à la solution qui permettra aux deux parties de s'investir et de répondre à leurs objectifs respectifs. La Sopexa commercialisera l'espace du pavillon France jusqu'alors sous la responsabilité de Promeeting. Il est entendu entre les deux parties que Promeeting accepte de concéder la commercialisation du pavillon à la conditions expresse que Sopexa s'engage en retour à confier la réalisation du pavillon à Promeeting (stand espace et construction).'

C'est dans ce contexte que vont être signés successivement entre les parties trois contrats de partenariat pour les salons 2007, 2008 et 2009, respectivement les 16 juin 2006, 28 juin 2007 et 15 juin 2008.

En décembre 2008, la société Sopexa a fait part de son souhait de reprendre la construction du pavillon France pour le salon Gulfood 2010, ce qui a été accepté par la société Netmeeting, la société Sopexa faisant valoir qu'elle serait liée à un prestataire technique unique, sélectionné après appel d'offre pour réaliser les pavillons France Sopexa sur l'ensemble des destinations.

Or, la société Netmeeting va découvrir qu'en réalité la société Sopexa a recours au prestataire auquel la société Netmeeting avait pris l'habitude de recourir au cours des années passées et nullement au prestataire unique allégué, dont l'intervention avait justifié la non-reconduction de l'accord de sous-traitance technique.

Comme l'ont souligné les premiers juges, il résulte des échanges de courrier et e-mails versés aux débats que 'le choix d'un autre prestataire, de surplus sous-traitant de Promeeting, a créé des tensions entre les parties' et que, dans ces conditions, les pourparlers concernant les modalités de la présence de la société Sopexa aux futurs salons de 2011 et 2012 n'ont pu aboutir à un accord.

A ce désaccord, s'ajoute une appréciation très critique portée par le DWTC sur la société Sopexa, tant en ce qui concerne les tarifs de sous-location pratiqués par cette dernière à l'égard des exposants, que pour la situation de concurrence dans laquelle se trouve la société Sopexa vis à vis du salon Gulfood, de par sa participation à un autre salon, le SIAL (salon international de l'alimentation à Abu Dhabi), sous l'enseigne "SIAL Middle East".

C'est dans ces conditions que par e-mail du 8 février 2010, la société Netmeeting informe la société Sopexa qu'elle reprend la coordination du pavillon France 'produits finis' du salon Gulfood 2011, décision confirmée, suite à un échange de courriers électroniques entre les parties des 16 et 17 février, lors d'un rendez-vous à Dubaï le 22 février 2010 dans le cadre du salon Gulfood 2010.

La rupture des pourparlers n'est en aucun cas brutale car, outre le fait qu'elle est motivée par l'incident survenu au titre de la sous-traitance et la position du DWTC, mandataire de la société Netmeeting, cette dernière va tenter de trouver une solution pour poursuivre la collaboration (cf. e-mail du 12 avril 2010), cette tentative de conciliation n'ayant pas abouti.

Pendant cette période, la société Sopexa va tenter de réserver des surfaces directement auprès du DWTC qui ne manquera pas de lui rappeler, par e-mail du 20 avril 2010, que la société Netmeeting est son agent exclusif et que c'est par son intermédiaire que des surfaces d'exposition peuvent être louées sur le salon Gulfood 2011.

Compte tenu de l'implication capitalistique et opérationnelle de la société Sopexa dans le salon SIAL Middle East, par un nouvel e-mail du 11 mai 2010, le DWTC s'adresse directement à elle en lui demandant de cesser de faire référence à la promotion du salon Gulfood sur son site, et ce avec effet immédiat, lui rappelant qu'elle ne dispose pas de surface à offrir sur ce salon et qu'il convient d'éviter toute confusion dans l'esprit des exposants.

Par courriers des 19 mai, 22 et 30 juin 2010, le DWTC rappelle par ailleurs à la société Netmeeting ses obligations, en référence à l'article 3.10 de l'accord passé le 27 janvier 2010 qui interdit la location d'espaces à toute agence ou organisme détenant une position similaire ou substantiellement similaire dans un pays de la Coopération du Golfe, cette interdiction visant les actionnaires du SIAL du fait du lancement d'un événement à Abu Dhabi au profil similaire à celui du salon Gulfood.

La société Sopexa reproche à la société Netmeeting d'avoir refusé le 20 avril 2010 de répondre favorablement à sa demande de réservation de surfaces pour le salon Gulfood 2011 au motif que "toutes les surfaces mises à notre disposition sur le marché français sont déjà réservées" alors qu'une telle affirmation serait mensongère puisque ses clients l'auraient informée que la société Netmeeting disposait en réalité à cette date de nombreuses surfaces disponibles.

Cependant, la société Sopexa ne tient pas compte de ce qu'à cette date, la société Netmeeting était seule en charge de la coordination du pavillon France au titre du salon gulfood 2011, les surfaces n'étant donc plus disponibles à la location au profit d'un autre organisateur de pavillon privé ou public.

Seules demeuraient disponibles les surfaces ressortant du pavillon France'produits finis' prises à la location individuellement par les entreprises françaises. Ces surfaces ne pouvaient être louées à un intermédiaire, exception faite des régions, ou à un organisateur de pavillon.

Il n'y a donc pas eu abus ou détournement par la société Netmeeting de sa qualité d'agent exclusif en charge de la commercialisation des espaces, cette qualité n'étant pas incompatible avec la mission de coordonner et commercialiser le pavillon France qui lui a été confiée par le DWTC en février 2010.

La traduction de l'article 3.10 de l'accord du 27 janvier 2010 qui est versée aux débats par la société Sopexa pour tenter de démontrer qu'il ne s'agirait que d'une simple clause de non-concurrence qui ne viserait que la société Netmeeting et non ses propres intermédiaires est sans incidence sur le présent litige dès lors que le DWTC lui-même a confirmé de manière non équivoque tant à la société Netmeeting qu'à la société Sopexa l'interdiction de location de surfaces d'exposition aux actionnaires du SIAL en raison du fait qu'ils ont lancé un événement à Abu Dhabi dont le profil est similaire au Gulfood.

Par ailleurs, si Monsieur David Bondi a pu avoir lui-même un lien avec le SIAL, il s'est désengagé de cette commercialisation à l'égard de l'ensemble de ses interlocuteurs dès le 27 janvier 2010, date de la signature de l'accord avec le DWTC.

Il résulte du déroulement chronologique des relations ayant existé entre les parties, tel qu'il a été rappelé ci-dessus, que les négociations ne se sont pas interrompues brutalement et qu'un désaccord est intervenu sur le renouvellement des relations contractuelles, désaccord fondé sur des raisons sérieuses et légitimes.

La rupture des pourparlers résulte en effet principalement de l'inflexibilité tarifaire et du comportement concurrentiel de la société Sopexa.

D'ailleurs, la société Sopexa ne démontre pas que les négociations qui ont été menées l'aient été sur une longue durée, lui laissant croire que les parties seraient parvenues à un accord. Au contraire, il est établi que les positions des deux parties étaient très éloignées et que la société Sopexa n'a pas accepté les conditions de la société Netmeeting pour lui donner accès au salon 2011.

Il s'ensuit que les faits ne caractérisent pas une rupture abusive des pourparlers imputable à la société Netmeeting.

*sur la rupture brutale des relations commerciales établies :

Aux termes de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Il doit tout d'abord être observé que la relation commerciale consistait pour la société Netmeeting à confier à la société Sopexa la coordination du pavillon France "produits finis", relation qui ne correspond pas aux relations de fourniture d'un produit ou d'une prestation de service habituellement concernées par l'application de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce.

En outre, le fait pour la société Sopexa de soutenir en premier lieu une rupture abusive des pourparlers est en contradiction avec l'existence d'une relation commerciale établie.

En réalité, les contrats conclus entre les sociétés Netmeeting et Sopexa étaient des contrats ponctuels, négociés pour chaque salon, qui faisaient chaque année l'objet d'une renégociation, sans obligation de reconduction, seuls trois contrats de coopération ayant été signés pour les salons 2007, 2008 et 2009.

Au demeurant, le caractère unilatéral de la rupture n'est pas établi alors que les négociations ont échoué sur trois fondements auxquels la société Sopexa n'est pas étrangère :

- la modification du périmètre de l'accord au titre du salon 2010 sous un prétexte fallacieux,

- l'inflexibilité de la société Sopexa en matière de propositions tarifaires,

- l'implication capitalistique et opérationnelle de la société Sopexa dans un salon concurrent sur le même secteur géographique.

Surabondamment, la société Sopexa ne peut réclamer l'indemnisation d'un préjudice moral sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce alors que le fournisseur ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même.

Au surplus, la société Sopexa ne peut se plaindre d'une absence de préavis alors que le constat d'échec des négociations menées pour la reconduction du partenariat a été fait en avril 2010, soit 10 mois avant le salon GulFood 2011.

La société Sopexa doit donc être déboutée de sa demande sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce.

*sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme :

La société Sopexa n'a présenté en appel sur ce point aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué, lequel repose sur des motifs pertinents, non contraires à l'ordre public, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.

Il appartient en effet à la société Sopexa de démontrer d'une part que la société Netmeeting est une société concurrente, d'autre part qu'elle s'est rendue coupable de dénigrement, d'imitation, de désorganisation de l'entreprise concurrente par l'effet d'un détournement de clientèle et/ou d'un débauchage de salariés ainsi que de parasitisme.

Or, la qualité d'agent exclusif conférée par l'organisateur du salon, le DWTC, à la société Netmeeting empêchait nécessairement toute concurrence avec quiconque quant à la commercialisation des surfaces.

En outre, la rupture abusive des pourparlers alléguée par la société Sopexa est en totale contradiction avec des actes de concurrence déloyale qui auraient été commis par la société Netmeeting.

Le caractère mensonger et fallacieux de l'impossibilité de contracter, de même que l'abus de l'usage de la qualité d'agent, qui sont soutenus par la société Sopexa, sont sans le moindre rapport avec la concurrence déloyale reprochée à la société Netmeeting.

L'existence d'une désorganisation du réseau de la société Sopexa ou d'une captation de sa clientèle ne résulte d'aucun élément du dossier.

La société Sopexa reproche encore à la société Netmeeting d'avoir contribué à entretenir une confusion dans l'esprit du public par une reproduction de divers logos et d'avoir reproduit les signes distinctifs caractérisant visuellement sa campagne de promotion.

Mais elle ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle détient l'exclusivité du logo "France" déposé par le ministère de l'agriculture de la pêche et de l'alimentation et il n'est pas contesté que la société Netmeeting a retiré de son site internet le logo Sopexa qui apparaissait à la suite d'un renvoi sur le site Sopexa, étant précisé qu'aucune action en contrefaçon n'a été intentée à l'encontre de la société Netmeeting.

Au demeurant, la seule marque dont est titulaire la société Sopexa est "France bon appétit" dont il n'est ni démontré ni même argué qu'elle serait utilisée par la société Netmeeting.

A titre surabondant, le logo qui figure sur le site de la société Netmeeting correspond à un renvoi en provenance de la société Ubifrance, entité distincte de la société Netmeeting, qui est un établissement public à caractère industriel et commercial en charge d'un dispositif public de soutien des entreprises françaises dans leurs démarches à l'export, qui participe au salon Gulfood.

Par ailleurs, il n'est pas sérieux de soutenir que l'utilisation du vocable 'pavillon France' aurait porté préjudice à l'image de marque de la société Sopexa alors que s'agissant de 'salons' le nom commun de "pavillon" n'est pas susceptible d'appropriation, désignant simplement un espace dédié à une zone géographique ou professionnelle déterminée.

Enfin, la preuve d'un parasitisme économique, qui se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir-faire, qui aurait été commis par la société Netmeeting, n'est pas rapporté.

En conséquence, c'est à juste titre que le jugement entrepris a dit que la société Netmeeting n'avait pas commis d'actes constitutifs d'agissements déloyaux et parasitaires à l'encontre de la société Sopexa et a débouté cette dernière de l'ensemble des ses demandes formées de ces chefs.

-Sur la demande reconventionnelle de la SARL Netmeeting :

La société Netmeeting reproche à la société Sopexa d'user de procédés déloyaux afin d'entraver le déploiement de ses activités en usant de son influence pour empêcher le processus de labellisation qu'elle avait entamé et en incitant par dénigrement les clients du salon Gulfood à participer au salon SIAL d'Abu Dhabi.

Cependant, c'est par des motifs pertinents, résultant d'une analyse minutieuse des pièces versées, que la cour adopte, que les premiers juges ont considéré que la société Sopexa, en présentant les caractéristiques et les attraits de l'émirat d'Abu Dhabi pour susciter l'intérêt des entreprises pour participer au SIAL d'Abu Dhabi, sans pour autant dénigrer le salon Gulfood, n'avait fait qu'exercer son rôle en tant qu'actionnaire du SIAL.

Il ne saurait, par ailleurs, être reproché à la société Sopexa d'avoir indiqué par e-mail du 2 juillet 2010 qu'une action judiciaire était en cours, ce qui aurait amené le comité de labellisation a reporté l'examen de la demande de la société Netmeeting à ce titre, dès lors que cette affirmation correspond à la réalité.

C'est également à juste titre que le jugement entrepris a estimé que la société Netmeeting ne rapportait pas la preuve d'un détournement de clientèle et ne justifiait pas que la baisse des participants au salon Gulfood soit due aux agissements déloyaux de la société Sopexa.

En définitive, le jugement dont appel doit être confirmé en toutes ses dispositions et les parties déboutées de leurs plus amples demandes.

L'équité commande d'allouer à la société Netmeeting une indemnité de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Déboute les parties de leurs plus amples demandes, Condamne la société Sopexa à payer à la société Netmeeting une indemnité de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Sopexa aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.