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Décisions

Cass. com., 13 mars 2012, n° 11-13.077

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Défendeur :

AVL (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Waquet, Farge, Hazan

Anger, du 30 nov. 2010

30 novembre 2010

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 30 novembre 2010), que M. X... (l'acheteur) a acquis de la société AVL (le vendeur) une moissonneuse-batteuse de marque Massey-Ferguson et une barre de coupe repliable de marque Geringhoff pour une somme globale ; qu'ayant constaté l'incompatibilité des deux matériels, l'acheteur a assigné le vendeur en nullité du contrat pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue et en réparation de son préjudice ;

Attendu que le vendeur fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité de la vente, d'avoir ordonné la restitution du matériel et le remboursement du prix de vente et de l'avoir condamné au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) que, selon l'article 1110, alinéa 1er, du Code civil, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle porte sur les qualités substantielles de la chose qui en est l'objet ; que pour fonder l'annulation d'un contrat, l'erreur doit, d'une part, porter sur des qualités ayant été déterminantes du consentement du cocontractant, d'autre part, être excusable ; que le juge qui prononce la nullité d'une vente pour erreur sur les qualités substantielles de la chose doit constater l'existence de ces deux conditions ; que prive ainsi sa décision de base légale au regard du texte susvisé l'arrêt attaqué qui prononce la nullité de la vente de la coupe repliable Geringhoff pour erreur, au seul motif que l'adaptabilité de cette machine à la moissonneuse-batteuse Massey-Ferguson avait été une qualité déterminante du consentement de l'acquéreur, sans constater que cette erreur, commise par un professionnel agricole et utilisateur averti de ce type d'engins, présentait un caractère excusable ; 2°) que seul l'acheteur profane est créancier à l'égard du vendeur d'une obligation d'information concernant l'adéquation du produit à ses besoins ; qu'en l'espèce, le vendeur faisait valoir " que M. X... est professionnel des travaux agricoles et particulièrement connaisseur au plan technique des spécificités du matériel, dédié à son activité ; qu'il a lui-même choisi le matériel commandé à la société AVL et que son attention avait été attirée sur les problèmes de comptabilité des moissonneuses avec les coupes de barre lors d'une précédente acquisition à l'occasion de laquelle il s'était rapproché de la société Geringhoff ; qu'en effet, précédemment à la vente litigieuse, M. X... avait pris contact directement avec la société Geringhoff en Allemagne, en vue de l'acquisition d'une coupe repliable ; qu'il s'avère que lorsque cette coupe a été livrée en juin-juillet 2006, son montage sur la moissonneuse Dania s'est avéré impossible ; que la commande pour cette raison avait été purement et simplement annulée ; que par la suite, M. X... avait poursuivi lui-même ses investigations, comme le relatait très précisément l'expert ; qu'il s'est ainsi adressé dans un premier temps à la société Louis & Davignon de Verdun, via internet, qui pouvait lui fournir une moissonneuse-batteuse Massey-Ferguson type avec coupe 6, 70 m et chariot de deux roues ; qu'il avait pris aussi contact avec M. Y... qui vendait une barre de coupe repliable Geringhoff de 5, 40 m et son chariot. M. X... s'est rendu lui-même sur les lieux où étaient entreposés les matériels en question ; qu'après avoir fait le choix du matériel qu'il entendait acquérir, M. X... n'a pas souhaité le commander directement, préférant passer par la société AVL, en lui laissant le soin de négocier un prix plus avantageux et pour ne pas avoir la charge de toutes les opérations de coordination et de logistique ; qu'il en ressort que la société AVL n'est à aucun moment intervenue dans le choix du matériel, ce que l'expert a expressément reconnu en indiquant : " Il n'est pas contestable que M. X... est à l'origine des choix de matériels, avec sans aucun doute l'aval de Geringhoff France " ; que la cour d'appel, qui se borne à énoncer que le vendeur professionnel devait une information préalable à son client et qui s'abstient de se prononcer sur les conclusions du vendeur qui faisaient état de la compétence notoire de l'acquéreur, exclusive de toute obligation d'information du vendeur à son égard, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1110 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que, pour l'acheteur, la qualité substantielle de la coupe repliable Geringhoff acquise était son adaptabilité à la moissonneuse-batteuse Massey-Ferguson ; qu'il retient qu'en dépit de l'absence de mention sur le bon de commande de la compatibilité nécessaire de ces deux matériels agricoles, il se déduisait de la première commande faite en 2006, connue du vendeur, et de la seconde commande, par un seul document et pour une somme globale, d'une moissonneuse-batteuse Massey-Ferguson et d'une coupe Geringhoff, sans achat de la barre de coupe et du chariot Massey-Ferguson laissés au vendeur, que ce professionnel, normalement diligent et compétent, ne pouvait que penser que l'engin agricole ne rendrait le service escompté que muni de la barre de coupe repliable Geringhoff ; qu'ayant ainsi fait ressortir les circonstances de fait rendant excusable l'erreur commise par l'acheteur professionnel, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, qu'à l'égard de l'acheteur professionnel, l'obligation d'information du vendeur n'existant que dans la mesure où la compétence de cet acheteur ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens vendus, la cour d'appel, en retenant qu'il incombait au vendeur d'apporter à son client, fût-il utilisateur régulier d'engins agricoles, l'information préalable essentielle sur l'absence de compatibilité des deux matériels acquis, ce renseignement portant sur un élément déterminant de la chose vendue, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.