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Décisions

TUE, 3e ch., 27 juin 2012, n° T-448/07

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

YKK Corp., YKK Holding Europe BV, YKK Stocko Fasteners GmbH

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Czúcz

Juges :

Mme Labucka (rapporteur), M. Gratsias

Avocats :

Mes Kaneko, Verannemann, Williamson, Green

Comm. CE, du 19 sept. 2007

19 septembre 2007

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

Antécédents du litige

1 La première requérante, YKK Corp., est une entreprise japonaise. Elle est l'un des leaders mondiaux du marché des fermetures à glissière, mais opère également dans le secteur des "autres types de fermetures".

2 La deuxième requérante, YKK Holding Europe BV (ci-après "YKK Holding"), est une entreprise établie aux Pays-Bas. Elle a 24 filiales, dont YKK Stocko Fasteners GmbH. Elle est une filiale à 100 % d'YKK Corp. Ses filiales fabriquent des boutons et des fermetures. Elle ne produit, ne vend et ne distribue aucun de ces produits. Elle est un holding à caractère purement financier.

3 La troisième requérante, YKK Stocko Fasteners GmbH, anciennement Stocko Fasteners GmbH et Stocko Verschlußtechnik GmbH & Co. KG, est une société allemande installée à Wuppertal. Elle a été constituée en 1901 et enregistrée sous le nom d'YKK Stocko Fasteners en septembre 1995, lorsque YKK Holding a racheté 76 % de ses parts avant d'en acquérir la totalité en mars 1997.

4 Le secteur de la fabrication d'articles de fermeture peut être divisé en deux grandes catégories, à savoir les fermetures à glissière et les "autres types de fermetures", comprenant différents types de boutons-pression, fermoirs à pression et fermetures à pression, mais aussi fermetures à pince, agrafes, œillets, boutons pour jeans, rivets et accessoires en métal et en plastique destinés aux secteurs du cuir et de l'habillement.

5 Les 7 et 8 novembre 2001, la Commission des Communautés européennes a effectué des vérifications au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles [81] CE et [82] CE (JO 1962, 13, p. 204), dans les locaux de plusieurs producteurs d'articles de mercerie métalliques et plastiques, d'autres articles de mercerie et de fils (parmi lesquels Entaco Ltd, Coats plc et William Prym GmbH & Co. KG), ainsi qu'auprès du Fachverband Verbindungs-und Befestigungstechnik (ci-après le "VBT").

6 Le 26 novembre 2001, les groupes Prym et Coats, invoquant la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la "communication sur la coopération de 1996"), ont présenté des demandes tendant à ce qu'il en soit fait application concernant le secteur des fermetures à glissière.

7 Par lettre du 22 février 2002, Coats a fourni certaines informations à la Commission.

8 Le 8 août 2003, Stocko (devenue la YKK Stocko Fasteners), invoquant la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la "communication sur la coopération de 2002"), a présenté une demande concernant les "autres types de fermetures".

9 Par la suite, la Commission a adressé plusieurs demandes de renseignements à un certain nombre de parties concernées sur le fondement de l'article 11 du règlement n° 17.

10 Le 16 septembre 2004, la Commission a adressé une communication des griefs (ci-après la "communication des griefs") concernant les "autres types de fermetures", les machines de pose et les fermetures à glissière aux sociétés Prym Fashion, William Prym, Éclair Prym, Fiocchi Prym, Fiocchi Snaps France, YKK Stocko Fasteners, YKK Holding, YKK Corp., Coats, A. Raymond, Berning & Söhne, Berning France, Scovill Fasteners Europe (anciennement Unifast), Scovill Fasteners ainsi qu'au VBT.

11 Ces sociétés ainsi que l'association en cause ont eu accès au dossier d'instruction de la Commission sous la forme d'une copie sur CD-ROM, qui leur a été envoyé le 1er octobre 2004.

12 Le 12 novembre 2004, le groupe Prym, invoquant la communication sur la coopération de 2002, a présenté, au nom de l'ensemble de ses filiales, une demande d'immunité ou, à titre subsidiaire, de réduction du montant des amendes concernant les "autres types de fermetures".

13 Par télécopie de 18 novembre 2004, le groupe Prym a complété sa demande. Par courriers électroniques, respectivement du 3, 4 et 11 janvier 2005, il a adressé à la Commission des informations complémentaires. Par courrier électronique du 27 janvier 2005, le groupe Prym a présenté une demande complémentaire tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 2002.

14 Le 18 février 2005, le groupe YKK, invoquant la communication sur la coopération de 2002, a présenté une demande de réduction du montant des amendes concernant les "autres types de fermetures".

15 Le 25 février 2005, le groupe YKK a complété cette demande.

16 Les éléments de preuve fournis à l'appui des demandes tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 2002 des groupes Prym et YKK ont permis à la Commission d'adresser aux sociétés concernées, le 7 mars 2006, une communication des griefs complémentaire (ci-après la "communication des griefs complémentaire").

17 Ladite communication des griefs complémentaire, concernant les "autres types de fermetures", les machines de pose et les fermetures à glissière a été adressée aux sociétés A. Raymond, Berning & Söhne et Berning France, Coats et Coats Deutschland et Éclair Prym, Prym Fashion, Fiocchi Prym, Scovill Fasteners Europe, Scovill Fasteners, William Prym, YKK Corp., YKK Holding et YKK Stocko Fasteners, ainsi qu'au VBT. Le CD-ROM contenant le dossier de la Commission a été envoyé aux parties le 13 mars 2006.

18 La communication des griefs complémentaire portait sur les mêmes produits que ceux de la communication des griefs et, au besoin, corrigeait, précisait, synthétisait et étendait les griefs qui y étaient formulés. Dans la communication des griefs complémentaire, la Commission ne mentionnait pas systématiquement toutes les infractions définies dans la communication des griefs, en particulier si aucun changement n'était intervenu concernant ces infractions à la suite des demandes tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 2002.

19 Une audition s'est déroulée le 11 juillet 2006.

20 Après avoir consulté le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, et au vu du rapport final du conseiller-auditeur, la Commission a adopté, le 19 septembre 2007, la décision C (2007) 4257 final, relative à une procédure d'application de l'article 81 [CE] (affaire COMP-39.168 - PO/Articles de mercerie métalliques et plastiques : fermetures) (ci-après la "décision attaquée"), dont un résumé est publié au Journal officiel de l'Union européenne du 26 février 2009 (JO C 47, p. 8).

21 Aux termes de l'article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, en ce qui concerne la coopération dans le cadre des cercles de Bâle-Wuppertal et d'Amsterdam sur les marchés des "autres types de fermetures" et des machines de pose (ci-après la "coopération Bâle-Wuppertal et Amsterdam"), ont enfreint l'article 81 CE en s'accordant avec d'autres entreprises, durant les périodes indiquées, sur des augmentations coordonnées des prix et en échangeant avec elles des informations confidentielles sur les prix et l'application des hausses de prix, notamment les entreprises suivantes :

- YKK Corp., du 1er mars 1997 au 15 mars 2001 ;

- YKK Holding, du 1er mars 1997 au 15 mars 2001 ;

- YKK Stocko Fasteners, du 24 mai 1991 au 15 mars 2001.

22 Aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, en ce qui concerne la coopération entre Prym Fashion, d'une part, et YKK Stocko Fasteners ainsi que YKK Corp., d'autre part, sur les marchés des "autres types de fermetures" et des machines de pose (ci-après la "coopération bilatérale entre les groupes Prym et YKK"), ont enfreint l'article 81 CE en se concertant, durant les périodes indiquées, en Europe et dans le monde, pour fixer les prix, notamment les prix minimaux, moyens et indicatifs, pour contrôler les augmentations des prix par des échanges réguliers de barèmes de prix et par des contacts bilatéraux fréquents, et pour se répartir la clientèle en s'abstenant de se livrer concurrence par les prix, notamment les entreprises suivantes :

- YKK Corp., du 13 août 1999 au 13 janvier 2003 ;

- YKK Holding, du 13 août 1999 au 13 janvier 2003 ;

- YKK Stocko Fasteners, du 13 août 1999 au 13 janvier 2003.

23 Aux termes de l'article 1er, paragraphe 3, du dispositif de la décision attaquée, en ce qui concerne la coopération entre, premièrement YKK Holding ainsi que YKK Europe Ltd, deuxièmement, Coats Holdings ainsi que Coats Deutschland et, troisièmement, Prym Fashion ainsi qu'Éclair Prym Group sur le marché des fermetures à glissière (ci-après la "coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym"), ont enfreint l'article 81 CE, durant les périodes indiquées, en échangeant des informations sur les prix, en se concertant sur les prix et les augmentations des prix, et en convenant d'une méthode de fixation des prix minimaux des produits standard sur le marché européen, notamment les entreprises suivantes :

- YKK Corp., du 28 avril 1998 au 12 novembre 1999 ;

- YKK Holding, du 28 avril 1998 au 12 novembre 1999.

24 Sur la base des constatations factuelles et des appréciations juridiques effectuées dans la décision attaquée, la Commission a imposé aux entreprises concernées des amendes dont le montant a été calculé en application de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les "lignes directrices") ainsi que des communications sur la coopération de 1996 et de 2002.

25 L'article 2, paragraphe 1, cinquième tiret, de la décision attaquée prévoit notamment l'imposition de l'amende suivante pour la coopération Bâle-Wuppertal et Amsterdam : YKK Stocko Fasteners : 68 250 000 d'euro, dont YKK Corp. et YKK Holding sont tenues pour solidairement responsables pour la somme de 49 000 000 d'euro.

26 L'article 2, paragraphe 3, premier tiret, de la décision attaquée prévoit notamment l'imposition de l'amende suivante pour la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym : YKK Corp. et YKK Holding, solidairement responsables : 62 500 000 d'euro.

27 À l'article 4 de la décision attaquée, il est ordonné aux entreprises énumérées à l'article 1er de mettre immédiatement fin, si elles ne l'ont pas déjà fait, aux infractions visées à ce même article et de s'abstenir désormais de tout acte ou comportement décrit à l'article 1er ainsi que de toute mesure ayant un objet ou un effet équivalent.

28 Par décision C (2011) 2070 final de la Commission, du 31 mars 2011, celle-ci a décidé, après avoir procédé à une évaluation de l'impact des amendes sur la situation financière de l'une des sociétés concernées, autre que la requérante, et avoir examiné l'incapacité de payer alléguée par elle, de réduire partiellement le montant initial de l'amende qui lui avait été infligée.

Procédure et conclusions des parties

29 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 décembre 2007, les requérantes ont introduit le présent recours.

30 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

31 Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure adoptées le 17 mai 2011, le Tribunal a invité la Commission à produire un document. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

32 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

33 Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 24 juin 2011, les requérantes ont fait certaines observations sur le rapport d'audience qui lui avait été communiqué le 17 mai 2011.

34 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience qui s'est tenue le 5 juillet 2011.

35 Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

- à titre principal, annuler la décision attaquée dans la mesure où elle les concerne et, en conséquence, annuler les amendes qui leur sont infligées,

- à titre subsidiaire, annuler l'article 2 de la décision attaquée dans la mesure où il les concerne ou, à tout le moins, annuler ou réduire les amendes qui leurs sont infligées,

- condamner la Commission aux dépens.

36 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours,

- condamner les requérantes aux dépens.

En droit

37 À la suite de la confirmation par les requérantes de ce que les arguments relatifs à la dimension mondiale de l'infraction liée à la coopération bilatérale entre les groupes Prym et YKK ne constituent pas un moyen, il n'y a lieu d'examiner le bien-fondé que de huit moyens.

38 Premièrement, il conviendra d'examiner les moyens relatifs à la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym, qui sont tirés, en substance, de :

- l'absence de preuve de l'existence de l'infraction ;

- l'appréciation erronée de la nature et de la mise en œuvre de l'infraction ;

- l'appréciation erronée de l'incidence réelle de l'infraction ;

- l'application erronée des communications sur la coopération.

39 Deuxièmement, il y aura lieu d'examiner les moyens relatifs à la coopération Bâle-Wuppertal et Amsterdam, qui sont tirés de :

- l'application erronée de la limitation de l'amende pour la période antérieure à l'acquisition d'YKK Stocko Fasteners ;

- l'application erronée du multiplicateur pour la période antérieure à l'acquisition d'YKK Stocko Fasteners.

40 Troisièmement, il conviendra d'examiner le moyen commun aux infractions liées à la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym et à la coopération Bâle-Wuppertal et Amsterdam, tiré de la violation des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité concernant l'application du multiplicateur de 1,25.

41 Avant de procéder à l'examen des huit moyens, il y a toutefois lieu de se prononcer sur la demande de mesures d'instruction.

A - Sur la demande de mesures d'instruction

42 Dans la requête, les requérantes proposent au Tribunal d'entendre M. B., afin de déterminer si celle-ci, en tant que représentant des requérantes, lors de la réunion en cause du secteur des fermetures à glissière du 12 novembre 1999, s'est ouvertement distanciée au nom des requérantes de toute discussion portant sur les prix ou sur d'autres informations économiques et a fait en sorte que seuls des sujets non sensibles soient évoqués.

43 Il y a lieu de rappeler que, selon l'article 68, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, la demande d'une partie tendant à l'audition d'un témoin indique avec précision les faits sur lesquels il y a lieu de l'entendre et les raisons de nature à justifier son audition.

44 Il appartient au Tribunal d'apprécier la nécessité éventuelle de compléter les éléments dont il dispose sur les affaires et la pertinence de la demande par rapport à l'objet du litige et à la nécessité de procéder à l'audition du ou des témoins cités (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 juillet 2010, Commission/Hellenic Ventures e.a., T-44-06, non publié au Recueil, point 117, et la jurisprudence citée).

45 En l'espèce, au regard tant des éléments du dossier que de l'objet du litige, il n'est pas indispensable de procéder à l'audition du témoin cité pour statuer sur le litige dont le Tribunal est saisi. Par conséquent, la demande de mesures d'instruction doit être rejetée.

B - Sur les moyens relatifs à la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym

46 Dans le cadre de l'examen des moyens relatifs à la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym, il convient de traiter, d'abord, la question de l'existence de l'infraction alléguée, ensuite, celle relative à la qualification de l'infraction alléguée comme étant "très grave" et, enfin, celle relative à l'application des communications sur la coopération.

1. Sur le moyen tiré de l'absence de preuve de l'existence de l'infraction

47 Le présent moyen peut être subdivisé en quatre branches. La première porte sur la fiabilité des demandes des groupes Coats et Prym tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 1996. Les deuxième et troisième branches portent sur l'absence d'un accord relatif à des prix minimaux et/ou d'une pratique concertée. La quatrième porte sur la distanciation publique.

48 Il y a lieu de rappeler que, en ce qui concerne l'administration de la preuve d'une infraction à l'article 81, paragraphe 1, CE, la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu'elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l'existence des faits constitutifs d'une infraction (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185-95 P, Rec. p. I-8417, point 58, et du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49-92 P, Rec. p. I-4125, point 86). L'existence d'un doute dans l'esprit du juge doit profiter à l'entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l'existence de l'infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38-02, Rec. p. II-4407, point 215).

a) Sur la première branche, portant sur la fiabilité et, par conséquent, la valeur probante des demandes des groupes Coats et Prym tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 1996

Arguments des parties

49 Les requérantes font valoir que la Commission n'a pas démontré qu'il y avait eu un accord ni une pratique concertée sur des prix plancher en se fondant sur les demandes des groupes Coats et Prym tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 1996. Les requérantes soutiennent que ces déclarations ne sont pas fiables et n'ont, en conséquence, pas de valeur probante permettant à la Commission de conclure à l'existence d'une infraction au sujet des cinq réunions.

50 Lors de l'audience, les requérantes ont également invoqué, à cet égard, l'obligation de la Commission d'utiliser ses pouvoirs d'interrogation, aux termes de l'article 19 du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), pour obtenir plus d'informations des MM. G. (Coats) et P. (Prym). Elles affirment que l'obtention de ces informations supplémentaires aurait probablement réfuté les allégations de la Commission.

51 La Commission conteste l'ensemble des allégations faites par les requérantes.

Appréciation du Tribunal

52 Il convient de rappeler que le seul fait que l'information a été soumise par des entreprises ayant formé une demande tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 1996 ne met pas en cause sa valeur probante.

53 En effet, selon une jurisprudence constante, aucune disposition ni aucun principe général du droit de l'Union européenne n'interdit à la Commission de se prévaloir, à l'encontre d'une entreprise, des déclarations d'autres entreprises concernées. Si tel n'était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires aux articles 81 CE et 82 CE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec la mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions qui lui est attribuée par le traité CE (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T-67-00, T-68-00, T-71-00 et T-78-00, Rec. p. II-2501, point 192, et la jurisprudence citée).

54 Une certaine méfiance à l'égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite est compréhensible, dès lors que ces participants pourraient minimiser l'importance de leur contribution à l'infraction et maximiser celle des autres. Néanmoins, compte tenu de la logique inhérente à la procédure prévue par la communication sur la coopération, le fait de demander le bénéfice de son application en vue d'obtenir une réduction du montant de l'amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés quant aux autres participants à l'entente incriminée. En effet, toute tentative d'induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération de l'entreprise et, partant, mettre en danger la possibilité pour celle-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération (arrêts du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T-120-04, Rec. p. II-4441, point 70, et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T-54-03, non publié au Recueil, point 58).

55 En particulier, il y a lieu de considérer que le fait pour une personne d'avouer qu'elle a commis une infraction et d'admettre ainsi l'existence de faits qui dépassent ceux dont l'existence pouvait être déduite de manière directe des documents en question implique a priori, en l'absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité. Ainsi, les déclarations allant à l'encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 53 supra, points 211 et 212 ; du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T-109-02, T-118-02, T-122-02, T-125-02, T-126-02, T-128-02, T-129-02, T-132-02 et T-136-02, Rec. p. II-947, point 166, et Lafarge/Commission, point 54 supra, point 59).

56 Néanmoins, les déclarations faites par des entreprises concernées dans le cadre de demandes tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 1996 doivent être appréciées avec prudence et, en général, ne sauraient être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables si elles n'ont pas été corroborées par d'autres éléments.

57 En effet, selon une jurisprudence constante, la déclaration d'une entreprise à laquelle il est reproché d'avoir participé à une entente, dont l'exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises concernées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l'existence d'une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d'autres éléments de preuve (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 53 supra, point 219 ; Groupe Danone/Commission, point 48 supra, point 285 ; Bolloré e.a./Commission, point 55 supra, point 167, et Lafarge/Commission, point 54 supra, point 293 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Enso-Gutzeit/Commission, T-337-94, Rec. p. II-1571, point 91).

58 Aux fins d'examiner la valeur probante des déclarations des entreprises ayant formé une demande tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 1996, il convient de prendre en compte notamment, l'importance des indices concordants appuyant la pertinence desdites déclarations et le fait qu'il ne ressort pas de ces déclarations que lesdites entreprises auraient eu tendance à minimiser l'importance de leur contribution à l'infraction et à maximiser celle des autres entreprises (voir, en ce sens, arrêts Peróxidos Orgánicos/Commission, point 54 supra, point 70, et Lafarge/Commission, point 54 supra, points 62 et 295).

59 En l'espèce, il ressort des considérants 191 à 209 de la décision attaquée que la Commission ne s'est pas uniquement fondée sur les demandes de Coats et de Prym tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 1996. Au contraire, elle s'est fondée pour une bonne partie sur des documents trouvés au cours des vérifications effectuées ou fournis par d'autres entreprises. Il s'agit d'éléments de preuve qui ont été produits au moment où les événements se sont déroulés et qui ont, dès lors, une valeur probante non négligeable, dans la mesure où, en principe, de tels éléments de preuve sont plus fiables que ceux rédigés à un moment plus tardif. De surcroît, la Commission s'est également fondée sur la réponse des requérantes à la communication des griefs.

60 En ce qui concerne le grief tiré de la relation très étroite et illicite entre les groupes Coats et Prym (voir la coopération bilatérale sur les marchés des "autres types de fermetures" et les fermetures à glissière, la coopération entre Prym, Coats et Entaco sur les marchés des aiguilles et la participation de Coats à l'entente sur le marché des fils, il y a lieu de rappeler que les requérantes elles-mêmes sont impliquées dans des coopérations illicites autres que la coopération Bâle-Wuppertal et Amsterdam ainsi que la coopération bilatérale entre les groupes Prym et YKK (jusqu'en 2003), qu'elles ont attendu jusqu'à février 2005 pour introduire leur demande tendant au bénéfice de la communication sur la coopération et qu'elles disposaient par conséquent d'un plus grand nombre d'informations que les groupes Coats et Prym lors du dépôt par ceux-ci de demandes tendant au bénéfice de la communication sur la coopération en 2001, dont la communication des griefs et le dossier de la Commission qui comprenait notamment ces dernières demandes).

61 En tout état de cause, le seul fait pour une entreprise donnée d'avoir été impliquée dans d'autres infractions ne constitue pas un motif de l'exclure du bénéfice de la communication sur la coopération, car, dans le cas contraire, celle-ci serait fortement dissuadée de dénoncer d'autres ententes secrètes auxquelles elle participe, ce qui réduirait significativement l'efficacité de la communication sur la coopération.

62 Ensuite, en ce qui concerne l'affirmation des requérantes selon laquelle la simultanéité et le caractère coordonné des demandes des groupes Prym et Coats tendant au bénéfice de la communication sur la coopération nuisent à leur crédibilité, il y a lieu de rappeler que lesdites demandes ont été présentées après les inspections de la Commission, au cours desquelles des éléments à charge au sujet de la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym ont été découverts. Il n'existait donc pas de risque de priver l'inspection de tout effet de surprise, comme l'a fait valoir la Commission à juste titre. Certes, les demandes tendant à bénéficier de la communication sur la coopération ont été introduites simultanément par les groupes Coats et Prym. De même, le groupe Prym avait informé le groupe Coats de son intention d'introduire une demande tendant à bénéficier de la communication sur la coopération et du contenu envisagé de celle-ci. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les groupes Coats et Prym ont coordonné leur action en ce qui concerne l'introduction de leurs demandes tendant à bénéficier de la communication sur la coopération. En effet, les éléments fournis dans le cadre des demandes tendant à bénéficier de la communication sur la coopération corroborent les éléments de preuve découverts au cours des vérifications effectuées ainsi que les éléments de preuves fournis par d'autres entreprises.

63 En outre, il ressort des considérants 550 à 553 de la décision attaquée que la Commission a évalué les affirmations concernant la tentative de coordination des réponses à la communication des griefs et a conclu qu'elle ne disposait pas de preuves suffisantes en la matière. De surcroît, il y a lieu de constater que l'initiative prise par le groupe Prym auprès des requérantes n'a pas porté ses fruits et doit dès lors être qualifié comme une tentative. Par conséquent, la fiabilité des éléments fournis dans le cadre des demandes tendant à bénéficier de la communication sur la coopération ne saurait être mise en cause.

64 Par conséquent, les déclarations des groupes Prym et Coats figurant dans leurs demandes tendant à bénéficier de la communication sur la coopération sur lesquelles la Commission s'est fondée sont suffisamment étayées par d'autres éléments de preuve. Partant, l'argument des requérantes visant à mettre en doute leur crédibilité ne saurait être accueilli. La première branche doit dès lors être écartée.

65 Pour autant que, lors de l'audience, les requérantes aient cherché à étendre les griefs qu'elles avaient initialement formulés sur cet aspect de la décision attaquée, en invoquant une obligation de la Commission d'utiliser ses pouvoirs d'interrogation, celle-ci a produit un moyen nouveau, sans le fonder sur des éléments de droit ou de fait qui se seraient révélés au cours d'instance. Conformément à l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, un tel moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

b) Sur les deuxième et troisième branches, portant sur l'absence d'un accord relatif à des prix minimaux et/ou d'une pratique concertée

Arguments des parties

66 Les requérantes font valoir, dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, qu'elles ne sont pas parvenues à un accord sur des prix plancher. Elles rappellent que la Commission leur reproche d'avoir participé aux discussions avec les représentants des deux autres entreprises qui ont eu lieu pour que chacune des entreprises harmonise à l'avenir ses propres pratiques de prix dans l'Union. Elles soutiennent en outre que ces discussions étaient liées à l'introduction de la monnaie unique qui devait avoir pour conséquence que les prix appliqués par une même entreprise dans différents États membres deviendraient transparents pour les clients. Elles prétendent que la Commission ne les a pas accusé d'avoir harmonisé leurs prix ou d'avoir fixé des prix plancher applicables aux trois entreprises représentées lors des réunions. Elles affirment que les cinq réunions ne peuvent être qualifiées que de préparations, ou de négociations en vue d'un accord potentiel futur qui ne serait conclu qu'à compter de l'année 2000. Les requérantes citent des passages des demandes des groupes Coats et Prym tendant au bénéfice de la communication sur la coopération afin de démontrer le caractère préliminaire des discussions et qui montreraient que ces discussions sont restées sans suite.

67 Ensuite, elles soulèvent que la Commission n'a pas démontré que les négociations entamées par les requérantes dans le cadre des cinq réunions ont constitué des accords au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, en vertu de la jurisprudence abondante des juridictions communautaires et de la propre pratique de la Commission dans des décisions antérieures.

68 Enfin, les requérantes rappellent que la Commission a admis elle-même ne pas posséder suffisamment d'éléments de preuve quant à la mise en œuvre finale de l'accord allégué.

69 Les requérantes considèrent, dans le cadre de la troisième branche du présent moyen, que, même si les faits établis par la Commission sont exacts, les réunions ne correspondaient pas non plus à une pratique concertée au sens de l'article 81, CE.

70 La Commission conteste les arguments des requérantes.

Appréciation du Tribunal

71 Selon la jurisprudence, il incombe à la Commission de réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour établir que l'infraction alléguée constitue un accord ou une pratique concertée au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE (arrêt du Tribunal du 21 janvier 1999, Riviera Auto Service e.a./Commission, T-185-96, T-189-96 et T-190-96, Rec. p. II-93, point 47).

72 En l'espèce, dans la décision attaquée, la Commission ne s'est pas exprimée explicitement sur le point de savoir si le comportement reproché aux requérantes constituait un accord ou une pratique concertée. Au considérant 325 de ladite décision, elle s'est bornée à observer que l'ensemble des comportements présentait toutes les caractéristiques d'un accord et/ou d'une pratique concertée.

73 Aux termes de l'article 81, paragraphe 1, CE, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.

74 Pour qu'il y ait accord au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7-89, Rec. p. II-1711, point 256, et du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T-9-99, Rec. p. II-1487, point 199).

75 Il peut être considéré qu'un accord, au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, est conclu dès lors qu'il y a une concordance des volontés sur le principe même de la restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l'objet des négociations (voir, en ce sens, arrêt HFB e.a./Commission, point 74 supra, points 151 à 157 et 206).

76 La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts de la Cour Commission/Anic Partecipazioni, point 48 supra, point 115, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C-199-92 P, Rec. p. I-4287, point 158).

77 À cet égard, l'article 81, paragraphe 1, CE s'oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature soit à influer sur le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à tenir soi-même sur le marché ou que l'on envisage d'adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet la restriction de concurrence (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 48 supra, points 116 et 117).

78 Le fait de communiquer des renseignements à ses concurrents en vue de préparer un accord anticoncurrentiel suffit à prouver l'existence d'une pratique concertée au sens de l'article 81 CE (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T-148-89, Rec. p. II-1063, point 82, et du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T-53-03, Rec. p. II-1333, point 178).

79 Selon une jurisprudence constante, les notions d'accord et de pratique concertée, au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 48 supra, points 131 et 132, et HFB e.a./Commission, point 74 supra, point 190).

80 Il convient également de tenir compte du fait que les activités anticoncurrentielles se déroulent de manière clandestine et, partant, dans la plupart des cas, l'existence d'une pratique ou d'un accord anticoncurrentiel doit être inférée d'un certain nombre de coïncidences et d'indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l'absence d'une autre explication cohérente, la preuve d'une violation des règles de la concurrence (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204-00 P, C-205-00 P, C-211-00 P, C-213-00 P, C-217-00 P et C-219-00 P, Rec. p. I-123, points 55 à 57).

81 C'est à la lumière de ces considérations qu'il convient d'examiner si, en l'espèce, la Commission a établi que l'infraction alléguée constituait un accord et/ou une pratique concertée au sens de l'article 81 CE.

82 En l'espèce, il y a lieu d'observer, en ce qui concerne les cinq réunions pour lesquelles les requérantes ne contestent pas leur participation, à savoir celles du 28 avril 1998, et des 13 janvier, 2 juin, 29 septembre et 12 novembre 1999, que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, des sujets de nature anticoncurrentielle ont été discutés lors de celles-ci.

- Sur la réunion du 28 avril 1998 (considérants 188 à 190 de la décision attaquée)

83 À cet égard, il ressort de la demande du groupe YKK tendant au bénéfice de la communication sur la coopération que, au cours de cette réunion, les participants ont débattu des prix pratiqués au Portugal, en Finlande, en Allemagne et en Turquie, pour certains types de produit, ainsi que des ventes réalisées dans ces pays.

84 Les requérantes ont fourni à la Commission, une traduction d'un courriel interne, daté le 12 mai 1998, joint à leur demande tendant au bénéfice de la communication sur la coopération, dans lequel M. N. fait état du déroulement et du contenu de la réunion qui a eu lieu le 28 avril 1998.

85 Il ressort du courriel interne mentionné au point 84 ci-dessus ce qui suit :

"Le 28 avril [1998], j'ai obtenu l'information suivante des MM. L et P.

Portugal

YKK attaque les autres entreprises en consentant des remises. Pourriez-vous confirmer que YKK a changé de politique tarifaire ?

[...]

Le marché allemand

Nous avons l'objectif de ventes de 20-23 et 22-24. Nous serons en mesure de le réaliser à l'automne. Nous souhaitons discuter du prochain objectif applicable à partir d'octobre 1998. (Prym and Opti)

La réponse de M. [N.] à ce commentaire fut la suivante :

'YKK a souhaité augmenter les prix des produits (en Allemagne) en raison de l'introduction de l'euro. Une fois que nous aurons augmenté comme il se doit les prix applicables aux gros clients, nous augmenterons les prix applicables aux petits clients. Nous devons réduire l'écart de prix entre les gros et les petits clients, et la quantité à acheter sera prise en compte dans la politique tarifaire.'"

- Sur la réunion du 13 janvier 1999 (considérants 191 à 195 de la décision attaquée)

86 À cet égard, il ressort de la demande du groupe YKK tendant au bénéfice de la communication sur la coopération que, pendant cette réunion, les participants ont discuté des écarts de prix entre différents marchés géographiques et échangé des informations sur les prix concédés à des clients individuels. Selon le groupe YKK, cette réunion peut être considérée comme un "prolongement" des trois autres réunions organisées en 1999, qui seront examinées ci-après, puisque les mêmes sujets y ont été discutés, à savoir l'impact de l'euro sur l'activité, la réglementation européenne concernant l'interdiction du nickel, l'écart de prix de 85 % dans le cadre de l'euro et l'évolution générale des marchés européens.

87 Les requérantes ont fourni, à la Commission, une traduction d'un mémorandum, concernant la réunion du 13 janvier 1999, joint à leur demande tendant au bénéfice de la communication sur la coopération. Il ressort de ce mémorandum que les participants, ont discuté, outre de sujets généraux tels que l'influence de l'introduction de l'euro, des écarts de prix entre différents marchés nationaux sous le titre "L'information des prix". En outre, Coats a cité ses prix futurs à facturer à Steilman en Allemagne : "Nous passerons notre prix à 21,59 DEM à partir du 1er août 1999".

- Sur la réunion du 2 juin 1999 (considérants 196 à 200 de la décision attaquée)

88 À cet égard, il ressort des demandes de Coats, de Prym et d'YKK tendant au bénéfice de la communication sur la coopération ainsi que d'un courriel, daté du 4 juin 1999, découvert lors des vérifications effectuées dans les locaux de Coats, que les participants ont convenu d'harmoniser leur prix minimaux pour les produits standard dans l'ensemble de l'Europe avant la fin de l'année 2000 suivant une méthode fondée sur un prix de référence à 85 % du prix appliqué à l'époque en Allemagne. Or, les requérantes prétendent que l'objectif essentiel de cette réunion était d'organiser un face-à-face entre M. I. d'YKK [Corp.] et deux nouveaux directeurs de Coats, M. G. et M. Ü. Selon le groupe YKK, ils ont discuté de questions générales concernant le secteur et n'ont pas convenu de fixer des prix.

89 En outre, dans la demande de Coats tendant au bénéfice de la communication sur la coopération, il est exposé ce qui suit :

"J'ai assisté à la réunion du 2 juin 1999 avec [M. Ü.], à l'époque directeur général chargé des affaires européennes du département fils, au nom de Coats. Prym a été représentée par [M. P]. YKK a été représentée par le directeur du département fermetures à glissière, M. [I.], de par leur directeur général allemand, M. [N.] et par le président-directeur général européen M. [C.]. La préoccupation exprimée par YKK était qu'il y avait des écarts de prix importants entre les États membres de l'UE et d'autres pays en Europe, en Afrique du Nord et Moyen-Orient. Cela a conduit à des niveaux importants de commerce parallèle et l'érosion des prix dans certains États membres. Comme indiqué dans ma note, il a été convenu que nous devrions tenter de réduire ces écarts en faisant en sorte que les prix des produits standard ne soient pas inférieurs à 85 % d'un prix de référence allemand. M. [N.] a accepté de préparer une liste de produits standard sur laquelle les participants pourraient travailler lors de la réunion suivante. Il a dit qu'il devrait être possible d'améliorer les prix des fermetures à glissière en Europe de cette façon. Une réunion de suivi a été organisée pour le 29 septembre concernant les questions nécessitant un examen technique.

Le 13 août 1999, [M. P.] m'a téléphoné. Il avait reçu la liste de produits standard de M. [N.] et me l'a envoyée par télécopie. J'ai envoyé un courriel à [M. Ü.]. [...] En fait, ce que j'avais voulu dire était que nous devions regarder de près les pays où les prix moyens étaient moins de 85 % du prix de référence allemand comme convenu lors de la réunion du 2 juin 1999."

90 Par ailleurs, il ressort du courriel mentionné au point 88 ci-dessus ce qui suit :

"Accord de principe pour tenter d'établir des niveaux de prix minimum pour des produits standard [...] en Europe [...] avant la fin de l'année 2000.

Méthodologie

Sélectionner les produits standard [...] suivant la définition donnée par YKK [...]

Utiliser comme référence les prix du marché allemand en euro (plus 5 % ?).

Fixer 85 % de ces prix de référence comme minimum à atteindre.

Définir les marches prioritaires.

Prendre les mesures appropriées sur les marchés impliquant de préférence le moins de personnes possibles.

[...]"

91 De plus, il ressort du courriel mentionné au point 89 ci-dessus ce qui suit :

"[M. P.] m'a appelé aujourd'hui au sujet de la planification pour notre réunion.

Il vient d'avoir une réunion constructive avec [M. N.] sur d'autres sujets et a reçu de ce dernier la liste promise de produits à couvrir par notre étude.

[...]

Êtes-vous heureux avec la liste ? [...]

La méthodologie qui serait suivie lors de la réunion serait pour chacun de nous de soumettre nos prix moyens par produit convenu pour chaque marché européen et de se mettre d'accord quels marchés doivent être examinés plus en détail c'est-à-dire où il y a plus que 85 % de divergence avec le prix de référence (Allemagne).

[...]

Comment souhaitez-vous continuer à constituer nos prix moyens par marché ?"

92 Quant à la demande de Prym tendant au bénéfice de la communication sur la coopération, elle confirme la préparation d'une liste des produits standard par YKK, qui ne devrait pas contenir des prix, ainsi que sa réception par Prym et sa transmission à Coats Opti. Lors de la réunion du 2 juin 1999 mentionnée au point 89 ci-dessus, M. [I.] aurait observé qu'il craignait que, avec l'introduction de l'euro, les différences de prix existantes deviendraient plus transparentes dans les différents pays de l'Union, ayant comme conséquence que les prix dans les marchés avec prix encore suffisants s'adapteraient au niveau des pays de prix faibles. Pour éviter cela, il devrait envisager un prix moyen équivalant à 85 % du prix moyen allemand.

93 Les requérantes admettent, dans leur réponse du 14 décembre 2004 à la communication des griefs, que M. I. a évoqué au cours de la réunion la possibilité que YKK avec l'arrivée de l'euro, envisageait aussi d'harmoniser ses prix pour des produits identiques dans les différents États membres de l'Union, que le groupe YKK pourrait fixer comme point de départ le prix en vigueur du produit en Allemagne et que M. I. pouvait avoir fait référence au taux de 85 % du prix cité dans la presse.

94 Il ressort de tout ce qui précède que les participants se sont efforcés de réduire les écarts de prix entre les États membres de l'Union en s'assurant que leurs produits standard ne seraient pas offerts à un prix inférieur à 85 % d'un prix de référence allemand, que le groupe YKK s'est engagé à préparer une liste des produits standard sur laquelle les participants pourraient travailler lors de la réunion suivante, prévue pour le 29 septembre 1999 et que la méthode convenue consistait à sélectionner des produits standard selon la définition donnée par YKK, utiliser comme référence les prix du marché allemand en euro, fixer 85 % de ces prix de référence comme minimum à atteindre, définir des marchés prioritaires et prendre les mesures appropriées sur les marchés.

- Sur la réunion du 29 septembre 1999 (considérants 201 à 204 de la décision attaquée)

95 À cet égard, il ressort de la demande de Coats, tendant au bénéfice de la communication sur la coopération, que les participants ont discuté de "la méthode et apporté [leurs] listes de prix moyens pour les produits standard" et ont commencé à "passer en revue les pays dans lesquels ces prix étaient inférieurs au prix de référence équivalant à 85 % du prix allemand".

96 D'après la demande de Prym tendant au bénéfice de la communication sur la coopération, les participants avaient apporté leurs listes de prix qui ont été échangées oralement seulement. Les prix lus à cette occasion concernaient deux à trois produits standard pour les marchés allemand, belge et néerlandais.

97 Les requérantes prétendent ne pas avoir participé à un quelconque échange de prix. Dans leur réponse à la communication des griefs, elles indiquent toutefois que les participants à la réunion ont discuté du marché unique et de l'introduction de l'euro, mais n'ont échangé aucune liste. La liste en cause était censée ne comprendre aucune information sur les prix et devait simplement servir de modèle.

- Sur la réunion du 12 novembre 1999 (considérants 205 à 209 de la décision attaquée)

98 À cet égard, il y a lieu de constater que cette réunion s'inscrivait dans le prolongement des deux réunions organisées les 2 juin et 29 septembre 1999.

99 Il ressort de la demande de Coats tendant au bénéfice de la communication sur la coopération que la discussion a été difficile dans la mesure où il n'y avait pas eu, entre les participants, de réelle coopération ni de consensus sur les prix moyens des fermetures à glissière standard et sur les modalités d'application des augmentations de prix proposées. En ce qui concerne ces dernières propositions, Coats a affirmé, dans ladite demande, que YKK faisait pression sur Éclair Prym pour qu'elle augmente ses prix en Espagne, en France et en Belgique.

100 Il ressort de la demande de Coats tendant au bénéfice de la communication sur la coopération ce qui suit :

"Les discussions se sont avérées difficiles. YKK détenait de bonnes informations au sujet de nos niveaux de prix et nous les a communiqués. Mais il n'y avait pas de réelle coopération ni de consensus au sujet du niveau de prix moyen des fermetures à glissière standard ni de la mise en œuvre de la hausse envisagée. J'avais l'impression que les participants cherchaient à obtenir des informations qu'ils pourraient utiliser à leur propre avantage. Je me souviens que YKK a insisté pour que Prym augmente ses tarifs en Espagne, en France et en Belgique. Nous ne sommes pas parvenus à nous entendre sur une hausse des prix. Coats n'avait pratiquement aucune activité concernant les fermetures à glissière en Espagne et nous n'étions pas préoccupés par le Benelux, où notre activité de fermetures à glissière était rentable."

101 Selon la Commission, la remarque concernant la pression d'YKK sur Prym est étayée par le groupe Prym. En effet, il résulte du dossier que ce dernier a indiqué que, "[s]elon la déclaration écrite de M. [G.] de Coats, jointe à la demande de Coats du 26 novembre 2001 tendant au bénéfice de la communication sur la coopération, YKK faisait pression sur Éclair Prym pour qu'elle augmente ses prix en Espagne, en France et en Belgique. C'est correct." Les requérantes contestent toutefois l'argument invoqué par Coats et Prym selon lequel le groupe YKK aurait fait pression sur Prym pour augmenter les prix.

102 Force est de constater que, à la demande de Coats tendant au bénéfice de la communication sur la coopération, ont été joints des courriels concernant l'organisation pratique de ladite réunion. Il y est également fait état des participants. Les requérantes ont admis dans leur réponse sur la communication des griefs que cette réunion a été organisée à l'initiative d'YKK Europe en précisant que "M. B. a pris contact avec Prym et Coats pour organiser une réunion, comme il résulte des courriels annexés à la demande de Coats tendant au bénéfice de la communication sur la coopération".

103 Les requérantes prétendent, dans leur réponse à la communication des griefs, que les autres participants ont essayé d'aborder la question des prix, mais que M. B. d'YKK Europe a expliqué que toutes discussions supplémentaires devaient exclusivement avoir un caractère général. La question de la distanciation publique sera examinée dans la quatrième branche du présent moyen.

104 Il ressort de tout ce qui précède que, même si les requérantes contestent la portée infractionnelle des réunions des 2 juin, 29 septembre et 12 novembre 1999, les requérantes ont déclaré, en ce qui concernait la réunion du 13 janvier 1999, que les participants avaient discuté des mêmes sujets que lors des trois autres réunions de 1999 concernant les fermetures à glissière et qu'ils considéraient cette réunion comme un "prolongement" des trois autres réunions (voir point 86 ci-dessus).

Conclusion

105 Il y a lieu de rappeler que les éléments de preuve invoqués par la Commission dans la décision attaquée afin de prouver l'existence d'une violation de l'article 81, paragraphe 1, CE par une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (voir arrêt BPB/Commission, point 78 supra, point 185, et la jurisprudence citée).

106 Au terme de l'examen exposé aux points 83 à 104 ci-dessus, il convient de constater que l'ensemble des éléments analysés constituait un faisceau d'indices démontrant, à suffisance de droit, que l'arrangement commun constituait un accord et/ou une pratique concertée.

107 En effet, pour chacun des faits constitutifs de cette infraction, la Commission a apporté une preuve crédible et, dans un grand nombre de cas, directement corroborée par d'autres preuves. Il ressort des preuves écrites découvertes lors des vérifications, les demandes des groupes Coats et Prym tendant au bénéfice de la communication sur la coopération ainsi que les preuves écrites présentées par ces deux groupes concernant ces réunions, que les groupes Coats, Prym et YKK ont assisté à cinq réunions pendant la période comprise entre le 28 avril 1998 et le 12 novembre 1999, lors desquelles elles ont, au moins :

- échangé des informations sur les prix [lors des réunions des 13 janvier (voir points 86 et 87 ci-dessus) et 29 septembre 1999 (voir points 95 à 97 ci-dessus)] ;

- discuté des prix et des augmentations des prix [lors des réunions du 28 avril 1998 (voir points 83 à 85 ci-dessus), des 13 janvier (voir points 86 et 87 ci-dessus) et 12 novembre 1999 (voir points 98 à 103 ci-dessus)] ;

- décidé d'établir une méthode de fixation des prix minimaux pour leurs produits standard dans l'ensemble de l'Europe et ont discuté son application [lors des réunions des 2 juin (voir points 88 à 94 ci-dessus), 29 septembre (voir points 95 à 97 ci-dessus) et 12 novembre 1999 (voir points 98 à 103 ci-dessus)].

108 Par leur participation à ces réunions, elles ont pris part, avec leurs concurrents, à une collusion ayant pour objet la distorsion des prix et la régularisation du marché européen de fermetures à glissière et empêchant toute concurrence sur les prix des fermetures à glissière dans la mesure où, par exemple, des prix minimaux avaient été fixés pour les produits standard et une méthode d'adaptation des prix en vigueur à un certain niveau en prenant pour référence les prix allemands avait été convenue.

109 Il s'ensuit que c'est à bon droit que, en raison de leur objet, la Commission a pu qualifier d'accord et/ou de pratiques concertées au sens de l'article 81 CE, l'ensemble de comportements des participants à la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym et qu'elle n'avait pas à apporter la preuve que cette concertation s'était manifestée par des comportements sur le marché.

110 À la lumière de l'ensemble de ces considérations, il y a lieu de considérer que les deuxième et troisième branches ne sont pas fondées, et, partant, doivent être écartées.

c) Sur la quatrième branche, portant sur la distanciation publique de la réunion du 12 novembre 1999

Arguments des parties

111 Les requérantes prétendent avoir pris, lors de la dernière réunion du 12 novembre 1999, leurs distances avec les échanges qui ont eu lieu au cours des réunions dans le cadre de la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym et affirment qu'elles ont pris l'initiative d'y mettre un terme, conformément à la jurisprudence de la Cour (arrêt Hüls/Commission, point 76 supra, point 155). Dans la décision attaquée, la Commission n'aurait pas tenu compte des preuves qui lui ont été présentées par les requérantes et ne les aurait examinées d'aucune façon.

112 La Commission réfute l'argument des requérantes.

Appréciation du Tribunal

113 Il est de jurisprudence constante qu'il suffit que la Commission démontre que l'entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s'y être manifestement opposée, pour prouver à suffisance la participation de ladite entreprise à l'entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d'avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu'elle avait indiqué à ses concurrents qu'elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (arrêts Hüls/Commission, point 76 supra, point 155 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 48 supra, point 96, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 80 supra, point 81).

114 La raison qui sous-tend ce principe de droit est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l'entreprise a donné à penser aux autres participants qu'elle souscrivait à son résultat et qu'elle s'y conformerait (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 80 supra, point 82).

115 De plus, la circonstance qu'une entreprise ne donne pas suite aux résultats d'une réunion ayant un objet anticoncurrentiel n'est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à une entente, à moins qu'elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 80 supra, point 85).

116 Par ailleurs, il a été jugé que la notion de distanciation publique en tant qu'élément d'exonération de la responsabilité doit être interprétée de manière restrictive. En particulier, le silence observé par un opérateur dans une réunion au cours de laquelle une concertation illicite a lieu sur une question précise touchant à la politique des prix ne peut être assimilé à l'expression d'une désapprobation ferme et claire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303-02, Rec. p. II-4567, points 103 et 124).

117 Toutefois, il y a lieu de relever également que la jurisprudence mentionnée au point 114 ci-dessus repose sur la prémisse que l'entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 80 supra, point 81) ou au cours desquelles des accords au caractère manifestement anticoncurrentiel ont été conclus (voir, en ce sens, arrêt Hüls/Commission, point 76 supra, point 155). Par conséquent, dès lors que la nature anticoncurrentielle ou le caractère manifestement anticoncurrentiel d'une réunion ne sont pas établis de manière indubitable, cette jurisprudence ne saurait s'appliquer (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission, T-36-05, non publié au Recueil, point 91).

118 En l'espèce, les requérantes prétendent avoir pris, lors de la dernière réunion du 12 novembre 1999, leurs distances avec les échanges qui ont eu lieu au cours des réunions intervenues dans le cadre de la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym. Toutefois, il ressort, tout d'abord, de la réponse des requérantes à une question posée lors de l'audience que ladite affirmation concerne uniquement ladite réunion.

119 En outre, l'affirmation des requérantes selon laquelle elles auraient pris leurs distances lors de la réunion du 12 novembre 1999 n'est étayée par aucun élément de preuve. Par ailleurs, le dossier de la Commission ne contient aucune preuve datant de l'époque des faits permettant de constater que le groupe YKK se serait publiquement distancié à l'égard des autres entreprises ayant participé à l'entente.

120 À titre surabondant, même dans l'hypothèse où les requérantes se seraient distanciées du contenu de la réunion du 12 novembre 1999, cela n'affecterait pas le fait qu'une infraction a eu lieu jusqu'à cette date.

121 Il s'ensuit que la quatrième branche doit être rejetée, et par conséquent, le troisième moyen dans son ensemble.

2. Sur les moyens concernant la qualification erronée de la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym comme étant "très grave"

122 Les requérantes avancent trois moyens, visant à remettre en cause la détermination, par la Commission, de la gravité de l'infraction. Le premier est tiré d'une appréciation erronée de la nature et de la mise en œuvre de l'infraction. Le deuxième et le troisième moyens sont tirés d'une appréciation erronée de l'incidence réelle de l'infraction.

123 Il y a lieu de rappeler que, selon l'article 23, paragraphe 3 du règlement n° 1-2003, pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci.

124 Selon une jurisprudence constante, la gravité d'une infraction est déterminée en tenant compte de nombreux éléments, tels que les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, au regard desquels la Commission dispose d'une marge d'appréciation (arrêts de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213-02 P, Rec. p. I-5425, point 241, et du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C-328-05 P, Rec. p. I-3921, point 43).

125 En particulier, conformément au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices, l'évaluation de la gravité de l'infraction doit prendre en considération la nature propre de l'infraction, son impact concret sur le marché lorsqu'il est mesurable et l'étendue du marché géographique concerné.

126 Il convient de relever que les trois aspects de l'évaluation de la gravité de l'infraction n'ont pas le même poids dans le cadre de l'examen global. La nature de l'infraction joue un rôle primordial, notamment pour caractériser les infractions "très graves". À cet égard, il résulte de la description des infractions très graves par les lignes directrices que des accords ou des pratiques concertées visant notamment, comme en l'espèce, à la fixation des prix peuvent emporter, sur le seul fondement de leur nature propre, la qualification de "très graves", sans qu'il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact ou une étendue géographique particulière. Cette conclusion est corroborée par le fait que, si la description des infractions graves mentionne expressément l'impact sur le marché et les effets sur des zones étendues du marché commun, celle des infractions très graves, en revanche, ne mentionne aucune exigence d'impact concret sur le marché ni de production d'effets sur une zone géographique particulière (arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T-49-02 à T-51-02, Rec. p. II-3033, point 178 ; Groupe Danone/Commission, point 48 supra, point 150 ; du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T-410-03, Rec. p. II-881, point 345, et du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T-69-04, Rec. p. II-2567, point 171).

127 En l'espèce, pour qualifier l'infraction de très grave, la Commission a pris en compte la nature de l'infraction, qui consistait en des comportements figurant parmi les infractions les plus graves à l'article 81 CE, à savoir la fixation de prix minimaux pour toute une série de fermetures à glissière standard suivant une méthode convenue entre les parties, conjointement avec l'échange d'informations commerciales confidentielles visant à faciliter la conclusion et la mise en œuvre d'accords anticoncurrentiels par les parties, ainsi que le fait que ladite infraction avait dû avoir eu un effet sur le marché, même s'il n'était pas mesurable (voir considérants 507 à 509 de la décision attaquée).

a) Arguments des parties

128 Dans le cadre de la première branche de leur moyen tiré d'une appréciation erronée de la nature et de la mise en œuvre de l'infraction, les requérantes affirment que le montant de départ de 50 millions d'euro n'est pas justifié au motif que les discussions sur la fixation de prix minimaux qui ont eu lieu lors des cinq réunions, qui se sont tenues entre le 28 avril 1998 et le 12 novembre 1999, ne constituaient ni un accord ni une pratique concertée (voir leur contestation dans le cadre du troisième moyen) et que les échanges d'informations et les discussions sur les prix (l'existence desquelles est admise par les requérantes) ne devraient pas être considérés comme des infractions "très graves" au sens des lignes directrices.

129 Dans le cadre de la seconde branche de leur moyen tiré d'une appréciation erronée de la nature et de la mise en œuvre de l'infraction, les requérantes estiment que, même si les qualifications retenues par la Commission étaient exactes, l'absence de mise en œuvre de ce qui a été discuté lors de ces réunions aurait dû la conduire à qualifier l'infraction en cause de "grave". Au soutien de leur argumentation, elles invoquent des décisions antérieures de la Commission.

130 De surcroît, la Commission aurait dû, dans le cas d'espèce, au moins indiquer la raison pour laquelle l'absence de mise en œuvre n'avait pas influencé sa décision de qualifier les réunions en cause d'infractions très graves.

131 Dans le cadre de leurs moyens tirés d'une appréciation erronée de l'incidence réelle de l'infraction, les requérantes prétendent, en premier lieu, que la Commission n'a pas évalué l'incidence potentielle de la coopération sur le marché. Elles rappellent, à cet égard, que la Commission a conclu, au considérant 497 de la décision attaquée, "[qu']il n'est pas possible de démontrer les effets précis des infractions, étant donné qu'on ne peut déterminer avec une certitude suffisante les paramètres concurrentiels applicables (prix, conditions commerciales, qualité, innovation, et autres) sans les infractions".

132 En deuxième lieu, selon les requérantes, il ressort des écarts significatifs de prix entre les différents marchés nationaux (voir considérant 34 de la décision attaquée) qu'aucune mesure n'avait été adoptée lors des cinq réunions et que celles-ci n'avaient eu aucun impact sur le marché de l'Union européenne. Les requérantes estiment que la Commission confond l'objet (les motifs des participants aux réunions) et l'effet des réunions en cause. L'infraction aurait dû être qualifiée, dans le pire des cas, de "grave".

133 En troisième lieu, les requérantes font valoir que le montant de départ de l'amende est disproportionné, étant donné qu'aucun impact sur le marché n'a été démontré. Elles réfutent la conclusion de la Commission selon laquelle l'objet prime sur le critère de l'effet pour qualifier l'infraction de "très grave" (voir considérant 508 de la décision attaquée). Cependant, si un objet restrictif était tout à fait pertinent pour déterminer le degré de gravité d'une infraction, cela ne signifierait pas pour autant que cette considération pourrait se substituer entièrement à l'appréciation de l'impact dans des hypothèses où la mise en œuvre n'a pas été établie. Les requérantes soutiennent que, si les réunions en cause devaient être qualifiées de "très graves", le fait qu'elles n'aient pas eu d'impact sur le marché de l'Union devait se répercuter sur le montant de départ de l'amende. La pratique décisionnelle de la Commission irait dans ce sens.

134 La Commission réfute les arguments des requérantes.

b) Appréciation du Tribunal

135 S'agissant de la nature de l'infraction, il convient de rappeler qu'il a été établi que la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym avait pour objet la fixation de prix minimaux pour toute une série de fermetures à glissière standard suivant une méthode convenue entre les parties, conjointement avec l'échange d'informations commerciales confidentielles visant à faciliter la conclusion et la mise en œuvre d'accords anticoncurrentiels par les parties. De telles pratiques constituent des restrictions horizontales de type "cartel de prix" au sens des lignes directrices et sont donc "très graves" par leur nature (voir point 1A, troisième tiret, des lignes directrices). Par conséquent, eu égard à la définition donnée dans les lignes directrices, la qualification de l'infraction de "très grave" dans la décision attaquée était justifiée.

136 L'argument des requérantes, selon lequel le montant de départ de 50 millions d'euro n'était pas justifié au motif de l'absence d'un accord et/ou de pratique concertée et la qualification erronée de l'infraction comme étant très grave, ne saurait prospérer. À cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a constaté, au point 109 ci-dessus, que l'arrangement commun constituait un accord et/ou une pratique concertée et, au point 135 ci-dessus, que la qualification de l'infraction de très grave était justifiée. Le montant envisageable pour des infractions qualifiées de "très grave" est supérieur à 20 millions d'euro, selon les lignes directrices.

137 S'agissant de l'argument des requérantes tiré de l'absence de la mise en œuvre de l'infraction, il y a lieu de relever que la Commission a admis elle-même, au considérant 508 de la décision attaquée, qu'elle ne possédait pas suffisamment d'éléments de preuve quant à la mise en œuvre finale de l'accord d'harmonisation des prix.

138 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la nature de l'infraction joue un rôle primordial, notamment pour caractériser les infractions "très graves". À cet égard, il résulte de la description des infractions très graves par les lignes directrices que des accords ou des pratiques concertées visant notamment, comme en l'espèce, à la fixation des prix peuvent emporter, sur le seul fondement de leur nature propre, la qualification de "très graves", sans qu'il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact ou une étendue géographique particulière (voir point 126 ci-dessus).

139 Ainsi, dès lors que la Commission a constaté l'existence des accords et/ou des pratiques concertées ayant un objet anticoncurrentiel, l'infraction doit être qualifiée de "très grave" même en l'absence d'application des arrangements collusoires ou en l'absence d'effet sur le marché.

140 En ce qui concerne l'impact réel du comportement infractionnel de chaque entreprise sur le marché et la concurrence, cet impact doit être pris en considération, conformément au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices, "lorsqu'il est mesurable" (arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, dit "Tokai I", T-236-01, T-239-01, T-244-01 à T-246-01, T-251-01 et T-252-01, Rec. p. II-1181, point 207).

141 En l'espèce, la Commission n'a pas cherché à démontrer les effets précis de l'infraction, puisqu'il était impossible de déterminer avec une certitude suffisante les paramètres concurrentiels applicables (prix, conditions commerciales, qualité, innovation et autres) sans les infractions, il était probable que l'accord de fixation des prix et l'échange d'informations commerciales confidentielles aient eu une incidence sur les marchés des fermetures à glissière dans l'Union. Elle a effectué une analyse plus approfondie des effets de l'incidence de l'infraction qui figure aux considérants 507 à 509 de la décision attaquée.

142 La Commission a conclu que cet accord, dans la mesure où il concernait le marché européen, était susceptible d'avoir eu une incidence sur le marché, même si celle-ci avait été plus limitée ou de plus courte durée que ce qu'avaient prévu les participants. En conséquence, compte tenu également du fait que des éléments relevant de l'objet d'un comportement peuvent avoir plus d'importance, aux fins de la fixation du montant de l'amende, que ceux relatifs à ses effets, l'infraction en l'espèce pouvait toujours être considérée comme étant particulièrement grave et l'amende pouvait être fixée à un niveau qui n'était pas fonction de l'incidence exacte de l'infraction.

143 Dès lors que, selon les lignes directrices, la Commission ne doit prendre en considération, aux fins d'apprécier la gravité de l'infraction, son impact concret sur le marché que lorsqu'il est mesurable et que l'accord global visait à supprimer la concurrence potentielle, dont l'effet concret est par hypothèse difficilement mesurable, il y a lieu de considérer que la Commission n'était pas tenue de démontrer précisément l'impact concret de l'entente sur le marché et de le quantifier, mais pouvait s'en tenir à des estimations de probabilité d'un tel effet (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T-241-01, Rec. p. II-2917, point 122).

144 Quant à l'affirmation des requérantes, selon laquelle le montant de départ de l'amende, à savoir 50 millions d'euro, serait disproportionné, si la qualification de l'infraction comme étant "très grave" devait être maintenue, il y a lieu de constater, contrairement à ce que soutient la Commission, qu'il ne s'agit pas d'un moyen nouveau. À cet égard, il y a lieu de rappeler que les requérantes ont soutenu, dans la requête, que "si les réunions tripartites sur les fermetures à glissière devaient être qualifiées de 'très graves', le fait qu'elles n'avaient pas eu d'impact sur le marché de l'Union [devait] se répercuter sur le montant de départ de l'amende" et qu'"[i]l [était] disproportionné de choisir en l'espèce un montant de départ [de l'amende] de 50 millions d'euro, qui correspond[ait] à 250 % du montant de départ minimal pour les infractions [qualifiées de] 'très graves', alors que les cinq réunions n'[avaient] eu aucun impact sur le marché".

145 Les requérantes remettent ainsi en cause la proportionnalité du montant de départ de l'amende par rapport à l'incidence de l'infraction constatée, puisque aucun impact n'aurait été démontré. D'une part, ce montant serait substantiellement plus élevé que le montant de 20 millions d'euro prévu par les lignes directrices pour le calcul des amendes pour une amende infligée au titre d'une infraction qualifiée de très grave. D'autre part, le montant de l'amende ne serait ni conforme à la pratique décisionnelle de la Commission, ni à la jurisprudence du juge de l'Union.

146 Il y a lieu de rappeler que, selon les lignes directrices, le montant envisageable pour des infractions qualifiées de "très grave" est supérieur à 20 millions d'euro. Il s'ensuit que les lignes directrices ne font aucunement état d'un montant minimal, ni d'un montant recommandé, tel que suggéré par les requérantes.

147 Au point 1 A, quatrième et sixième alinéas, des lignes directrices, il est prévu de prendre en compte la capacité économique effective des auteurs d'infractions à créer un dommage important aux autres opérateurs et de tenir compte du poids spécifique du comportement de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu'il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction.

148 La part du chiffre d'affaires provenant des produits faisant l'objet de l'infraction est de nature à donner une juste indication de l'ampleur d'une infraction sur le marché concerné (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220-00, Rec. p. II-2473, point 91). Si les parts de marché détenues par une entreprise (déterminées sur la base du chiffre d'affaires ou du volume des ventes) ne sauraient être déterminantes afin de conclure qu'une entreprise appartient à une entité économique puissante, elles sont en revanche pertinentes afin de déterminer l'influence que celle-ci peut exercer sur le marché (arrêt Baustahlgewebe/Commission, point 48 supra, point 139). C'est à la lumière de ces principes que la Commission a considéré que le chiffre d'affaires que tiraient les entreprises concernées du produit en cause, à savoir les fermetures à glissière pour ce qui est de la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym, fournissait une estimation précise de la capacité relative de chaque société et de sa contribution au préjudice global porté à la concurrence. En l'espèce, il ressort du considérant 529 de la décision attaquée que le groupe YKK, qui détenait en 1999 (soit la dernière année complète de l'infraction) quelque 46 % du marché concerné, a été placé dans la première catégorie. Les groupes Coats et Prym ont été placés respectivement dans la deuxième et dans la troisième catégorie. Selon la Commission, le montant de départ de l'amende approprié pour le groupe YKK s'établissait à 50 000 000 euro.

149 S'agissant de la pratique décisionnelle de la Commission, invoquée par les requérantes, il convient de rappeler que celle-ci ne sert pas de cadre juridique pour la fixation du montant des amendes en matière de concurrence, la Commission disposant dans ce domaine d'un large pouvoir d'appréciation dans l'exercice duquel elle n'est pas liée par les appréciations qu'elle a portées antérieurement (arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C-125-07 P, C-133-07 P, C-135-07 P et C-137-07 P, Rec. p. I-8681, point 123).

150 Toutefois, il y a lieu de souligner que la Commission est tenue de respecter les principes généraux de droit, parmi lesquels figure le principe d'égalité de traitement, qui implique que la Commission ne peut traiter des situations comparables de manière différente ou des situations différentes de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt de la Cour du 28 juin 1990, Hoche, C-174-89, Rec. p. I-2681, point 25, et la jurisprudence citée).

151 À cet égard, il ressort de la jurisprudence que les comparaisons effectuées avec d'autres décisions de la Commission rendues en matière d'amendes ne peuvent être pertinentes au regard du respect du principe d'égalité de traitement que s'il est démontré que les données circonstancielles des affaires relatives à ces autres décisions, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernées, sont comparables à celles de l'espèce. Il ressort également de la jurisprudence qu'il importe d'invoquer des décisions contemporaines à des fins de comparaison (voir arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, IMI e.a./Commission, T-378-06, non encore publié au Recueil, point 42).

152 En l'espèce, en faisant référence à d'autres affaires à des fins de comparaison, les requérantes visent à remettre en cause, en premier lieu, la qualification de l'infraction comme étant "très grave".

153 La Commission estime que les décisions invoquées ne corroborent pas l'argumentation des requérantes, dans la mesure où il ne s'agit pas uniquement d'affaires où la mise en œuvre n'a pas été établie, mais en outre d'affaires dont l'étendue géographique était plus limitée ou d'une durée extrêmement courte.

154 En tout état de cause, il y a lieu de constater que ces références sont incorrectes, puisque dans certaines affaires où la mise en œuvre ainsi que même que l'impact n'avaient pas été examinés ou établis, la Commission a toujours qualifié l'infraction de "très grave".

155 À titre surabondant, il y a lieu de relever que, dans les affaires "Plaques en plâtre" (arrêts BPB/Commission, point 78 supra, et Lafarge/Commission, point 54 supra), le Tribunal a confirmé l'appréciation de la Commission selon laquelle les pratiques "ayant pour objet de mettre fin à la guerre des prix et de stabiliser le marché par l'échange d'informations confidentielles" étaient qualifiées d'infraction très graves.

156 En second lieu, les requérantes visent à remettre en cause le montant de départ de l'amende qui a été fixé pour les participants à l'infraction en cause, lequel est, selon eux, disproportionné par rapport au montant de départ de l'amende fixé pour les entreprises dans les décisions de la Commission relatives auxdites affaires.

157 Il convient de rappeler que le montant de départ de l'amende fixé pour les requérantes, à savoir 50 millions d'euro, est, selon la Commission, semblable à celui fixé dans les décisions de la Commission du 3 mai 2006 dans l'affaire 38.620 - Peroxyde d'hydrogène et Perborate, qui portait sur un marché de quelque 475 millions d'euro, et du 21 novembre 2006, dans l'affaire 38.638 - Caoutchouc butadiène et caoutchouc styrène-butadiène fabriqués par polymérisation en émulsion, qui portait sur un marché de quelque 550 millions d'euro.

158 Les requérantes ne sauraient donc utilement se prévaloir desdites décisions aux fins d'invoquer un prétendu traitement discriminatoire à leur égard.

159 L'argument des requérantes tiré des arrêts du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission (T-279-02, Rec. p. II-897, point 254), et du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission (T-30-05, non publié au Recueil, point 190), ne saurait pas non plus prospérer, puisque, dans ces arrêts, le Tribunal a estimé que, dans l'établissement du montant de départ, la Commission n'avait pas correctement pris en compte l'absence d'impact pendant une certaine période de l'entente. Il ressort des considérants 507 à 509 de la décision attaquée que la Commission a pris en compte l'impact, y compris l'absence de mise en œuvre finale de l'accord d'harmonisation des prix.

160 Il résulte de tout ce qui précède que ce moyen doit être rejeté.

3. Conclusion

161 Aux termes de l'examen des moyens concernant la qualification erronée de la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym, il y a lieu de conclure que l'infraction a constitué, par sa nature même, une infraction très grave. Il s'ensuit que, sur le seul fondement de la nature de l'infraction, la qualification de "très grave" de celle-ci demeure appropriée (voir point 127 ci-dessus). La Commission n'a dès lors pas commis d'erreur en qualifiant l'infraction de très grave.

162 Par conséquent, il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que les moyens tirés d'une qualification erronée de l'infraction doivent être rejetés.

4. Sur le moyen tiré de l'application erronée des communications sur la coopération

163 Les requérantes soutiennent, à titre subsidiaire, à supposer même que le Tribunal conclue que les cinq réunions constituent une infraction à l'article 81 CE, qu'elles auraient dû se voir bénéficier d'une réduction de leur amende pour tenir compte de leur coopération dans le cadre des communications sur la coopération. Ce moyen se divise en deux branches, portant, la première, sur l'application erronée de la communication sur la coopération de 1996 et, le second, sur l'absence d'application de la communication sur la coopération de 2002.

164 La Commission rappelle que, comme les premières demandes des groupes Prym et Coats ont été introduites le 26 novembre 2001, c'est la communication sur la coopération de 1996 qui s'applique en l'espèce. Par le présent moyen, les requérantes tenteraient d'obtenir une seconde réduction pour cette coopération. Selon elle, il ne peut y avoir aucun motif de récompenser deux fois la même coopération, une première fois sous la forme d'une immunité partielle de facto (au titre de la circonstance atténuante résultant d'une coopération en dehors du cadre de la communication sur la coopération de 1996) et une seconde fois en tant que coopération dans le cadre des communications sur la coopération (soit en vertu du point C et du point D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération de 1996, soit en vertu de la communication sur la coopération de 2002).

165 À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre de l'appréciation de la coopération fournie par les membres d'une entente, seule une erreur manifeste d'appréciation de la part de la Commission est susceptible d'être censurée, dès lors qu'elle bénéficie d'une large marge d'appréciation pour évaluer la qualité et l'utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d'autres entreprises (arrêt SGL Carbon/Commission, point 124 supra, point 88).

a) Sur la première branche, portant sur l'application erronée de la communication sur la coopération de 1996

Arguments des parties

166 Les requérantes prétendent, en ce qui concerne l'application du point C de la communication sur la coopération de 1996, que l'argumentation de la Commission, aux considérants 625 à 633 de la décision attaquée, expliquant pourquoi elles ne pouvaient bénéficier d'une réduction du montant de l'amende au titre de la communication sur la coopération de 1996 est en contradiction avec cette communication, parce que, d'une part, elles auraient été les premières à fournir des preuves des réunions ayant eu lieu avant le 2 juin 1999 et auraient ainsi permis à la Commission d'étendre la durée de l'infraction (voir considérant 588 de la décision attaquée), remplissant ainsi la condition prévue au point B, sous b), de la communication sur la coopération de 1996 et que, d'autre part, elles auraient également fourni toutes les informations utiles, contrairement à ce que la Commission affirme, ainsi que tous les documents et éléments de preuve dont elles disposaient au sujet de l'entente, et maintenu une coopération permanente et totale tout au long de l'enquête, remplissant ainsi la condition prévue au point B, sous d), de la communication sur la coopération de 1996.

167 En ce qui concerne l'application du point D de la communication sur la coopération de 1996, les requérantes font valoir qu'elles remplissent en tout état de cause les critères prévus, au motif que leur demande tendant au bénéfice de la communication sur la coopération a contribué sensiblement à établir l'existence d'une infraction avant l'envoi de la communication des griefs complémentaire. Selon elles, si le Tribunal devait rejeter leurs arguments selon lesquels les cinq réunions sur les fermetures à glissière n'ont pas constitué un accord ou une pratique concertée contraire à l'article 81 CE, elles sont en droit de bénéficier d'une réduction du montant de l'amende en vertu du point D, paragraphe 2, premier tiret, de la communication sur la coopération de 1996.

168 La Commission fait observer qu'elle a considéré, en ce qui concerne le point C de la communication sur la coopération de 1996, que deux conditions prévues n'avaient pas été remplies, à savoir les conditions prévues au point C, sous b) et d), de ladite communication. Elle soutient avoir clairement indiqué dans la décision attaquée que les requérantes lui avaient fourni des documents contemporains aux réunions des 28 avril 1998 et 13 janvier 1999 qui lui ont permis d'étendre la durée de l'infraction. En outre, la Commission rappelle qu'elle n'a pas tenu compte de cette prolongation de la durée pour le calcul du montant de l'amende à infliger aux requérantes. Par conséquent, elle leur a accordé, au titre des circonstances atténuantes, une réduction de 9 375 000 euro du montant de base de l'amende à infliger (voir considérants 588 à 589 de la décision attaquée). Les requérantes ne seraient donc pas pénalisées par leur coopération avec la Commission, mais plutôt récompensées par une immunité de facto pour la période du 28 avril 1998 au 2 juin 1999.

169 La Commission rappelle, concernant l'argument tiré de l'applicabilité en l'espèce du point D que, bien que les requérantes gardent le silence à propos du second tiret (non-contestation de la matérialité des faits), elles ont vigoureusement contesté, en contradiction avec les preuves de l'époque, le contenu des réunions des 2 juin, 29 septembre et 12 novembre 1999. Quant au premier tiret (contribution à l'établissement de l'existence de l'infraction), il faut tout d'abord rappeler que cette contribution a été faite après la première communication des griefs, alors que l'infraction concernant les fermetures à glissière avait déjà été dénoncée (pour une durée inférieure). En conséquence, les requérantes ne rempliraient pas non plus les conditions du point D, paragraphe 2, premier et second tirets.

Appréciation du Tribunal

170 Il ressort de la jurisprudence qu'une réduction du montant de l'amende au titre de la coopération lors de la procédure administrative n'est justifiée que si le comportement de l'entreprise en cause a permis à la Commission de constater l'existence d'une infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d'y mettre fin (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C-297-98 P, Rec. p. I-10101, point 36). Il ressort également de la jurisprudence qu'une réduction sur le fondement de la communication sur la coopération de 1996 ne saurait être justifiée que lorsque les informations fournies et, plus généralement, le comportement de l'entreprise concernée pourraient à cet égard être considérés comme démontrant une véritable coopération de sa part (arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 124 supra, points 388 à 403, en particulier point 395, et SGL Carbon/Commission, point 124 supra, point 68).

171 Il convient également de souligner que, dans le cadre de l'appréciation de la coopération fournie par les membres d'une entente, seule une erreur manifeste d'appréciation de la part de la Commission est susceptible d'être censurée dès lors qu'elle bénéfice d'une large marge d'appréciation pour évaluer la qualité et l'utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d'autres entreprises (arrêt SGL Carbon/Commission, point 124 supra, point 88). La Commission ne saurait pour autant, dans le cadre de ladite appréciation, méconnaître le principe d'égalité de traitement.

172 Pour qu'une entreprise puisse bénéficier d'une réduction du montant de l'amende au titre de sa coopération durant la procédure administrative, son comportement doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles communautaires de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T-347-94, Rec. p. II-1751, points 309 et 332) et il appartient à la Commission d'apprécier, dans chaque cas individuel, si ledit comportement lui a effectivement facilité son travail (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T-48-00, Rec. p. II-2325, point 193, et du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T-259-02 à T-264-02 et T-271-02, Rec. p. II-5169, point 559).

173 À la lumière de ces principes, il y a lieu de déterminer si la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation, en estimant que les déclarations du groupe YKK ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier d'une réduction du montant de l'amende en application du point C ou du point D de la communication sur la coopération de 1996, tant au regard de la qualité et de l'utilité des éléments de preuves fournis par les requérantes que du moment où ceux-ci ont été transmis.

174 En ce qui concerne ces déclarations, il convient de relever que le groupe YKK a déposé une demande tendant au bénéfice de la communication sur la coopération à un stade avancé de la procédure et après celles de Prym et Coats, qui avaient déjà fourni suffisamment d'éléments de preuve directs de l'infraction pour entamer la procédure qui a abouti à la décision attaquée. Le motif que la Commission avait déjà obtenu un nombre relativement important d'informations grâce aux vérifications et à la coopération de Coats et de Prym ne saurait pour autant diminuer à lui seul l'importance du rôle des requérantes durant la procédure administrative.

175 Or, la production des documents contemporains des réunions des 28 avril 1998 et 13 janvier 1999 par le groupe YKK a aidé la Commission à établir l'existence de l'infraction pour la période comprise entre le 28 avril 1998 et le 2 juin 1999, car cette dernière avait seulement rassemblé, lors des vérifications des 7 et 8 novembre 2001 dans les locaux de plusieurs fabricants et du VBT, des preuves que les groupes Prym, Coats et YKK s'étaient réunis, le 2 juin 1999, pour se mettre d'accord sur la fixation en commun des niveaux de prix minimaux pour les fermetures à glissière standard en Europe. Elle avait découvert un courrier électronique daté du 4 juin 1999 concernant la réunion du 2 juin 1999. Il apparaissait également dans ce courrier électronique que les entreprises étaient convenues de se rencontrer une nouvelle fois, le 29 septembre 1999, pour définir les éléments essentiels de la méthode et prendre les mesures qui s'imposaient. La demande de Coats a confirmé l'existence et la teneur de la réunion du 2 juin 1999 ainsi que la tenue de la réunion du 29 septembre 1999. Ces déclarations sont corroborées par un courrier électronique du 13 août 1999. De surcroît, il ressortait de cette demande tendant au bénéfice de la communication sur la coopération que la dernière réunion des trois entreprises s'est tenue le 12 novembre 1999, mais qu'elle n'aurait pas abouti. Le groupe Coats a fourni la copie d'un courrier électronique abordant le programme et le contenu de la réunion du 12 novembre 1999.

176 En outre, le groupe YKK a fait valoir que les trois réunions tenues en 1999 entre les entreprises (c'est-à-dire les 2 juin, 29 septembre et 12 novembre 1999) ont été précédées d'une réunion supplémentaire, le 13 janvier 1999, lors de laquelle, selon la demande du groupe YKK tendant au bénéfice de la communication sur la coopération, elles ont discuté des mêmes sujets que lors des trois réunions suivantes.

177 Néanmoins, le groupe YKK n'a produit aucune preuve pour la période du 2 juin au 12 novembre 1999, mais les requérantes se sont contentées de confirmer la tenue de ces réunions et ont contesté l'objet anticoncurrentiel des réunions. La Commission disposait déjà assez d'éléments de preuves contemporains provenant des vérifications et des demandes de Coats et de Prym tendant au bénéfice de la communication sur la coopération couvrant cette période.

178 Par conséquent, la Commission a conclu à juste titre, au considérant 631 de la décision attaquée, que les requérantes n'ont pas droit à une réduction importante, de 50 à 75 %, du montant de l'amende en application du point C de la communication sur la coopération de 1996, dans la mesure où elles ne remplissaient pas les conditions prévues. Les requérantes n'ont pas été les premières à fournir des preuves déterminantes de l'infraction et n'ont pas transmis à la Commission tous les renseignements pertinents et toutes les preuves dont elles disposaient.

179 Les requérantes ne remplissent pas non plus les conditions prévues pour pouvoir bénéficier d'une réduction de 10 à 50 % du montant de l'amende en vertu du point D de la communication sur la coopération de 1996. Même si elles ont présenté des preuves écrites attestant que les entreprises ont en réalité discuté des augmentations de prix au cours des réunions des 28 avril 1998 et 13 janvier 1999, ce qui a permis à la Commission d'allonger la durée de l'infraction, elles contestent l'objectif anticoncurrentiel et le contenu de ces réunions.

180 La contribution à l'établissement de l'existence de l'infraction a été faite après la communication des griefs, alors que l'infraction concernant les fermetures à glissière avait déjà été dénoncée et que les requérantes n'ont fourni aucune preuve pour la période postérieure au 2 juin 1999. Pour ce qui est de la période antérieure à cette date, la Commission a décidé de ne pas prendre en compte la période allant du 28 avril 1998 au 2 juin 1999 pour calculer le montant de l'amende à infliger aux sociétés du groupe YKK pour cette infraction. Le montant de base de ladite amende a été réduit de 9 375 000 euro, de façon à ce qu'il soit identique à la somme hypothétique que les sociétés dudit groupe auraient dû payer pour une infraction d'une durée inférieure à un an (voir considérant 589 de la décision attaquée).

181 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que la première branche du présent moyen doit être rejetée, étant donné que la Commission n'a pas méconnu les conditions prévues aux points C et D de la communication sur la coopération de 1996.

b) Sur la seconde branche, portant sur l'absence de l'application de la communication sur la coopération de 2002

Arguments des parties

182 Les requérantes affirment que si l'interprétation de la communication sur la coopération de 1996 ne fournit pas de base à une réduction supplémentaire, la communication sur la coopération de 2002 devrait s'appliquer en vertu du principe de non-rétroactivité ou du principe de la loi la plus clémente (lex mitior). Elles estiment que, si les demandes des requérantes tendant au bénéfice de la communication sur la coopération avaient été examinées au regard de la communication sur la coopération de 2002, elles auraient probablement bénéficié d'une réduction, au motif qu'elles avaient fourni des éléments de preuve qui avaient représenté une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments déjà en possession de la Commission.

183 La Commission réfute les arguments des requérantes.

Appréciation du Tribunal

184 Avant d'examiner les griefs des requérantes, il y a lieu de rappeler que les groupes Prym et Coats ont présenté leurs demandes tendant au bénéfice de la communication sur la coopération en ce qui concerne les infractions relatives au marché des fermetures à glissière le 26 novembre 2001. Le 12 novembre 2004, le groupe Prym a complété sa demande tendant au bénéfice de la communication sur la coopération pour le secteur des fermetures à glissière. Le groupe YKK a présenté sa demande tendant au bénéfice de la communication sur la coopération le 18 février 2005 non seulement pour le secteur des "autres types de fermetures", mais également pour des fermetures à glissière.

185 Au considérant 584 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que ces demandes tendant au bénéfice de la communication sur la coopération étaient examinées au regard de la communication sur la coopération de 1996, puisque les groupes Prym et Coats avaient présenté à la Commission leurs demandes tendant au bénéfice de la communication sur la coopération concernant les infractions relatives au secteur des fermetures à glissière avant le 14 février 2002, date à laquelle la communication sur la coopération de 1996 a été remplacée par la communication sur la coopération de 2002. Conformément au paragraphe 28 de la communication sur la coopération de 2002, la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym a été appréciée au regard de la communication sur la coopération de 1996. Par conséquent, les parties de la demande du groupe YKK tendant au bénéfice de la communication sur la coopération qui concernent les fermetures à glissière ont été examinées conformément à la communication sur la coopération de 1996 (voir également considérants 597 à 599 de la décision attaquée).

186 La Commission a également relevé, au considérant 585 de la décision attaquée, que, contrairement au paragraphe 23 de la communication sur la coopération de 2002, la communication sur la coopération de 1996 ne prévoit pas qu'elle puisse accorder une reconnaissance particulière à une entreprise qui révèle des faits précédemment ignorés par elle et qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l'entente. Dès lors, elle a décidé de considérer ce type de coopération comme une circonstance atténuante (voir considérants 588 et 589 de la décision attaquée). Elle a précisé que le groupe YKK avait été le premier à dévoiler les faits concernant l'existence de l'infraction avant le 2 juin 1999 et lui avait communiqué des éléments qu'elle ne connaissait pas, à savoir de nouvelles informations et des preuves écrites sur la durée de l'infraction, permettant de déterminer que celle-ci avait commencé le 28 avril 1998. Elle a indiqué que, avant de recevoir la demande du groupe YKK tendant au bénéfice de la communication sur la coopération, elle n'était pas en mesure d'établir la durée de l'infraction, à savoir du 28 avril 1998 au 2 juin 1999. Il convenait, selon la Commission, de ne pas pénaliser le groupe YKK pour sa coopération en lui infligeant une amende supérieure à celle qu'il aurait dû payer en l'absence de cette coopération.

187 Il y a lieu de constater que la Commission n'avait donc pas pris en considération la période allant du 28 avril 1998 au 2 juin 1999 pour calculer le montant de l'amende à infliger aux sociétés du groupe YKK pour cette infraction. Le montant de base de l'amende à infliger auxdites sociétés a été réduit de 9 375 000 euro, afin qu'il soit identique à la somme hypothétique que ces sociétés auraient dû payer pour une infraction d'une durée inférieure à un an (voir considérant 589 de la décision attaquée).

188 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la seconde branche du présent moyen, et partant, le moyen dans son ensemble.

C - Sur les moyens relatifs à la coopération Bâle-Wuppertal et Amsterdam

1. Sur le moyen tiré de l'application erronée de la limitation de l'amende pour la période antérieure à l'acquisition d'YKK Stocko Fasteners

a) Arguments des parties

189 Les requérantes affirment que la décision attaquée viole l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, selon lequel l'amende infligée à une entreprise ne doit pas excéder 10 % de son chiffre d'affaires total réalisé au cours de l'exercice précédent.

190 Les requérantes ont été considérées comme étant solidairement responsables pour une période de quatre ans (c'est-à-dire de mars 1997 au 15 mars 2001), alors que pour le reste de la période (du 24 mai 1991 à mars 1997), YKK Stocko Fasteners est déclarée seule responsable. Elles prétendent que le plafond de 10 % devrait s'appliquer au chiffre d'affaires total d'YKK Stocko Fasteners, pour la partie de l'amende pour laquelle cette dernière est tenue pour exclusivement responsable et que le montant de base de l'amende devrait donc être réduit à 3 491 000 euro.

191 La Commission réfute les arguments des requérantes.

b) Appréciation du Tribunal

192 Il y a lieu de relever que la circonstance selon laquelle plusieurs sociétés sont solidairement tenues au paiement d'une amende au motif qu'elles forment une entreprise au sens de l'article 81 CE n'implique pas, en ce qui concerne l'application du plafond prévu par l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, que l'obligation de chacune se limite à 10 % du chiffre d'affaires qu'elle a réalisé durant le dernier exercice social. En effet, le plafond de 10 %, au sens de cette disposition, doit être calculé sur la base du chiffre d'affaires cumulé de toutes les sociétés constituant l'entité économique unique agissant en tant qu'entreprise au sens de l'article 81 CE, puisque seul le chiffre d'affaires cumulé des sociétés composantes peut constituer une indication de la taille et de la puissance économique de l'entreprise en question (arrêt HFB e.a./Commission, point 74 supra, points 528 et 529).

193 Cela a été confirmé au point 390 de l'arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, dit "Tokai II" (T-71-03, T-74-03, T-87-03 et T-91-03, non publié au Recueil) :

"Ce n'est que s'il s'avère, dans un second temps, que plusieurs destinataires constituent l''entreprise' au sens de l'entité économique responsable de l'infraction sanctionnée, et ce encore à la date d'adoption de cette décision, que le plafond peut être calculé sur la base du chiffre d'affaires global de cette entreprise, c'est-à-dire de toutes ses composantes cumulées."

194 Les requérantes ne sauraient dès lors invoquer en l'espèce l'arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Cascades/Commission (C-279-98 P, Rec. p. I-9693), invoqué par les requérantes, dans la mesure où YKK Holding et YKK Corp. ne sont pas tenues pour responsables du paiement de la totalité de l'amende d'YKK Stocko Fasteners.

195 Partant, la Commission n'a pas commis d'erreur en prenant le chiffre d'affaires consolidé comme référence pour le calcul du plafond en question. Le présent moyen doit, dès lors, être écarté.

2. Sur le moyen tiré de l'application erronée du multiplicateur pour la période antérieure à l'acquisition d'YKK Stocko Fasteners

a) Arguments des parties

196 Les requérantes contestent, en substance, la justification de l'imposition d'un multiplicateur de 1,25 pour la période de l'infraction pour laquelle YKK Stocko Fasteners est tenue pour exclusivement responsable, à savoir de mai 1991 à mars 1997. Elles prétendent que les critères utilisés par la Commission pour expliquer l'application d'un multiplicateur au groupe YKK ne sont pas remplis pour la période de responsabilité exclusive d'YKK Stocko Fasteners. Par conséquent, la majoration de 1,25 devrait être annulée, ou au moins, réduite dans la mesure où il était considéré que les requérantes disposaient de ressources supérieures à celles de ses concurrentes, pour ce qui concerne les infractions qui se sont produites dans le cadre de la coopération Bâle-Wuppertal et Amsterdam au moins jusqu'en mars 1997.

197 La Commission réfute les arguments des requérantes.

b) Appréciation du Tribunal

198 En l'espèce, la Commission a indiqué, au considérant 533 de la décision attaquée, ce qui suit :

"Dans la catégorie des infractions très graves, l'échelle des amendes susceptibles d'être infligées permet également de fixer le montant des amendes à un niveau garantissant qu'elles auront un effet dissuasif suffisant, compte tenu de la taille de chaque entreprise."

199 Il ressort du considérant 537 de la décision attaquée, que "[l]a Commission envisage le recours au chiffre d'affaires pour garantir un même effet dissuasif dans le cas de toutes les entreprises concernées", que "[e]n l'espèce, la Commission applique le critère du chiffre d'affaires de la même façon à toutes les entreprises, étant donné qu'il donne une indication raisonnable et utile de la capacité et de la puissance économiques" et qu'"[i]l ne convient d'appliquer un facteur de majoration que lorsqu'il existe de très grands écarts de taille entre les entreprises ayant participé à l'infraction."

200 La Commission a ensuite indiqué, pour chacune des entreprises concernées, le chiffre d'affaires en 2006 et le coefficient attribué, données qu'elle a reprises au considérant 538 de la décision attaquée. Le groupe YKK, avec un chiffre d'affaires mondial de 4 507 793 000 euro, s'est vu appliquer un coefficient de 1,25.

201 Il ressort ainsi du considérant 538 de la décision attaquée que la Commission a estimé qu'il était nécessaire d'ajuster à la hausse le montant de départ approprié de l'amende pour tenir compte de la taille et des ressources globales du groupe YKK. Il en ressort également que la Commission s'est appuyée, à cet égard, sur le chiffre d'affaires mondial en 2006.

202 À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle le chiffre d'affaires global donne une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille et de la puissance économique d'une entreprise (arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, point 121, et Baustahlgewebe/Commission, point 48 supra, point 139 ; arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T-15-02, Rec. p. II-497, point 212).

203 S'agissant de la notion de "dissuasion", il convient de rappeler qu'elle constitue l'un des éléments à prendre en compte dans le calcul du montant de l'amende. Il est en effet de jurisprudence constante (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 202 supra, points 105 et 106) que les amendes infligées en raison de violations de l'article 81 CE ont pour objet de punir les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d'autres opérateurs économiques de violer, à l'avenir, les règles du droit communautaire de la concurrence.

204 Il s'ensuit que le chiffre d'affaires au niveau mondial de 2006 des requérantes en tant que entité économique unique pourrait être pris en compte par la Commission, d'une part, pour le calcul du plafond prévu par l'article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1-2003, et, d'autre part, aux fins de la fixation du "multiplicateur de dissuasion". L'année pertinente à prendre en compte par la Commission pour l'appréciation est dès lors l'année précédant la décision attaquée et non la durée de l'infraction en cause ou un moment précis au cours de la période infractionnelle, comme l'affirment les requérantes.

205 Dans ces conditions, le moyen doit être rejeté.

D - Sur le moyen commun aux infractions liées à la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym et à la coopération Bâle-Wuppertal et Amsterdam, tiré de la violation des principes d'égalité de traitement et de proportionnalité concernant l'application du multiplicateur de 1,25

1. Arguments des parties

206 Les requérantes soutiennent qu'il est discriminatoire et contraire au principe de proportionnalité de leur appliquer, pour leur premier comportement infractionnel, à titre de "dissuasion suffisante", un multiplicateur de 1,25, alors qu'aucun multiplicateur n'est appliqué aux groupes Coats et Prym, qu'elles qualifient de récidivistes.

207 La Commission réfute les arguments des requérantes.

2. Appréciation du Tribunal

208 En premier lieu, il y a lieu de rappeler que la fonction d'un multiplicateur est de punir les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d'autres opérateurs économiques de violer, à l'avenir, les règles du droit de la concurrence. Ainsi, la Commission, lorsqu'elle calcule le montant de l'amende, peut prendre en considération, notamment, la taille et la puissance économique de l'entreprise concernée (voir point 202 ci-dessus).

209 Dans le cadre de l'examen du moyen tiré de l'application erronée du multiplicateur pour la période antérieure à l'acquisition d'YKK Stocko Fasteners, il a été constaté que la Commission avait estimé qu'il était nécessaire d'ajuster à la hausse le montant de départ approprié de l'amende pour tenir compte de la taille et des ressources globales du groupe YKK, qui était "un acteur du marché beaucoup plus important que les autres destinataires". En ce qui concerne la coopération Bâle-Wuppertal et Amsterdam, le chiffre d'affaires mondial des requérantes était près de treize fois supérieur à celui de la deuxième plus grosse entreprise (à savoir 355 millions d'euro pour Prym) et 400 fois supérieur à celui de la plus petite entreprise (à savoir Berning) sanctionnées par une amende. En ce qui concerne la coopération bilatérale entre les groupes Prym et YKK, le chiffre d'affaires mondial des requérantes était presque treize fois supérieur à celui du groupe Prym. En ce qui concerne la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym, la différence de taille serait également significative par rapport aux deux autres entreprises impliquées, le chiffre d'affaires des requérantes était quatre fois supérieur à celui du groupe Coats et treize fois supérieur à celui du groupe Prym (voir considérant 538 de la décision attaquée).

210 En second lieu, en ce qui concerne l'argument des requérantes selon lequel il est discriminatoire d'appliquer un multiplicateur de dissuasion au groupe YKK, pour sa première infraction, sans en faire autant pour les "récidivistes" que sont les groupes Coats et Prym, il y a lieu de conclure, à l'instar de la Commission, que les trois décisions concernant le secteur de la mercerie, à savoir la décision C (2005) 3765 final du 14 septembre 2005 (affaire 38.337 - PO/Fil), la décision C (2004) 4221 final du 26 octobre 2004 (affaire 38.338 - PO/Aiguilles) et la décision attaquée ont toutes été prises à la suite des inspections effectuées par la Commission, en novembre 2001, dans les locaux de plusieurs producteurs d'articles de mercerie plastiques et métalliques. Bien que la Commission ait jugé opportun d'adopter trois décisions distinctes (pour la raison notamment que des produits différents étaient concernés), il n'aurait, selon elle, pas été possible d'imposer une majoration pour récidive aux groupes Coats et Prym pour infractions répétées, puisque ces infractions avaient toutes pris fin plus ou moins à la même époque.

211 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la récidive constitue la preuve de ce que la sanction antérieurement imposée n'a pas été suffisamment dissuasive (arrêts du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T-203-01, Rec. p. II-4071, point 293 ; Groupe Danone/Commission, point 48 supra, point 348, et BPB/Commission, point 78 supra, point 398).

212 Le constat et l'appréciation des caractéristiques spécifiques d'une récidive font partie du pouvoir d'appréciation de la Commission (arrêt Groupe Danone/Commission, point 48 supra, point 38).

213 De surcroît, il convient de rappeler que, à l'instar des groupes Coats et Prym, les requérantes ont également été tenues pour responsables de plusieurs infractions (la coopération Bâle-Wuppertal et Amsterdam, la coopération bilatérale entre les groupes Prym et YKK et la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym). La seule différence était que les trois infractions dont les requérantes ont été déclarées responsables font toutes l'objet d'une seule et même décision, à savoir la décision attaquée.

214 En tout état de cause, il convient de rappeler que le principe d'égalité de traitement n'est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106-83, Rec. p. 4209, point 28, et Hoche, point 150 supra, point 25 ; arrêt Westfalen Gassen Nederland/Commission, point 116 supra, point 152).

215 Or, en l'espèce, si les requérantes soutiennent avoir été traitées différemment, elles ne sont pas fondées à soutenir que les situations en cause étaient identiques (voir point 206 ci-dessus).

216 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le moyen comme étant non fondé.

217 Il résulte de l'ensemble des considérations précédentes qu'aucun des moyens soulevés par les requérantes ne peut être accueilli. Le recours en annulation doit, dès lors, être rejeté dans son entièreté, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, de procéder par ailleurs, au titre de la pleine juridiction, à la réformation des amendes qui leur ont été infligées.

Sur les dépens

218 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) YKK Corp., YKK Holding Europe BV et YKK Stocko Fasteners GmbH sont condamnées aux dépens.