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Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 12 juin 2012, n° 11-04434

POITIERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Lidl (SNC)

Défendeur :

Gaudismonts (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chapron

Conseillers :

M. Pignon, Mme Ralincourt

Avocats :

Mes Laurent, Houssain, SCP Musereau, Mazaudon, Provost-Cuif, SELARL, Renaudier

T. com. La Roche-sur-Yon, du 13 sept. 20…

13 septembre 2011

La société Gaudismonts qui exploite un magasin à l'enseigne Super U à Saint Jean de Monts a procédé en avril 2009 à une opération publicitaire par l'apposition d'affichettes " stop-rayon " à côté de chacun des produits concernés par l'opération, à savoir 10 produits d'épicerie et d'hygiène corporelle : "Shampooing anti-pelliculaire citrus fresh, Head & Shoulders 300 ml, Shampooing anti-pelliculaire classique, Head & Shoulders 300 ml, Shampooing anti-pelliculaire sensitive, Head & Shoulders 300 ml, Shampooing Dove Therapy Intense Care pour cheveux abimés, Dove 250 ml, Shampooing Dove Therapy Color Care pour cheveux colorés, Dove 250 ml, Déodorant Crystal Clear Aqua, Rexona 50 ml, Café au lait Bonjour, Nestlé 400 g, Cappuccino, Nescafé 140 g, Nutella, Ferrero 750 g. Chaussée aux Moines 340g."

Aucune autre publicité que ces "stop-rayons" apposés à côté des produits n'a été réalisée autour de cette opération, ni à l'intérieur, ni à l'extérieur du magasin Super U de Saint Jean de Monts. Le "stop-rayon" se présente sous la forme d'une affichette de taille 7 cm x 20,8 cm sur laquelle figure en gras le prix pratiqué, les mentions légales d'affichage (poids, prix rapporté au kilo ou au litre), une photo du produit et sur la gauche de l'affichette, un encart pointant vers la photo du produit avec le slogan 'U moins cher que Lidl'. A droite de l'affichette figure un autre encart avec la mention suivante "le même produit : ----euro chez Lidl".

Par ordonnance du 19 mai 2009, le Président du tribunal de grande instance des Sables d'Olonne, saisi sur requête de la SNC Lidl (société Lidl) a désigné la SCP Paty & Marionneau huissiers de Justice à St Gilles Croix de Vie, à l'effet de se présenter au supermarché de Super U, de prendre copies, photographies et tous éléments permettant de préserver la preuve afin d'établir par constat d'huissier la pratique des prix comparatifs, illicite dans les rayons du supermarché U de [...], particulièrement sur les produits suivants : Chaussée aux Moines ; Head & Shoulders ; Rexona ; Dove ; Nutella ; Bonjour.

Le 20 mai 2009, la SCP Paty et Marionneau a procédé à un constat au sein du magasin Super U exploité par la société Gaudismonts à Saint Jean de Monts, et a établi le même jour un second constat en procédant au relevé des prix des mêmes produits au sein du magasin Lidl de Saint Gilles Croix de Vie.

Sur la base de ces deux constats, la société Lidl a assigné la société Gaudismonts en sollicitant des dommages et intérêts pour publicité illicite et déloyale devant le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon.

Reconventionnellement, la société Gaudismonts a demandé la condamnation de la société Lidl à lui, payer 1 euro à titre de dommages et intérêts en raison du caractère illicite de la publicité figurant sur un prospectus distribué en février 2010 sur le territoire national, et comparant des produits U à des produits Lidl.

Par jugement du 13 septembre 2011, le tribunal de commerce :

- a débouté la Société Lidl de ses demandes fondées sur l'article 1382 du Code Civil, et sur la concurrence déloyale dont elle se prétend victime, l'a condamnée à payer à la Société Gaudismonts la somme de 2.000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- dit que la publicité comparative de la Société Lidl ne répond pas aux exigences de l'article L. 121-8 du Code de la consommation,

- en conséquence,

- faisant droit à la demande reconventionnelle de la Société Gaudismonts, a condamné la Société Lidl à payer à la Société Gaudismonts la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts,

- a condamné enfin la Société Lidl à payer à la Société Gaudismonts la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens.

La société Lidl a relevé appel par déclaration du 12 octobre 2011, et, par dernières conclusions du 10 avril 2012, demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- de dire et juger que la société Gaudismonts a commis des actes de concurrence déloyale à son détriment en effectuant une publicité comparative illicite et non conforme aux exigences requises par les textes, et, en conséquence, la condamner à lui payer une somme de 100 000 euro au titre de dommages-intérêts avec intérêts de retard à compter de l'assignation, ordonner la publication de la présente décision dans un journal régional au choix de la demanderesse et dans le journal LSA, journal professionnel, et ce à raison de 2 500,00 euro par insertion et ce au besoin à titre de dommages-intérêts complémentaires ;

- de déclarer la demande reconventionnelle de la société Gaudismonts irrecevable en tous cas mal fondée, et en conséquence, l'en débouter ;

- en tout état de cause, condamner la société Gaudismonts à lui verser la somme de 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel,

- ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

La société Lidl fait valoir :

* sur la demande principale :

- que la publicité mise en place par la société Gaudismonts constitue une publicité comparative illicite, dès lors que le slogan employé n'est pas adapté au nombre de produits comparés, et a pour objectif de faire croire au consommateur, non seulement que les produits sélectionnés ont été comparés objectivement et qu'ils sont moins chers chez Super U, mais bien plus encore que, de façon générale, la société Lidl vend ses produits plus chers que chez Super U,

- qu'aucune comparaison objective n'est possible, puisqu'il s'est écoulé plus de six semaines entre la date à laquelle les prix pratiqués par la société Lidl auraient été prélevés et la date à laquelle la publicité a été effectuée dans le magasin de la société Gaudismonts, et que ne sont donc pas comparés les prix pratiqués par les deux enseignes au même moment, d'autant plus que pour trois produits comparés, aucune date de relevé n'est même précisée sur les affichettes,

- que la société Gaudismonts, qui devait s'assurer de détenir tous les éléments nécessaires à justifier de la comparaison qu'elle a effectuée dans la publicité litigieuse, et de la réalité des termes de la publicité tout au long de l'affichage, ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exactitude des énonciations de sa publicité,

- que les prix mentionnés dans la publicité litigieuse sont inexacts, de telle sorte que la publicité litigieuse est mensongère, puisqu'au total, sur les 10 produits comparés, six sont en réalité vendus moins chers par Lidl que le prix indiqué dans la publicité dont il s'agit,

- que la société Gaudismonts, en tentant de faire croire qu'elle est de manière générale moins chère que la société Lidl par des exemples non démontrés et inexacts a violé l'article L. 121-9 du Code de la consommation qui prohibe la publicité comparative de nature à entraîner le discrédit et le dénigrement d'un concurrent,

- que la publicité illicite a été laissée en place par la société Gaudismonts pendant plus de sept semaines causant préjudice à la société Lidl sur une durée particulièrement longue, justifiant les dommages et intérêts sollicités,

* sur la demande reconventionnelle :

- qu'elle a procédé à une comparaison de produits sur des produits comparables en termes de qualité et de quantité conformément à la loi et a démontré dès lors l'utilisation justifiée d'un slogan comparatif attestant que Lidl vend des produits moins chers que Super U,

- qu'elle a pris soin, pour ce faire, sur chaque produit comparé, de détailler à l'intérieur du prospectus la composition du produit U et la composition du produit Lidl permettant de s'assurer de la parfaite comparabilité des produits,

- qu'il est clairement précisé sur chacune des pages de la publicité comparative que le slogan "Lidl 33 % moins cher soit plus de 15 euro d'économie" ne concerne que les produits de marque distributeur Lidl comparés à la marque de distributeur U repris dans les pages 2 à 7, soit les 26 produits comparés,

-que toutes les informations relatives au relevé de prix et à la comparaison des prix sont données au consommateur afin qu'il puisse se faire une idée de l'objectivité de la comparaison, les prix Lidl et U ayant été relevés à la même date,

-que la méthodologie qu'elle a employée est parfaitement licite, puisque sa publicité figure dans un prospectus national, qu'elle pratique des prix nationaux, et a comparé ses prix à un panel représentatif du prix pratiqué en moyenne par l'enseigne Super U sur le territoire national.

Par dernières écritures du 3 avril 2012, la société Gaudismonts a conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il a :

* Sur les demandes de Lidl :

- Jugé que la publicité réalisée par Gaudismonts est licite en application des articles L 121-8 et suivants du Code de la consommation,

- Jugé que la publicité réalisée par Gaudismonts n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur le consommateur,

- Jugé que la publicité réalisée par Gaudismonts n'est pas mensongère et procède à une comparaison objective des prix pratiqués,

- Jugé que la publicité réalisée par Gaudismonts ne provoque ni discrédit ni dénigrement pour Lidl,

- Jugé en conséquence que Gaudismonts n'a commis aucun acte de concurrence déloyale au détriment de Lidl,

- Rejeté la demande de condamnation à des dommages et intérêts présentée par Lidl, qui manque totalement de sérieux, qui est injustifiée et outrancièrement excessive et disproportionnée par rapport aux faits,

- Rejeté les demandes de publication et d'affichage présentée par Lidl, qui n'ont aucune justification, qui sont outrancièrement excessives et disproportionnées par rapport aux faits et dont leur seul objectif est de causer un préjudice à Gaudismonts et plus généralement à Système U,

- Débouté la société Lidl de l'ensemble de ses demandes

* Sur ses demandes reconventionnelles :

- Constaté que la publicité comparative réalisée par Lidl en février 2010 à l'encontre des Magasins U est illicite au regard des articles L 121-8 et suivants du Code de la consommation et de nature à induire en erreur le consommateur,

- Jugé en conséquence que Lidl en diffusant cette publicité comparative illicite, notamment dans son magasin de Saint Jean de Monts, a commis un acte de concurrence déloyale à son détriment,

- Condamné Lidl à lui payer la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts, ainsi que celle de 2 000 euro pour procédure abusive.

Elle a demandé que le montant de la condamnation de Lidl pour procédure abusive soit portée à la somme de 20 000 euro et, en tout état de cause, que la société Lidl soit déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et condamnée à lui payer la somme de 7.000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

La société Gaudismonts soutient :

* Sur la demande principale :

- que la publicité qu'elle a effectuée a été limitée dans sa diffusion puisque limitée à l'apposition de stop-rayons à côté de chacun des produits dans le magasin, qu'elle n'a apposé aucune affiche générale qui aurait comporté uniquement le slogan contesté par Lidl 'U moins cher que Lidl', que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du magasin, les seules publicités étant les stop-rayons relatifs à chacun des produits,

- que la présentation visuelle des stop-rayons excluait toute généralisation puisque tournée uniquement sur le produit comparé, la mention "Le même produit" figurant dans le cadre en bas à droite de l'affichette,

- qu'à partir du moment où elle a précisé clairement que c'est bien le produit comparé qui est moins cher dans le magasin Super U de Saint Jean de Monts que dans le magasin Lidl voisin, le nombre de produits comparés ne saurait lui être reproché, le choix des produits et l'étendue de la publicité relevant de la liberté de l'annonceur,

- que l'affirmation qu'un délai de 6 semaines se serait écoulé entre la date de relevé des prix et la date à laquelle la publicité a été effectuée dans le magasin Super U de Saint Jean de Monts est fausse, puisque la publicité a commencé le 1er avril 2009 et les relevés de prix ont été réalisés le 23 mars et le 1er avril 2009, même si la date du relevé a par erreur été oubliée sur trois des stop-rayons lors de leur impression,

- que la publicité contestée par la société Lidl est parfaitement objective car elle compare, pour chacun des 10 produits, le prix qui était effectivement pratiqué par le magasin Super U de Saint Jean de Monts avec celui pratiqué par le magasin Lidl de Saint jean de Monts à la date mentionnée sur l'affichette,

- que le constat d'huissier effectué le 20 mai 2009, à l'initiative de la société Lidl, par la SCP Paty et Marionneau qui a procédé au relevé des prix des mêmes produits dans le magasin Lidl situé à Saint Gilles Croix de Vie n'est pas probant, dès lors que l'huissier n'a procédé à aucune vérification sur le fait que ces prix étaient identiques à ceux pratiqués par Lidl le jour où Gaudismonts a effectué le relevé de prix (soit le 1er avril 2009 pour les produits secs, épicerie et hygiène-beauté, et le 23 mars 2009 pour le seul produit frais concerné par la campagne),

- que la publicité qu'elle a effectuée ne pourrait être considérée comme trompeuse que si la société Lidl justifiait de ce que les prix qu'elle pratiquait aux 23 mars et 1er avril 2009 étaient inférieurs à ceux relevés par elle,

- que le constat d'huissier communiqué par la société Lidl ne concernant pas le magasin Lidl de Saint Jean de Monts mais le magasin Lidl de Saint Gilles Croix de Vie, qui est situé à 19 km de Saint Jean de Monts et qui n'est pas en concurrence avec le magasin Super U de Saint Jean de Monts n'est pas probant, pas plus que la production par la société Lidl de ses propres tickets de caisse émis dans ses magasins, dans la mesure où ces tickets ne proviennent nullement du magasin Lidl de Saint Jean de Monts mais du magasin Lidl de Colmar, situé à plus de 1000 Km,

- qu'aucune manœuvre déloyale ou de dénigrement n'est en l'espèce démontrée par la société Lidl,

- que le seul préjudice dont pourrait éventuellement se prévaloir la société Lidl serait tout au plus la perte de chance que des clients habituels du magasin Super U de Saint Jean de Monts aillent acheter les 10 produits mis en avant dans la publicité dans le magasin Lidl de Saint Jean de Monts.

- que la demande de publication est totalement disproportionnée par rapport à l'étendue de la diffusion de la publicité elle-même,

* Sur sa demande à l'encontre de la société Lidl :

- que la publicité de la société Lidl est illicite car non objective et trompeuse, la généralité de cette publicité laissant croire aux consommateurs que, de manière générale, Lidl est moins cher que les magasins U, comme le révèlent les slogans utilisés par la société Lidl, qui sont très généraux, et le mode de présentation des affiches, des prospectus et du site internet, cette généralité n'étant pas justifiée par rapport à l'échantillon de produits retenu pour la comparaison,

- que la publicité effectuée par la société Lidl est agressive au regard de l'écart important de prix indiqué (33 %), agressivité renforcée par l'absence totale de restrictions indiquées sur le site internet, et qu'elle est dénigrante en présentant au premier plan de l'affiche un grand cabas Lidl rempli de produits qui débordent du cabas, alors que le cabas à l'enseigne 'U les nouveaux commerçants' est plus de deux fois plus petit, placé en retrait, dans l'obscurité, et presque vide,

- que la publicité de la société Lidl est trompeuse, au sens de l'article L. 121-8-1° du Code de la consommation en l'absence totale d'information laissée à la disposition du consommateur, qui n'a aucun moyen de vérifier la comparaison que Lidl prétend avoir effectuée,

- que cette campagne publicitaire de la société Lidl a été diffusée de manière très large tant au regard des supports utilisés (affichage à l'intérieur des magasins visibles de l'extérieur, diffusion de prospectus, diffusion sur le site Internet de Lidl) qu'au niveau territorial (campagne nationale).

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 avril 2012.

Motifs

Attendu que, conformément à l'article L. 121-8 du Code de la consommation, la publicité comparative n'est licite que si elle est n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur, si elle porte sur des biens ou des services de même nature, disponibles sur le marché, la comparaison devant être objective et porter sur des caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives du bien ou du service ;

que le choix du nombre de comparaisons auxquelles l'annonceur souhaite procéder entre les produits qu'il offre et ceux qu'offrent ses concurrents relève de l'exercice de sa liberté économique, à condition que la publicité indique clairement que la comparaison n'a porté que sur un échantillon et non sur l'ensemble des produits de l'annonceur ;

* Sur la demande dirigée contre la société Gaudismonts :

Attendu en l'espèce que c'est à tort que la société Lidl fait valoir que le slogan utilisé par la société Gaudismonts sur les affiches "U moins cher que Lidl" serait de nature à faire croire au consommateur que la société Lidl vend, de manière générale, ses produits moins chers que ceux distribués par les magasins Super U ; qu'en effet, il est constant et non contesté que la publicité incriminée a été effectuée exclusivement à l'intérieur du magasin Super U de Saint Jean de Monts, sans aucune publicité extérieure, dans le cadre d'une opération dite 'stop-rayon', limitée aux produits concernés, strictement identiques (même produit, même marque, même conditionnement) dans les magasins Lidl et Super U ; que cette publicité se présentait sous la forme d'une affichette de taille 7 cm x 20,8 cm positionnée à côté du produit vendu en rayon, mentionnant le poids, le prix rapporté au kilo ou au litre, et, à côté d'une photo du produit concerné, sur la gauche de l'affichette, un encart pointant vers la photo du produit avec le slogan "U moins cher que Lidl", et sur sa droite un autre encart avec la mention suivante "le même produit : ----euro chez Lidl", de sorte que le consommateur, auquel n'était exposé aucune publicité générale, ne pouvait se méprendre, compte tenu de la disposition de l'affichette, positionnée exactement devant le produit visé ( cf procès-verbal de constat du 20 mai 2009, pièce n°4), de la flèche pointée vers le produit concerné et de l'indication "le même produit chez Lidl" que cette publicité ne concernait que les produits placés en rayon dont l'étiquette publicitaire portait la mention "stop rayon" ; que le message transmis, qui fait apparaître que la comparaison n'a porté que sur le produit visé, et qui ne présente aucun caractère général n'est pas, dans ces conditions, de nature à induire en erreur ;

Attendu par ailleurs qu'une publicité comparative, pour être licite, doit être objective et porter notamment sur des caractéristiques vérifiables des éléments comparés ; que si, comme le fait justement remarquer la société Gaudismonts, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, la charge de la preuve de la véracité de la publicité attaquée, condition nécessaire à sa licéité, incombe à l'annonceur, sur lequel pèse l'obligation de démontrer, en cas de contestation, l'exactitude matérielle des allégations, indications ou présentations contenues dans la publicité, ainsi que le prévoit l'article L. 121-12 du Code de la consommation ;

Attendu en l'espèce que, contrairement à ce que soutient la société Gaudismonts, sur les 10 produits ayant fait l'objet de la publicité comparative contestée, il manquait sur trois affichettes publicitaires portant sur trois produits différents (Shampooing anti-pelliculaire sensitive Head & Shoulders, Shampooing Dove Therapy Intense Care pour cheveux abîmés, Shampooing Dove Therapy Color Care pour cheveux colorés) la mention de la date à laquelle le prix aurait été relevé dans le magasin Lidl, ce qui empêche toute vérification sur l'exactitude de la comparaison annoncée sur la publicité ; que pour les 7 autres produits, si la mention de la date de relevé de prix est bien indiquée ( 6 prix prétendument relevés le 1er avril 2009, un le 27 mars 2009), la société Gaudismonts ne rapporte pas la preuve qu'à la date du relevé, elle pratiquait pour chacun des produits un prix inférieur à celui pratiqué par le magasin Lidl, aucune pièce n'étant fournie sur les prix pratiqués par la société Gaudismonts les 27 mars 2009 et 1er avril 2009 ;

Attendu que, contrairement à ce que soutient la société Gaudismonts, dans la mesure où les affichettes de publicité du magasin de Saint Jean de Monts ne précisaient pas à côté des mentions "U moins cher que Lidl", et "le même produit : ----euro chez Lidl" que les prix visés étaient ceux du magasin Lidl de Saint Jean de Monts, et même si la production par la société Lidl de 3 tickets de caisse de son magasin de Colmar datés du 1er avril 2009 (pièce n°17) concernant les produits Nutella, Nestlé Bonjour et shampoing Dove, dont les prix sont inférieurs à ceux pratiqués par la société Gaudismonts dans le cadre de sa campagne publicitaire "Stop rayon", ne constitue pas la preuve que les mêmes prix étaient pratiqués dans le magasin de Saint Jean de Monts à la même date, il résulte de ces documents que la publicité critiquée, en n'individualisant pas le magasin Lidl dont les prix avaient été relevés, faute de restriction géographique (par la mention "Lidl de Saint Jean de Monts"), a fait état d'éléments invérifiables, sauf à produire aux débats, ce que la société Gaudismonts ne fait pas, les prix des produits comparés pratiqués par tous les magasins Lidl sur le territoire national, à la date des relevés ; qu'il est donc indifférent à la solution du présent litige de connaître les prix pratiqués par la société Lidl, dès lors qu'il n'incombe pas à la société Lidl de rapporter la preuve de prix inférieurs à ceux de la société Gaudismonts, et donc de l'inexactitude des éléments de comparaison utilisés par ladite société, mais que c'est au contraire à la société Gaudismonts de prouver, ce qu'elle ne fait pas, qu'elle a procédé à une publicité comparative portant sur des caractéristiques vérifiables, à savoir la pratique par les magasins de la société Lidl, durant la période de campagne publicitaire "stop rayon" de prix supérieurs à ceux pratiqués dans le magasin Super U de Saint Jean de Monts ;

Attendu en conséquence que la société Gaudismonts, en effectuant une publicité comparative portant notamment sur des éléments invérifiables, a violé les dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation et commis une faute engageant sa responsabilité envers la société Lidl ; que le jugement du tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la société Lidl de ce chef ;

Attendu, en revanche, qu'il n'apparaît pas que la société Gaudismonts, au travers de sa publicité comparative illicite en raison du caractère invérifiable des éléments comparés, ait, en l'espèce, contrevenu aux dispositions de l'article L. 121-9 du Code de la consommation qui prohibe la publicité comparative pouvant entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d'un concurrent, dès lors que la publicité effectuée, qui se bornait à une comparaison, interne au magasin, de quelques prix pratiqués (10), sans autre commentaire et dépourvue de toute information malveillante, n'était pas de nature à entraîner le discrédit ou le dénigrement de la société Lidl et/ou de ses produits ;

Attendu, sur le préjudice subi par la société Lidl, que celle-ci, à laquelle incombe la charge de preuve, ne produit aux débats aucun élément de nature à démontrer qu'elle aurait supporté une baisse de ses ventes des produits comparés à la suite des agissements de la société Gaudismonts ; que le seul préjudice indemnisable étant l'atteinte, très limitée, à son image, les dommages et intérêts qui lui seront alloués seront limités à la somme de 100 euro que la société Gaudismonts sera condamnée à lui payer ; que la présente décision fixant la créance de la société Lidl, les intérêts au taux légal courront à compter de la date du présent arrêt, sans que la capitalisation des intérêts n'ait en conséquence à être ordonnée ;

Attendu qu'eu égard à l'ancienneté de la publicité illicite, à sa durée limitée, et au très faible nombre de produits concernés, ainsi qu'à l'absence de préjudice commercial, il n'y pas lieu d'ordonner les mesures de publication et d'affichage sollicitées, qui apparaissent dans ces conditions disproportionnées ;

* Sur la demande dirigée contre la société Lidl :

Attendu qu'une publicité vantant le niveau général des prix plus bas de l'annonceur par rapport à un concurrent, alors que la comparaison a porté sur un échantillon de produits, peut revêtir un caractère trompeur lorsque le message publicitaire, soit ne fait pas apparaître que la comparaison n'a porté que sur un échantillon et non sur l'ensemble des produits de l'annonceur, soit n'identifie pas les éléments de la comparaison intervenue ou ne renseigne pas le destinataire sur la source d'information auprès de laquelle une telle identification est accessible ; qu'une publicité peut revêtir un caractère trompeur s'il est notamment constaté que la décision d'achat d'un nombre significatif de consommateurs auxquels elle s'adresse est susceptible d'être prise dans la croyance erronée que la sélection de produits opérée par l'annonceur est représentative du niveau général des prix de ce dernier par rapport à celui pratiqué par son concurrent, et que, dès lors, ces consommateurs réaliseront des économies de l'ordre vanté par cette publicité en effectuant régulièrement leurs achats de biens de consommation courante auprès de l'annonceur plutôt qu'auprès du concurrent, ou encore dans la croyance erronée que tous les produits de l'annonceur sont moins chers que ceux de son concurrent ; qu'enfin, une publicité est de nature à induire en erreur si, à la lecture du support publicitaire, la disproportion entre les mentions attractives et les mentions restrictives ne permet pas une information suffisante du consommateur ;

Attendu en l'espèce qu'au cours du mois de février 2010, la société Lidl a effectué une campagne nationale de communication, consistant en une comparaison des prix pratiqués par Lidl avec ceux de Système U, sur le thème "Sur qui pouvez-vous vraiment compter pour dépenser moins'', par le biais du site internet de Lidl, mais également par voie d'affichage à l'intérieur et sur les portes et vitrines des magasins Lidl, enfin par la distribution et diffusion de prospectus ; que le magasin Lidl de Saint Jean de Monts a participé à cette campagne de publicité comparative, comme le révèle le constat d'huissier de justice que la société Gaudismonts a fait dresser le 11 février 2010, qui comporte en annexe des photographies des vitrines du magasin Lidl de Saint Jean de Monts, les prospectus distribués, ainsi que des captures d'écran du site internet Lidl (pièce n°11 de la société Gaudismonts) ;

Attendu que si l'annonceur est libre de choisir un échantillon de produits pour réaliser une campagne de publicité comparative, encore faut-il que le consommateur, auquel le message publicitaire est destiné, soit informé sans ambiguïté que la comparaison ne porte que sur un nombre limité de produits vendus ; que le message publicitaire peut revêtir un caractère trompeur lorsqu'il ne fait pas apparaître que la comparaison n'a porté que sur un échantillon, et non sur l'ensemble des produits de l'annonceur ;

Attendu en l'espèce qu'il ressort du constat d'huissier de justice établi le 11 février 2010 à la requête de la société Gaudismonts (pièce n°11) que les affiches apposées sur les vitrines du magasin Lidl et le long des caisses comportaient en grands caractères majuscules gras, à gauche, le slogan "sur qui pouvez-vous vraiment compter pour dépenser moins'' et, sur l'autre moitié, à droite, sous forme de réponse, au premier plan un cabas revêtu de la marque Lidl et en arrière-plan un cabas plus petit revêtu de la marque "U les nouveaux commerçants" ; que la mention qui précise les modalités de comparaison ("comparatif effectué du 4 au 9 janvier 2010 sur des prix relevés chez Lidl à partir de la moyenne des prix produits "U" relevés dans 48 magasins Super U") figure en petits caractères au bas de l'affiche apposée sur les magasins et, selon les termes du constat, non contestés par la société Lidl, n'est pas visible pour un consommateur qui passe en voiture ou à pied devant ; que le slogan figurant sur la page de couverture du prospectus distribué (semaine 06/2010), mentionne sur la totalité de la page "Sur qui pouvez-vous vraiment compter pour dépenser moins '', ce slogan encadrant une illustration représentant deux sacs remplis de produits, au premier plan, un sac portant le logo Lidl, duquel dépassent largement une dizaine de produits, et à l'arrière, un sac beaucoup plus petit portant le slogan "les nouveaux commerçants", surmonté d'un signe "U" rouge entouré d'un cercle vert, référence manifeste au signe distinctif des magasins "U" ; que les pages 2 à 7 du prospectus précisent en haut et en grands caractères "sur Lidl", et les pages 8 à 13 "Moins cher Vraiment moins cher!" ; que sur les pages 3 et 5 de ce prospectus figurent le slogan : "Lidl 33 % moins cher", ainsi que les illustrations décrites précédemment, représentant un sac avec le logo 'Lidl' beaucoup plus grand qu'un sac "U" ; que les produits figurant en pages 2 à 7 du prospectus sont présentés avec le prix "Lidl", à côté duquel se trouve en encadré le prix "U" "les nouveaux commerçants" et, en dessous "votre économie avec Lidl", représentant l'économie annoncée par Lidl par rapport au prix des magasins "U" ; que seule une lecture très attentive de ce prospectus permet de connaître les conditions de la comparaison, qui sont mentionnées en bas de page en petits caractères : "Sur des prix relevés chez Lidl et à partir de la moyenne de produits "U" relevés dans 48 magasins Super U" ;

Attendu que la consultation du site internet Lidl conduit à des constatations similaires à celles effectuées à la lecture du prospectus, à l'exception de la dernière page de la publicité sur internet qui diffère légèrement ;

Attendu qu'il résulte de la lecture de ces supports publicitaires (affiches, prospectus, site internet) que la campagne de publicité nationale effectuée par la société Lidl en février 2010 n'était pas dirigée contre un ou plusieurs magasins Super U nommément désignés, mais concernait l'ensemble des magasins de l'enseigne "Super U", y compris donc celui de Saint Jean de Monts ; qu'aucun de ces supports ne mentionne de façon clairement lisible les modalités de comparaison, ces indications figurant en petits caractères en bas du support (affiche ou pages 2, 4 et 6 du prospectus :'Sur des prix relevés chez Lidl et à partir de la moyenne de produits "U" relevés dans 48 magasins Super U' ), sans aucun renvoi à ces indications à côté du slogan initial en grands caractères, ou à côté des photographies des produits avec leur prix comparé ; que le seul endroit où il soit fait mention du fait que la comparaison ne porte pas sur tous les produits vendus par les magasins Lidl est une mention figurant en petits caractères en bas à droite de la page 3 du prospectus, sur laquelle est indiquée, après un astérisque "sur ces produits de marques distributeur Lidl comparés à la marque de distributeur "U" repris de la page 2 à 7" ;

Attendu qu'il en résulte qu'il fallait, pour que le consommateur puisse déterminer le nombre de produits comparés, qu'il additionne sur chacune des pages du prospectus le nombre de produits mentionnant un prix Lidl et un prix "Super U" ; qu'en outre, en ce qui concerne les relevés de prix, la société Lidl indique qu'ils n'ont pas été effectués dans chacun des magasins U mais au sein de 48 magasins Super U, alors qu'il existait à l'époque plus de 900 magasins U, comme le soutient la société Gaudismonts, qui n'est pas contredite sur ce point par la société Lidl ; qu'ainsi notamment, à la lecture de la publicité de la société Lidl, le consommateur ne sait pas qu'il s'agit d'une comparaison limitée à un certain nombre de produits, ne connaît ni la gamme ni le nombre de produits concernés, ni la zone géographique des magasins concernés par la comparaison, ni l'ancienneté des prix relevés ; qu'aucune information n'est mise à la disposition du consommateur pour vérifier la comparaison que la société Lidl prétend avoir effectuée, seul le site internet mentionnant in fine un numéro d'appel permettant au consommateur de se renseigner sur les adresses des magasins où les prix ont été relevés ;

Attendu, dans ces conditions, que, compte tenu du nombre de produits sélectionnés (26), de leur nature, ainsi que des conditions du relevé des prix ( moyenne des prix de 48 magasins Super U sur plus de 900 sans indication des magasins concernés), la société Lidl, en faisant croire au consommateur que les produits vendus par les magasins Lidl sont, de manière générale, tous moins chers que les produits vendus dans l'ensemble des magasins U, a effectué une publicité de nature à induire en erreur, les slogans et la présentation de la publicité étant d'une généralité qui n'est pas justifiée par rapport à l'échantillon de produits retenu pour la comparaison ; que la société Lidl a enfreint les dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation et engagé sa responsabilité envers la société Gaudismonts, exerçant sous l'enseigne "Super U" dans son magasin de Saint Jean de Monts ;

Attendu en outre que, comme le fait justement observer la société Gaudismonts, cette publicité , qui présente sur chacun des supports utilisés (affiche, prospectus ou site internet) au premier plan un grand sac Lidl rempli de produits qui débordent largement, alors que le cabas à l'enseigne " U les nouveaux commerçants " est plus de deux fois plus petit, placé en retrait, dans l'obscurité, et presque vide, est dénigrante et dévalorisante pour la marque "Super U" en ce qu'elle contient une connotation péjorative, et ne se contente pas d'exposer de façon objective les prix pratiqués sur les produits vendus, mais tend à valoriser sa propre marque au détriment de l'enseigne "U" ;

Attendu, dès lors, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à la société Gaudismonts la somme de 1 euro réclamée à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que la société Gaudismonts, qui succombe en partie, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Attendu enfin qu'il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties, qui succombe partiellement les frais exposés et non compris dans les dépens ; que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Lidl à verser à la société Gaudismonts une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, les parties étant déboutées de leurs demandes de ce chef ;

Attendu que chaque partie gardera à sa charge les frais et dépens de première instance et d'appel dont elle aura pu faire l'avance ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon en ce qu'il a : Constaté que la publicité comparative réalisée par la société Lidl en février 2010 à l'encontre des Magasins U est illicite au regard des articles L. 121-8 et suivants du Code de la consommation et de nature à induire en erreur le consommateur, Jugé en conséquence que la société Lidl en diffusant cette publicité comparative illicite, notamment dans son magasin de Saint Jean de Monts, a commis un acte de concurrence déloyale à son détriment, Condamné la société Lidl à payer à la société Gaudismonts la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts ; L'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau, Dit que la publicité réalisée par la société Gaudismonts est illicite en application de l'article L. 121-8 du Code de la consommation, et que la société Gaudismonts a commis de ce fait commis un acte de concurrence déloyale au détriment de la société Lidl, Condamne la société Gaudismonts en réparation à payer à la société Lidl la somme de 100 euro à titre de dommages et intérêts ; Rejette la demande tendant à voir fixer les intérêts de retard à compter de l'assignation et celle tendant à voir ordonner la capitalisation des intérêts ; Rejette les demandes de publication et d'affichage présentée par la société Lidl ; Déboute la société Gaudismonts de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Déboute les partie de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ; Dit que chaque partie gardera à sa charge les frais et dépens de première instance et d'appel dont elle aura pu faire l'avance.