Livv
Décisions

CA Lyon, 7e ch. corr., 2 octobre 2009, n° 08-00457

LYON

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brejoux

Conseillers :

Mme Carrier, M. Wyon

Avocat :

Me Luciani

TGI Bourg-en-Bresse, ch. corr., du 14 no…

14 novembre 2007

Par jugement contradictoire à signifier en date du 14 novembre 2007, le Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse saisi des poursuites à l'encontre de X, prévenu :

- d'avoir à Montluel (Ain) et sur le territoire national, entre le 23 janvier et le 10 février 2006, étant gérant de la SARL Y, effectué une publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire une erreur portant sur le prix, les conditions de vente et de biens ou services, la portée des engagements pris par l'annonceur, en l'espèce en annonçant des soldes jusqu'à 70 % de réduction sur des centaines d'articles alors que seule une référence d'article, en l'espèce un moule à mini-four, bénéficiait d'une réduction de prix de 70 % et en annonçant des réductions de prix par rapport à des prix de référence jamais pratiqués par la SARL Y,

infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation,

a rejeté la demande de renvoi présentée par Maître Z,

a déclaré X coupable des faits qui lui sont reprochés,

a condamné X à la peine d'amende de 8 000 euros ainsi qu'au paiement du droit fixe de procédure.

Le 23 janvier 2006, les agents de la direction départementale de l'Ain de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, se sont présentés au siège social de la SARL Y, qui a pour activité la vente de produits de consommation par Internet sur le site [yyy] et dont le gérant est X.

Leur intervention avait pour but de vérifier les offres de vente, diffusées par Internet avec une réduction de prix, que ce soient les ventes en soldes ou les autres ventes d'articles non soldés, dites ventes " normales ".

Les fonctionnaires, en présence d'un représentant de la société Y, accédaient, à partir d'un poste informatique, au site Internet de la société, dans les mêmes conditions d'accès et d'utilisation qu'un consommateur.

L'examen de l'une des pages d'entrée, " home électroménager ", révélait :

16 onglets permettant d'accéder à 16 différentes rubriques dont une " soldes "

la mention " soldes jusqu'à - 70 % de réduction ".

A l'examen de la " boutique soldes ", il était relevé que :

9 rubriques " soldes " étaient proposées à la clientèle correspondant à 9 catégories d'articles,

figurait sur cette page la mention " soldes jusqu'à - 70 % de réduction ".

Les neuf catégories d'article concernaient l'informatique, l'image et le son, la téléphonie et GPS, le prêt-à-porter, l'intérieur et la décoration, l'électroménager, les sports et le fitness, la photo et la vidéo et les jeux et jouets.

Sur la première page de chaque rubrique, figuraient :

à gauche, la mention " soldes jusqu'à - 70 % de réduction "

au centre, sous forme de titre, la mention " soldes jusqu'à - 70 % de réduction sur des centaines d'articles de la boutique soldes " ;

Par ailleurs, l'examen des 9 rubriques de la boutique " soldes " démontrait que :

le 23 janvier 2006, jour de l'intervention, un seul article était soldé avec un pourcentage de réduction de - 70 % ; il s'agissait d'un moule à mini-four présenté dans la rubrique " intérieur et décoration " soldé au prix de 1,65 euros au lieu de 5,50 euros.

284 articles étaient proposés à la vente en soldes dans les différentes rubriques de " la boutique soldes ".

S'agissant du seul article soldé, l'inventaire de cet article au 23 janvier 2006 révélait qu'au 23 janvier 2006, la société Y disposait d'un stock de 101 articles.

Invité à s'expliquer, X a indiqué aux contrôleurs de la DGCCRF :

" En la matière, nous avons pris en considération le nombre d'articles et non pas le nombre de références. Sur la base du document qui vous a été remis le 23 janvier 2006, vous pouvez constater que la référence soldée à 70 % était en stock à hauteur de 101 articles (le 23 janvier 2006) et de 236 articles le 11 janvier 2006, date de premier jour des soldes... "

Par ailleurs, ayant accédé, à partir du " home " (page d'ouverture) aux ventes " normales ", c'est-à-dire hors soldes, les fonctionnaires de la DGCCRF ont pu constater que certains articles étaient proposés à la vente avec :

d'une part, le prix de vente,

d'autre part, à côté du prix de vente, un autre prix, supérieur, porté en plus petits caractères et barré,

de sorte que ces articles étaient, en fait, proposés à la vente " normale et habituelle " avec une annonce de réduction de prix.

Il était demandé à X, en application de l'article L. 121-2 du Code de la consommation, de justifier des prix barrés, sur une liste de 60 articles.

X indiquait qu'il s'agissait " des prix généralement pratiqués par la concurrence et qui permettaient de donner une notion de l'intérêt de l'offre afin de guider le client ".

Il était alors demandé à la société Y d'imprimer l'historique de prix de cinq articles choisis sur la liste des 60 articles, ce qui donnait les résultats suivants :

Pour la clé-USB montre réf. 163560 proposée à la vente le 24 janvier 2006 avec la mention " 35,90 euro 45,00 euro "

vendue du 1/12/05 au 26/12/2005 à 39,50 euros

du 27/12/05 au 31/12/05 à 35,90 euros

du 31/1/06 au 6/2/06 à 34,90 euros

de sorte que le prix de 45,00 barré n'a jamais été pratiqué par la société Y.

Pour le fax Brother T1835C réf. 301343 proposé à la vente le 24 janvier 2006 avec la mention " 89,90 euro 119 euro "

vendu le 25/10/2005 à 109 euro

du 5/12/2005 au 27/12/2005 à 79,90 euro

le 28/12/2005 à 75,71 euro

de sorte que le prix de 119 euro barré n'a jamais été pratiqué par la société Y.

Pour l'aspirateur Siemens VS01G600 réf. 427403 proposé à la vente le 24 janvier 2006 avec la mention " 69,00 euro 79,00 euro "

vendu entre le 10/10/2005 et le 23/10/2005 à des prix divers, en l'occurrence 64,50 euro, 57,60 euro, 60,00 euro et 58,80 euro,

entre le 23/12/2005 et le 27/12/2005 à 60,00 euro,

entre le 10/1/2006 et le 30/1/2006 à 69,00 euro,

de sorte que le prix de 79,90 euro barré n'a jamais été pratiqué par la société Y.

Pour le réfrigérateur Smeg Fab 30R5 réf. 425031 proposé à la vente le 24 janvier 2006 avec la mention " 1 107,90 euro 1 849,90 euro "

vendu le 23/11/2005 à 1 063,58 euro

entre le 20/12/2005 et le 6/1/2006 à 1 107,90 euro

de sorte que le prix de 1 849,90 euro barré n'a jamais été pratiqué par la société Y.

Pour la Centrale vapeur Astoria RC080A9 réf. 411153 proposée à la vente le 24 janvier 2006 avec la mention " 141,50 euro 199,99 euro "

- vendue le 2/11/2005 à 143,90 euro

depuis le 16/11/2005 à 141,50 euro

de sorte que le prix de 199,99 euro barré n'a jamais été pratiqué par la société Y.

L'historique des prix de vente de 5 produits confirmait donc les propos de X, à savoir que, dans le cadre des " ventes normales et habituelles ", les prix barrés, dits prix de référence dans le cadre d'une annonce de réduction de prix, n'ont jamais été pratiqués au sein de l'entreprise Y.

De ce fait, les annonces de réduction de prix mises en avant, pour les ventes " normales et habituelles " étaient fausses, ne répondaient pas aux obligations édictées par l'arrêté ministériel n° 77-105/P du 2 septembre 1977, relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur et qui en substance, interdit toute publicité.

X a été cité par le Ministère public à comparaître devant le Tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse sous la prévention d'avoir à Montluel (Ain) et sur le territoire national, entre le 23 janvier et le 10 février 2006, étant gérant de la SARL Y, effectué une publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire une erreur portant sur le prix, les conditions de vente et de biens ou services, la portée des engagements pris par l'annonceur, en l'espèce en annonçant des soldes jusqu'à 70 % de réduction sur des centaines d'articles alors que seule une référence d'article, en l'espèce un moule à mini-four, bénéficiait d'une réduction de prix de 70 % et en annonçant des réductions de prix par rapport à des prix de référence jamais pratiqués par la SARL Y,

infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation,

Par jugement contradictoire à signifier à l'égard du prévenu en date du 14 novembre 2007, le Tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse l'a déclaré coupable des faits reprochés et l'a condamné à 8 000 euros d'amende.

Par déclaration au greffe du Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 21 novembre 2007, le conseil de X a relevé appel de ce jugement, le Ministère public interjetant appel le même jour et selon les mêmes modalités.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En la forme

Attendu que les appels de X et du Ministère public sont recevables et réguliers en la forme, pour avoir été interjetés dans les délais légaux et selon les modalités présentes ;

Attendu que X, régulièrement cité, a comparu à l'audience, assisté de son avocat ; qu'il sera, dès lors, statué par arrêt contradictoire à son égard.

Sur le fond

Attendu que le Ministère public requiert la confirmation du jugement déféré sur la décision de culpabilité et s'en rapporte sur le montant de l'amende devant être infligé au prévenu ;

Attendu que le conseil de X sollicite la bienveillance de la cour, en indiquant qu'il venait d'être désigné comme gérant de la société Y, qu'il a mis fin rapidement à la publicité mensongère après le contrôle des fonctionnaires de la DGCCRF, qu'il ne dispose actuellement d'aucun revenu,

Attendu que le prévenu, à l'audience de la cour, ne conteste pas la matérialité des constatations opérées par les enquêteurs de la DGCCRF, ni sa culpabilité en sa qualité de gérant de la SARL Y,

Attendu que les mentions " soldes jusqu'à - 70 % de réduction " et surtout " soldes jusqu'à - 70 % de réduction sur des centaines d'articles de la boutique soldes " portées entête de 9 " boutiques soldes " amènent à penser au consommateur moyen, moyennement averti, informé et intelligent, que la société Y propose à la vente, dans sa " boutique soldes " des centaines d'articles avec un pourcentage de réduction de prix de - 70 % ; qu'ainsi, en insérant ces deux types de mention à l'écran, la société Y s'est engagée et obligée à proposer à la vente en soldes des centaines d'articles bénéficiant d'une réduction de prix de 70 %,

Attendu qu'en fait, tel n'était pas le cas puisque sur 284 références d'articles proposées le 23 janvier 2006 à la vente en soldes dans les 9 " boutiques soldes ", seule une référence d'article, en l'occurrence un moule à mini-four présenté dans la rubrique " intérieur et décoration " était soldé avec une réduction du prix de 70 %, c'est-à-dire au prix de 1,65 euro au lieu de 5,50 euro,

Attendu que de ce fait les mentions " soldes jusqu'à - 70 % de réduction " et surtout " soldes jusqu'à - 70 % de réduction sur des centaines d'articles de la boutique soldes " sont fausses ou à le moins de nature à induire en erreur, et à ce titre, tombent sous le coup des dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation,

Attendu, par ailleurs, qu'en matière d'annonce de réduction de prix, l'arrêté ministériel du 2 septembre 1977 dispose en son article 2, que " Toute publicité à l'égard du consommateur comportant une annonce de réduction de prix doit, lorsqu'elle est faite hors des lieux de vente, préciser l'importance de la réduction soit en valeur absolue, soit en pourcentage par rapport au prix de référence défini à l'article 3 " ;

Attendu que, selon l'article 3 du même arrêté, " Le prix de référence visé par le présent arrêté ne peut excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué par l'annonceur pour un article ou une prestation similaire, dans le même établissement de vente au détail, au cours des trente derniers jours précédant le début de la publicité ".

Attendu que le prévenu a reconnu explicitement que les prix barrés n'ont jamais été pratiqués par la société Y ; que les historiques de prix de cinq articles choisis parmi la liste de 60 articles transmises par courrier du 5 février 2006 à X confirment que les prix de référence, barrés, n'ont jamais été pratiqués au sein de l'entreprise Y ; que de ce fait, les annonces de réduction de prix mises en avant, pour les ventes " normales et habituelles ", par la juxtaposition du prix de vente effectif et d'un prix de vente barré, plus élevé, non pratiqué précédemment par la société Y, ne répondaient pas aux obligations édictées par l'arrêté ministériel susvisé et étaient de ce fait, fausses.

Attendu que X, en sa qualité, de gérant de la SARL Y se devait de vérifier que les publicités qu'il envisageait de réaliser au sein de la société Y qu'il dirige, étaient conformes aux dispositions légales et réglementaires applicables en la matière, qu'en tout état de cause, il appartient à l'annonceur de vérifier la conformité de sa publicité avec ce qui est effectivement réalisé,

Attendu que c'est donc, à bon droit, que le tribunal l'a déclaré coupable de l'infraction reprochée,

Attendu, sur la peine, que X justifie de ses difficultés financières actuelles liées au fait que l'entreprise qu'il dirige se trouve placée sous sauvegarde de justice et à l'importance de ses contributions aux charges familiales suite à une procédure de divorce ; qu'au vu de ces éléments, la cour estime plus équitable de ramener l'amende à 4 000 euros.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité de X, Le réforme sur la peine, et statuant à nouveau, Condamne X à une amende de 4 000 euros ; Dit que X sera tenu au paiement du droit fixe de procédure, Dit que dans la mesure de la présence effective du condamné au prononcé de la décision, le président l'a avisé de ce que, s'il s'acquitte du montant de l'amende et du droit fixe de procédure dans un délai d'un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euros, ce paiement ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours.