Cass. crim., 15 avril 2008, n° 07-86.775
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Farge (conseiller le plus ancien faisant fonction)
Rapporteur :
M. Chaumont
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X, contre l'arrêt n° 430 de la Cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 21 mai 2007, qui, pour infractions à la réglementation sur la publicité des prix, l'a condamné à soixante-dix-sept amendes de 50 euros et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 551, 565, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation ;
"aux motifs qu'à la lecture du mandement de citation, il apparaît effectivement que celui-ci mentionne une publicité de prix relative à respectivement 24, 26 et 27 (soit au total 77) articles indisponibles et que force est de constater que lesdits produits n'y sont pas expressément identifiés ; qu'en l'espèce, il y a lieu de relever que la citation délivrée le 31 mars 2005, à la personne même de X et que celui-ci a donc disposé d'un très large délai pour prendre connaissance de la procédure de manière détaillée et préparer utilement sa défense pour l'audience du 1er décembre 2005 ; qu'en tout état de cause, X ne démontrant pas que les irrégularités relevées lui aient causé un quelconque grief, la nullité de l'exploit de citation ne saurait être prononcée, conformément aux dispositions de l'article 802 du Code de procédure pénale ;
"alors que, d'une part, la personne poursuivie doit être informée de manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre elle dans des conditions lui permettant l'exercice plein et entier des droits de la défense ; que la cour d'appel, qui reconnaît que les 77 articles dont il était prétendu qu'ils étaient indisponibles à la vente n'étaient pas " expressément identifiés " dans la citation à laquelle n'était pas annexé le procès-verbal des agents de la DGCCRF, mais qui rejette l'exception de nullité aux motifs inopérants que X avait pu avoir accès à la procédure, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, violant les articles visés au moyen ;
"alors que, d'autre part, le demandeur faisait valoir que l'imprécision de la citation ne lui permettait pas de connaître précisément ceux des articles dont l'indisponibilité lui était reprochée de sorte que la cour d'appel, qui retient qu'il ne démontrait pas que les irrégularités dénoncées lui aient causé un grief, a violé les articles visés au moyen" ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité prise de l'imprécision de la citation, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que la citation litigieuse, qui n'avait pas à mentionner chacun des articles indisponibles à la vente, énonce, conformément aux prescriptions de l'article 551 du Code de procédure pénale, les faits poursuivis ainsi que les textes de loi qui les répriment et informe suffisamment le prévenu des contraventions reprochées ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, L. 113-3 et R. 113-1 du Code de la consommation, 5 de l'arrêté ministériel du 2 septembre 1977, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X coupable de la contravention de publicité de prix sur des articles indisponibles et l'a condamné pénalement et civilement ;
"aux motifs qu'" il résulte des éléments de la procédure que X est lié à la société Y par contrat de travail du 19 décembre 1996, modifié par avenant du 27 mars 2000 aux termes duquel il exerce les fonctions de responsable-actions ; qu'il ressort de ses propres écritures que sa mission consiste à acheter les produits "non food" au niveau national et à les répartir ensuite entre les différentes plates-formes régionales ; que, pour s'exonérer de sa responsabilité pénale, X invoque la délégation de pouvoirs consentie au directeur régional, auquel, selon lui, incombe la répartition du stock entre les différents établissements Y ; que, force est de constater qu'aucune délégation de pouvoirs ou même de contrat de travail comportant une telle délégation à un directeur régional de la société Y n'est versée aux débats ; qu'en tout état de cause, il y a lieu de relever que, lors de son audition, Z, l'un des six co-gérants de la société en nom collectif Y a, pour exonérer la responsabilité pénale des chefs de l'entreprise, formellement désigné X en sa qualité de responsable-actions, titulaire d'une délégation de pouvoirs insérée dans son contrat de travail, et qu'il peut donc en être légitimement déduit qu'aux yeux de la direction de la société, X était bel et bien considéré comme le pénalement responsable au regard des termes de la prévention ; qu'au vu de l'ensemble de ces considérations, il apparaît que c'est à juste titre que les poursuites sont dirigées contre X qui doit, de par ses fonctions et la délégation de pouvoirs contenue dans son contrat de travail, être considéré comme pénalement responsable des faits visés à la prévention " ;
"alors que, d'une part, le dirigeant peut s'exonérer de sa responsabilité pénale en déléguant tout ou partie de ses pouvoirs à un ou plusieurs délégataires ; qu'en ce cas, la responsabilité de ces derniers n'est engagée que dans la limite des pouvoirs et compétences que la délégation leur confère ; qu'en l'espèce, le demandeur faisait valoir qu'en vertu de son contrat de travail, il lui incombait exclusivement de superviser les achats au niveau national et de les répartir par plates-formes régionales, la répartition entre chaque établissement relevant exclusivement de la responsabilité du directeur régional, à l'égard duquel X n'avait ni pouvoir ni autorité ; qu'il s'ensuit qu'indépendamment du point de savoir si le directeur régional en charge des magasins dans lesquels avaient été constatées les infractions disposait ou non, en l'espèce, d'une délégation de pouvoirs, X ne pouvait personnellement répondre de la commission de celle-ci, dès lors que le contrôle de la disponibilité, dans chaque magasin, des produits offerts à la vente ne relevait pas de ses attributions ; que la cour d'appel, qui retient X dans les liens de la prévention au motif inopérant qu'il ne produisait aucune délégation de pouvoirs, sans répondre au moyen péremptoire du demandeur qui faisait valoir que ni son contrat de travail ni la délégation dont il disposait, ne lui donnait compétence pour s'assurer de la disponibilité des produits dans les magasins où les infractions avaient été constatées, a méconnu les textes visés au moyen ;
"alors que, d'autre part, pour être régulière, la délégation de pouvoirs implique que le délégataire soit pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ; qu'en constatant que X avait pour mission d'acheter des produits non alimentaires au niveau national et de les répartir ensuite entre les différentes plates-formes régionales, la cour d'appel, qui s'abstient de rechercher si X, compte tenu des missions qui lui avaient été confiées, disposait de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires à la répartition des produits litigieux entre les différents établissements, indépendamment de la régularité des pouvoirs dont disposait les directeurs régionaux, investis par les dirigeants de la société d'une délégation de pouvoirs, n'a pas légalement justifié sa décision, violant les articles visés au moyen" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 113-3 et R. 113-1 du Code de la consommation, 5 de l'arrêté ministériel du 2 septembre 1977, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X coupable de la contravention de publicité sur les prix d'articles indisponibles et l'a condamné pénalement et civilement ;
"aux motifs qu'aux termes des dispositions de l'alinéa 1er de l'article 5 de l'arrêté n° 77-105/P du 2 septembre 1977 aucune publicité de prix ou de réduction de prix à l'égard du consommateur ne peut être effectuée sur des articles qui ne sont pas disponibles à la vente ou des services qui ne peuvent être fournis pendant la période à laquelle se rapporte cette publicité ; que l'alinéa 2 de ce même article précise quant à lui que "toutefois dans le cas des ventes en solde, des liquidations, des ventes au déballage visées par la loi du 30 décembre 1996 modifiée, la période visée à l'alinéa précédent s'achève avec l'épuisement du stock déclaré" ; qu'il ressort de ces dispositions que, pour les ventes autres que celles visées à l'alinéa 2, le produit visé par la publicité doit être disponible à la vente pendant toute la période à laquelle se rapporte la publicité, soit, en l'espèce, pendant toute la journée concernée par le dépliant publicitaire diffusé par la société Y ; que cette exigence suppose que l'offreur ait prévenu un stock suffisant pour être en mesure de répondre à la demande pendant toute ladite période, en l'espèce une seule journée et partant, que s'il effectue une publicité importante pour ce produit, il doit a fortiori ajuster son approvisionnement en conséquence ; qu'en l'espèce, il ressort notamment du PV du 28 juin 2004, établi par la DGCCRF de Franche-Comté, que les articles sus-détaillés dans le tableau reproduit dans le jugement étaient indisponibles à la vente au cours des journées concernées par les publicités correspondantes, soit parce que ces articles n'avaient pas été reçus par les magasins, soit ceux-ci étaient en rupture de stock ; qu'il apparaît donc établi que Y n'a pas été en mesure, au cours de toute la journée promotionnelle visée dans la publicité, de mettre à la disposition des consommateurs les articles concernés, ni de donner, à bref délai, satisfaction aux clients intéressés ;
"alors que la contravention de publicité de prix portant sur des articles indisponibles suppose que les produits litigieux ne se trouvent pas disponibles en stock en quantités suffisantes, soit dans les entrepôts de l'enseigne qui les commercialise, soit auprès de son fournisseur ; que X faisait valoir qu'à la suite de la publicité nationale portant sur les articles litigieux, une partie seulement des stocks avait été vendue, ce dont il résultait que les articles étaient effectivement disponibles en stock au niveau national ; que la cour d'appel, qui se borne à constater une indisponibilité des articles litigieux dans les magasins de Besançon, quand la disponibilité de marchandises devait être appréciée au niveau national, à l'échelon duquel la campagne promotionnelle avait été lancée, a violé les articles visés au moyen" ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments les infractions dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ; d'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3 et 132-7 du Code pénal, L. 113-3 et R. 113-1 du Code de la consommation, 5 de l'arrêté ministériel du 2 septembre 1977, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné X à soixante-dix-sept amendes de 50 euros chacune ;
"alors que l'amende contraventionnelle prévue par l'article R. 113-1 du Code de la consommation qui réprime les infractions à l'article 5 de l'arrêté ministériel du 2 septembre 1977 peut être prononcée autant de fois qu'il existe d'articles indisponibles ; qu'en condamnant X à soixante-dix-sept amendes correspondant au nombre d'articles indisponibles multiplié par les magasins dans lesquels les produits ont été constatés comme indisponibles, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen" ;
Attendu que la cour d'appel a prononcé à bon droit autant de peines d'amende que de contraventions établies, dès lors que, s'agissant d'un commerce à établissements multiples, la publicité sur le prix d'articles indisponibles à la vente constitue une faute pénale distincte à chaque fois qu'un des établissements ne dispose pas d'un des articles pendant la période concernée ; d'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 113-3, L. 421-1, R. 113-1 et R. 411-2 du Code de la consommation, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la constitution de partie civile de l'Association générale des familles du Bas-Rhin recevable et régulière et a condamné X à lui verser la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts ;
"aux motifs qu'aux termes des dispositions de l'article L. 421-1 du Code de la consommation : "les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs" ; qu'en l'espèce, il ressort des statuts de l'AGF du Bas-Rhin que cette association a notamment pour but d'étudier, de promouvoir et de défendre les intérêts moraux et matériels de la famille ; que son rapport d'activité témoigne de ce qu'elle œuvre concrètement à la protection des consommateurs ; qu'elle assure ainsi notamment une représentation aux commissions nationale et départementale de la consommation ; que par ailleurs, il résulte des pièces régulièrement versées aux débats que l'AGF du Bas-Rhin a obtenu, par arrêté préfectoral daté du 18 avril 2005, pour une durée renouvelable de cinq ans à compter de la publication dudit arrêté, le renouvellement de son agrément pour exercer les droits reconnus aux associations agréées de consommateurs par le Code de consommation ; qu'il convient en conséquence de déclarer recevable et régulière la constitution de partie civile de l'AGF du Bas-Rhin ; que les infractions visées à la prévention, dont a été reconnu coupable X constituent une atteinte certaine à l'intérêt collectif des consommateurs, que représente la partie civile, qui est bien fondée à en réclamer réparation ;
"alors que, l'action civile d'une association de consommateurs en réparation d'un préjudice collectif n'est recevable que pour les infractions commises à l'intérieur du périmètre géographique pour lequel elle a reçu l'agrément qui l'autorise à agir en justice ; qu'en l'espèce, la cour relève que l'Association générale des familles du Bas-Rhin a été agréée par arrêté préfectoral dudit département ; qu'en déclarant régulière et recevable sa constitution de partie civile du chef d'infractions constatées à Besançon par la DGCCRF de Franche-Comté soit en dehors des limites géographiques de son agrément, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen" ;
Attendu que, faute d'avoir été proposé devant les juges du fond, le moyen, mélangé de fait, est à nouveau et, comme tel, irrecevable ;
Mais sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 591, 800-1, R. 93 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné X aux frais de justice visés par l'article R. 93 du Code de procédure pénale ;
"alors qu'aux termes de l'article 800-1 du Code de procédure pénale, les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l'Etat, de sorte que la cour d'appel, qui condamne X aux frais de justice visés par l'article R. 93 du Code de procédure pénale, a violé les articles visés au moyen" ;
Vu l'article 800-1 du Code de procédure pénale ; - Attendu que, selon ce texte, les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l'Etat et sans recours envers les condamnés ;
Attendu que l'arrêt, après avoir déclaré X coupable, l'a condamné au paiement des frais de justice visés par l'article R. 93 du Code de procédure pénale;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé; d'où il suit que la cassation est encourue;
Par ces motifs : casse et annule, par voie de retranchement, en ses seules dispositions concernant la condamnation aux frais de justice, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Colmar, en date du 21 mai 2007, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Dit n'y avoir lieu à renvoi.