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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. B, 28 mai 2009, n° 07-01961

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Epson France (SA)

Défendeur :

Alpha Stock (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Litique

Conseillers :

Mme Mazarin-Georgin, M. Allard

Avocats :

Mes Spieser, Berthault, Roussel, Gsell

TGIACC Colmar, du 15 mars 2007

15 mars 2007

Selon assignation du 18 juin 2004, la société Epson France, reprochant à la société Crab Chemical de diffuser des publicités trompeuses et comparatives illicites sur son site internet, constitutives de concurrence déloyale, pour promouvoir des kits de remplissage des cartouches d'encre utilisées sur les imprimantes de marque Epson et de commettre des actes de parasitisme en commercialisant ces kits, a, au visa des articles L. 121-1 du Code de la consommation, L. 121-8 et suivants de ce même Code et 1382 du Code civil, attrait la société Crab Chemical devant le Tribunal de grande instance de Colmar pour obtenir la cessation de toute commercialisation des kits litigieux avec leurs emballages et modes d'emploi actuels, l'arrêt de la publicité litigieuse ainsi que le paiement d'une indemnité de 100 000 euro.

La société Alpha Stock, précédemment dénommée Crab Chemical, s'est opposée à cette demande en faisant notamment valoir que les allégations contenues dans ses publicités étaient vérifiées et qu'elle ne tirait aucun profit de l'image ou de la réputation de la demanderesse.

Par jugement du 15 mars 2007, le Tribunal de grande instance de Colmar a :

- débouté la société Epson France de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Epson France au paiement d'une somme de 3 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné la société Epson France aux dépens y compris les frais d'expertise.

Les premiers juges ont principalement retenu :

- que la preuve de la véracité des allégations contenues dans les publicités pouvait être faite par tout moyen, notamment par des tests effectués par des laboratoires indépendants, des enquêtes et des témoignages de satisfaction de la clientèle ;

- que les témoignages produits par la société Alpha Stock attestaient de la satisfaction de sa clientèle quant à la qualité de l'impression ;

- qu'en dépit des conclusions négatives de M. Bonnaure, expert judiciaire commis par le juge des référés, la société Alpha Stock démontrait que les kits permettaient aux utilisateurs de faire des économies, que leur utilisation était simple et qu'elle n'altérait pas la qualité d'impression ;

- que les emballages des kits ne contenaient aucune allusion comparative avec les produits de la marque Epson ;

- qu'il n'existait aucun risque de confusion entre les deux marques pour un consommateur d'attention moyenne ;

- que le consommateur, qui était devenu propriétaire des cartouches Epson achetées, était libre d'en disposer selon ses convenances ;

- que le nom de la demanderesse n'étant cité que pour indiquer à l'utilisateur que les kits étaient compatibles avec les imprimantes Epson, la société Alpha Stock ne tirait nullement profit de la réputation de la société Epson France ;

- qu'en développant un marché parallèle de réutilisation par le rechargement des cartouches vendues par la société Epson France, la société Alpha Stock n'avait pas eu un comportement parasitaire.

Par déclaration reçue le 2 mai 2007, la société Epson France a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées le 28 novembre 2008, la société Epson France demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- dire et juger la société Epson France recevable et bien fondée en ses demandes, y faisant droit ;

- dire et juger que les sites internet de la société Alpha Stock, les emballages et notices d'utilisation des kits litigieux commercialisés par cette dernière caractérisent des publicités trompeuses constitutives de concurrence déloyale à l'égard D'Epson France ;

- dire et juger que les sites internet de la société Alpha Stock, les emballages et notices d'utilisation des kits litigieux commercialisés par cette dernière caractérisent des publicités comparatives illicites constitutives de concurrence déloyale à l'égard D'Epson France ;

- dire et juger que la commercialisation par la société Alpha Stock de kits de recharge présentés comme rechargeant des cartouches d'encre Epson caractérise un acte de parasitisme économique et de concurrence déloyale ;

En conséquence,

- interdire à la société Alpha Stock d'offrir à la vente des kits de recharge pour cartouches d'encre destinées à être utilisées sur des imprimantes de marque Epson sans mention expresse et apparente dans toute publicité, y compris l'emballage et le mode d'emploi, que lesdits kits ne sont pas destinés à recharger des cartouches de marque Epson qui ne sont pas rechargeables et ce, sous astreinte de 500euro par infraction constatée dans les dix jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- ordonner à la société Alpha Stock de cesser de diffuser, dans les dix jours à compter de la signification du jugement à intervenir, une quelconque publicité relative aux kits litigieux sur quelque support que ce soit comportant des allégations, indications ou présentations faisant état de :

- la facilité d'utilisation des kits de recharge litigieux,

- d'un quelconque comparatif entre la qualité d'impression avec une cartouche d'encre rechargée grâce aux kits Crab Chemical litigieux et la qualité d'impression avec une cartouche d'origine Epson et,

- d'une quelconque économie résultant de l'utilisation des kits litigieux,

et ce, sous astreinte :

- de 500 euro par heure de retard à compter du 11ème jour à 00h00, pour toute diffusion sur internet

- de 500 euro par infraction constatée à compter du 11ème jour à 00h00, pour toute diffusion sur tout support autre qu'un site internet.

-condamner la société Alpha Stock à payer à la société Epson France la somme de 200 000euro au titre de dommages et intérêts ;

- fixer les termes d'un encart aux fins de publication judiciaire ;

- Condamner la société Alpha Stock à publier, dans le délai de sept jours suivant la notification du jugement à intervenir, sur la page d'accueil de ses sites [...], [...], [...] et [...] ledit encart sur un espace occupant la moitié de la page d'accueil et ce, pendant trois mois,

- assortir cette condamnation d'une astreinte d'un montant de 500 euro par heure de retard constatée à compter de l'expiration du délai de 7 jours, soit à compter de 00h00 le huitième jour suivant celui de la notification du jugement ;

- condamner la société Alpha Stock à supporter les coûts de la publication de la décision à intervenir dans les trois revues spécialisées au choix de la demanderesse, dans la limite de 5 000 euro HT par publication ;

- condamner la société Alpha Stock à payer à la société Epson France la somme de 30 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de son appel, elle soutient en substance :

- que les premiers juges ont renversé la charge de la preuve en retenant que la preuve du caractère mensonger de la publicité n'était pas rapportée alors qu'il leur appartenait de vérifier la véracité des allégations publicitaires ;

- que les allégations vantant la facilité d'utilisation des kits Crab Chemical, la qualité d'impression obtenue avec ces kits sont fausses et trompeuses ;

- qu'il est également faux d'affirmer que l'utilisation de ces kits permettrait de réaliser des économies substantielles et de présenter les kits litigieux comme étant destinés à recharger les cartouches Epson ;

- que les publicités de l'intimée constituent des publicités comparatives au sens de l'article L. 121-8 du Code de la consommation, qui sont illicites dès lors que la qualité d'impression n'est pas une caractéristique vérifiable et que l'utilisation du kit n'assure pas l'économie avancée ;

- que la commercialisation des kits Crab Chemical constitue un acte de parasitisme économique puisque la société Alpha Stock s'appuie sur les contenants d'un concurrent et s'approprie ainsi son travail ;

- que la publicité litigieuse, qui laisse entendre que le prix des cartouches Epson serait excessif, jette le discrédit sur l'appelante ;

- que la bonne foi alléguée par l'intimée est indifférente.

Selon conclusions récapitulatives remises le 8 janvier 2009, la société Alpha Stock rétorque :

- que le rapport d'expertise judiciaire est entaché d'erreurs d'analyse et d'estimation qui entament son sérieux et son crédit ;

- qu'il résulte de la presse spécialisée, de revues de consommateurs et des avis de clients de la concluante que ses kits sont nettement plus économiques que les cartouches de l'appelante, que la qualité d'impression des kits est aussi bonne, sinon meilleure et que le mode d'utilisation des kits est simple ;

- que les premiers juges n'ont pas renversé la charge de la preuve ;

- qu'il ne peut être reproché à la concluante ni publicité trompeuse, ni publicité comparative illicite ;

- que l'identité du fabricant d'imprimantes n'est mentionnée que pour permettre au consommateur de faire l'acquisition d'un kit adapté à son imprimante ;

- que la société Alpha Stock ne tire aucun profit de l'image ou de la réputation de la société Epson France ;

- qu'aucun acte de concurrence déloyale ne peut lui être reproché.

En conséquence, elle prie la cour de :

- rejeter l'appel principal ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Epson France de l'ensemble de ses prétentions ;

- recevoir la concluante en son appel incident ;

- condamner la société Epson France à lui verser une indemnité de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, tant pour la procédure de première instance que pour la procédure d'appel ;

- condamner la société Epson France aux dépens de première instance et d'appel, y compris l'intégralité des frais d'expertise.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 mars 2009.

Sur ce, la cour,

Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation,

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée ; qu'aucun élément du dossier ne démontrant qu'il aurait été tardivement exercé, l'appel qui a été interjeté suivant les formes légales sera déclaré recevable ;

Attendu que le kit de recharge litigieux comprend une ou trois bouteilles d'encre, selon qu'il s'agit d'un kit encre noire ou d'un kit couleur, une ou trois seringues et leurs aiguilles, un rouleau de ruban adhésif et une notice d'emploi;

Attendu que la société Alpha Stock, qui commercialise des produits consommables pour les imprimantes, tant de marque Epson que de marques concurrentes, propose à la vente ces kits sur son site internet [...] depuis une dizaine d'années ; que la société Epson France justifie que l'intimée commercialise également ces kits sur les sites [...], [...] et [...] qu'elle a plus récemment ouverts (annexes n° 21, 23, 24 et 25 de l'appelante) ;

Attendu qu'il résulte des emballages et des reproductions de certaines pages des sites internet de l'intimée que chaque kit est destiné à un modèle spécifique d'imprimante de la société Epson France ;

Attendu, notamment, que la notice d'emploi, qui constitue l'annexe n° 11 de l'appelante, mentionne : "Kit noir Stylus 600 pour les imprimantes Epson Stylus Color 400/500/600" ; que la notice d'emploi, qui constitue l'annexe n° 13 de l'appelante, mentionne : "Kit NOIR Stylus 440/640/740/C60 pour Epson Stylus Color 440/640/740/460/660/680/760/860/C60" ; que le 2 juin 2004 (annexe n° 14), la société Crab Chemical proposait sur son site [...] un "kit de recharge encre couleur pour Epson Stylus C20SX" ainsi qu'un "maxi kit de recharge encre noire pour Epson Stylus C60" ; que le 24 septembre 2007 (annexe n° 17), la société intimée promouvait toujours un "maxi kit de recharge pour cartouche d'encre noire pour Epson Stylus 640" ainsi qu'un "maxi kit de recharge pour cartouche d'encre couleur pour Epson Stylus 640" ; que la même constatation pouvait être faite le 11 octobre 2007 sur le site [...] ou le 18 août 2008 sur le site [...] ;

Attendu que l'article L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que la marque d'autrui peut être utilisée "comme référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée, à condition qu'il n'y ait pas de confusion dans leur origine" ;

Attendu qu'aucun risque de confusion quant à l'origine des kits ne peut être reproché à la société Alpha Stock qui a toujours clairement mentionné la marque "Crab Chemical" et a même toujours entendu se démarquer ostensiblement des fabricants d'imprimantes ; que la société Epson France ne dénonce d'ailleurs pas une violation de l'article susvisé par la société Alpha Stock ;

Attendu que, sauf à interdire la fourniture d'accessoires par un fabricant autre que le constructeur de l'imprimante, la commercialisation des kits de rechargement qui rendent possible la réutilisation des cartouches de la société Epson France ne peut être regardée comme un acte de parasitisme ; qu'or, ainsi que l'illustre l'article L. 713-6 précité, il est permis de fabriquer et de commercialiser des accessoires indispensables au fonctionnement d'une machine fabriquée par un tiers, compatibles avec celle-ci ; qu'à cet égard, la cour observe que la commercialisation par la société Alpha Stock de sa gamme de cartouches destinées aux imprimantes Epson ne fait l'objet d'aucune critique de la part de la société Epson France ; que la fabrication d'une cartouche adaptable suppose une appropriation du travail du fabricant de l'imprimante plus poussée que celle qu'exige la mise au point de l'encre ; qu'en effet, l'utilisation d'une cartouche suppose une totale interopérabilité, chimique mais aussi électronique et structurelle ; qu'il importe peu que l'encre fournie par la société Alpha Stock soit stockée dans un nouveau récipient vendu à cet effet, c'est-à-dire une cartouche Crab Chemical, ou dans un récipient préexistant, déjà détenu par l'utilisateur de l'imprimante, c'est-à-dire une cartouche Epson ;

Attendu qu'aucun fait de parasitisme économique ne peut être reproché à la société Alpha Stock ; qu'en tant que telle, la commercialisation de kits de recharge n'engage pas la responsabilité de celle-ci ;

Attendu que la société Epson France reproche à la société Alpha Stock de recourir ou d'avoir recouru à une publicité trompeuse au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation en faisant figurer sur son site internet et sur la documentation de ses kits de recharge les messages suivants:

- les kits de recharge Crab Chemical sont "simples d'utilisation" et "faciles d'emploi" ;

- "Crab Chemical garantit des encres et impressions de qualité au moins égale au produit d'origine" ;

- "ce kit vous permettra de faire plus de 50 % d'économies sur vos impressions";

- "Economisez sur vos cartouches d'encre - de 2 à 9 fois moins cher" :

- les cartouches Epson sont rechargeables au moyen des kits de la société Crab Chemical ;

Attendu qu'elle soutient que ces messages constituent également des publicités comparatives illicites au regard de l'article L. 121-8 du Code de la consommation ;

Attendu que la société Epson France établit :

- qu'à la date du 28 décembre 1998 (annexe n° 10), le slogan "Economisez sur vos cartouches d'encre! De 2 à 9 fois moins cher!!" figurait sur le site internet de l'intimée,

sur lequel étaient proposés des kits de recharge des cartouches de différents modèles de l'appelante ;

- que le 2 juin 2004, il pouvait être lu sur les pages du site de l'intimée consacrées aux kits litigieux :

"Crab Chemical garantit des encres et impressions de qualité au moins égale au produit d'origine.

Ce kit fonctionne avec les cartouches d'origine et les cartouches compatibles Crab Chemical.

Facile d'emploi, temps moyen constaté : moins de 18 mn."

- que ces dernières formules étaient toujours utilisées par la société Alpha Stock sur son site internet le 24 septembre 2007 pour promouvoir les 'maxi kits' déjà évoqués ;

- que la notice d'emploi d'un "kit noir Stylus 600" acquis le 12 janvier 1999 mentionnait notamment (annexe n° 11) :

"Ce kit vous permettra de faire plus de 50 % d'économies sur vos impressions."

et dans un cartouche : "Simple d'utilisation Mode d'emploi à l'intérieur" ;

- que la notice d'emploi d'un "kit noir Stylus 440" acquis le 31 mars 2004 comportait au cœur d'une pastille : "50 % minimum d'économies sur le coût des rechargeables" et dans un cartouche "Simple d'utilisation et réellement économique !" (annexe n° 13) ;

- que cette dernière notice donnait pour instruction à l'utilisateur de "repérer l'orifice de remplissage au sommet et au centre de la cartouche, y faire un trou avec l'aiguille au travers de l'étiquette (photo 1)" ;

Attendu que les affirmations relatives à la qualité et au prix des kits de recharge reposent sur des comparaisons ("de 2 à 9 fois moins cher", "de qualité au moins égale au produit d'origine", "50 % d'économies") ; qu'il ressort clairement de la référence faite au "produit d'origine" que les produits avec lesquels les kits sont comparés, sont les cartouches commercialisées par l'appelante, les références aux prix pratiqués par la société Epson France étant implicites ; que les kits de recharge et les cartouches Epson visent le même marché des utilisateurs privés de consommables pour imprimante ; que la législation relative à la publicité comparative a vocation à s'appliquer puisque les messages litigieux portent sur une comparaison entre des biens concurrents distribués par les deux parties ;

Attendu que l'assertion selon laquelle les kits de recharge sont 'simples d'utilisation' et "faciles d'emploi" ne relève pas de la publicité comparative ; qu'il appartient à la société Epson France qui dénonce le caractère trompeur de ce message d'en rapporter la preuve ;

Attendu que M. Bonnaure, expert commis le 17 novembre 2000 par le juge des référés et chargé de dire si le kit "peut être considéré comme simple d'utilisation pour un utilisateur moyen", conclut que 'l'opération n'est pas compliquée mais nécessite un minimum d'adresse' ; que la circonstance que l'expert juge l'opération "fastidieuse et salissante" ne la rend pas pour autant délicate pour un consommateur moyen, la "jeune personne" à laquelle l'expert ne confierait pas l'opération n'étant pas assimilable à ce consommateur moyen;

Attendu que le caractère mensonger de cette première assertion n'est pas démontré ;

Attendu qu'il ne saurait être reproché à la société Alpha Stock d'induire en erreur les consommateurs en présentant les kits litigieux comme étant destinés à recharger des cartouches Epson d'un type spécifié puisqu'ils ont été conçus par l'intimée à cet effet ;

Attendu, par contre, que la préconisation de la notice d'emploi, qui constitue l'annexe n° 13, relative au percement de "l'orifice de remplissage au sommet et au centre de la cartouche" d'origine Epson est discutable ; qu'en effet, cette formule donne à penser que la petite alvéole que présente la partie supérieure de la cartouche a cette fonction alors que les cartouches Epson sont au contraire destinées à être jetées et remplacées ; que l'expert judiciaire est à cet égard affirmatif puisqu'il écrit que les opérations de rechargement "ne correspondent manifestement pas à un usage normal" et en souligne les inconvénients ; que cet avis est partagé par la revue PC Direct qui note dans son édition de février 2003 : "un tel système se révèle peu adapté aux cartouches de marque Epson" (annexe n° 7 de la société Alpha Stock) ; que sur ce point, le message de la société Alpha Stock est trompeur au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation en ce qu'il laisse supposer que les cartouches Epson auraient été conçues pour être éventuellement rechargées ;

Attendu que l'expert judiciaire conclut à 'des différences significatives de qualité' entre les impressions réalisées avec des cartouches Epson et celles réalisées au moyen de cartouches rechargées au détriment de ces dernières, caractérisées par un problème de taches, des phénomènes de stries, des débordements et des bavures, 'des aplats de moins bonne qualité' ; qu'il récapitule ses constatations de la façon suivante :

"Sur tests A : (cartouches Epson uniquement)

83 % des pages imprimées se sont avérées de bonne qualité, satisfaisante pour une utilisation exigeante de type graphique ou dessin.

99 % des pages imprimées se sont avérées de bonne qualité ou moyenne, satisfaisante pour une utilisation ordinaire de type texte.

Sur tests B : (rechargements de cartouches par kits Crab Chemical)

9 % des pages imprimées se sont avérées de bonne qualité, satisfaisante pour une utilisation exigeante de type graphique ou dessin.

24 % des pages imprimées se sont avérées de bonne qualité ou moyenne, satisfaisante pour une utilisation ordinaire de type texte."

Que les conclusions de M. Bonnaure rejoignent celles du Centre technique du papier, amiablement consulté par la société Epson France, qui estimait dans un avis du 4 novembre 1998 que "les encres Crab Chemical ne permettent pas d'obtenir la même qualité qu'avec les encres Epson" ;

Attendu que la société Alpha Stock conteste cette appréciation en invoquant les tests comparatifs effectués par la revue Que Choisir, l'avis de M. Wagner, expert en informatique par elle consulté ainsi que les avis de ses consommateurs ;

Attendu que les conditions dans lesquelles a été réalisé le sondage, dont rendraient compte les graphiques qui constituent l'annexe n° 12 de l'intimée, sont inconnues ; que sa valeur est incertaine et l'opinion exacte des acheteurs de kits est en réalité inconnue ; que les résultats de ce sondage ne remettent pas en cause le travail de M. Bonnaure ;

Attendu que l'enquête UFC Que Choisir invoquée par l'intimée (annexe n° 1) ne portait pas sur les kits de recharge litigieux mais sur des cartouches compatibles, immédiatement utilisables, que la société Crab Chemical commercialisait par ailleurs ; qu'en d'autres termes, les résultats de cette enquête ne contredisent pas l'avis de l'expert judiciaire ;

Attendu que le rapport de M. Wagner en date du 31 mars 1999 n'est pas davantage de nature à emporter la conviction de la cour ; qu'en effet, ce technicien reconnaît honnêtement les limites de son travail puisqu'il considère que la "réalisation de tests de longue durée, avec plusieurs répétitions des opérations de rechargement de la même cartouche, pour contrôler la tenue dans le temps et des cartouches rechargées et des circuits d'impression des imprimantes et du rendement qualitatif et volumique des différents procédés" aurait été nécessaire "pour compléter son avis" ;

Attendu que la société Epson France démontre qu'il est abusif de prétendre que les impressions réalisées au moyen du kit de recharge sont "de qualité au moins égale au produit d'origine" ; que cette assertion constitue a fortiori une publicité comparative illicite au sens de l'article L. 121-8 1° du Code de la consommation ;

Attendu, ainsi que le souligne l'appelante, que la présence de la mention "50 % minimum d'économies sur le coût des rechargeables" sur la notice d'emploi qui assure également l'étiquetage du kit viole l'article L. 121-11 du Code de la consommation qui interdit de faire figurer des annonces comparatives telles que définies aux articles L. 121-8 et L. 121-9 sur des emballages ;

Attendu que les affirmations selon lesquelles l'usage des kits de recharge permettrait de réaliser "50 % d'économies sur les impressions" ou encore "50 % minimum d'économies sur le coût des rechargeables" ne participent pas d'une publicité comparative licite dans la mesure où la méthode de comparaison n'est ni déterminée, ni déterminable ; que si la société Alpha Stock propose dans ses écritures une analyse qui étaie ses slogans, l'expert judiciaire estime pour sa part, au terme d'une analyse chiffrée dont les résultats sont reproduits par l'appelante dans ses conclusions, que "l'utilisation des kits de rechargement Crab Chemical génère un gain économique peu significatif, allant de zéro à moins de 100 euro HT, selon les cas analysés" ; qu'en tout état de cause, le coût de l'opération de recharge d'une cartouche usagée (292,64 F / 18 pour un kit encre noire, 372,07 F / 18 pour un kit couleur en 2001, sur la base de 18 rechargements par kit) ne permet pas de définir le coût de revient des impressions dans la mesure où ce coût doit également intégrer le prix de l'encre vainement utilisée pour des impressions défectueuses, beaucoup plus nombreuses après rechargement d'une cartouche au moyen d'un kit selon les constatations de M. Bonnaure ;

Attendu que la société Epson France est fondée à obtenir la cessation sous astreinte des messages publicitaires déloyaux ;

Attendu qu'en diffusant les messages litigieux, de nature à convaincre certains acheteurs potentiels de cartouches Epson de faire l'acquisition de kits de recharge, la société Alpha Stock a commis des actes de concurrence déloyale et a inévitablement causé un trouble commercial à l'appelante ;

Attendu que la société Alpha Stock n'a pas fait la promotion de ses kits dans la presse écrite spécialisée ; que la diffusion de la publicité litigieuse est demeurée confidentielle et n'a touché que les consommateurs ayant consulté ses sites internet ; que dans ces conditions, il serait excessif d'ordonner la publication dans la presse spécialisée ; que la publication du dispositif de l'arrêt sur les sites [...], [...],[...] et [...], par le canal desquels l'intimée commercialise les kits de rechargement, contribuera à réparer l'atteinte subie par la société Epson France ;

Attendu que la société Epson France ne démontre pas que la consommation des kits de rechargement serait développée ; qu'elle ne démontre pas davantage que les messages de son adversaire sont à l'origine d'une réduction sensible de ses ventes de cartouches ; que son préjudice apparaît modéré ; que dans ces conditions, il sera évalué à 25 000 euro ;

Attendu qu'eu égard au montant excessif de l'indemnité réclamée par la société Epson France et au mode de calcul des droits et émoluments des avocats postulants en Alsace, les dépens seront partagés entre les parties ; que la société Alpha Stock versera une indemnité de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR, Déclare la société Epson France recevable en son appel ; Infirme le jugement entrepris ; Statuant à nouveau, Déclare la société Alpha Stock coupable de publicité comparative illicite et de publicité mensongère lors de la commercialisation de ses kits de rechargement pour cartouches de marque Epson ; Interdit à la société Alpha Stock d'utiliser les expressions 'Economisez sur vos cartouches d'encre! De 2 à 9 fois moins cher!!', "Crab Chemical garantit des encres et impressions de qualité au moins égale au produit d'origine", "Ce kit vous permettra de faire plus de 50 % d'économies sur vos impressions", "50 % minimum d'économies sur le coût des rechargeables", "réellement économique !" et "repérer l'orifice de remplissage au sommet et au centre de la cartouche" sur ses sites internet, ses emballages de kits de rechargement et tous autres supports publicitaires, dans les dix jours de la signification de l'arrêt, sous peine d'une astreinte de 200 euro par infraction constatée ; Ordonne à la société Alpha Stock de publier le dispositif du présent arrêt sur la page d'accueil de ses sites [...], [...],[...] et [...] pendant une durée de trois mois, dans les dix jours de la signification de l'arrêt, sous une astreinte de 200 euro par jour de retard ; Condamne la société Alpha Stock à payer à la société Epson France une somme de vingt cinq mille euro (25 000 euro) à titre de dommages et intérêts ; Déboute la société Epson France de ses prétentions plus amples ; Déboute la société Alpha Stock de l'ensemble de ses prétentions ; Condamne la société Alpha Stock à payer à la société Epson France une somme de cinq mille euro (5 000 euro) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Fait masse des dépens de première instance et d'appel et condamne chaque partie à en supporter la moitié.