Cass. crim., 24 mars 2009, n° 08-86.534
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Farge (faisant fonction)
Rapporteur :
Mme Agostini
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X contre l'arrêt n° 726 de la Cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 4 juillet 2008, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamnée à 70 000 euro d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 111-4 et 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motivation et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la société X coupable du délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur ;
"aux motifs qu'il s'avère des constatations faites par les agents de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dans son procès-verbal clos le 29 mars 2004, que les faits reprochés à la prévenue loin d'être purement occasionnels procèdent d'une volonté délibérée, dans le cadre d'une stratégie commerciale destinée à capter la clientèle la plus large possible en lui proposant à un prix très attractif un produit indisponible ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a retenu que les faits, objet de la poursuite, caractérisent le délit visé à la prévention ; que c'est à bon droit que le premier juge a retenu que la responsabilité des personnes morales peut être engagée pour le délit visé à la prévention depuis la loi 2001-504 du 12 juin 2001, article 3-II, repris par l'article L. 121-6, alinéa 3, du Code de la consommation ; qu'en outre, il importe peu que l'infraction ne puisse être imputée à un représentant déterminé de la SNC X, dès lors qu'il est établi qu'elle a été commise dans tous ses éléments matériels par l'un ou plusieurs d'entre eux " ;
"1°) alors qu'en énonçant, pour tout motif, qu'il s'avère des constatations des agents de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, que l'indisponibilité constatée par eux procédait d'une volonté délibérée de tromper les consommateurs, sans procéder, par elle-même, à une appréciation de la cause permettant de caractériser les éléments constitutif du délit, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut flagrant de motivation ;
"2°) alors que, subsidiairement, il ressort du procès-verbal établi par la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, que le magasin X de Saint-Berthevin a proposé le 27 novembre 2003 à la vente trente-cinq fours micro-ondes ayant fait l'objet de la publicité litigieuse et que seuls onze consommateurs n'ont pu acquérir ce produit en raison de l'épuisement des stocks intervenu ce jour, quand plusieurs clients ont été vus dès l'ouverture du magasin acheter ce produit en quantités anormales dans le but manifeste de procéder illégalement à leur revente ; qu'en considérant qu'il s'avère des constatations faites par la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, que l'indisponibilité constatée par eux procédait d'une volonté délibérée de tromper les consommateurs, sans même rechercher, comme l'y invitait la demanderesse, si le stock de fours micro-ondes avait été prévu en quantité normale eu égard à la demande qui était raisonnablement prévisible pour la journée de promotion litigieuse, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément moral du délit, privant ainsi sa décision de base légale ; qu'il en est d'autant plus ainsi qu'en l'espèce, les produits étaient offerts en promotion sur une seule journée, soit la durée la plus limitée qu'il est possible de prévoir, de sorte que les consommateurs étaient parfaitement conscients du risque plus ou moins rapide d'épuisement des produits offerts en promotion" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'en novembre 2003, la société X a diffusé plus de cinq millions de tracts publicitaires annonçant la vente promotionnelle de fours "micro-ondes" au prix de 49 euro ; que le magasin X de Saint-Berthevin, qui ne disposait que de trente-cinq fours, n'a pas été en mesure de satisfaire onze de ses clients et ce, rapidement après son ouverture ; que la société X a été citée à comparaître du chef de publicité de nature à induire en erreur ;
Attendu que, pour entrer en voie de condamnation, l'arrêt confirmatif attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 593 du Code de procédure pénale, L. 121-6, L. 121-7 et L. 213-1 du Code de la consommation, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré la société X coupable du délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, l'a condamnée à 70 000 euro d'amende et à une mesure de publication ;
"aux motifs que, sur la peine, eu égard à la gravité de l'infraction qui participe très largement du caractère organisé et délibéré des faits reprochés et des distorsions de concurrence qu'ils ont générés le montant de l'amende prononcé par le premier juge est adapté au délit qu'il sanctionne, qu'il convient de maintenir en conséquence à 70 000 euro ; qu'il échet, en outre, d'ordonner la publication du dispositif du présent arrêt aux frais de la SNC X dans Les Dernières Nouvelles d'Alsace et le quotidien Le Monde ; que la partie civile n'a pas relevé appel du jugement entrepris, qu'il convient donc de le confirmer en ses dispositions civiles et d'octroyer 1 000 euro à l'association Que Choisir au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; que la SNC X ne discute pas le montant de la réparation qui lui a été allouée ;
"alors que les articles L. 121-6, alinéa 1er, et L. 213-1 du Code de la consommation fixent à 37 500 euro le maximum de l'amende prononcée en cas d'infraction aux dispositions de l'article L. 121-1 du même Code, ce maximum pouvant être porté, en application de l'article L. 121-6, alinéa 2, à 50 % des dépenses de la publicité constituant le délit ; qu'en prononçant une amende supérieure au maximum de 37 500 euro, sans préciser si ce maximum pouvait être porté à 50 % des dépenses de la publicité constituant le délit, la Cour d'appel de Colmar n'a pas justifié sa décision" ;
Attendu qu'en condamnant la prévenue à un amende de 70 000 euro, la cour d'appel a statué conformément aux dispositions de l'article L. 121-6 du Code de la consommation dans sa version applicable à l'époque des faits comme dans sa version issue de la loi du 3 janvier 2008, ainsi que de l'article 131-38, alinéa 1er, du Code pénal aux termes duquel le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.